La robotique à la lumière du don. Notes programmatiques

Si nous demandions à quelqu’un ce qu’est un robot, il y aurait de fortes chances qu’il vous décrive un être artificiel, plus ou moins androïde, qui mime l’homme dans sa forme et ses actions. Et, selon que l’imaginaire est plus optimiste, plus pessimiste ou plus ambivalent, il se représentera cette entité soit comme le gentil robot de A.I. (Steven Spielberg, 2001), soit comme les méchants robots de la saga Terminator (et je ne parle pas ici des cyborgs), soit comme les robots révoltés de I, robot (Alex Proyas, 2004).

En réalité, un robot se définit de manière beaucoup plus précise et beaucoup moins anthropomorphe comme la conjugaison de trois caractéristiques : des senseurs ou capteurs d’information sensorielles ; des opérateurs qui intègrent ces informations (où se trouve le plus d’intelligence artificielle) ; des systèmes moteurs qui traduisent ce traitement interne en action extérieure. En ce sens, votre smartphone est un excellent exemple de robot : il capte en permanence des informations (comme vos recherches, vos déplacements, bref, tout ce qui alimente les Big Data), les traite et les traduise pour vous en données utilisables.

Cette structure tripartite du robot épouse étroitement la dynamique ternaire du don. Rappelons, en effet, que celle-ci est animée par trois moments qui s’enchaînent étroitement : réception, appropriation, donation. Or, en captant des informations, le robot les reçoit ; en les intégrant, les mémorisant, les élaborant, il se les approprie ; en agissant, il émet et donc donne en retour. Ainsi donc, des artefacts élaborés comme des robots peuvent se comprendre à la lumière du don. Ils se distinguent d’artefacts beaucoup plus élémentaires, comme une pioche ou une fourchette, qui, eux, sont passifs et ne sont donc en rien habités par une dynamique.

Ne nous trompons pas, cette interprétation dative n’est pas pour autant spiritualiste. Elle ne fait pas du robot la prophétie d’une humanité totalement artificialisée. Autrement dit, elle ne conduit pas à affirmer qu’il est intelligent, libre ou même sentient. Brièvement. D’abord, cette pulsation du don rythme tous les êtres naturels, y compris inanimés : par exemple, une étoile se constitue à partir des gaz interstellaire, puis se condense et enfin rayonne. Ensuite, traiter une information ne signifie pas en connaître la signification, mais simplement convertir les données analogiques du monde dans une suite discontinue (digitale) d’impulsions électromagnétiques. De même, ce que l’on appelle mémoriser, pour une machine, c’est simplement, coder sur un support matériel, cette série très riche et très complexes d’impulsions, et non pas accéder à un souvenir, conscient ou non. Enfin, ce que l’on ose nommer action et, a fortiori décision, d’un robot constitue encore un anthropomorphisme qui relève de ce qu’une autre note de ce site appelle « blessure de l’intelligence par monisme causal ». Donc, honorons le génie humain qui a introduit dans un artefact cette dynamique dative, mais ne l’identifions pas à ce génie. Le robot est intelligent en son origine et en sa destination, non en son essence.

Pascal Ide

7.11.2023
 

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