Les textes de la liturgie offrent une précieuse clé de lecture pour entrer dans ce « grand mystère » (Ép 5,32) qu’est l’Annonciation. Dans le psaume, nous lisons : « Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, tu as ouvert mes oreilles » (Ps 40[39],7). Or, en citant ce passage, l’épître aux Hébreux écrit : « Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps » (He 10,5). Si la première partie du verset est presque identique, la seconde diverge considérablement (nous l’avons mise en italiques). Comment expliquer une telle différence ? Le Psaume fut écrit en hébreu, puis traduit en grec dans ce que l’on appelle la Septante. Et les auteurs du Nouveau Testament citent cette traduction grecque qui est homogène à leur texte lui-même écrit en grec, langue véhiculaire autour du Bassin méditerranéen. Ainsi, de manière inspirée, les écrivains de la Septante, et l’auteur de l’épître aux Hébreux à leur suite, ont fait plus que traduire, ils ont interprété, si bien que « ouvrir l’oreille » devient « former un corps ». Comme si le corps entier devenait une oreille.
Or, l’oreille est le sens de la réceptivité par excellence. Autant la vue embrasse, voire domine (regarder, régir et roi ont la même racine, ultimement indo-européenne), autant l’ouïe se met patiemment à l’écoute (l’étymologie d’obéir est écouter). Alors que nous englobons une personne ou un paysage d’un coup d’œil, nous ne recueillons la parole d’autrui qu’en nous inscrivant dans la durée parfois longue. La vue est à l’espace ce que l’écoute est au temps. Devenir oreille, c’est donc entrer dans la réceptivité.
Or, l’auteur de l’épître aux Hébreux attribue le texte du psaume au Christ lors de son entrée dans le monde. Il nous explique ainsi qu’il s’est incarné par obéissance à la demande de son Père. C’est ce qu’affirme très clairement la suite du texte, autant vétérotestamentaire que néotestamentaire : « Me voici, je suis venu, mon Dieu, pour faire ta volonté » (He 10,7). Ainsi s’éclaire l’attitude de Marie lors de l’Annonciation. Puisqu’elle prononce son « oui » – « Voici la Servante du Seigneur » (Lc 1,38) – à l’instant même où Jésus s’incarne, leurs deux Fiat, celui du Fils et celui de la Mère, entrent en quelque sorte en résonance. Merveilleuse harmonie, harmonieuse merveille, qui est celle de la charité faite écoute obéissante. En écho à son Fils dont la nourriture est de faire la volonté de celui qui l’a envoyé (Jn 4,34), Marie n’est que réceptivité reconnaissance : en son cœur, donc en son sein, elle reçoit Dieu autant qu’il veut se donner.
Et nous, en ce jour, entrerons-nous aussi, par Marie, en résonance avec la volonté bienfaisante du Père ? Quel « oui », quel « Fiat » intime et authentique Lui dirons-nous ?
Pascal Ide