Les trois communions et leur présupposé métaphysique

Pour le chrétien, le don de soi n’est pas seulement l’actuation d’une capacité humaine, mais la participation à l’acte même du Christ qui ne cesse de se donner (aux hommes et, par ce don, à son Père). C’est ce qu’affirme un théologien espagnol contemporain :

 

« Dieu se donne à nous en nous donnant le Fils  la communication de Dieu à l’homme consiste, dans sa radicalité ultime, en ce que l’homme vit, purement et simplement, de la propre livrée du Fils. Pour le dire brièvement : la grâce est la communion à la vie du Christ ressuscité […]. Nous sommes sanctifiés fondamentalement comme le fut l’être humain du Christ, à savoir par une auto-donation de Dieu de Dieu à l’homme (don incréé). Fondamentalement, mais avec une différence, certes pas de degré, mais qualitative : dans le Christ, l’actuation de Dieu a exploité jusqu’à la limite la puissance obédientielle humaine, faisant que l’homme Jésus soit en personne le Fils ; en nous, une telle actuation est dérivée et médiate – par sa médiation – et nous fait […] participants de l’être divin et fils adoptifs de Dieu [1] ».

 

Et telle est, en nous, l’œuvre de l’Esprit. Il en est d’ailleurs de même de la communion : toute communion humaine est participation à la communion trinitaire. Et cela, par la médiation de la communion entre Dieu et l’homme.

La plupart des explications ne distinguent pas clairement les trois dons ni les trois communions : entre les Personnes divines, entre Dieu et l’homme, entre les hommes. Tel est le cas de la citation ci-dessus ; tel est aussi le cas de l’ouvrage du théologien carme Jean-Baptiste Lecuit sur sur l’inhabitation divine en l’homme [2].

 

En fait cette triple communication fait appel à deux analogies : de proportionnalité entre la relation intradivine (de don ou de communion) et la relation intrahumaine ; de proportion entre Dieu et l’homme. La première est centrée sur la cause formelle ou plutôt la cause exemplaire, la seconde sur la cause efficiente. Derrière se profilent deux métaphysiques : platonicienne pour la relation d’exemplarité ; aristotélicienne pour la relation de causalité efficiente.

Toutefois, se pose une difficulté : la plus haute métaphysique platonicienne a compris que l’essence, loin d’être statique autopossession de soi est active autodonation : l’essence tend à se communiquer et non pas seulement à subsister. Faut-il alors inverser l’interprétation et dire que la métaphysique platonicienne explique l’analogie verticale, c’est-à-dire la communication des essences, alors que la métaphysique aristotélicienne explique l’analogie horizontale, c’est-à-dire l’autopossession ?

Pascal Ide

[1] Juan Luis Ruiz de la Pena, El don de Dios. Antropologia teologica especial, Satander, Editorial Sal Terrae, 1991, p. 345. Souligné dans le texte.

[2] Cf. Jean-Baptiste Lecuit, Quand Dieu habite en l’homme. Pour une approche dialogale de l’inhabitation trinitaire, coll. « Cogitatio Fidei » n° 271, Paris, Le Cerf, 2010.

7.6.2023
 

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