L’Eucharistie chez Marcel
L’Eucharistie chez Marcel [1]

Explicitement, la présence de l’Eucharistie est discrète dans la philosophie de Gabriel Marcel. Mais implicitement, elle est omniprésente, comme l’exemplaire même de la présence. En effet, dans Position et approches concrètes du mystère ontologique, qui est son discours de la méthode, Marcel avoue :

 

« On me dira : en réalité, tout ce que vous dites implique une référence – inavouée, informulée, d’ailleurs – aux données chrétiennes et ne s’éclaire positivement qu’à leur lueur. C’est ainsi que nous comprenons ce que vous entendez par présence lorsque nous évoquons l’Eucharistie, par fidélité créatrice lorsque nous pensons à l’Église [2] ».

 

En particulier, c’est la présence eucharistique qui permet de penser le problème si central pour Marcel de la présence-absence de la survie.

Précisons. Chez Marcel, la présence est une notion centrale qui elle-même s’élaire à une autre notion centrale, la fidélité, la fidélité créatrice qui est la « présence activement perpétuée [3] ». Prenons le cas de la relation des morts et des vivants. En effet, le souvenir est constamment menacée de se dégrader en effigie, voire en regret (dans la quête orphique) ; grâce à la fidélité, le souvenir est actualisé comme une présence. Plus encore, par cette attitude, la personne fidèle se rend perméable et peut entrer dans un « échange mystérieux » avec la personne aimée. Comment ne pas voir une analogie avec l’Eucharistie qui est aussi communion avec l’invisible ?

Est-ce à dire que Marcel confond raison et foi, nature et grâce ? Nullement. Il répond :

 

« L’existence du donné chrétien comme celle de la science positive ne joue ici qu’un rôle de principe fécondant. Elle favorise en nous l’éclosion de certaines pensées auxquelles en fait nous n’aurions peut-être pas accès sans elle. Cette fécondation peut s’accomplir dans ce que j’appellerait des zones péri-chrétiennes, et j’en trouve personnellement la preuve dans ce fait qu’elle s’est produite chez moi-même près de vingt ans avant que j’eusse l’idée même la plus lointaine de me convertir au catholicisme [4] ».

Pascal Ide

[1] Cf. Xavier Tilliette, Eucharistie et philosophie, Paris, Institut catholique de Paris, 1983, p. 166-170.

[2] Présence et immortalité, p. 298.

[3] Présence et immortalité, p. 288.

[4] Présence et immortalité, p. 299-300.

23.6.2023
 

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