Une interprétation dramatique des Saints Archanges

Sobre est la tradition chrétienne qui n’a voulu retenir que trois noms d’anges : Michel, Gabriel et Raphaël. Ils sont habituellement interprétés comme étant les envoyés de Dieu, en quelque sorte comme les ministres de la protection (Michel), de la communication (Gabriel) et de la guérison (Raphaël). Ne doit-on pas, surtout aujourd’hui, en proposer une relecture plus dramatique ?

En effet, notre époque se caractérise tristement par une double caractéristique : une haine de soi ; une capacité d’autodestruction. Autrement dit, une intention et la possibilité de son exécution ; la finalité et, pour la première fois de son histoire, les moyens de la réaliser. Dans un ouvrage insuffisamment lu dont le titre dit tout, L’obsolescence de l’homme, le philosophe allemand Günther Anders a noté avec grande lucidité cet actuel terrifiant mélange de nihilisme et de ce qu’il appelle de manière suggestive l’« annihilisme », c’est-à-dire la capacité d’annhilation. Pour lui, ce nihilisme s’incarnait de manière singulière dans le national-socialisme et cet annihilisme dans la bombe atomique, non pas d’abord les bombes qui avaient été larguées sur Hiroshima et Nagasaki, mais celles que fabriquaient de son temps URSS et USA. Même si la guerre froide s’est effondrée avec l’écroulement du rideau de fer, cette double menace, loin de s’écarter, s’est modifiée et amplifiée. Je ne pense pas seulement à la guerre qui est à nos frontières – avec la menace d’utilisation de l’arme nucléaire. Je songe, plus encore, aux multiples détestations de soi entretenues par l’écocentrisme, la « religion woke », etc., et aux multiples destructions de soi mises en scène dans des films, séries et romans dystopiques toujours plus nombreux et mises en œuvre dans ces amputations de l’humanité que sont la mise à mort au seuil ou au terme de la vie, autant que les exclusions sociales ou la surconsommation écocide. Cet été, le film prophétique de Christopher Nolan, Oppenheimer, tentait de nous réveiller de notre sommeil acédique et de nos dénis mélancoliques.

Dès lors, la triple mission des anges change de configuration. Pleinement engagés dans le combat apocalyptique qui est le nôtre, ils ne cessent d’aider les hommes de bonne volonté et de corriger leurs actions autodestructrices : saint Michel, dont le nom signifie « Qui est comme Dieu ? », en combattant l’Ennemi extérieur qui, s’autoproclamant Maître du monde, se fait passer pour Dieu ; saint Gabriel, dont le nom signifie « puissance de Dieu », en combattant l’ennemi intérieur qu’est l’orgueil par l’annonce de la venue d’un Dieu dont toute la puissance se manifeste dans son humble abaissement ; saint Raphaël, dont le nom signifie « Dieu guérit », en multipliant les moyens de guérison psychologique, d’éducation éthique et de conversion spirituelle.

Mettons-nous à leur école et sous leur protection. Nos anges (du grec angélos, « envoyé ») sont porteurs de l’év-angile (eu-angélos, qui signifie « bonne nouvelle »).

Pascal Ide

 

30.9.2023
 

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