Cours de Psychologie Chapitre 4 Sigmund Freud et la psychanalyse. 4/6

D) Les dernières années (1923-1939)

1) L’évolution externe ou les différentes écoles

Nous avons vu les oppositions que Freud déclencha autour de lui, voire qu’il suscita. Mais, aussi féroces et plus révélatrices, sont les tensions au sein des écoles psychanalytiques. Non seulement elles apparurent après la mort du maître, mais les tensions, voire les guerres intestines se déclarèrent de son vivant, voire précocement, dès la fin de la première Guerre.

a) La place du féminin et surtout de la sexualité féminine

Le plus évident et le plus profond est peut-être le dark continent : la femme. Le mot est de Freud même : « La vie sexuelle de la femme adulte est bien encore pour la psychologie un dark continent [1] ». Mais il fait allusion à un best-seller du journaliste britannique Stanley, explorateur du Congo à la fin du xixe siècle [2]. Elle est au fond de la querelle peut-être la plus révélatrice, celle opposant Freud et Jung. On la retrouve dans les postures de Ferenczi et Rank. D’abord, ceux-ci cherchent à expliquer l’origine des névroses (et d’ailleurs des psychoses) pas seulement en relation avec le meurtre du père, mais aussi en relation avec la mère.

C’était aussi prendre davantage en compte la relation avec la mère : la nostalgie du sein maternel, voire des profondeurs océaniques de l’état fœtal. C’est ce que fit Sandor Ferenczi [3]. Surtout, Freud soutenait que la libido était d’essence masculine et ignorait la sexualité féminine. Selon son expérience, la fille organise sa sexualité autour du manque de pénis et donc l’envie d’être un garçon. Melanie Klein et ses disciples ne manquèrent pas de s’opposer en observant, par exemple, que la petite fille sait qu’elle possède un vagin, en a l’expérience anatomique ; or, le vagin ne se réduit pas à une absence de pénis.

Ainsi se dessina une ligne de fracture entre deux écoles, l’une dite viennoise, soutenant la thèse freudienne, et représentée par certaines femmes comme Anna Freud, Marie Bonaparte, Helene Deutsch [4] ou Jeanne Lampl-De Groot, et l’autre dite anglaise, critiquant le phallocentrisme freudien, et représentée par exemple par Melanie Klein et Josephine Müller.

L’opposition entre les deux écoles se cristallisa lors du congrès d’Innsbruck, en septembre 1927, dans une guerre sans merci entre Anna d’un côté et Melanie de l’autre. Derrière, il y avait le débat entre Jones, le disciple anglais, et Ferenczi, le disciple hongrois de Freud, jugé paranoïde (alors que, de fait, il était persécuté !). Politique et tactique, Jones souhaitait dissoudre le Comité du Verein pour que les congrès se déroulent désormais en Angleterre. Freud, lui, préféra se retirer du mouvement.

Tout ne se ramène néanmoins pas à un débat de personnes et de cultures. Derrière celui-ci se trouve des questions digne d’intérêt : pour Freud, la féminité est une construction, d’où l’idée que la femme est un homme manqué ; pour Melanie Klein, la féminité est une donnée première, au fond naturaliste, d’où l’idée que l’on naît femme.

b) La psychanalyse des enfants

La position de Freud était claire : s’il fallait parler de traitement psychique des enfants, celui-ci ne pouvait se faire que par la médiation de l’autorité parentale. En effet, la cure suppose un moi suffisamment constituée ; or, celui de l’enfant est fragile. De plus, Freud était imprégné d’un modèle idéal de la famille nucléaire : éducation idéale, maternité heureuse, paternité accomplie. Lisons-le :

 

« Nous posons comme préalable que l’enfant est un être pulsionnel, avec un moi fragile et un surmoi tout juste en voie de formation. Chez l’adulte, nous travaillons avec l’aide d’un moi raffermi. Ce n’est donc pas être infidèle à l’analyse que de prendre en compte dans notre technique la spécificité de l’enfant chez lequel, dans l’analyse, le moi doit être soutenu contre un ça pulsionnel omniprésent. […] Jusqu’à présent, ma seule constatation, c’est qu’une analyse sans visée éducative ne fait qu’aggraver l’état des enfants et a des effets particulièrement pernicieux chez les enfants abandonnés, asociaux [5] ».

 

Or, Anna Freud se singularisa en étendant la psychanalyse aux enfants [6]. Melanie Klein a poursuivi du côté diagnostique en approfondissant l’univers préœdipien : l’enfant se souvenant de l’intérieur du corps de la mère, il était habité par la crypte maternelle, une avidité vorace, une angoisse tumultueuse, etc. Elle proposa aussi une application originale de la cure psychanalytique aux enfants : sans renoncer au divan, elle proposa un décor approprié composé de meubles simples et robustes, une boîte de jeux avec un matériel lui permettant d’exprimer ce qu’il ressentait. Alix Strachey, Ernest Jones et bientôt les psychanalystes britanniques, furent tellement conquis qu’ils la chargèrent d’analyser les enfants.

L’histoire et l’expérience donnèrent raison aux théories kleiniennes. La psychanalyse des enfants se développa, par exemple avec Donald Winnicot. Certains, tout en accordant une grande importance à cette période de la vie, ont réagi vivement comme John Bowlby dont nous verrons plus loin la théorie de l’attachement.

c) La professionnalisation

Le problème ici posé est celui de la formation des psychanalystes. D’un côté, la psychanalyse est une discipline originale, sans équivalent, donc sans diplôme universitaire et Freud n’acceptait comme analyste que ceux qui avaient été en quelque sorte « initiés », hors cadre universitaire : Freud refusait un enseignement officiel de la psychanalyse à l’Université. De l’autre, il a toujours existé des charlatans, part maudite de la médecine, correspondant autant à l’irrationnel qu’à l’exclu, c’est-à-dire à l’autre de la science officielle qui s’égale à la rationalité. De fait, historiquement, le monde universitaire considérait les psychanalystes comme des charlatans.

La question s’est aussi concrétisée autour d’un autre dilemme : la psychanalyse pouvait-elle être exercée par un non-médecin, ce que l’on appelait Laienanalyse ou « analyse profane » ? [7] Le problème était concret : Theodor Reik, en février 1925, se vit interdire la pratique de la psychanalyse, son unique source de revenu, parce qu’il n’était pas médecin [8] (nous avons vu dans l’introduction que Freud l’a défendu) ; les femmes psychanalystes, beaucoup moins diplômées que les hommes, seraient donc aussi exclues de la pratique. Si la question était (et, pour moi, est) réelle, les psychanalystes non-médecins devinrent, de fait, des boucs émissaires.

Les relations avec Tandler n’ayant servi à rien, Freud prit officiellement position sur la question dans un livre original qui, pour une fois, ne manquait pas d’humour. Le titre était : La question de l’analyse profane ; et le sous-titre : Propos échangés avec un interlocuteur impartial [9].

En fait, se faisaient jour trois tendances dans le mouvement psychanalytique international :

  1. le refus de l’analyse profane : soutenu par la presque totalité des sociétés psychanalytiques nord-américaines qui, sur un autre front, combattait les sectes, les guérisseurs de tous bords ;
  2. l’acceptation de l’analyse profane hors toute réglementation, notamment universitaire : défendue par Freud, Ferenczi et l’Europe germanophone (Ran ; Anna Freud, etc.) ;
  3. l’acceptation conditionnelle de l’analyse profane, c’est-à-dire son encadrement par une réglementation : soutenue par Ernest Jones et l’école anglaise, mais aussi des femmes de premier plan, Joan Riviere, Melanie Klein, Alix Strachey.

Les arguments sont connus. Pour la régulation médicale : la régulation et la garantie institutionnelle ; la prise en charge des psychotiques ; l’aide apportée par les médicaments ; etc. Contre la régulation médicale : l’inféodation de la psychanalyse à la psychiatrie et à la médecine en général ; l’irréductibilité de la psychanalyse à l’égard de tout savoir déjà constitué, médical ou psychologique ; etc.

Comment le conflit a-t-il pris fin ? En mai 1927, Reik bénéficia d’un non-lieu. Toutefois, Reik, persécuté et ridiculisé, quitta Vienne et s’installa à Berlin où il participait à l’essor réussi de la psychanalyse. Aujourd’hui, les législations des différents pays demandent aux psychanalystes une formation diplômante reconnue : sur ce point, Freud a perdu la bataille. Mais cette formation est le plus souvent psychologique, et la psychologie est très imprégnée de psychanalyse : sur ce point, Freud a gagné…

d) L’importance accordée à la clinique

Nous l’avons vu et le reverrons, l’œuvre freudienne comporte comme deux versants, ensoleillé et ombré. Le premier correspond à son aspect rationnel, scientifique, médical, clinique, le second à son aspect irrationnel, romantique, sa fascination pour l’occulte. Cette répartition est aussi culturelle. Si les Allemands (mais aussi les Français) s’intéressent autant aux deux versants, le monde anglophone, britannique et nord-américain, est beaucoup plus attiré par la nouveauté clinique de la psychanalyse. Melanie Klein caractérise bien cet intérêt pour la clinique, même si elle propose une interprétation beaucoup plus sombre de la psychanalyse.

1’) Brève vie de Melanie Klein [10]

Sans entrer dans le détail, elle est passée sur les divans de Ferenczi puis d’Abraham. Elle eut trois enfants, et la troisième, Melitta, qu’elle associa très tôt à sa passion pour la psychanalyse, deviendra sa pire ennemie, selon un processus de retournement auquel Freud nous a habitué, mais qui prend ici une intensité dramatique singulière… Quoi qu’il en soit, ses conclusions sont d’abord tirées de l’analyse au plus près de ses enfants. Elle divorce de son premier mari, épouse à Vienne, Walter Schmideberg, qui est un psychanalyste alcoolique et homosexuel…

2’) Doctrine de Melanie Klein

D’un mot, alors que Freud voyait dans l’enfant un « pervers narcissique », un être narcissique et sauvage, Melanie radicalise cette vue, cela au nom de sa pratique clinique : l’enfant est habité par un monde intérieur de fantasmes les plus terrifiants (dévoration, destruction) produisant les sentiments les plus intenses et extrêmes (angoisse, haine), voire la folie… Concrètement, le petit garçon est un cannibale sadique qui ne rêve que de copuler avec sa mère (Klein pense que le petit garçon de trois ans a connaissance du vagin de sa mère, ce que Freud déniait…) [11].

e) Conclusion

Une lecture peut y voir des tensions entre personnalités, fortes et conflictuelles ; ou entre cultures, continentales et américaines, voire anglaises. Mais cette lecture, pour être vraie, demeure partielle et seulement extérieure. Réinterprétées dans le cadre d’une conception uniciste (mais analogique) de la vérité, les clivages et les conflits me paraissent révélateurs de tous les impensés de la théorie freudienne, donc de ses rejets inconscients. Les lignes de fracture traversent autant de tensions entre des vérités partielles qu’il s’agit de réconcilier.

2) Un nouvel élargissement de la psychanalyse

a) À la religion

L’attitude de Freud à l’égard de la religion est au fond, là encore, ambivalente. D’un côté, lui, le mécréant, il est l’un des pires ennemis de celle-ci qu’il assimile à une illusion et une névrose, précisément une névrose obsessionnelle [12]. De l’autre, il s’est toujours passionné pour elle – à l’instar de tant de chercheurs et philosophes athées du xixe et du xxe siècles, comme Charcot.

1’) Réinterprétation de la possession

C’est ainsi que Freud s’est d’abord intéressé aux phénomènes de possession. Il étudia le cas d’un peintre bavarois, Christoph Haitzmann. Celui-ci fit un pacte démoniaque en 1669 ; huit ans après, il fut pris de convulsions ; il fut délivré et guéri par un exorcisme ; il entra alors au couvent sous le nom de frère Chrysostome. Freud montra d’abord que le peintre présentait toujours des symptômes après avoir bu, donc qu’il n’était pas guéri. Ensuite, il proposa son interprétation dans la ligne de psychanalyse : le diable est le substitut d’un père lubrique et la religion la traduction d’une névrose d’origine infantile ; si l’on ajoute que la sorcière n’est rien d’autre, elle aussi, qu’une femme hystérique et lubrique, nous sommes en présence de l’interprétation freudienne du fait religieux, dont on sait le succès… [13]

2’) Critique de la religion comme telle : L’avenir d’une illusion [14]

Dans un opuscule publié en 1927, Freud s’attaque non plus à un phénomène particulier, mais à la religion comme telle. Il reprend la thèse de son identification avec la névrose infantile. Par exemple, et cette interprétation est tellement connue qu’elle montre une nouvelle fois combien la psychanalyse a imprégné notre culture, le dogme de la toute-puissance de Dieu n’est rien d’autre que la projection mégalomane du père sans faille dû à l’imaginaire. Or, l’avènement de la rationalité et de la science dénonçait les illusions. De plus, Freud faisait de la religion une institution maintenant l’humanité sous la contrainte. Or, l’évolution de l’humanité faisait passer celle-ci de la contrainte à la liberté. Pour toutes ces raisons, Freud estimait que les idées religieuses devaient se dissoudre.

Ce faisant, notamment dans la dernière partie du livre, Freud prenait à partie son disciple et ami, le pasteur zurichois Oskar Pfister, avec qui il entretenait une correspondance depuis sa première visite en 1909 [15]. Il lui répliqua l’année suivante, en 1928, ainsi que nous le dirons. Protestant libre (à l’égard de la religion, mais aussi à l’égard de Freud), Pfister écrit un essai cinglant qui, heureusement, parut dans la revue fondée par Freud même : « L’illusion d’un avenir » [16]. L’inversion du titre prédisait l’inversion du contenu. Selon lui, loin d’être névrotique, la véritable foi est une protection contre la névrose ; la posture même de Freud est donc une illusion.

3’) L’origine de la religion : L’homme Moïse et la religion monothéiste

Je renvoie à la longue étude faite en 1990 à l’IET qui se trouve partiellement en annexe, pour relever seulement quelques points.

a’) Sources

L’une des sources est Thomas Mann. Comme le romancier et essayiste allemand, Freud a mobilisé l’égyptologie pour relire l’histoire biblique et l’évolution particulière d’un de ses héros, fruits d’une double identité, juive et égyptienne, pour le premier, Joseph [17], pour le second, Moïse.

Par ailleurs, la bibliothèque de Freud comportait beaucoup de livres sur l’égyptologie et l’exégèse biblique.

Observons enfin que la thèse (mythique) de l’égyptianité de Moïse remonte à la fin du xviie siècle [18].

b’) Thèse

Freud a commencé à y travailler dès l’été 1934 où déjà il affirme sa thèse : « Moïse n’était pas juif, mais un Égyptien distingué » et « ardent partisan de la croyance monothéiste [19] ». Et il publia les deux premiers essais en janvier et août 1937, le troisième en 1939, les trois étant regroupés en un unique ouvrage.

D’un mot, Freud désacralise la religion monothéiste, ici le judéo-christianisme, en faisant de l’histoire de son fondateur, Moïse, un roman familial gouverné par la loi des substitutions et habité par des héros névrosés. Précisément, il affirmait l’existence de deux Moïse, le Madianite et l’Égyptien, c’est-à-dire un Moïse dionysiaque, chtonien, pulsionnel, destructeur et un Moïse, apollinien, ouranien, rationnel, législateur – autrement dit les deux facettes du moi [20]. Puis, le peuple élu par le prophète tue le père fondateur et, refoulant le souvenir culpabilisant du meurtre, le ritualise dans leur monothéisme. Ainsi se trouve fondé le judaïsme, religion du père. Mais le refoulé revient avec la mort du fils, et ainsi se trouve fondé le christianisme, religion du fils : « L’ancien Dieu, le Dieu-père, passa au second plan. Le Christ, son fils, prit sa place comme aurait voulu le faire à une époque révolue chacun des fils révoltés [21] ». Ainsi sont nés le judaïsme et le christianisme.

c’) Exposé selon Ricœur

Ricœur lui-même ne résiste pas à la tentation d’une interprétation psychologique de cet ouvrage : « ce livre a valeur d’exorcisme. Il marque le renoncement du Juif Sigmund Freud à la valeur dont pourrait encore se prévaloir son narcissisme, celle d’appartenir à une race qui a engendré Moïse et transmis au monde le monothéisme éthique [22] ». On le voit, cette lecture est beaucoup plus positive que celle d’une Marthe Robert, par exemple.

L’intention de l’ouvrage est de « reconstituer avec quelque vraisemblance l’évènement d’un meurtre qui serait au monothéisme ce que le meurtre du père primitif avait été au totémisme, et qui jouerait à l’égard de ce dernier le rôle de relais, de renforcement… »

Le développement de la thèse n’est pas d’abord d’ordre historique, puisque Ricœur note pas moins de quatre hypothèses hasardeuses de première importance : celle d’un Moïse égyptien, celle du monothéisme d’Aton, celle du meurtre de Moïse, celle d’un retour du monothéisme primitif par l’activité prophétique. En fait, l’argumentation de Freud est d’ordre psychologique : « Freud n’est nullement intéressé par le progrès du retour du sentiment religieux » et donc par une exégèse précise des textes. Sa perspective est celle de la « psychologie du croyant, bloquée dès le début sur son modèle névrotique ». Là encore, on voit à l’œuvre le primat accordé à l’archaïsme.

Relevons une conséquence. On comprend l’assurance de Freud malgré la grande insuffisance de sa documentation historique. Comme psychanalyste, il note l’importance du retour du refoulé et ce, à échelle collective et historique : il en a retrouvé la trace historique dans les textes. On sait en effet que c’est la notion de déplacement qui en a fait l’office. Comme il n’y a pas de retour de refoulé sans évènement traumatisant initial, il faut donc qu’on retrouve celui-ci.

Cette lecture que Ricœur nous propose de Freud ne tient donc nullement à en minimiser la portée; au contraire, elle en valorise la cohérence et sa relation à l’intuition centrale du freudisme qu’est le complexe paternel. Ricœur, même s’il n’ignore nullement les explications psychologiques ou les critiques d’ordre historique, nous entraîne vers une analyse bien plus profonde, plus déstabilisante aussi, car elle demande de concéder davantage que ce à quoi nous sommes habitués, soit en réduisant l’analyse freudienne à ses incertitudes documentaires soit en ramenant toute l’intelligibilité (et la portée) du texte à une liquidation de conflits intérieurs propres à Freud.

4’) Exposé synthétique de la théorie freudienne de la religion par Ricœur

Il est fait dans la seconde partie de son gros ouvrage qui consiste en une analyse serrée de toute l’œuvre du psychanalyste viennois. Dans ce chapitre, Ricœur analyse l’interprétation psychanalyse de la religion [23].

o’) Introduction

Le philosophe précise d’abord son point de vue : « la psychanalyse est nécessairement iconoclaste » ; mais la contrepartie est la purification de la foi, de sorte que la psychanalyse peut déboucher aussi bien sur la foi que sur la non-foi sans qu’il lui appartienne de décider entre les deux. Nous le reverrons plus loin.

Puis, il expose sa méthode et son plan : Convaincu qu’il existe un ordre intelligible entre les écrits de Freud, Ricœur va suivre l’ordre chronologique du déploiement de la pensée de Freud en en dégageant l’armature rationnelle et le progrès dans la compréhension psychanalyse de la religion.

Pour le résumer de manière un peu schématique, disons que Freud va d’abord, grâce à la clinique, établir une analogie, une ressemblance entre la religion et certains phénomènes psychopathologiques. Puis dans un second temps et une seconde démarche l’analogie va devenir identité par l’étude génétique. Les études historiques et ethnologiques de Totem et Tabou et Moïse et le monothéisme fonderont « la ressemblance dans l’identité ». Pour le dire en une terminologie qui n’est pas celle de Ricœur, nous passerons d’une explication par la cause formelle qui rappelle aussi fort la cause exemplaire à une démonstration par la cause efficiente dont on sait que le terminus ad quem est le réel.

Nous nous permettrons de reprendre avec quelque détail les développements de Ricœur sur les approches que Freud a faites de la religion dans des ouvrage autres que Moïse et le monothéisme car il offre une synthèse éclairante.

a’) Approche descriptive et clinique [24]

La psychanalyse propose d’abord une approche descriptive et clinique de la religion. Pour cela, elle s’arrête à l’établissement d’une analogie, d’ailleurs fort suggestive entre religion d’une part, rêve et symptômes névrotiques, d’autre part. « Freud n’a jamais fait autre chose, à propos de la religion, que commenter indéfiniment deux thèmes […] : le premier concerne la pratique et l’observance ; le second », beaucoup plus fondamental, « concerne la croyance ». Cet ordre, encore une fois, est autant temporel que logique :

1’’) Premier thème clinique [25]

En un mot, la psychanalyse identifie la pratique religieuse une obsession.

a’’) Exposé de l’analogie [26]

Dans « Actes obsédants et exercices religieux » (1907), ainsi que nous l’avons nous-mêmes étudié, il est « éclairant de repérer les nœuds multiples de ressemblance (ente pratique religieuse et névrose obsessionnelle) : tourments de conscience consécutifs à une omission dans le rituel – besoin de protéger le déroulement du rituel […] – scrupule du détail – glissement vers un cérémonial toujours plus compliqué […] ».

b’’) Limite de l’analogie [27]

L’étonnant est que « l’homme soit à la fois capable de religion et de névrose », note finement notre auteur. Mais pourquoi ? Voilà une question à laquelle Freud ne répond pas (ne sachant pas distinguer entre son apport propre et l’apport psychanalyse) et qui sera l’un des fondements de la reprise critique de Ricœur. Plus précisément, la religion se caricature-t-elle en cérémonial névrotique en vertu de son intention profonde ou par régression et perte du sens de sa symbolique propre ?

2’’) Second thème clinique

Il s’agit de la critique psychanalyse de la croyance [28]. En un mot, là aussi, c’est une illusion ; elle est du même ordre que le rêve.

a’’) Thèse [29]

Partons du « complexe paternel qui est d’origine œdipienne ». Il subit deux sortes de devenir possible : soit il est introjecté en idéal soit il est projeté à l’extérieur en illusion de figure toute-puissante. Le premier processus donne naissance à l’éthique et le second à la religion.

b’’) Exposé [30]

Exposons ce qu’il en est de ce second processus, et de ce qui en constitue le cœur, à savoir l’illusion. La problématique de l’illusion comporte deux versants : Le premier l’identifie à l’erreur ; c’est ce que développe le rationalisme ambiant dans lequel baignait Freud. Le second aspect, lui, est proprement analytique : il voit dans le désir (et cet autre affect qu’est la crainte) le fondement même de l’illusion. En effet, celle-ci se caractérise par une certitude invérifiable. Or, seul le remplissement d’un désir peut rendre compte de ces deux caractères. L’erreur n’est plus alors qu’un caractère second et non constitutif. Or, l’on sait que l’activité onirique est le modèle même de l’économique du désir ;et le délire de même. Aussi, « la différence entre l’illusion et le délire (ajoutons et le rêve) n’est plus que de degré ».

3’’) Synthèse

Freud établit donc une double analogie : d’une part, dans « Actes obsédants… », entre pratique religieuse et obsession (par le biais de la notion de cérémonial) ; d’autre part, dans « l’Avenir… », entre croyance religieuse et illusion ou délire psychotique et rêve (par le biais de la notion de remplissement du désir).

4’’) Transition

Elle montre la nécessité d’une analyse génétique pour passer de l’analogie à l’identité. Et par le fait même les ressemblances dessinées par les écrits de 1907 et de 1937 prennent tout leur sens et toute leur force en découvrant leur enracinement historique [31].

b’) Approche génétique et historique

Cette découverte se fait en deux étapes. La première est Totem et Tabou qui est la découverte du meurtre du père primitif exposée ci-dessus. La deuxième étape est Moïse et le monothéisme. Ce livre est « un parachèvement et un renforcement de sa théorie répétitive et régressive ». Nous avons résumé ci-dessus la présentation qu’en fait Freud.

c’) Confirmation : la fonction économique de la religion au sein de la culture [32]

0’’) Intention [33]

Nous allons devoir revenir un peu en arrière, à l’analyse des ouvrages que Freud a consacré à la culture et la place de la religion dans la culture. Pourquoi ? La religion est un phénomène pas seulement privé mais collectif, ce que nous n’avons pas encore vraiment pas étudié. Or, la religion est un phénomène collectif parce qu’elle fait partie de la culture ; et la religion trouve sa fonction économique au sein de sa fonction culturelle.

Ricœur ici n’analyse les deux ouvrages relatifs à la culture que sous l’angle où ils traitent de la religion, ce qui est bien entendu partiel.

1’’) L’avenir d’une illusion [34]

Cet ouvrage ne va qu’ébaucher le rôle psychologique joué par la culture. Sa lecture économique de la culture est d’emblée inscrite par le refus très symptomatique de distinguer culture et civilisation (en vue de ne s’intéresser qu’au bilan des investissements et contre-investissements de la libido »).

Mais alors qu’est donc la culture ? Elle joue à la fois le même rôle que le surmoi par sa fonction d’interdiction et une fonction nouvelle en protégeant l’individu contre la suprématie de la nature.

2’’) Malaise dans la Civilisation [35]

Par certains côtés, ce nouveau livre reprend l’analyse où le précédent ouvrage l’avait laissée. La culture protège l’homme contre ses différentes peurs (du ça, du surmoi et de la réalité), ainsi que l’a montré L’avenir d’une illusion. Malaise dans la Civilisation ajoute « que l’homme est un être foncièrement mécontent parce qu’il ne peut à la fois réaliser le bonheur sur un mode narcissique et remplir la tâche historique de la culture que son agressivité met en échec ; voilà pourquoi l’homme, menacé dans sa propre estime, est si épris de consolation ».

Or, et c’est là que Malaise dans la Civilisation prolonge l’analyse et connecte ces études sur la culture aux conclusions précédentes, « c’est encore au désir que s’adresse la consolation. […] C’est parce qu’il est à jamais faible comme un enfant que l’homme reste en proie à la nostalgie du père ». En conséquence, la « consolation est réitération du père ». D’où , contrairement à un lieu commun, la religion ne s’explique pas d’abord par l’interdit ou la peur, mais bien plus par le désir, en l’occurrence celui du père.

3’’) Conséquence

On saisit donc désormais le lien existant entre Malaise (et l’Avenir) et Totem et Tabou : Dans le langage pour lequel Ricœur a opté : « l’herméneutique de la culture est toujours, en psychanalyse, la contrepartie d’une économique du désir; » Autrement dit, et là en langage psychanalyse, « entre la fonction culturelle de la consolation, portée par la religion, de la nostalgie cachée du père, il y a le même rapport qu’entre le contenu manifeste et le contenu latent du rêve ».

Ricœur en tire deux conséquences qui seront décisives pour son interprétation : d’une part, la religion est pour Freud « répétition sempiternelle de la nostalgie du père », et donc renvoie à notre archè en nous renvoyant à notre désir. D’autre part, « si la religion est accomplissement de désir, elle n’est pas par essence le support de la moralité [36] ».

d’) Conclusion [37]

Nous avons vu que, selon l’interprétation qu’en donne Ricœur, Freud est passé de l’analogie à l’identité ; par ailleurs, double est la similitude. Ricœur la reprend une dernière fois :

– En tant qu’il y a rapport d’analogie entre le rêve et la religion, celle-ci est illusion.

– Mais en tant qu’il y a analogie entre rêve et névrose, la religion comporte une part de vérité historique (la réalité du souvenir).

b) À la culture

1’) Malaise dans la civilisation

En juillet 1929, Freud écrivit son ouvrage le plus politique : Unbehagen in der Kultur, que l’on traduit souvent : Malaise dans la civilisation [38]. Nous n’entrerons pas dans le détail des polémiques suscitées par la traduction du titre [39]. Paradoxalement, ce livre est aussi à la fois le plus sombre et le plus lumineux.

Freud propose d’abord un diagnostic. L’homme moderne est devenu malheureux en perdant la religion et tout idéal, donc en se trouvant confronté à une triple finitude : son corps, le monde extérieur, autrui. Dès lors, pour survivre, l’homme s’invente différentes illusions, fuit dans trois types de maladie : la névrose (angoisse), la dépendance par intoxication (drogues ou boisson) et la psychose ou folie (narcissisme, etc.).

Heureusement, Freud propose une autre voie qui est un remède : l’accès à la civilisation. En effet, le malheur de l’homme tient à ses pulsions de destruction et d’autodestruction ; or, il peut non pas les domestiquer, mais les sublimer en les investissant dans les formes élevées de la créativité : l’amour, l’art, la science, le vivre-ensemble. Or, en cela réside la culture ou civilisation (Freud ne distingue pas les deux en employant le terme Kultur). Donc, il propose un chemin de bonheur par la sublimation. Plus généralement, la sortie de la horde sauvage, de la barbarie, se fait par les trois médiations classiques : le langage, la parole, la loi. Freud ouvre enfin à une conception politique qui mixte la république d’un peuple éclairé avec la présence d’un souverain soucieux du bien commun, donc une monarchie constitutionnelle.

La conclusion demeure ambivalente : d’un côté, l’accès à la civilisation ; de l’autre, le prix à payer qui est la perte des pulsions par répression, contrainte et la perte des illusions.

Remarquons que, en faisant l’apologie de l’Aufklärung, Freud ferme la voie à quatre solutions : le libéralisme individualiste de l’American way of life ; l’illusion optimiste du catholicisme, ignorant la fascination de l’homme pour sa destruction ; l’illusion communiste de l’égalité ; la dictature.

Ce livre est peut-être celui qui, à l’époque, fut le plus lu et le plus traduit.

2’) Pourquoi la guerre ?

En 1932, la SDN demande à Albert Einstein de rassembler des témoignages d’intellectuels en vue en faveur de la paix et du désarmement. L’inventeur des deux théories de la relativité a demandé son avis au « grand connaisseur des pulsions humaines » [40]. Dans le prolongement de son récent essai, Freud répondit dans un manifeste politique où il préconise la création d’une république internationale des sages « ayant soumis leur vie pulsionnelle à la dictature de la raison ». Y domine un principe à la fois socratique et typique des Lumières : là où croît la civilisation, décroît l’instinct guerrier [41].

3) Les relations ambiguës avec le nazisme

a) Le contexte

On le sait, pour Adolf Hitler, la judéité est traitée comme une tare – pire que l’homosexualité et la maladie mentale. Un point nous intéresse ici, en dehors de sa vie [42] marquée par le traumatisme (père violent, échec permanent à l’école à Linz, etc.) : autrichien d’origine, il revint à Vienne après la mort de ses parents pour faire fortune comme peintre et architecte ; malheureusement, à deux reprises, il se vit refuser l’entrée à l’Académie des beaux-arts ; or, cela ne créa pas, mais amplifia considérablement sa haine du monde en général et de l’Autriche en particulier.

Or, nul n’ignorait que Freud et la première génération de psychanalystes étaient juifs. Aussi, la psychanalyse fut-elle qualifiée de « science juive » : ce fut d’ailleurs la seule des écoles de psychiatrie dynamique et de psychothérapie à être ainsi dénommée. Avec la redoutable efficacité qu’on lui connaît, Hitler demanda qu’on procède à une opération de nettoyage et il la confia au cousin du général Göring, le sinistre Matthias Heinrich Göring. C’est ainsi que, trois mois après la prise du pouvoir par Hitler, en 1933, les nazis dévastèrent l’Institut de sexologie, à Berlin, détruisant l’œuvre de toute une vie, celle de Magnus Hirschfeld, psychiatre allemand qui travailla une compréhension des « états sexuels intermédiaires » (homosexualité, transvestisme, etc.) [43]. Le 11 mai 1933, Goebbels ordonna l’autodafé de vingt mille livres « juifs », au nom de : « Contre la lutte des classes et le matérialisme, je livre aux flammes les livres de Marx et de Kautsky ; contre l’exaltation des instincts et pour l’ennoblissement de l’âme humaine, je livre aux flammes les écrits de Sigmund Freud [44] ».

b) La cécité de Freud sur la montée de l’hitlérisme

Soyons bien clairs : il n’y a nulle suspicion d’une compromission de Freud et de Hitler : « Presque en tous points, ils étaient ce que le poète William Blake aurait appelé des ‘ennemis spirituels’ [45] ».

Toutefois, on ne peut que demeurer stupéfait de constater le temps que mit à Freud à comprendre la guerre qui se préparait en Europe et dans le monde, avec Hitler. En 1933, le père de la psychanalyse est aveugle sur la nature de l’antisémitisme nazi et sur le danger qu’il fait peser sur l’Autriche, ainsi que sur son extension potentielle à toute l’Europe. C’est ainsi qu’il écrit à Sandor Ferenczi le 2 avril 1933 : « Il n’est pas certain que le régime hitlérien s’empare aussi de l’Autriche. C’est possible, bien sûr, mais tout le monde pense que cela n’atteindra pas ici le même niveau de brutalité qu’en Allemagne [46] ». Plus encore, Freud pensait que le chancelier Engelbert Dollfuss pouvait résister au parti nazi autrichien favorable à l’Anschluss (annexion de l’Autriche par l’Allemagne) ; or, allié de Mussolini, conservateur et nationaliste, Dollfuss abolit les libertés fondamentales (droit de grève, liberté de la presse, etc.), ce que Freud accepta [47].

Certes, il convient d’être nuancé : Freud n’avait aucune sympathie pour le dictateur italien, qui était catholique et réactionnaire. Mais, même ici, il n’est pas simple de voir clair. Un dramaturge proche de Mussolini avec lequel il avait écrit une pièce sur Napoléon, Les cent jours, Giovacchino Forzano, rendit visite à Freud le 26 avril 1933, et lui offrit une édition allemande de la pièce dédicacée en italien au nom des deux auteurs : « À S.F. qui rendra le monde meilleur, avec admiration et reconnaissance » [48]. Or, par courtoisie, Freud répondit en allant chercher dans sa bibliothèque un exemplaire de son ouvrage, Pourquoi la guerre ?, et écrivit : « Pour Benito Mussolini avec les humbles salutations d’un vieil homme qui reconnaît dans l’homme de pouvoir un champion de la culture ».

Inutile de dire que cette dédicace fit couler bien de l’encre… [49]. Assurément, Freud n’est pas « fasciste », contrairement aux allégations d’Onfray [50]. Sans entrer dans le détail de ce dossier complexe, il est possible d’avancer une raison en faveur de cette dédicace : Mussolini avait mis en chantier des fouilles archéologiques et l’on sait combien Freud raffolait d’archéologie. Sans oublier que Freud a toujours dit sa détestation de la dictature.

c) Les compromissions du mouvement psychanalytique avec le nazisme [51]

Nous avons vu dans l’introduction l’option de la première génération de psychanalystes en faveur de l’apolitisme de leur discipline. En ce domaine, Ernest Jones, scientifique de formation et pragmatique de culture, est celui qui a le plus fermement opté pour la neutralité politique. De ce fait, il se refusa à soutenir les freudiens de gauche (notamment les freudo-marxistes) qui voulaient coupler une double révolution, celle, individuelle, du sujet par l’exploration de l’inconscient, celle, collective, de la société, par la lutte des classes. Ajoutons que Freud soutenait la politique de sauvetage de la psychanalyse et de neutralité désengagée, orchestrée par Jones. Or, elle se solda par un échec complet et, « en Allemagne comme partout en Europe, par une collaboration pure et simple avec le nazisme », ainsi que « la dissolution de toutes les institutions freudiennes [52] ».

De fait, un certain nombre de freudiens allemands collaborèrent avec le régime nazi. Ce fut notamment le cas de quatre membres de la Deutsche Psychoanalytische Gesellschaft (DPG) et du Berliner Psychoanalytisches Institut (BPI) : Felix Boehm, Carl Müller-Braunschweig, Harlad Schultz-Hencke et Werner Kemper. Or, Max Eitingon, qui faisait parti du BPI, demanda à Freud qu’il prît position, ce qu’il fit dans une lettre du 21 mars 1933 : distinguant trois solutions possibles (arrêter les activités du PBI, faire perdurer le BPI sous la houlette de Boehm et quitter le navire, que les jungiens et les adlériens pourraient alors envahir), Freud opte pour la deuxième, solution neutraliste à la Jones. La conséquence fut la nazification intégrale du BPI, par Göring… [53]

d) Le départ de Vienne

La conséquence de ces manques de lucidité est le tardif départ de la ville bien-aimée, Vienne. En fait, il faudra attendre 1938, c’est-à-dire l’Anschluss, soit cinq années après la prise du pouvoir par les nazis en 1933, pour que Freud comprenne enfin que rien n’arrêtera Hitler et que l’Autriche rentrera, de gré ou de force, dans ce qu’il appelait la grande Allemagne : « Un seul sang exige un seul Reich – affirme Freud dans Mein Kampf [54] ». Précisément, dans la première « note préliminaire » à son Moïse, en mars 1938, Freud affirme encore que la psychanalyse n’avait pas « de foyer plus précieux que la ville où elle était née et avait grandi » et dans la seconde « note », en juin 1938, de Londres, il affirme le contraire : « Certain désormais d’être persécuté non seulement à cause de ma manière de penser, mais aussi à cause de ma ‘race’, je quittai avec un grand nombre d’amis la ville qui avait été ma patrie depuis mes premières années d’enfance durant soixante-dix-huit ans [55] ». Même le 16 mars 1938, lorsque Jones arrive à Vienne, Freud se refusait d’abandonner son navire, tel le capitaine du Titanic. En bon psychologue, Jones eut l’intelligence d’entrer dans la comparaison mythique de Freud et lui raconta l’histoire de l’officier du même navire qui avait été projeté dans l’eau par l’explosion de la chaudière. Quand on lui demanda quand il avait quitté le navire, il répondit : « Je ne l’ai pas quitté, c’est lui qui m’a abandonné ». Freud comprit et consentit : Vienne l’avait abandonné aux nazis, il pouvait donc émigrer.

Le choix de son lieu d’exil se porta sur Londres : c’était le seul pays d’Europe qui était à la fois libre et ayant résisté à la tentation dictatoriale ; et Freud était trop américanophobe, c’est-à-dire opposé à cette tyrannie de l’intérieur qu’est l’intempérante civilisation de la richesse, dont la crise économique de 1929 avait montré les conséquences catastrophiques, pour partir aux États-Unis.

Freud réclama d’être accompagné des quinze personnes dont il estimait qu’elles se trouvaient placées sous sa responsabilité et qui étaient menacées. De son côté, grâce à de multiples appuis, Jones obtint les visas d’entrée

Marie Bonaparte, aidée d’Anna, de Martha et de Paula, s’occupa de ce qui deviendra les précieuses archives Freud. Une partie dut rester sur place, mais fut récupérée après.

À noter que, dans son voyage pour Londres, par l’Orient-Express, le 4 juin 1938, Freud dut s’arrêter à Paris. À la gare de l’Est, de nombreux photographes et journalistes attendaient Freud et sa famille. Celui-ci était perdu. Les exilés passèrent la journée dans la propriété de la princesse marie Bonaparte à Saint-Cloud. Enfin, le lendemain, ils partirent pour Londres. Ils s’installèrent dans une belle maison à Hampstead, près de Londres. Elle était aménagée par le fils de Freud, Ernst, sur le modèle de la Berggasse. Il y demeura dix-huit mois, jusqu’à sa mort.

Cette période relativement heureuse, compte tenu du contexte, personnel (le cancer, l’exil) et sociopolitique (la guerre toujours plus menaçante).

4) Le cancer de Freud [56]

En 1923, Freud, qui était très préoccupé de sa santé, constata une lésion suspecte sur la partie droite de son palais. Au point de départ, ne souhaitant pas renoncer au tabac, il dénia. Son disciple et médecin personnel, le Dr Felix Deutsch, observa la lésion, en nota la nature cancéreuse, mais ne voulut pas dire la vérité à son maître vénéré, de peur de l’effrayer. Le 20 avril, Freud se fit toutefois enlever cette tumeur, mais il la qualifia de « bénigne ». Mais peu de temps après, Freud dut se rendre à l’évidence. D’ailleurs, une nouvelle fois, Freud se fâcha avec un proche, Deutsch, qu’il traita de « misérable lâche », puis qu’il se réconcilia avec lui. Il prit toutefois un nouveau médecin traitant, Max Schur en 1927 ; or, comme par hasard, Schur était juif et avait suivi ses conférences et l’admirait ; il suivit Freud jusqu’à sa mort. Le diagnostic posé à l’époque fut « cancer du maxillaire supérieur à évolution lente » (ce n’est qu’en 1948 que le diagnostic histopathologique précis sera formulé : carcinome verruqueux).

La première opération importante eu lieu le 4 octobre 1923 : on excisa une bonne partie de la mâchoire supérieure et du palais droit. Freud fut opéré pas moins de vingt-cinq fois. Bénéficiant des progrès de la chirurgie faciale consécutive à la première Guerre mondiale (les fameuses « gueules cassées »), Freud se fit faire une prothèse. Si cela sauvegardait son apparence physique, cela ne le protégeait en rien de la souffrance. De fait, il souffrit considérablement les seize années qu’il survécut non pas à, mais avec son cancer.

On ne peut nier que, pendant toute sa maladie, l’attitude de Freud fut stoïque, voire héroïque. Ainsi, début 1938, le cancer de Freud s’étendit jusqu’à la base de l’orbite ; le nettoyage des tissus nécrosés était quotidien. Or, désirant travailler encore et toujours, c’est-à-dire réfléchir et écrire, Freud a refusé de prendre des antalgiques. Sur les quelques films muets qui furent réalisés sur lui à sa demeure de Maresfield Gardens, on le voit la mâchoire entravée par sa prothèse-muselière, une intense souffrance sur le visage. Mais le regard est toujours aussi intense.

5) La dernière année à Londres

Comme à l’accoutumé, Sigmund Freud ne demeura pas inactif ! D’abord, il acheva son livre sur Moïse et trouva l’énergie pour rédiger sa dernière synthèse : Abrégé de psychanalyse [57]. Signe, s’il en est encore besoin de son ouverture à l’avenir, il prophétisa dans cet opuscule que l’on trouverait bientôt des substances chimiques capables d’agir directement sur le psychisme.

Par ailleurs, il fut honoré et célébré comme jamais. Freud prit ainsi mieux conscience de l’influence de sa doctrine sur le monde anglophone. Le 7 décembre 1938, des techniciens de la BBC vinrent enregistrer Freud qui prononça un discours qu’il avait préparé. C’est l’unique document qui nous donne à entendre sa voix, en l’occurrence étouffée par sa prothèse. Il termina par une phrase en allemand : « À l’âge de quatre-vingt-deux ans, j’ai quitté ma maison à Vienne, à la suite de l’invasion allemande et je suis venu en Angleterre où j’espère finir ma vie en liberté [58] ».

Enfin, il reçut de nombreuses visites : d’écrivains et d’essayistes (comme Stefan Zweig ou Arthur Kœstler), d’artistes (comme Salvador Dali qui dessina plusieurs croquis de son visage défiguré par le cancer), de savants (une délégation de la Royal Society l’invita à signer le livre officiel sur lequel Charles Darwin avait apposé son nom).

Du point de vue de la psychanalyse, Freud prit aussi conscience à Londres de l’influence considérable des kleiniens. La divergence, qui était doctrinale et pratique (pour mémoire, ils affirment que le tout petit enfant était habité par un noyau psychotique et des pulsions destructrices), touchait aussi la culture ou le contexte. Elle permettait de comprendre le paradoxe vivant qu’était Freud et sur lequel nous reviendrons : alors que Klein et ses disciples honoraient la modernité de la psychanalyse, du moins de son cœur, ils trouvaient que Freud était un patriarche tout droit surgi du siècle passé, et sa famille, notamment les femmes, rigides et ridicules en leur manière de parler, de s’habiller ou de manger.

6) La mort de Freud [59]

a) Les faits

Harry Freud, fils d’Alexander, écrit aux quatre sœurs de Freud demeurées à Vienne: « Il passa ses derniers jours dans son bureau où l’on avait placé son lit. De là, il pouvait voir le jardin et, dans les meilleurs instants, se réjouir de regarder la nature [60] ».

Maintenant, une odeur fétide se dégage de son « Konrad ». Il sait que c’est la fin. Plus aucune opération n’est possible ; il accepte toutefois un traitement aux rayons X (on dirait aujourd’hui une radiothérapie) pour Anna et Minna, qui veulent encore espérer. Il commente : « Il n’y a plus de doute qu’il s’agit d’une nouvelle attaque de mon cher vieux carcinome avec qui je partage mon existence depuis maintenant seize ans. Qui serait le plus fort à ce moment là ? On ne pouvait naturellement pas le dire avant [61] ».

Attitude stoïcienne, comme on le voit. La conséquence, on ne s’en étonnera pas, est, toujours dans cette même logique volontariste, héroïque et athée, la décision d’en finir avec la vie. Osons le mot, même si, je crois, les freudiens ne le prononcent pas : le suicide. Refusant de devenir sénile ou de subir un accident vasculaire cérébral, Freud décide d’en finir.

Le 21 septembre, Freud rappelle à Max Schur, le médecin fidèle qui l’assista jusqu’à la dernière minute, qu’il lui avait promis de l’aider pour achever sa vie, dans les deux sens du terme. Schur serra la main de Freud pour lui dire son acquiescement. Il administra trois doses de morphine : une première de trois centigrammes, puis deux autres à plusieurs heures d’intervalle. Or, pour calmer la douleur, la dose ne devait pas dépasser les deux centigrammes. Ainsi, Schur n’avait pas seulement obéi à Freud, mais aussi opté pour une euthanasie active.

Le corps de Freud fut incinéré au crématorium de Golders Green, sans rituel, en cohérence avec les convictions et la doctrine freudiennes ; ses cendres furent déposées dans un cratère de l’ancienne Grèce orné de scènes d’offrande, toujours en cohérence avec la fascination païenne du fondateur de la psychanalyse. Jones prit la parole devant une centaine de personnes : « S’il était un homme dont on puisse dire qu’il a dompté la mort elle-même et qu’il lui a survécu en dépit du roi des Ténèbres, qui, à lui, n’inspirait aucune crainte, alors cet homme porte le nom de Freud [62] ». Ultime parole prométhéenne… Plus réjouissante, l’oraison funèbre de Stefan Zweig, en allemand : « Merci, pour les mondes que tu nous a ouverts et qu’à présent nous parcourons seuls, sans guide, à jamais fidèles, vénérant ta mémoire. Sigmund Freud, toi l’ami le plus précieux, le maître adoré [63] ». N’oublions toutefois pas que, moins de trois ans plus tard, en février 1942, Zweig se suicida au Brésil (avec sa femme ?).

b) Une relecture

Il est significatif que Freud ait choisi de lire, juste avant de mourir, la nouvelle fantastique de Balzac, La peau de chagrin [64]. Rêvant de gloire, Raphaël de Valentin, acquiert chez un antiquaire un talisman qui lui permet de réaliser tous ses désirs, mais se rétrécit chaque fois qu’il passe à l’acte. Quel symbole de l’addiction ! Quel symbole de la condition humaine, en perspective immanentiste, celle qu’a adoptée Freud. Or, sur le fond, le roman est l’équivalent du Faust de Goethe, dont on sait combien il fascina Freud, qui n’hésitait pas à se comparer à un nouveau Docteur Faust : la psychanalyse, pacte faustien (donc prométhéen) ? La psychanalyse, pacte satanique (donc aussi spirituel) ?

En même temps, Freud mourut le samedi 23 septembre 1939 à 3 heures du matin. Par une étrange coïncidence, il s’agissait du Yom Kippour, jour du pardon annuel des péchés et donc jour le plus saint de l’année pour le Juif pratiquant. Là encore, faut-il y lire un signe, comme aimait tant le faire ce grand déchiffreur d’énigmes qu’était Freud ? Le Dieu qu’il avait tant malmené lui a assurément tendu les bras, ainsi qu’à tout homme : Freud a-t-il accepté sa miséricorde ? Lui qui a tant scruté la psyché, en a toujours ignoré le fond qui est l’esprit (au sens de pneuma et non au sens de nous). Comment oserions-nous le juger ?

Pascal Ide

[1] Sigmund Freud, La question de l’analyse profane. Propos échangés avec un interlocuteur impartial, 1926, trad. Janine Altounian, André et Odile Bourguignon, Pierre Cotet et Alain Rauzy, Paris, Gallimard, 1985, p. 75.

[2] Cf. Henry Morton Stanley, Through the Dark Continent, 1878, New York, Dover Publications, 1988.

[3] Sandor Ferenczi, Œuvres complètes. Tome 3. Thalassa. Essai sur la théorie de la génitalité, 1924, trad. Judith Dupont et Myriam Viliker, Paris, Payot, 1970.

[4] Cf. Helene Deutsch, Psychanalyse des fonctions sexuelles de la femme, trad. Hubert Benoît, Paris, p.u.f., 1994.

[5] Sigmund Freud, Lettre à Joan Riviere, octobre 1927, « Lettres de Sigmund Freud à Joan Rivier (1921-1939) », Revue intrenationale d’histoire de la psychanalyse, 6 (1993), p. 470.

[6] Cf. Anna Freud, Le traitement psychanalytique des enfants, 1927, trad. Anne Berman, Paris, p.u.f., 1951.

[7] Cf. Susann Heenen-Wolff, « La discusssion sur l’’analyse profane’ dans l’Internationale Zeitschrift für Psychoanalyse de l’année 1927 », Revue internationale d’histoire de la psychanalyse, 3 (1990), p. 56-88.

[8] Cf. Harald Leupold-Löwenthal, « Le procès de Theodor Reik », trad. Sabine Bollack, Revue internationale d’histoire de la psychanalyse, 3 (1990), p. 57-69.

[9] Cité plus haut.

[10] Cf. Phyllis Grosskurth, Melanie Klein, son monde et son œuvre, 1986, trad. Cédric Anthony, Paris, p.u.f., 2000.

[11] Cf. Melanie Klein, La psychanalyse des enfants, 1932, trad. J. B. Boulanger, Paris, p.u.f., 1969, repris en coll. « Quadrige-Grands textes ».

[12] Cf. Sigmund Freud, « Actes obsédants et exercices religieux », 1907, trad. Denis Messier, Religion, Paris, Gallimard, 2012, p. 91-118.

[13] Cf. Michel de Certeau, L’écriture de l’histoire, Paris, Gallimard, 1975, p. 291-312.

[14] Cf. Sigmund Freud, L’avenir d’une illusion, 1927, dans Religion, trad. Denis Messier, coll. « Connaissance de l’inconscient. Œuvres de Sigmund Freud », Paris, Gallimard, 2012, p. 134-235.

[15] Cf. Sigmund Freud et Oskar Pfister, Correspondance, 1909-1939.

[16] « L’illusion d’un avenir », Revue française de psychanalyse, 40 (1977) n° 3, p. 501-546.

[17] Les 4 volumes (Les histoires de Jacob ; Le jeune Joseph ; Joseph en Égypte ; Joseph le nourricier) sont regroupés en un dans Thomas Mann, Joseph et ses frères, coll. « L’imaginaire », Paris, Gallimard, 1980.

[18] Cf. Jan Assmann, Moïse l’Égyptien. Un essai d’histoire de la mémoire, Paris, Aubier, 2001, repris en coll. « Champs », Paris, Flammarion, 2010.

[19] Sigmund Freud, Lettre à Lou Andreas-Salomé, 6 janvier 1935, Correspondance, p. 252.

[20] Cf. l’analyse pertinente de Jacques Lacan, Le Séminaire. Livre vii. L’éthique de la psychanalyse (1959-1960), éd. Jacque-Alain Miller, Paris, Seuil, 1986, p. 203 s.

[21] Sigmund Freud, L’homme Moïse et la religion monothéiste, 1939, trad. Cornélius Heim, coll. « Folio essais », Paris, Gallimard, 1986, p. 180.

[22] Paul Ricœur, De l’interprétation, p. 239.

[23] Cf. Paul Ricœur, De l’interprétation. Essai sur Freud, Paris, Seuil, 1965, p. 226-247.

[24] Ibid., p. 227-232.

[25] Ibid., p. 227 à 229.

[26] Ibid., p. 227-228.

[27] Ibid., p. 228-229.

[28] Ibid., p. 229-231.

[29] Ibid., p. 229.

[30] Ibid., p. 229-231.

[31] Ibid., p. 231-232.

[32] p. 242-247.

[33] Ibid., p. 242-243.

[34] Ibid., p. 243-244.

[35] Ibid., p. 245 à 247.

[36] Ibid., p. 247.

[37] Ibid., p. 247-249.

[38] Sigmund Freud, Malaise dans la civilisation, trad. Bernard Lortholary, Paris, p.u.f., 1970. Une autre excellente traduction en édition bilingue est celle de Marc Crépon et Marc B. de Launay, Sigmund Freud, Malaise dans la civilisation, dans Anthropologie de la guerre.

[39] Cf. Pierre Pellegrin, dans Sigmund Freud, Malaise dans la culture, trad. Pierre Pellegrin, Paris, Garnier-Flammarion, 2010, p. 7-88 et 177-214.

[40] Lettre d’Einstein à Freud, 30 juillet 1932, OCF.P, tome 19, p. 67.

[41] Cf. Sigmund Freud, Pourquoi la guerre ?, 1932, trad. Blaise Briod, OCF.P, tome 19, p. 69-81.

[42] Sur la vie de Hitler, cf. la meilleure biographie : Ian Kershaw, Hitler (1889-1945), Paris, Flammarion, 2009, 2 tomes.

[43] Cf. Laure Murat, La loi du genre. Une histoire culturelle du troisième sexe, Paris, Fayard, 2006.

[44] Ernest Jones, La vie et l’œuvre de Sigmund Freud, tome 3, p. 209.

[45] Mark Edmundson, La mort de Sigmund Freud. L’héritage de ses derniers jours, 2007, trad. Jean-Luc Fidel, Paris, Payot & Rivages, 2009, p. 9.

[46] Sigmund Freud, Lettre du 2 avril 1933, Sigmund Freud et Sandor Ferenczi, Correspondance. Tome 3. 1920-1933, p. 512.

[47] Cf. Sigmund Freud, Lettre à Hilda Doolittle, 5 mars 1934, Hilda Doolittle, Pour l’amour de Freud, 1956, trad. Nicole Casanova, Paris, Éd. Des femmes-Antoinette Fouque, 2010, p. 256.

[48] L’ouvrage figure dans le catalogue de la bibliothèque de Freud au n° 2583, avec la dédicace.

[49] Cf notamment Anna Maria Accerboni, « Psychanalyse et fascisme : deux approches incompatibles. Le rôle difficile d’Edoardo Weiss », Revue internationale de psychanalyse, 1 (1988), p. 225-240 ; Paul Roazen, « Questions d’éthique psychanalytique : Edoardo Weiss, Freud et Mussolini », Ibid., p. 150-167.

[50] Cf. Michel Onfray, Le crépuscule d’une idole, p. 524-533 et 590-591.

[51] Sur la collaboration entre psychanalystes et nazisme, cf. avant tout Jean-Luc Évrard (éd. et trad.), Les années brunes. La psychanalyse sous le iiie Reich, Paris, Éd. Confrontation, 1984 ; Hans-Martin Lohmann (éd.), Psychoanalyse und Nationalsozialismus. Beiträge zur Bearbeitung eines unbewältigten Traumas, Frankfurt-am-Main, Fischer, 1984.

[52] Élisabeth Roudinesco, Sigmund Freud…, p. 474.

[53] Cf. Sigmund Freud et Max Eitingon, Correspondance, 1906-1939, éd. Michael Schröter, trad. Olivier Mannoni, Paris, Hachettes-Littératures, 2009, p. 785.

[54] Cité par Ian Kershaw, Hitler (1889-1945), tome 2, p. 129.

[55] Sigmund Freud, L’homme Moïse et la religion monothéiste, p. 133 et 135-136.

[56] Sur le cancer de Freud, cf. les ouvrages d’Ernest Jones et de Peter Gay ; cf. surtout Max Schur, La mort dans la vie de Freud.

[57] Cf. Sigmund Freud, Abrégé de psychanalyse, 1940, trad. Anne Berman, coll. « Bibliothèque de psychanalyse et de psychologie clinique », Paris, p.u.f., 1967.

[58] Un fac-similé du texte se trouve dans Ruth Sheppard, Sigmund Freud. À la découverte de l’inconscient, Paris, Larousse, 2012.

[59] Sur la mort même de Freud, cf. Mark Edmundson, La mort de Sigmund Freud, p. 195-197 ; Max Schur, La mort dans la vie de Freud, p. 830-832.

[60] Lettre à Dolfi, Paula, Rosa, Mitzi, 25 septembre 1939, Library of Congress, box 3, folder 7 et s.

[61] Sigmund Freud, Lettre à Arnold Zweig, 5 mars 1939, Sigmund Freud et Arnold Zweig, Correspondance, 1927-1939, éd. Ernst L. Freud, trad. Luc Weibel et Jean-Claude Gehrig, Paris, Gallimard, 1973, p. 221.

[62] Ernest Jones, La vie et l’œuvre de Sigmund Freud, tome 3, p. 282. Retraduction par Élisabeth Roudinesco, Sigmund Freud…, p. 514.

[63] Stefan Zweig, « Sur le cercueil de Sigmund Freud », 1939, La guérison par l’esprit. Mesmer, Mary Baker-Eddy, Freud, 1931, trad. Alzir Hella, Juliette Pary, coll. « Biblio Essais », Paris, Le Livre de poche, 2012, p. 149.

[64] Freud lut le roman en français dans une édition de 1920 appartenant à Anna.

8.5.2022
 

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