Un nouveau Big Bang. L’Immaculée Conception

Benoît XVI compare audacieusement la Résurrection à une explosion nucléaire. Ne pourrait-on dire que l’Annonciation est un nouveau Big Bang ? Ce passage de l’Évangile que nous entendons en la fête de l’Immaculée Conception – cet autre commencement « absolu » – entre en résonance avec la genèse de l’univers. Comment ne pas noter le parallèle entre la création du monde et sa recréation en Marie ?

En effet, le premier jour, « l’Esprit-souffle de Dieu plane au-dessus des eaux » (Gn 1,2). Or, l’eau est la créature matérielle la plus docile qui soit ; on pourrait la caractériser par la profondeur de sa réception. Dans la lucidité de sa contemplation, le Cantique des créatures du Poverello relève qu’elle est humble, chaste, obéissante – autant de vertus de la réceptivité. Et les neuves études aujourd’hui faites sur l’eau confirment abondamment cette observation sapientielle. Or, dans cet épisode tout aussi inaugural de l’Annonciation, Marie n’est que docilité promptement obéissance : elle se présente elle-même comme « servante du Seigneur » (Lc 1,38), en fait, littéralement « esclave du Seigneur » : c’est le même substantif que celui utilisé par saint Paul dans l’hymne aux Philippiens où il est dit que, en s’incarnant, « le Christ Jésus […] prend la condition d’esclave » Ph 2,7). Or, le serviteur ou plutôt l’esclave est celui qui n’a pas d’autre volonté que celle de son maître : l’Apôtre exhorte à être « comme des esclaves du Christ qui accomplissent la volonté de Dieu de tout leur cœur » (Ép 6,6). Donc, selon une analogie qui est beaucoup plus qu’une métaphore même vive, l’eau est dans l’ordre des corps ce que Marie est dans l’ordre de la charité.

Or, qui n’a observé les jeux de l’eau et du vent, chantés par Claudel ? Qui ne s’est émerveillé de ce que l’onde se creuse à la moindre caresse d’un doux zéphyr et porte son message à l’extrêmité de l’océan ? De même, l’Immaculée obombrée par le Très-Haut tressaille sous l’action de l’Esprit vivifiant dont, « comblée-de-grâce », elle est remplie depuis sa conception et à qui, depuis, elle n’a jamais opposé de résistance contristante et qui, se communiquant de son cœur à sa chair, vient la rendre féconde. En une parole inspirée de nombreux Pères, le dernier Concile affirme de Marie qu’elle est façonnée [quasi a Spiritu Sancto plasmatam] et formée [formatam] comme une nouvelle créature par l’Esprit-Saint [1] », qu’elle est « enveloppée par l’Esprit Saint [Spiritu Sancto obumbrata : littéralement prise sous son ombre, obombrée], comme une Nouvelle Ève [2] ». Donc, Marie est à l’Esprit ce que les eaux primordiales sont au Souffle-Esprit qui les enveloppe, les pénètre et les façonne.

Quel sera le fruit intime de cette rencontre vivifiante ? Le livre de la Genèse retentit de la première parole émerveillée du Très-Haut : « Que la lumière soit ! » Et Jésus, qui est « la lumière du monde » (Jn 8,12), est le fruit des épousailles mystiques entre Marie et l’Esprit. « Toi, tu seras appelée ‘Ma Préférence’, cette terre se nommera ‘L’Épousée’ » (Is 62,4).

En cette solennité de l’Immaculée Conception, nous célébrons la nouvelle aurore du monde sauvé, encore plus secrète, plus puissante et plus belle que la genèse du monde créé. Cette loi divine du surcroît, nous l’entendrons aussi dans la liturgie de ce jour : « là où le péché s’est multiplié, la grâce a surabondé » (Rm 5,20). Quelle sera la fécondité de celui qui, à la suite de l’Immaculée, se laissera ainsi modelé par l’Esprit ! « Celui-ci est fils de Dieu qui est conduit par l’Esprit de Dieu » (Rm 8,14).

Pascal Ide

[1] Lumen gentium, n. 56. Et le texte renvoie en notes à un certain nombre de références patristiques.

[2] Ibid., n. 63.

8.12.2022
 

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