Le Christ est connu par la blessure de la beauté. L’esthétique chrétienne selon Joseph Ratzinger

Joseph Ratzinger, « Blessé par la flèche de la beauté. La croix et la nouvelle ‘esthétique’ de la foi », Opera omnia. VI. Jésus de Nazareth. 2. Écrits de christologie, trad. Pascale-Dominique Nau, Paris, Parole et Silence, 2023, p. 139-145. Le volume n’indique en rien la provenance ou la date de ce texte.

 

La lecture de cet admirable texte de Joseph Ratzinger – qui est aussi une méditation – est très aisée : le langage est simple ; sans notes, le propos n’est pas surchargé de débats implicites ; bien que riches, les références sont limpides. Toutefois, il est plus difficile de dire quelle est exactement la thèse tant celle-ci semble multiple. Et il est aussi plus délicat d’organiser le texte. Certes, il parle de l’esthétique proprement chrétienne. Mais qu’en dit-il ?

Selon nous, le texte montre que le Christ est connu par la blessure de la beauté. Il ne montre pas seulement que la via esthetica est une des voies d’accès au Christ, mais qu’elle est la voie. En retour, il manifeste que le Christ change radicalement notre conception esthétique. Le beau n’introduit au Sauveur que parce que le Sauveur l’a d’abord transformée. Le titre exprime la thèse principale (le Christ est connu par la blessure de la beauté) et le sous-titre la thèse seconde ou en écho (la beauté est transformée par la foi au Christ).

Venons-en à la divisio textus. Comme toujours, les distinctions sont ajoutées au texte, et mes commentaires introductifs en vue de clarifier le propos, sont en italiques.

1) Première approche : par la liturgie

Comme souvent chez Ratzinger, l’introduction est à la fois une problématisation et une première approche de la thèse selon laquelle, ici, le Christ se laisse connaître par la beauté et une forme singulière de beauté.

L’on observera la singulière congruence ou convenance de parler de la beauté à partir de la liturgie qui est le lieu ecclésial de la beauté (non plus seulement pensée, mais exercée).

a) Paradoxe

1’) Énoncé

Chaque année, dans la Liturgie des heures du Carême, je suis frappé par un paradoxe qui se rencontre dans les vêpres du lundi de la deuxième semaine du Psautier. Deux antiennes s’y trouvent ensemble – l’une pour le temps du Carême, l’autre pour la Semaine sainte – qui introduisent le Psaume 45, mais elles offrent des clés d’interprétation tout à fait différentes. Ce psaume décrit les noces du roi, sa beauté, ses vertus, sa mission, puis se transforme en louange de l’épouse.

2’) Exposé
a’) Antienne de Carême

Pendant le Carême, le psaume est encadré par l’antienne qui est utilisé pendant le reste de l’année liturgique ; il s’agit du verset 3 de ce psaume lui-même qui dit : « Tu es beau, comme aucun des enfants de l’homme, la grâce est répandue sur tes lèvres ». Il est évident que l’Église lit ce psaume comme une expression prophétique et poétique de la relation conjugale du Christ et de l’Église. Elle y reconnaît donc que le Christ est le plus beau des hommes tandis que la grâce répandue sur ses lèvres décrit la beauté intime de sa Parole, la gloire de ce message. Ce n’est donc pas la beauté extérieure de la figure du Rédempteur qui est loué mais plutôt la beauté de la vérité qui se manifeste en lui, la beauté de Dieu lui-même qui nous attire puissamment et la blessure de l’amour que nous inflige, pour ainsi dire, l’éros divin qui nous fait courir ensemble avec et dans l’Église, son épouse, à la rencontre de l’Amour qui nous appelle.

b’) Antienne de Semaine Sainte

En revanche, le lundi de la Semaine sainte, l’Église change l’antienne et nous invite à lire le même psaume à la lumière de Is 53,2 : « il était sans apparence ni beauté qui attire nos regards, son aspect n’avait rien pour nous plaire ».

b) Solution

Comment concilier les deux visions ? Le « plus beau » des hommes est si misérable que l’on ne veut même pas le voir. Pilate le montre à la foule en disant : Ecce homo ! pour susciter un peu de pitié envers cet homme maltraité et battu, maintenant sans beauté extérieure. Saint Augustin – qui dans sa jeunesse avait écrit une opérette « Sur la [140] beauté et l’utilité » (De pulchro et apto) et était passionnément épris de la beauté du langage, de la musique et des arts figuratifs – a pris ce paradoxe très au sérieux, car il comprenait que la grande philosophie grecque de la beauté n’était pas seulement écartée ici mais dramatiquement remise en question. Il fallait de nouveau se demander ce qu’est la beauté et ce que la beauté représente. Se référant au paradoxe de ces textes, Augustin parle de « deux trompettes » dont les sons sont contraires bien qu’ils proviennent du même souffle, du même Esprit. Il savait que le paradoxe est caractérisé par un contraste mais qu’il n’y a pas de contradiction. Les deux textes dérivent du même Esprit qui inspire toutes les Écritures, mais qui résonne avec des notes différentes. Or, c’est précisément ainsi qu’il nous offre la totalité de la vraie beauté, de la vérité elle-même [1]. Le texte d’Isaïe a tout d’abord conduit beaucoup de Pères à se demander si le Christ était beau ou non. Mais derrière cette question, il y a une autre qui est beaucoup plus décisive, à savoir si la beauté est vraie, ou si c’est plutôt la laideur qui nous conduit à la vérité authentique de la réalité. Quiconque croit en Dieu, en ce Dieu qui s’est révélé dans la figure déformée du Crucifié comme amour « jusqu’à la fin » (Jn 13,1), sait que la beauté est la vérité et que la vérité est la beauté ; mais dans le Christ souffrant, il apprend aussi que la beauté de la vérité comprend les blessures, la douleur et même le sombre mystère de la mort, et qu’elle ne peut être trouvée que dans l’acceptation de la douleur et non dans son refus.

2) Exposé proprement théologique

a) Première ébauche chez Platon

Une certaine conscience du fait que la douleur n’est pas étrangère à la beauté se retrouve déjà dans le monde grec. Pensez par exemple au Phèdre de Platon. Platon voit la rencontre avec la beauté comme un choc salutaire qui arrache l’individu à lui-même, qui l’« emporte ». L’homme – dit Platon – a perdu la perfection de l’origine qui lui était destinée ; il est maintenant pour toujours en quête de la forme primitive qui le guérira. La mémoire et la nostalgie le poussent à chercher, et la beauté l’arrache au contentement du quotidien. Cela le fait souffrir. On pourrait dire, au sens de Platon, que le dard de la nostalgie frappe l’homme, le blesse, et lui donne des ailes pour qu’il puisse s’envoler vers le haut [2]. Aristophane dit dans son [141] discours dans Le Banquet que les amoureux ne savent pas exactement ce qu’ils veulent l’un de l’autre ; il est assez évident que leurs âmes ont soif d’autre chose que le plaisir amoureux. Pourtant, l’âme est incapable de dire ce qu’est cette autre chose : « elle ne perçoit que vaguement ce qu’elle veut vraiment et le considère comme une énigme [3] ».

b) Reprise chrétienne

1’) Exposé chez Nicolas Cabasilas
a’) Le moment grec

Au quatorzième siècle, nous retrouvons dans le livre du théologien byzantin Nicolas Cabasilas La vie en Christ cette expérience de Platon, où l’objet de la nostalgie reste encore sans nom. Pourtant, cela prend une forme chrétienne, quand il dit : « Quand des hommes éprouvent un désir si fort qu’il surpasse la nature humaine et désirent réaliser des actions inconcevables, c’est l’Époux lui-même qui les a blessés. Il a envoyé dans leurs yeux un rayon de sa beauté. La profondeur de la blessure témoigne que la flèche les a frappés et la nostalgie indique Celui qui l’a envoyée [4] ». La beauté blesse, mais elle rappelle ainsi à l’homme son destin ultime. La réflexion de Platon, et celle de Cabasilas plus de 1500 ans plus tard, n’ont rien à voir avec l’esthétisme superficiel et l’irrationalisme, avec le renonce- ment à la clarté ou aux besoins de la raison. La beauté est la connaissance, voire une forme supérieure de connaissance, car elle frappe l’homme avec toute la grandeur de la vérité. Cabasilas y reste entièrement grec, car il place la connaissance tout au début : « La cause de l’amour – dit-il – est la connaissance ; la connaissance génère l’amour [5] ».

b’) La nouveau chrétienne

Elle réside ici non pas d’abord dans l’expérience de la beauté, mais dans l’expérience en général, c’est-à-dire dans cette modalité particulière de la connaissance qu’est l’expérience.

Parfois, poursuit-il, la connaissance pourrait être assez forte pour avoir le même effet qu’un philtre d’amour. Cependant, Cabasilas ne parle pas seulement en termes généraux. Avec la justesse typique de sa pensée, il distingue deux types de connaissance : celle obtenue par l’éducation, qui reste, pour ainsi dire, un savoir « de seconde main » et n’implique pas de contact direct avec la réalité ; au lieu de cela, il y a celle fournie par l’expérience personnelle, par le contact avec les choses. « Tant que nous n’avons pas goûté un être, nous ne l’aimons pas comme il mérite d’être aimé [6] ». La vraie connaissance signifie donc être frappée et blessée par la flèche de la beauté, touchée par la réalité, « par la présence personnelle du Christ lui-même », comme il le dit. Être bouleversé par la beauté du Christ est une connaissance plus réelle et profonde qu’une pure déduction rationnelle. Il ne faut certainement pas sous-estimer l’importance de la réflexion théologique, d’une pensée [142] théologique exacte et rigoureuse ; elle reste absolument nécessaire. Mais la foi et la théologie seraient appauvries et rendues stériles si l’on dédaignait ou refusait de considérer comme une véritable forme de connaissance la secousse provoquée par la rencontre du cœur avec la beauté. Nous devons redécouvrir cette forme de connaissance – c’est une urgence de notre temps.

2’) Élargissement à Balthasar

C’est sur la base de cette perception qu’Hans Urs von Balthasar a construit son opus magnum d’esthétique théologique. Beaucoup de détails de cet ouvrage ont été repris par la réflexion théologique actuelle, mais son inspiration fondamentale, qui constitue l’élément essentiel de l’ensemble, n’a guère reçue [7]. Ce n’est pas seulement ni principalement un problème théologique, mais c’est aussi un problème pour la pastorale qui doit aider l’homme à rencontrer la beauté de la foi. Les thèmes tombent souvent dans l’oreille d’un sourd parce que trop d’arguments dans notre monde semblent contradictoires, et on ne peut pas s’empêcher de penser à la remarque des théologiens médiévaux qui disaient que la raison a un nez de cire, autrement dit, elle peut être retournée dans n’importe quelle direction, si l’on est assez malin. Tout est si logique, si convaincant…

3’) Induction

À qui devons-vous faire confiance ? La rencontre avec la beauté peut se transformer en un coup de flèche qui blesse l’âme et la rend capable ainsi clairvoyant, à tel point que – à partir de l’expérience – elle développe des critères et peut aussi d’évaluer correctement les arguments.

a’) Exemple de la musique

Le concert de Bach dirigé par Leonard Bernstein à Munich après la mort prématurée de Karl Richter reste gravé dans ma mémoire. J’étais assis à côté de l’évêque évangélique luthérien, Hanselmann. Lorsque le dernier accord d’une des grandes cantates de Thomaskantor s’est terminé triomphalement, nous nous sommes spontanément regardés et tout aussi spontanément nous avons dit : « En écoutant cette musique, nous comprenons que la foi est vraie ». Dans cette musique, une force de réalité si extraordinaire était perceptible, que non plus par déduction rationnelle, mais par la secousse du cœur, il était évident que tout cela ne pouvait pas provenir de rien, mais que seule la force de la vérité, présente dans l’inspiration du compositeur, pouvait le faire naître.

b’) Exemple de l’icône

N’est-ce pas pareil quand nous nous laissons émouvoir par l’icône de la Trinité de Roublev ? Dans l’art des icônes, tout comme dans les grandes peintures occidentales romanes et gothiques, l’expérience décrite par Cabasilas n’est plus seulement un événement [143] intérieur ; elle s’est extériorisée et devenue ainsi communicable. Paul N. Evdokimov a montré avec insistance le chemin intérieur que l’icône présuppose. Elle n’est pas la simple expression de ce que les sens peuvent percevoir, mais elle présuppose – comme il le dit – un « jeûne de la vision ». La perception intérieure doit se libérer de l’impression sensible et apprendre, dans la prière et l’ascèse, une capacité nouvelle et plus profonde à voir, à faire la transition de l’extériorité pure à la réalité profonde, afin que l’artiste saisisse ce que les sens comme tels ne voient pas et qui pourtant se manifestent dans des réalités sensibles : la splendeur de la gloire de Dieu, la « gloire de Dieu sur la face du Christ » (2 Co 4,6) [8].

c’) Exemples de l’art chrétien

La contemplation des icônes, et en général des chefs-d’œuvre de l’art chrétien, nous conduit sur un chemin intérieur, sur une voie de transcendance, qui nous manifeste, dans cette purification du regard qui est purification du cœur, la beauté, ou du moins un rayon de beauté. Or, justement ainsi, la beauté nous met en contact avec le pouvoir de la vérité.

d’) Exemple des saints

J’ai souvent dit que je suis persuadé que les véritables apologies du christianisme, la preuve la plus convaincante de sa vérité face à tout ce qui semble négatif, ce sont les saints, d’une part, et, de l’autre, la beauté que la foi a engendrée. Pour que la foi grandisse aujourd’hui, nous devons nous diriger nous-mêmes et les gens que nous rencontrons vers les saints et vers ce qui est beau.

3) Objections

En fait, une première difficulté fut énoncée au début : la beauté est une évasion hors de la vérité. La seconde difficulté qui sera exposée rejoint cette objection.

a) Première difficulté : le culte de la laideur

Au nom de ce que la beauté est tromperie, de ce que le mal a triomphé, après Auschwitz, il est interdit de représenter la beauté et obligé de chercher la vérité dans la laideur.

1’) Exposé de la difficulté

Mais maintenant, nous devons faire face à une autre objection. Nous avons déjà rejeté l’affirmation selon laquelle le message de la beauté implique l’évasion dans l’irrationnel, l’esthétisme pur. En fait, c’est le contraire qui est vrai : la raison est ainsi libérée de sa torpeur et devient capable d’agir. Aujourd’hui une autre objection a plus de poids : le message de la beauté serait remis en cause par le pouvoir du mensonge, de la séduction, de la violence, du mal. La beauté peut-elle être vraie ? ou n’est-elle finalement qu’une illusion ? La réalité n’est-elle pas radicalement mauvaise ? Les hommes ont toujours craint que ce ne soit pas la flèche de la beauté qui nous mette en présence de la vérité, après tout, mais plutôt que le mensonge, la laideur et la vulgarité représentent la « vérité ». Cela a récemment été exprimé par le slogan qu’après Auschwitz, on ne peut plus écrire de la poésie, qu’après Auschwitz il n’est plus possible de parler d’un Dieu bon. On se demande : Où était Dieu quand les crématoires fonctionnaient ?

2’) Solution

Cette objection – pour laquelle, d’ailleurs, il y avait des raisons suffisantes dans toutes les atrocités de l’histoire, même avant Auschwitz [144] – signifie, en tout cas, qu’un concept de beauté purement harmonieux ne suffit pas ; il n’est pas capable de répondre la gravité avec laquelle Dieu, la vérité et la beauté sont remis en question. Apollon, qui pour Socrate de Platon était « le dieu » et soutenait que la pure beauté est vraiment d’essence divine, ne suffit pas. Cela nous ramène aux « deux trompettes » de la Bible dont nous sommes partis, c’est-à-dire au paradoxe du Christ, dont nous pouvons dire : « Tu es le plus beau des enfants de l’homme », mais aussi : « Il n’avait ni beauté ni éclat ; il était défiguré par la douleur ». Dans la passion du Christ, l’esthétique grecque – admirable pour sa tentative de contact avec le divin, qui reste cependant indicible – n’a pas été abolie mais complètement dépassée. L’expérience de la beauté acquiert une nouvelle profondeur, un nouveau réalisme. Celui qui est la beauté même s’est laissé frapper au visage, couvrir de crachats, couronné d’épines : le Suaire de Turin l’évoque pour nous d’une manière émouvante. Mais précisément sur ce visage tellement défiguré apparaît une beauté authentique et extrême : la beauté de l’amour qui aime « jusqu’au bout », se montrant ainsi plus forte que le mensonge et la violence. Ceux qui ont perçu cette beauté savent que la vérité, et non le mensonge, est l’ultime autorité au monde. Ce n’est pas le mensonge qui est « vrai » mais justement la vérité. C’est, pour ainsi dire, une nouvelle ruse du mensonge, qui se présente lui-même comme l’ultime autorité, de nous dire : en fin de compte, il n’y a rien au-dessus de moi. Arrêtez d’aller en quête de la vérité ou même de l’aimer. Vous êtes sur la mauvaise voie. L’icône du Crucifié nous libère de cette tromperie si écrasante aujourd’hui. Mais à une condition : que nous nous laissons blesser avec lui et mettons notre confiance en cet amour qui n’a pas hésité à se dépouiller de sa beauté extérieure pour annoncer, précisément ainsi, la vérité de la beauté.

b) Seconde difficulté : le culte de la fausse beauté

1’) Exposé de la difficulté

Le mensonge a aussi une autre astuce : la beauté trompeuse et fausse, une beauté éblouissante qui emprisonne les hommes en eux-mêmes, les empêchant de s’ouvrir à l’extase qui les porte vers le haut. C’est une beauté qui n’éveille pas la nostalgie de l’indicible, la disponibilité à se sacrifier, l’abandon de soi ; au lieu de cela, il nourrit l`envie, la volonté de pouvoir, de posséder, de plaire. C`est le genre de beauté dont parle la Genèse dans le récit du péché originel : Ève a vu que le fruit de l’arbre était « bon à manger et séduisant pour les yeux » (Gn 3,6). La « beauté » dont fait l’expérience éveille en elle le désir de posséder, la faisant, pour ainsi dire, se replier sur elle-même. Qui ignorerait, par exemple, la grande habileté avec laquelle la publicité utilise des images pour éveiller chez l’homme le désir irrésistible de posséder, la recherche de la satisfaction momentanée, au lieu de le faire [145] aller à la rencontre d’autrui ?

2’) Solution

L’art chrétien est donc aujourd’hui (mais peut-être toujours) entre deux feux : d’une part il doit s’opposer au culte de la laideur, qui suggère que toute beauté est tromperie et que seule la représentation de la cruauté, de la bassesse et de la vulgarité ce serait la vérité et l’illumination authentique ; d’autre part, il doit contrecarrer la fausse beauté qui diminue l’homme ou lieu de le rendre grand et, précisément pour cette raison, est mensongère.

4) Conclusion

Nous entendons souvent le mot de Dostoïevski : « La beauté nous sauvera ». Pourtant, la plupart du temps, on oublie de dire qu’en disant que la beauté sauve Dostoïevski parlait du Christ. C’est lui que nous devons apprendre à voir. Si nous nous laissons frapper par la flèche de sa beauté paradoxale et apprenons à le connaître plus seulement par des mots, nous commencerons à le connaître vraiment ; nous n’aurons plus de lui une connaissance de seconde main. Nous aurons alors rencontré la beauté de la vérité, la vérité qui sauve. Or, rien ne peut nous mettre plus directement en contact avec la beauté du Christ que le monde de la beauté créé par la foi et la lumière qui brille sur le visage des saints, en qui sa propre Lumière devient visible.

Joseph Ratzinger présenté par Pascal Ide

[1] Cf. Joseph Tcholl, Dio ed il bello in sant’Augustin, Milano, 1996, surtout p. 112 s.

[2] Je me base ici sur la magnifique interprétation de l’Eros platonique de Joseph Pieper, « Begeisterung und göttlicher Wahnsinn. Uber den platonischen Dialog “Phaidros” », dans: Id., Werke, vol. I : Darstellung und Interpretation : Platon, édit. par B. Wald, Hambourg, 2000, 248-331, ici 314 s. Un résumé de l’essai « Begeisterung und göttlicher Wahnsinn » parut en 1989 à Stuttgart. 

[3] Platon, Phèdre, 315 ; Le Banquet, 192 c-d.

[4] Nicolas Cabasilas, Das Buch vom Leben in Christus, Einsiedeln, Johannes, 1991, vol. II, p. 79 s.

[5] Ibid., p. 78.

[6] Ibid., p. 79.

[7] Pour cela, je me réfère notamment au premier volume de Hans-Urs von Balthasar, Herrlichkeit. Eine theologische Ästhetik 1. Schau der Gestalt, Einsiedeln, Johannes, 1961.

[8] Cf. Paul N. Evdokimov, L’art de l’icône. Théologie de la beauté, Paris, 1972, surtout 153-165. Cf. Joseph Ratzinger, Vom Geist der Liturgie, p. 99-116.

2.5.2023
 

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