L’Église comme sujet selon Joseph Ratzinger 2/2

4) Conséquences

a) La nouveauté de la pensée de Ratzinger

Dans sa deuxième thèse sur la théologie de l’histoire de saint Bonaventure, le jeune professeur affirme qu’« il n’appartient pas à la théologie de produire des pensées nouvelles, mais seulement de trouver les mots justes pour des pensées qui ne viennent pas d’elle, mais de Dieu lui-même [1] ».

Assurément, Ratzinger n’invente pas ou ne crée pas un concept nouveau d’Église et s’inscrit dans la continuité de la Tradition. En ce sens, ses mots et ces pensées « ne viennent pas » de lui, « mais de Dieu lui-même ». Toutefois, ces « mots justes », eux, sont inédits. Le Père de Beaufort résume cette nouveauté dans un tableau suggestif [2]. La Constitution Dei Verbum du dernier Concile a montré de manière admirable combien la Parole de Dieu (qui est identiquement la Révélation de Dieu ou son Mystère) est la notion englobante qui transcende l’Écriture et la Tradition – sortant ainsi de la théorie fameuse des « deux sources ». Toutefois la Constitution dogmatique sur la Révélation divine n’a pas explicité le destinataire de cette Révélation. Il demeure un « angle mort [3] ». Or, tel est l’apport décisif de Joseph Ratzinger : il s’agit de l’Église. Mais le théologien ne se contente pas d’affirmer son existence. Il affirme, en outre, que Dieu qui communique sa Révélation dans le Christ par l’Esprit est aussi celui qui institue son destinataire et donc l’édifie. Enfin, il précise que cet accueil (qui est rencontre de la vérité) constitue l’essence même de l’Église. Et voilà pourquoi elle est sujet. Donc, parler de sujet, c’est identiquement nommer son identité la plus profonde.

b) La solution du problème herméneutique

De là se déduit immédiatement une autre conséquence d’importance. Nous venons de dire que l’Église est le sujet qui reçoit la Révélation divine. Or, celle-ci est exposé dans la Sainte Écriture. Donc, le sujet Église est aussi celui de l’herméneutique scripturaire. Autrement dit, celle-ci n’est pas d’abord l’exercice du sujet croyant isolé, fût-il théologien, il est encore moins celui d’un spécialiste qui, dénué de la lumière de la foi, l’étudierait à la lumière de sa seule raison et de ses seuls instruments critiques. Elle ne peut être exercée que par le Corps (le sujet) ecclésial qui seul lui donne tout son sens.

De cette affirmation axiale, nous pouvons tirer à notre tour différentes autres conséquences. D’abord, l’interprétation de la Parole divine n’est pas réservée à quelques spécialistes, mais s’étend à tout le peuple de Dieu qui est l’Église. Plus encore, comme nous accueillons la Révélation divine par et dans la foi, notre pénétration de son Mystère sera proportionnelle non pas d’abord à notre science humaine, mais à notre foi divine. C’est ainsi que les Saints, qui méditent la Parole de Dieu à genoux, la comprennent avec une profondeur, voire une justesse beaucoup plus grandes qu’un théologien de métier, travaillant assis à sa table [4] :

 

« Là où la Révléation a été ‘perçue’ et est redevenue vivante, il s’ensuite une union avec la parole plus profonde que là où elle n’est qu’analysée comme un texte. La ‘sympathie’ des saints avec la Bible, leurs souffrances partagées avec la Parole, la leur font comprendre plus profondément que n’ont pu le faire les savants de l’époque des Lumières [5] ».

 

Par ailleurs, c’est toute l’Église, de tous les lieux et de toute l’histoire, qui lit et interprète cette Parole, ce qui suppose autant de s’enraciner dans la Tradition que de s’attendre à ce que de neuves lumières l’éclairent dans les temps à venir.

Enfin, nous avons trop brièvement vu que l’herméneutique est née de la déhiscence entre la vérité et l’histoire, autrement dit entre l’universel intemporel et le singulier engagé dans l’histoire. L’on connaît la réponse blondélienne qui réside dans la Tradition vivante. Celle-ci, de fait, couvre la totalité de l’histoire. Quelques décennies avant, Newman avait anticipé la crise moderniste en insistant sur le germe organique se développant dans l’histoire. Lecteur de Newman plus que de Blondel, Ratzinger les enrichit tous deux en leur donnant un bénéficiaire : le sujet Église, lui-même animé par la mémoire pneumatique. Si l’on se souvient que, héritier du déficit pneumatologique caractéristique de son temps, Blondel survalorisait la médiation christologique (le vinculum substantiale), l’on ne s’étonne pas qu’il faille compléter son point de vue par celui de la mémoire pneumatique.

c) La transformation eclésiale du sujet croyant

Tirons enfin une leçon spirituelle. Si l’Église est le véritable sujet de la Révélation divine, il est nécessaire que le croyant lui soit assimilé de quelque manière. Or, celui-ci possède une personnalité propre. Il est donc aussi obligatoire qu’il en soit en quelque sorte dépouillé pour acquérir cette nouvelle subjectivité croyante qui est communautaire ou corporative.

Une phrase résume, pour Ratzinger, cette transformation véritablement ontologique : « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2,20). Elle dessine trois moments : « moi », « pas moi » ou « plus moi », « le Christ en moi ». Or, c’est là le mouvement même de la conversion. Voilà pourquoi Ratzinger – qui, dans son besoin de se positionner à l’égard du protestantisme, accorde une importance décisive à la catégorie de transformation [6] – ose définir celle-ci comme un « changement de sujet [7] ». Le chrétien converti s’identifie en quelque sorte au Christ.

Or, ce qui est vrai en général de la conversion, l’est aussi de la foi. Aussi Joseph Ratzinger, toujours audacieux, affirme-t-il que l’union vitale entre le Christ et les chrétiens qu’opère l’Esprit-Saint est une « fusion de sujet [8] » avec le Christ ou un « transfert dans l’unité de sujet avec lui [9] ». On notera que, chaque fois, le terme « sujet » est mobilisé. Sans fusion moniste, le sujet chrétien devient le Christ : « Le nouveau sujet est plutôt ‘le Christ’ lui-même, et l’Église n’est rien d’autre que l’espace de cette nouvelle unité de sujet, qui est donc bien plus qu’une simple interaction sociale [10] ».

5) Relecture à la lumière de l’amour-don

Nous l’avons déjà évoqué chemin faisant, la dynamique du don éclaire du dedans la thèse clé de l’ecclésiologie ratzingérienne. Mais, si celui-ci le dit implicitement, voire, si une bonne partie de sa théologie s’avère au fond s’identifier à une théo-logique de l’amour-don [11], ainsi que nous avons tenté de le montrer ailleurs [12], il n’explicite jamais cette thèse de manière systématique. Nous allons tenter de le proposer.

a) Le sujet Église dans la lumière du don

« L’Église est le sujet qui perçoit et comprend la Parole de Dieu dans l’histoire. Elle se comprend elle-même à partir du don de la Parole [13] ». Il suffit de légèrement expliciter le propos du jeune théologien pour voir apparaître la théologie implicite qui éclaire du dedans l’ecclésiologie ratzingérienne (et beaucoup plus qu’elle).

Dieu le Père est le Donateur qui ne se reçoit de rien et donne tout, la Source inépuisable. De même qu’il engendre son Fils unique à qui il donne d’être Dieu, de même l’envoie-t-il à la plénitude des temps pour que le monde soit sauvé. Or, le Christ, Verbe incarné, se donne à son tour aux hommes : en se donnant à son tour, il révèle son Père et sauve les hommes. De même que le Fils reçoit le Père et se reçoit de lui, de même l’Église reçoit du Fils et se reçoit de lui au point d’être constituée par lui. Mais le Fils se donne à l’Église par la médiation de dons. En particulier, sa Révélation passe par la médiation de l’Écriture et de la Tradition. Enfin, ces dons sont eux-mêmes portés par l’Esprit-Saint qui, provenant du sein même du Fils et en constituant la mémoire, les intériorise dans le sujet ecclésial et lui permet d’être transformé.

b) Le sujet Église dans la lumière des lois du don

Nous en sommes restés à un exposé concret, tel que Joseph Ratzinger l’affectionne. Mais toute cette cascade de dons est entièrement sous-tendue par différentes lois plus générales qu’il est précieux d’expliciter et qui constituent toute la dynamique de l’amour-don. Nous nous contenterons de les énoncer sans les détailler, car elles sont explicitées ailleurs [14] :

  1. Le donateur ne fait pas que donner, il se donne.
  2. Il n’y a de donation que s’il y a réception, tout aussi gratuite que la donation.
  3. La donation se médiatise nécessairement dans différents dons qui symbolisent le donateur.
  4. La médiation des dons ne suffit pas. Elle doit elle-même être portée par un esprit. En effet, si nécessaires soient les dons médiateurs, ils demeurent entre le donateur et le donataire. Or, ces dons qui jaillissent du cœur de l’aimant pour qu’il puisse se donner doivent féconder le cœur de l’aimé pour qu’il puisse s’en recevoir et se l’approprier afin d’être transformé. Voilà pourquoi la communion d’amour du donateur et du receveur requiert leur communication pneumatique.
  5. Enfin, la Le donateur ne fait pas que se donner, il donne également au récepteur de s’ouvrir au don, afin qu’il le reçoive autant qu’il se donne. Autrement dit, le donateur institue le sujet récepteur. Nous comprenons désormais le sens complet ce que signifie le sujet-Église. La notion de sujet renvoie à un double contenu : il n’est pas seulement récepteur ; il est aussi constitué par le donateur. Autrement dit, le Donateur aimant enveloppe jusqu’au récepteur aimé. En ce sens, le choix fait par le théologien bavarois du concept de sujet est particulièrement judicieux.

En ce sens aussi, l’on peut dire avec Miguel Ángel Núñez Aguilera que, en optant pour le concept de sujet, Ratzinger a « incorporé une catégorie philosophique pour décrire une réalité théologique [15] » – à condition que l’on ajoute que le transfert du concept dans le champ théologique s’est accompagné d’une modification de sa signification, ce que signifie l’instrument logique qu’est l’analogie qui opère dans d’autres parties de la théologie.

c) Un double résumé

Une succession de quatre phrases qui, placées au début de la conclusion de la deuxième partie, résument les apports respectifs de ses 4 chapitres, est intégralement cadencée par le don :

 

« La notion de Révélation inclut l’Église comme sujet récepteur [voilà pour la réception]. Celle de Tradition présuppose l’Église comme sujet doué de mémoire [voilà pour l’appropriation]. L’Écriture Sainte n’existe pas sans le sujet Église qui est son coauteur et son véritable sujet herméneutique [voilà pour la donation en retour]. Enfin, la théologie n’est possible que dans le sujet Église, l’espace existentiel où foi et raison peuvent se rencontrer [voilà pour la pneumatisation] [16] ».

 

Résumons enfin en une image synthétique qu’il faudrait transforme en cascade :

 

Dieu le Père —————> Fils éternel

                                                                                Mémoire pneumatique

Le Christ (Fils incarné) ———————> l’Église comme sujet

Révélation de Dieu     ———————> l’Église, sujet herméneutique

d) Le feedback sur la sagesse du don

La métaphysique et la théologie de l’amour-don et de l’amour-communion ne font pas qu’éclairer l’ecclésiologie ratzingérienne du sujet-Église en en donnant la raison d’être ultime. En retour, elle enrichit cette sagesse ontodologique sur un point d’importance : ce sujet est d’essence collective ou, mieux, universelle. À l’universel à la fois concret et substantiel de Dieu (un seul Dieu) répond (en tous les sens du terme : correspond, retourne, s’adresse) l’universel concret et plurisubstantiel de l’Église [17]. Autrement dit, la logique systémique ne concerne pas seulement la dualité des pôles Dieu-humanité, mais chacun des pôles, puisqu’à la communion trinitaire des Personnes divines répond comme en résonance la communion ecclésiale des hommes.

D’ailleurs, n’allons pas nous imaginer que ces lois du don coiffent la théologie, comme, selon la conception erronée de l’ontologie générale se distribuant en trois ontologies régionales, l’univocité de l’être englobe la multiplicité des étants [18]. L’induction scalaire, qui est autant analogique que catalogique, assure que les lois de l’amour-don ont déjà elles-mêmes été transformées par la contemplation du Mystère trinitaire.

6) Conclusion

Nous avons vu que Ratzinger-Benoît XVI considère l’Église comme « sujet ». Ce faisant, il propose une ecclésiologie qui, pour s’enraciner dans la Tradition, n’en est pas moins novatrice. Nous avons aussi vu qu’il fallait interpréter ce sujet, d’une part, comme instance collective bénéficiaire de la Parole de Dieu, de cette auto-communication qu’est la Révélation divine, d’autre part, comme constituée par cette Vérité. Enfin, nous avons tenté de montrer que cette ecclésiologie, qui ne bénéficie jamais d’un exposé systématique et magistral, est secrètement animé par la dynamique du don qui permet de rendre compte de sa cohérence et rentre en résonance avec d’autres développements du grand théologien.

S’il fallait émettre une critique de la thèse, cette critique serait extrinsèque et relèverait plus du questionnement que de l’objection. Quelle est la raison profonde pour laquelle Joseph Ratzinger écarte la thèse de la personnalité de l’Église ? Toute proche est l’interrogation suivante : pourquoi notre théologien médite-t-il plus sur l’Église-Corps que sur l’Église-Épouse, puisque les deux analogies sont scripturaires ? Au fond, qu’est-ce qui l’oppose à la vision balthasarienne dont il est souvent si proche (vision dialogique ; primauté de l’amour ; Marie, première Église ; résistance à la thèse de l’Église comme Personne ; etc.) ? Par ailleurs, cette vision si puissante n’accorde pas de place aux sacrements, voire au sacrement qu’est l’Église. Pourtant, non seulement ceux-ci sont, avec la Parole, ou plutôt l’Écriture et la Tradition, les dons que le Donateur divin nous transmet pour mieux se donner (en se disant), mais ils disent, eux aussi, quelque chose de son Mystère, puisque, dans une phrase justement célèbre, qui ouvre la constitution Lumen gentium, il est dit que « l’Église […] est dans le Christ comme un sacrement [veluti sacramentum] [19] ». Comment penser de manière unifiée l’Église comme sujet et comme sacrement ?

Pour mieux percevoir l’originalité créatrice de la thèse, mais aussi sa limite, il serait précieux de comparer cette ecclésiologie avec les autres ecclésiologies, les plus proches, comme celle de l’Église-personne, chère à Balthasar, et plus lointaines, telle celle de Bellarmin. C’est ce que nous proposons de faire dans une prochaine note programmatique.

Pascal Ide

[1] Joseph Ratzinger, Das Offenbarungsverständnis und die Geschichtstheologie Bonaventuras. I. Offenbarung und Heilsgeschichte nach der Lehre des heiligen Bonaventura, Id., Gesammelte Schriften, tome 2, p. 205. La traduction française s’est limitée à la deuxième partie de la thèse : La théologie de l’histoire de saint Bonaventure, trad. Robert Givord, coll. « Théologiques », Paris, p.u.f., 1988

[2] Jean-Malo de Beaufort, L’unique sujet Église selon Joseph Ratzinger, p. 410.

[3] Ibid., p. 409.

[4] Hans Urs von Balthasar, La distinction d’une théologie à genoux et d’une théologie assise vient du célèbre article de « Théologie et sainteté », trad. Olaf Hahn et Maurice Vidal, revue par Isabelle Crahay, dans Mgr. Philippe Barbarin, Théologie et sainteté. Introduction à Hans Urs von Balthasar, coll. « Les Cahiers de l’École Cathédrale », Saint-Maur, Parole et Silence, 1999, p. 93-123.

[5] Joseph Ratzinger, « Transmission de la foi et sources de la foi », p. 265. Renvoie au texte cité ci-dessus « l’unité de la foi et le pluralisme théologique ».

[6] Cf. Pascal Ide, « Le Christ donne tout ». Benoît XVI, une théologie de l’amour, Paris, Éd. de l’Emmanuel, 2007, chap. 4 : « La puissante transformante de l’amour ».

[7] Joseph Ratzinger, « Vom geistlichen Grund und fom kirchlichen Ort der Theologie », 1986, Id., Gesammelte Schriften, tome 9/1, p. 135-158, ici p. 140. Cet article est incomplètement traduit sous le titre « L’Église et le théologien », Id., L’Église et la théologie, trad. inconnue, Paris, Mame, 1992, p. 93-129.

[8] Ibid., p. 141.

[9] Joseph Ratzinger, « Origine et essence de l’Église », Id., Appelés à la communion. Comprendre l’Église aujourd’hui aujourd’hui, trad. Bruno Guillaume, Paris, Fayard, 1993, p. 11-38, ici p. 27. Traduction modifiée par Jean-Malo de Beaufort, L’unique sujet Église selon Joseph Ratzinger, p. 215.

[10] Id., « Vom geistlichen Grund und vom kirchlichen Ort der Theologie », p. 142.

[11] Cf. Joseph Ratzinger, La foi chrétienne hier et aujourd’hui, trad. E. Ginder et P. Schouver, coll. « Traditions chré­tiennes », Paris, Le Cerf, Mame, 1969, 21985, « Note annexe. Structures de la réalité chrétienne », p. 166-188.

[12] Cf. le sous-titre de l’ouvrage cité plus haut : Pascal Ide, « Le Christ donne tout ». Benoît XVI, une théologie de l’amour.

[13] Jean-Malo de Beaufort, L’unique sujet Église selon Joseph Ratzinger, p. 412.

[14] Nous mobilisons ici les trois grandes dynamiques du don : unaire et intérieure (réception-appropriation-donation), binaire et extérieure (donation-réception-redamatio-réception en retour), ternaire ou plutôt trinitaire et intériorisante-extériorisante (double médiation des dons et de l’esprit).

[15] Miguel Ángel Núñez Aguilera, Unico Sujet-Iglesia, p. 446.

[16] Jean-Malo de Beaufort, L’unique sujet Église selon Joseph Ratzinger, p. 491.

[17] Avec une exception dont il faudra préciser le statut théologique : Marie, première Église, c’est-à-dire Église exemplaire ou paradigmatique (cf. Joseph Ratzinger, Hans Urs von Balthasar, Marie, première Église, trad. Robert Givord, Joseph Burkel et Charles Chauvin, Paris, Apostolat des Éditions, 1981. Rééd. : Paris-Montréal, Médiaspaul, 2005).

[18] Cette affirmation trop elliptique fait l’objet d’un autre développement dans un article qui sera très bientôt exposé à publication.

[19] Concile Œcuménique Vatican II, Constitution dogmatique Lumen gentium sur l’Église, 21 novembre 1964, n. 1.

15.6.2023
 

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