Joie du déconfinement, quand l’autre soir, je suis allé dîner chez une famille amie. Le fils benjamin, la dizaine d’années, m’a montré un dessin. Je fus attiré par la minutie de la composition, mais plus encore par le tragique du contenu : un immeuble rempli de personnes mortes, un avion dans le ciel en train de s’écraser, des armes impressionnantes… Sur le côté, une grosse entité ressemblait à une bombe : « Qu’est-ce que c’est ? – Le virus Covid ». Et je savais que la famille était loin d’être addicte aux nouvelles. À la joie du déconfinement, s’est soudain jointe, indésirable, la tristesse du déconfinement, quand l’information, selon ce que disait un précédent billet, nous contraint à choisir entre la névrose obsessionnelle et la psychose paranoïaque… Ce papier buvard qu’est le psychisme de l’enfant recrachait en rouge et noir, en sang et angoisse, ce que l’adulte peine à refouler ou sublimer.
La superbe deuxième lecture de la messe de l’Ascension nous offre une surprise (Ép 1,15-22). Saint Paul paraît bégayer : « quelle puissance incomparable il [Dieu le Père] déploie pour nous, les croyants : c’est l’énergie, la force, la vigueur qu’il a mise en œuvre dans le Christ quand il l’a ressuscité d’entre les morts et qu’il l’a fait asseoir à sa droite dans les cieux ». On dirait que l’Apôtre n’a pas assez de mots pour dire la puissance à l’œuvre dans la résurrection Il balbutie comme un enfant émerveillé ! Mais pourquoi cet émerveillement ?
Pour le comprendre, réfléchissons à la puissance. Elle s’oppose à l’impuissance. Or, quand éprouvons-nous le plus l’impuissance ? Quand le mal triomphe, ou plutôt quand il semble triompher – malgré tous nos efforts en sens contraire. Alors, nous sommes submergés par le découragement. Donc, l’impuissance va de pair avec le plus profond désespoir. Inversement, la plus grande puissance rime avec la plus grande espérance.
C’est là que s’insère la Résurrection de Jésus. Rappelons-nous le soir du Vendredi Saint. Le monde vit l’échec le plus total qu’il ait jamais vécu : non seulement l’Innocent le plus innocent que la Terre ait porté a été ignominieusement assassiné, mais tous ses disciples se sont enfuis. Plus aucun espoir humain n’est permis. L’on peine à imaginer l’impuissance qui a dû sidérer les plus fidèles des fidèles – Marie exceptée. Nous expérimentons quelque chose de cette impuissance quand un proche très cher est aux portes de la mort, que la médecine a épuisé toutes ses ressources.
C’est alors qu’éclate le cri inouï de la victoire, aussi inimaginable qu’inconcevable : « Il est ressuscité ! » Non seulement, il est plus puissant que la mort, mais cette résurrection nous est promise : « nous le savons, celui qui a ressuscité le Seigneur Jésus nous ressuscitera, nous aussi, avec Jésus, et il nous placera près de lui avec vous » (2 Co 4,14) ; « notre détresse du moment présent est légère par rapport au poids vraiment incomparable de gloire éternelle qu’elle produit pour nous » (v. 17).
Cette bonne nouvelle ne vous fait pas vibrer ? Vous avez l’impression que c’est la mort, le mensonge, etc. qui triomphent dans le monde, plus que la vie ou la vérité de l’amour ? Vous êtes convaincu que cette puissance de la Résurrection se déploie dans la vie des autres beaucoup plus que dans la vôtre ?
Alors, la prière de saint Paul est vraiment pour vous ! Il prie l’Esprit-Saint pour nous, pour vous, pour moi. Mettons-la à la première personne : « Esprit de sagesse, ouvre à ta lumière les yeux de mon cœur », « révèle-moi quelle espérance m’ouvre ton appel » à ressusciter avec Jésus, « la gloire sans prix de l’héritage que je partage avec les fidèles », celle d’être, dès maintenant, dès aujourd’hui, fête de l’Ascension, d’être assis à la droite du Père avec Toi.
Quand je reverrai ce petit garçon, je lui demanderai : « Pourrais-tu faire un autre dessin où l’on voit aussi tous les savants qui cherchent un remède, toutes les infirmières et tous les médecins qui se dévouent auprès des malades, le Soleil qui continue à briller de tous ses feux sur la nature, les 150 000 naissances quotidiennes qui ont continué à faire triompher la vie face aux 150 000 morts (et peut-être un peu plus) qu’a faits le virus pendant ces 5 mois… ».
Vous n’êtes toujours pas assuré dans votre espérance. Et si, au lieu de laisser s’agiter votre cerveau gauche (celui qui parle et nous dit parfois des sottises désespérées !), vous donniez la parole à votre cerveau droit ? Ou plutôt que vous lui offriez votre main et que vous dessiniez, à votre tour, l’avenir que « l’Esprit de Sagesse » vous réserve ? Le dessin de son Dessein d’amour sur vous…
« Viens, Esprit créateur nous visiter… »
Pascal Ide