Les 4 sens de la nature Chapitre 14 Annexe 28 et 29 : Droits de la nature et apocalypse

Annexe 28. Des droits de la nature ?

Aujourd’hui, se multiplient les propositions d’une extension de la notion de droits à la nature [1]. Et certaines s’actualisent dans les législations nationales.

Sans entrer dans le détail du débat [2], nous dirons que, si l’intention est louable (préserver l’environnement, plus, inciter l’homme à le protéger), l’institutionnalisation nécessaire (la seule compassion et le seul engagement des particuliers ne sauraient suffire sur le long terme), le moyen est erroné en ses principes et peu efficace en son application.

D’abord, cette promotion des droits de la nature se fonde sur un refus d’une vision hiérarchique du cosmos (que l’on accuse d’être la source de toutes les violences), que cette vision soit d’origine biblique (l’homme seul à l’image de Dieu) ou moderne (le dualisme cartésien du corps-étendu et de l’esprit-pensée). Or, tout au contraire, nous avons vu que la vision hiérarchique pouvait se combiner avec une vision systémique, ainsi que le propose l’encyclique Laudato sì. Plus encore, c’est parce que l’homme est un être d’intelligence, de liberté et d’amour, qu’il est pleinement capable de prendre soin de la nature vulnérable. Qui a jamais vu dans ces capacités des parents, lorsqu’elles sont bien orientées, une menace pour le petit enfant ? D’ailleurs, dans la Bible, la supériorité de Dieu à l’égard de toute la création, loin de se traduire par la violence, conduit au contraire à la bienveillance (p. xxx) ; or, justement, l’homme est créé à sa ressemblance (Gn 1,26-28).

Ensuite, nous sommes toujours en train de payer les conséquences du silence imposé à la nature depuis l’avènement de ce que Rémi Brague appelle justement Le règne de l’homme [3], au seuil de la modernité. Si la beauté, l’intelligibilité du végétal, de l’animal, étaient lisibles par la raison, il n’y aurait pas besoin d’imposer à la liberté leur soin et leur respect. Or, la contrainte imposée à la seule liberté est bien moins efficace que la lumière proposée à l’intelligence : tous les parents le savent ; trop de politiques l’ignorent. D’ailleurs, cette proposition me semble typique de l’inflation de l’éthique du devoir relevée ci-dessus (p. xxx). On l’observe dans d’autres domaines : la multiplication des droits accordées aux minorités, la pénalisation maximale, etc. Or, le devoir ou la loi pèsent d’autant plus que le bien ou la valeur paraissent inconsistants, donc inefficaces.

Annexe 29. L’argument de l’Apocalypse

Le Doomsday Argument, traduit par « argument de l’Apocalypse » a été simplifié et systématisé par le philosophe et logicien canadien Philippe Gagnon de la manière suivante [4] :

Le nombre d’habitants de la Terre appartenant à notre espèce depuis son origine jusqu’à aujourd’hui est d’environ 100 milliards.

Pour estimer où on en est, l’on prend 2 fois ce premier chiffre, donc 200 milliards.

Or, la population de la terre, si elle se stabilise à 10 milliards, avec un taux de reproduction de 2 % par an, 200 millions de personnes naîtront chaque année.

Or, 200 milliards divisé par 200 millions, donne : 1000, soit la durée d’un millénaire.

Pour que le résultat soit certain à 95 %, il faut prendre 100 000 000 000 x 20 = 2 000 000 000 000

Divisant ce résultat par 200 millions, nous obtenons donc 10 000 ans d’existence à notre espèce, sous une probabilité de 95 % ! Donc, les hommes vivront selon toute probabilité encore une myriade d’années au maximum.

Pascal Ide

[1] Sur les droits des entités naturelles, l’un des tout premiers articles est celui du juriste américain : Stone, « Should trees have standling », Southern California Law Review, 45 (1972), p. 450-501.

[2] Pour un premier état des lieux, cf., par exemple,

[3] Cf. Rémi Brague, dans Le règne de l’homme, notamment chap. 6, 8, 10, 12, 15.

[4] Je le remercie vivement de sa traduction.

12.1.2021
 

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