La confiance. Des chutes du Niagara à Jésus

Jean-François Gravelet dit Blondin (1824-1897), artiste de cirque français, était suffisamment célèbre à son époque pour être le modèle du personnage de Jean Passepartout, le domestique français du gentleman anglais, Phileas Fogg, l’intrépide héros du Tour du monde en quatre-vingts jours de Jules Verne [1]. En effet, le funambule et acrobate français s’est lancé comme défi de franchir, pour la première fois, les chutes du Niagara. Le le 30 juin 1859, il tend une corde de chanvre de 330 mètres (un peu plus que la hauteur de la Tour Eiffel !) au-dessus d’un vide impressionnant, abyssal, mortel. Et, devant douze mille spectateurs, il réussit le prodige de les franchir. Plus encore, il accomplit de nombreuses fois ce parcours, multipliant les difficultés : il prend des photos de la foule, fait des sauts périlleux avant et arrière, tient en équilibre sur une chaise, fait cuire un repas sur un réchaud ou un sac sur la tête, pousse une brouette. Une fois revenu sur la terre ferme, la foule l’acclame. Il lui propose alors la chose suivante : « Qui veut venir avec moi sur mon dos ? » Soudain, la foule se tait. Personne n’ose plus répondre. Sauf un homme, un certain Harry Colcord. Il s’avère que c’est son agent. Harry ne connaît pas seulement le talent de Blondin, trait qu’il partage avec tous ceux qui l’applaudissent. Il lui fait confiance.

Connaissez-vous ces représentations bouleversantes de la Sainte Trinité où le Père tient la barre transversale de la Croix sur lequel son Fils est pendu ? En montrant le Père qui « aime le Fils » (Jn 3,35) porter physiquement la Croix, ces peintures et ces sculptures signifient qu’il n’a cessé de le porter intérieurement pendant toute la Passion. Loin d’être indifférent à son Fils ou, pire, de l’envoyer cruellement au supplice, le Père ne cesse de crier, avec David : « Absalom, mon fils, mon fils, que ne suis-je mort à ta place ? » (2 Sm 19,1). Et, avec une infinie confiance, dans un abandon total, le Fils répond : « Père, non pas comme moi je veux, mais comme toi, tu veux » (Mt 26,39)

De même que le Père « riche en miséricorde » (Ep 2,4) porte son Fils, de même Jésus ne cesse de nous porter sur la Croix et de nous présenter à son Père. Jésus n’est pas seulement celui qui « porte le péché des multitudes » (Is 53,12), il est aussi celui qui nous porte à l’heure de l’épreuve. Jésus ne nous a pas promis qu’il nous éviterait la tourmente ; mais il a promis qu’il serait là quand elle arriverait : « Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car Tu es avec moi » (Ps 23[22],3-4). Il attend seulement notre confiance, inconditionnelle.

Nous avons vu Jésus et tellement de Saints franchir ce ravin de ténèbres. Tel Blondin, notre Sauveur nous demande : accepteras-tu de franchir ce ravin de ténèbres, avec moi, sur mon dos ? Consentiras-tu, avec confiance, à ce que je te porte pendant toute la traversée ? Que lui répondrai-je ?

Pascal Ide

[1] Cf. Alexandre Tarrieu, Dictionnaire des personnes citées par Jules Verne, vol. 1. A-E, Carrer del Pujol, Éd. Paganel, 2019, p. 114.

22.4.2022
 

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