« L’Esprit Saint m’a toujours contrarié, mais en mieux ».
Le bienheureux Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus, fondateur de l’Institut séculier Notre-Dame de Vie, nourrissait un amour particulier pour l’Esprit Saint. Deux ans avant sa mort, il témoigne : « Tout le monde a remarqué probablement que, quand je parle de l’Esprit Saint, ordinairement, je m’enflamme assez facilement […]. Je l’appelle ‘mon Ami’ [1] ».
Ce que désire le père carme, c’est l’union habituelle avec l’Esprit Saint : « Devenir plus chrétien, c’est se livrer davantage à l’Esprit Saint [2] ». Il le formule de manière humoristique lors de sa dernière retraite aux membres de l’Institut : « Nous ne sommes pas là pour regarder courir l’Esprit ! L’Esprit, ce n’est pas le Tour de France que l’on va voir au sommet d’une montagne pour voir s’il marche bien ! Il faut se laisser emporter par l’Esprit [3] ! »
Cette docilité n’est pas la perfection : « Nous ne demandons pas à un chrétien, ou même à un saint, de n’avoir aucun défaut […]. Nous lui demandons cette sorte de rayonnement spirituel qui passe à travers son âme, que l’on saisit parfois dans son regard, que l’on voit dans ses attitudes, dans sa rectitude, dans toute sa vie [4] ». Plus encore, « qu’importent les qualités naturelles ! La grande qualité, la grande richesse, c’est d’être pris par l’Esprit, c’est d’être transformé par l’Esprit [5] ».
Précisons qu’il y a deux positions extrêmes. La première, qui peut confiner au pélagianisme, valorise les dons humains, les vertus. Au risque de mesurer les dons divins à ces dons humains. La seconde, toute opposée, qui peut confiner au misérabilisme, minimise tant nos talents qu’elle les annule, voire les suspecte.
La juste posture me semble être la suivante : arrivé à un certain degré de vie spirituelle, les dons du Saint-Esprit sont premiers. Mais ceux-ci emploient volontiers à leur service tous les matériaux humains. Car Dieu aime créer le moins possible. Dès lors, ces talents, entre les mains de Dieu, peuvent être précieux. Donc, les dons humains ne sont ni avant (mesurant le don de Dieu), ni à côté (le don de Dieu leur étant indifférent), mais après le don divin qui les mobilise instrumentalement. C’est d’ailleurs pour cela qu’il nous faut avancer sur le chemin guérison pour être toujours plus pleinement disponible.
La condition de cette disponibilité féconde au souffle de l’Esprit est le dépouillement. En février 1965, le père Marie-Eugène dicta à Marie Pila, cofondatrice de l’Institut séculier Notre-Dame de Vie, le message suivant destiné à tous les prêtres :
« L’apôtre Paul, transformé par sa conversion sur le chemin de Damas, est parti trois ans au désert pour réaliser sa grâce et accorder son âme à l’Esprit nouveau qu’il avait reçu. Tout prêtre, avant ou après avoir reçu son sacerdoce, a besoin de faire une période de solitude pour réaliser la présence vivante et agissante de l’Esprit Saint dans l’Église et dans son âme, et pour apprendre à accorder, dans la docilité, son action à celle de l’Esprit Saint. Il doit ensuite prendre toutes dispositions pour parfaite cette docilité [6] ».
Sainte Marguerite-Marie disait : « Tout donner pour tout avoir ».
Pascal Ide
[1] Cité par Mgr Guy Gaucher, La vie du P. Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus, Toulouse, Éd du Carmel, 2007, p. 248.
[2] Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus, Assidus à la prière avec Marie. Méditations sur les mystères du Rosaire, Toulouse, Éd du Carmel, 2010, p. 135.
[3] Cité par P. Coulange, La vie ordinaire, chemin vers Dieu avec le P. Marie-Eugène, coll. « Sorgues, Studium Notre Dame de Vie », Paris, Parole et Silence, 2012, p. 136-137.
[4] Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus, Au souffle de l’Esprit, Toulouse, Éd du Carmel, 1990, p. 297.
[5] Cité par Mgr Guy Gaucher, La vie du P. Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus, p. 282.
[6] Cité par Mgr Guy Gaucher, La vie du P. Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus, Toulouse, Éd du Carmel, 2007, p. 24148.