Les quatre étapes de la vertu de courage. La pédagogie de Dieu dans l’Ancien Testament

Le jésuite belge Jean Radermakers, spécialiste de théologie biblique récemment décédé, montre de manière suggestive la progressive humanisation de la violence qui se dessine dans les différents livres de l’Ancien Testament. Il vaut la peine de le citer avec générosité.

La violence s’exerce par rapport à la possession d’un bien que l’on ne possède pas et que l’on veut conquérir : en l’occurrence, pour le peuple de l’Alliance, la Terre promise. Or, « la Terre promise reste promise. Elle est à chercher dès à présent dans le cœur de chacun. Elle est symbole d’un bien spirituel : Israël a à se recevoir comme don de Dieu ». Mais cette « prise de conscience se fait par étapes ». En l’occurrence quatre :

 

« D’abord, il s’agit de saisie violente : on s’empare du don de Dieu (Jéricho, Aï, Gabaon…) ».

« Plus tard, à l’époque de David, mais déjà à celle des Juges, l’art de la guerre ne se pratiquera plus seulement par le combat, mais encore par d’autres stratégies, non-violentes : la ruse, l’esquive, la diplomatie ».

« Peu à peu, on se rend compte que la victoire ne consiste pas tellement à détruire ses ennemis qu’à se vaincre soi-même : il faut marcher alors qu’on est poursuivi, ne pas craindre alors qu’on est affronté à l’ennemi, mettre les pieds dans l’eau alors que le Jourdain coule à pleins bords ».

Enfin, au 2e siècle avant Jésus-Christ, à « l’époque des Maccabées, la fidélité à Dieu comporte l’accueil du martyre, où l’acte de foi engage la totalité de l’homme, comme corps et âme ».

 

Au total, le sens (qui est présent dès le point de départ) est le suivant : « Il y a donc un risque dans l’accueil du don : faire l’acte de confiance de risquer sa propre vie. […] Pour la réflexion biblique, la guerre est avant tout un combat spirituel : il est nécessaire de conquérir le don de Dieu ». Pourquoi ? « Parce que l’objet promis est plus qu’un simple don : l’homme n’est pas passif dans la relation d’Alliance que Dieu noue avec lui [1] ».

 

Or, le courage est la vertu qui domestique notre agressivité en la mettant au service du bien authentique et en la mesurant. Elle chemine entre les deux extrêmes que sont la violence (excès d’agressivité) et la mollesse ou lâcheté (défaut d’agressivité).

Conformément à ce que disait une précédente notice sur le site (« La première hérésie chrétienne »), l’Ancien Testament nous est donc très précieux, car il constitue une pédagogie, il ménage les pas successifs pour atteindre notre but : l’union à Dieu qui est identiquement notre bonheur et l’accomplissement de notre être. Et ce chemin est celui de la croissance graduelle dans la vertu. Ces étapes concrétisent donc la loi de gradualité dont parle saint Jean-Paul II dans son exhortation apostolique Familiaris Consortio (§ 34).

Ce que nous avons vu pour la vertu de courage pourrait se décliner pour les six autres vertus (cardinales et théologales), voire pour toutes vertus (comme l’humilité, l’amitié, etc.).

Pascal Ide

[1] Jean Radermackers, Dieu fait histoire avec l’homme. De Josué aux martyrs d’Israël, Bruxelles, Institut d’Études Théologiques, 1986, p. 26 et 27.

22.3.2024
 

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