Typologie ou histoire ?

On oppose souvent l’exégèse patristique à l’exégèse historico-critique comme la typologie à l’histoire pour valoriser la seconde au détriment de la première qui est anhistorique. Un exemple parmi beaucoup : « Quand les Pères de l’Église recourent à la typologie – écrit le liturge Pierre-Marie Gy –, ils ne font pas de l’histoire et ils ne recherchent pas dans l’Ancien Testament les origines des réalités chrétiennes : ils croient que les réalités sont annoncées d’avance dans l’Ancien Testament [1] ». En réalité, il serait plus juste de les opposer comme deux lectures différentes de l’histoire. En effet, le lecteur patristique de l’Ancien Testament fait de l’histoire, mais avec une finalité et des moyens différents. En l’occurrence, si on prend le cas des Constitutions Apostoliques, celles-ci relisent « l’Ancien Testament comme récit des origines selon un modèle liturgico-doxologique ». Plus généralement, une telle histoire souligne la continuité entre les origines et nous-mêmes ; elle respecte l’unité du récit. Le but est de « montrer la proximité, le contact entre nous et nos origines ». Plus précisément encore, la conversion au Christ devient la première finalité de la lecture vétérotestamentaire, puisque le Christ est le sens de tout : « tout le processus de l’intelligence spirituelle – explique Henri de Lubac – est identique, en son principe, au processus de la conversion […]. La Parole de Dieu […] n’obtient son accomplissement réel et sa pleine signification que par la transformation qu’elle opère en celui qui le reçoit [2] ». Le moyen est le jeu des correspondances entre les figures visibles et leur accomplissement. Un tel concept peine davantage à accepter l’innovation et « convient à une culture où le soi ‘n’a pas encore été inventé’ ».

En regard, la lecture historico-critique de l’Ancien Testament ne fait pas qu’analyser et multiplier les points de vue, donc fragmenter l’unité du récit, elle est discontinuiste, accentue les ruptures entre les origines et l’actualité. « L’histoire des origines doit montrer la distance entre nous et nos origines pour nous détromper sur la nécessité des institutions protectrices de valeurs qui viendraient d’antan ». La fonction première, ici, n’est plus de rassurer ou d’assurer, mais de critiquer. « Pour la conception moderne de l’histoire, la qualité du passé se constitue, de manière essentielle, à partir d’une rupture entre le passé et nous [3] ».

Pascal Ide

[1] La Maison-Dieu, n° 138 (1979), p. 119.

[2] « ‘Sens spirituel’ », Recherches de sciences religieuses, 36 (1949), p. 557.

[3] Joseph G. Mueller, L’Ancien Testament dans l’ecclésiologie des Pères. Une lecture des Constitutions Apostoliques, coll. « Instrumenta Patristica et Mediaevalia » n° 41, Turnhout, Brepols, 2004, p. 561-563.

8.11.2024
 

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