L’identification du prêtre au Christ chez sainte Faustine

Pour la mystique polonaise sainte Faustine Kowalska, le prêtre s’identifie à Jésus.

1) Exposé

a) Identification quant au munus sanctificandi

Cette transparence qui est une quasi identification se vérifie du sacrement de la réconciliation [1]. Ainsi, une fois, ayant reçu de Dieu l’objet de sa méditation, à savoir le prophète Jonas, le prêtre lui parle aussi de ce prophète pendant la confession. « Après la confession, je me demandais comment le confesseur savait que Dieu m’avait fait méditer sur Jonas ; je ne lui avais pas parlé de cela. Soudain, j’entendis ces paroles : ‘Quand le prêtre Me remplace, ce n’est pas lui qui agit, mais Moi par lui. Ses souhaits sont les Miens’. Je vois comment Jésus défend ses remplaçants. Il se place Lui-même dans leurs actions ». La leçon est d’autant plus éloquente que, en méditant sur le prophète Jonas, Sœur Faustine comprend « que Dieu peut tout, que Sa Toute-Puissance se manifestera d’autant mieux que l’outil sera inexistant » et donc se trouve éclairé sur un point de sa vie semblable au prophète : « moi aussi, je donne souvent un refus à Dieu, pensant que quelqu’un d’autre remplirait mieux Sa Sainte Volonté ». Ainsi tout tourne autour de la transparence de l’instrument, sans, toutefois, que soit honorée la différence entre trois cas : la transparence propre au prêtre (liée à son caractère sacerdotal) et celle propre au laïc, prophète vivant de son charisme de prophétie ou saint vivant habituellement des dons du Saint-Esprit. Il demeure que le thème général du n. 330 est le directeur spirituel : notamment « quand je vois comment Dieu s’incline devant les désirs de mon directeur ».

Une autre fois, le Père Andrasz vient la confesser. Au moment où il donne l’absolution, « tout à coup une grande lumière se mit à rayonner de sa personne. Et je m’aperçus que ce n’était pas le Père Andrasz, mais Jésus. Ses vêtements étaient blancs comme la neige et Il disparut aussitôt. Au premier instant j’étais un peu inquiète, mais ensuite une sorte de paix entra dans mon âme. Je remarquai que Jésus confessait de la même manière que les confesseurs. Cependant mon cœur, pendant cette confession, était étrangement pénétré. Au premier moment je ne pouvais pas comprendre ce que cela voulait dire [2]». Relevons deux faits : Jésus apparaît lors de l’absolution qui est l’acte le plus central du sacrement, le plus christique ; l’identification, mais avec une profondeur plus grande (son cœur « était étrangement pénétré »).

Cette transparence concerne aussi le sacrement de l’Eucharistie, ainsi que d’autres exemples l’accréditeront, plus loin. Voici un exemple : « Alors que mon confesseur disait la Sainte Messe, je vis, comme toujours, l’Enfant Jésus sur l’autel, à partir de l’Offertoire. Puis, un moment avant l’élévation, le prêtre disparut à mes yeux et seul Jésus resta [3]».

b) Identification quant au munus docendi et regendi

De manière plus générale, cette identification vaut même pour les paroles du prêtre, s’étend à son munus docendi voire regendi : « Notre Seigneur Jésus prend vivement la défense de Ses représentants sur terre. Il est si fort en communion d’esprit avec eux qu’Il m’ordonne de préférer leur avis au Sien. J’ai compris combien l’intimité entre Jésus et le prêtre est grande. Ce que le prêtre dit, Jésus en prend la défense. Et souvent Il se conforme à ses désirs. Plus d’une fois Il fait dépendre de son avis, Ses rapports avec une âme. J’ai été initiée à tout ceci par une grâce particulière. Et je sais jusqu’à quel point Vous partagez avec eux pouvoir et mystère, ô Jésus, plus que Vous ne le faites avec les Anges. Je me réjouis de tout cela, car c’est pour mon bien [4]».

Cette diaphanéité se vérifie particulièrement du directeur de conscience. À Sœur Faustine disant à Jésus qu’elle s’était aperçue qu’il s’occupait « en quelque sorte » moins d’elle, Jésus répond : « Oui, mon enfant, Je me fais remplacer par ton Directeur de conscience. Il s’occupe de toi selon Ma volonté. Respecte chacune de ses paroles comme Mes propres paroles. Il est pour Moi ce voile sous lequel Je me cache. Ton Directeur de conscience et Moi ne faisons qu’un. Ses paroles sont les Miennes [5]».

Ces paroles éclairent l’extension de cette transparence qui vaut pour les paroles du Directeur, pour toutes ses paroles ; la médiation privilégiée est la parole. Mais elle parle aussi de la nature de cette instrumentalisation du directeur. En utilisant la métaphore du « voile » et du secret (« sous lequel Je me cache »), comment ne pas songer à l’Eucharistie où Jésus est voilée sous les saintes espèces ? Ainsi la direction spirituelle présente une structure analogiquement eucharistique et donc analogiquement sacramentelle.

2) Objection et réponse

Ne doit-on pas interpréter cette vision dans la lignée du réalisme sacramentel caractéristique des visions de Sœur Faustine ? « Mon confesseur était en train de célébrer la Sainte Messe. J’aperçus l’Enfant Jésus sur l’autel. Il tendait tendrement et joyeusement Ses petites mains vers lui. Alors, ce prêtre prit ce bel Enfant, Le cassa et Le mangea tout vivant. Au premier instant, je pris ce prêtre en aversion pour avoir agi de la sorte envers Jésus. Mais je fus aussitôt éclairée et je compris que ce prêtre était très agréable à Dieu [6]». Non seulement, la sainte voit Jésus pendant la messe [7], mais celle-ci lui apparaît comme un sacrifice où Jésus est immolé de manière sanglante. Se trouvent ainsi attestées non seulement la sainte présence mais la nature sacrificielle de la messe, c’est-à-dire le renouvellement du sacrifice de la Croix : le 2 février 1937, « pendant la Sainte Messe, je pensais voir le Petit Jésus comme je Le vois souvent. Cependant aujourd’hui j’ai vu Jésus crucifié pendant la Sainte Messe. Jésus était cloué à la Croix et dans de grands supplices [8]». L’on notera d’ailleurs que la rupture sanglante du corps de Jésus est toujours contemporaine de la fraction du pain avant la communion. Outre les exemples précédemment cités, lors de la messe du 15 août 1936 célébrée par le père Andrasz, sœur Faustine voit l’Enfant Jésus (avec la Vierge) ; puis, « après un instant, le Père cassa ce ravissant Enfant et il en sortit du sang vivant. Le Père se pencha et reçut en lui ce Jésus vivant et véritable. Est-ce qu’il L’a mangé ? Je ne sais comment cela se passe. Jésus, Jésus, je ne peux pas Vous suivre car en un moment Vous me devenez incompréhensible [9]».

Ce réalisme, enfin, s’étend à la communion eucharistique : « Après la Sainte Communion, j’ai vu ce même Jésus dans mon cœur, et pendant toute la journée je Le sentais physiquement vraiment dans mon cœur [10] ».

Et si, au contraire, il s’agissait de la même logique qui permet de passer du signum (le sacramentum tantum) à la res (en l’occurrence, pour l’Eucharistie, la res et sacramentum) ? Une manière de nous signifier combien le sacrement dit et donne la réalité même du Christ, en son immolation aimante.

3) Conclusion

Si le prêtre est identifié à Jésus, on peut dire de lui ce que Léon le Grand disait du chrétien, c’est-à-dire du baptisé : « Quelle est grande la dignité du prêtre, mais comme sa responsabilité est grande aussi ! On vous a beaucoup donné, ô prêtres, mais on exigera aussi beaucoup de vous [11] ».

Pascal Ide

[1] Sainte Faustine Kowalska, La miséricorde de Dieu dans mon âme. Petit Journal de Sœur Faustine, trad. [anonyme], Marquain [Belgique] et Baisieux [France], Éd. Jules Hovine, 1985, n° 330, p. 153-154.

[2] Ibid., n° 816, p. 298.

[3] Ibid., n° 441, p. 192.

[4] Ibid., n° 1239, p. 409-410.

[5] Ibid., n° 1307, p. 428-429.

[6] Ibid., n° 312, p. 148. Cf. Ibid., n° 433, p. 189 : « Je vois souvent l’Enfant Jésus pendant la Sainte Messe. Il est extrêmement beau et paraît avoir à peu près un an ». Une fois, sœur Faustine Le voit s’approcher d’elle, appuyer « Ses deux petites Mains sur mon épaule, gracieux et joyeux, le regard profond et pénétrant. Cependant, quand le prêtre rompit l’Hostie, Jésus revint sur l’autel et Il fut rompu et consommé par ce prêtre ».

[7] « Au commencement de la Sainte Messe, comme d’habitude j’ai vu Jésus » (Ibid., n° 467, p. 199).

[8] Ibid., n° 912, p. 326.

[9] Ibid., n° 676, p. 263.

[10] Ibid., n° 433, p. 189.

[11] Ibid., n° 939, p. 334.

18.2.2021
 

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