La physiologie intégrative de Gilbert Chauvet, une prometteuse vision du corps humain

« Il semble bien que l’univers soit constitué de deux types d’interaciton, celle physique symétrique et celle biologique fonctionnelle non symétrique et non locale en raison de la hiérarchie des structures La première conduit à un monde fait de forces e de champs dans lequel baige la matière (et par conséquent l’énergie) où la causalité est non évenementielle ; la seconde conduit à un monde hiérarchisé d’événements source –> puits où la causalité est événementielle [1] ».

 

Le mathématicien, (puis) physicien, (puis) médecin Gilbert Chauvet (1942-2007) est l’auteur de la théorie mathématique de la physiologie intégrative qui donne beaucoup à penser sous l’angle d’une cosmologie de l’amour-don. S’il a développé une approche scientifiquement très élaborée et mathématiquement très technique, sur le cas particulier de la respiration dans sa thèse [2], et sur la globalité de l’anatomo-physiologie humaine dans un ouvrage collectif [3], puis dans une vaste trilogie [4], malheureusement épuisée en français [5] – sans rien dire de ses multiples articles dans des revues référées [6] –, il a aussi su multiplier les présentations dénuées de formalisme mathématique [7], voire vulgarisées [8].

Après avoir brièvement présenté son modèle – intuition (1), description (2), explication (3), application (4) –, avant d’en proposer une interprétation philosophique (5).

1) Intuition centrale ou énoncé

a) La thèse

Gilbert Chauvet a très souvent présenté son intuition axiale. Elle présente l’immense avantage de pouvoir être énoncée en un concept simple [9] qui est son idée la plus novatrice sous laquelle toutes les autres se rangent : l’interaction fonctionnelle : « l’interaction fonctionnelle [est] la ‘brique’ élémentaire à partir de laquelle tout l’édifice [de la biologie théorique] pourrait être construit [10] ». Celle-ci est une propriété (sinon, pour l’auteur, comme l’essence) spécifique du vivant, ou plutôt de ce qu’il appelle le système biologique formel (qu’il résume dans l’acronyme SBF), dans sa différence de l’inerte, ou plutôt de ce qu’il appelle le système physique. Ce concept lui-même n’est vrai ou faux que s’il devient thèse. Si, nombreux sont les énoncés de notre auteur, il semble que le plus englobant soit le suivant : un système biologique est d’autant plus stable qu’il est complexe. Cette loi fontale et fondamentle de l’interaction fonctionnelle se présente aussi parfois, mais moins souvent, comme loi d’autoassociation : « Si une unité structurale ne réalise pas la fonction physiologique élémentaire nécessaire, alors elle doit, pour survivre, recevoir cette fonction d’une autre unité structurale qui la possède [11] ».

Cet énoncé est aussi le point de départ suscitant l’étonnement et donc l’interrogation de noter chercheur. Pour le comprendre, il suffit de le comparer avec le système physique qui sert constamment de point de départ au scientifique. Un système physique simple est stable : que l’on songe à un corpuscule, une planète, une boule de billard. Un système double demeure aussi souvent stable : il peut engendrer un mouvement qui est régi par une loi simple. Par exemple, deux planètes s’attirent, deux corps chargés électriquement s’attirent ou se repoussent, une boule de billard recevant une impulsion part en ligne droite. Or, nous savons que chacun de ces mouvements est formalisé, pour la mécanique, par la physique newtonienne ou, pour l’électromagnétisme, par la physique de Maxwell. En revanche, dès que le système devient plus complexe, il devient aussi plus instable. C’est ainsi que, dans une démonstration justement célèbre, Henri Poincaré a démontré qu’un système physique composé de trois corps adopte un comportement non-linéaire, en l’occurrence chaotique. Or, en passant de deux à trois corps, nous complexifions le système. Par conséquent, l’instabilité est proportionnelle à la complexité. « L’association de deux sytèmes physiques les rend en général instables [12] ». Or, Chauvet fait le constat exactement contraire pour les sytèmes vivants : la complexité (autrement dit l’organisation) injecte de la stabilité, de sorte que l’organisme animé « incline » à produire de la complexité. Autrement dit, dans le vivant, les systèmes tendent à entrer en interaction. Notre auteur se pose donc la question : « Pourquoi des interactions fonctionnelles apparaissent-elles [13] ? »

Nous trouvons donc le début du concept inédit introduit par Chauvet. Le substantif interaction introduit une précision supplémentaire, en l’occurrence quantitative : l’interaction se produit entre deux entités vivantes. En d’autres mots, les corps vivants tendent à s’aparier (pour produire cette stabilité). Enfin, l’adjectif fonctionnel précise aussi ce sur quoi porte d’abord la stabilité : non pas la structure, mais la fonction. C’est pour obtenir une stabilité fonctionnelle que l’organisme se structure, donc entre dans une stabilité structurale.

Bien entendu, il faudra illustrer cette proposition contre-intuitive : ce sera l’objet de la deuxième partie que d’en offrir une induction.

b) La perspective

La perspective de l’auteur est mathématique ou plutôt physico-mathématique, puisqu’il applique la mathématique à la biologie. Certes, cette conviction vient d’un parcours sans doute unique qui lui a fait étudier successivement les mathématiques (maîtrise de mathématiques pures et maîtrise de mathématiques appliquées Faculté des sciences de Poitiers en 1964 et 1965), la physique (doctorat de troisième cycle en physique du solide et doctorat d’État en physique moléculaire théorique dans la même Faculté en 1968 puis en 1974) et la médecine (doctorat en médecine en 1976, puis agrégation de médecine, spécialité en biomathématiques, à la Faculté de médecine d’Angers en 1976). Mais elle lui vient objectivement, d’une part de longues études expérimentales sur de nombreux systèmes biologiques, notamment sur les systèmes cardio-respiratoires, rénal, cérébral (cervelet), donc d’une approche verticale ascendante bottom-up, d’autre part d’une comparaison avec le système physique (pourquoi la formalisation qui a réussi avec les êtres inorganiques échouerait-elle pour les êtres vivants ?), donc d’une approche horizontale, enfin, d’une réflexion plus philosophique (et plus implicite) sur la mathématique comme langage de la nature donc d’une conviction verticale descendante top-down.

L’approche de la médecine a longtemps été empirique – cette connotation n’étant en rien péjorative –, par exemple, avec Galien et Hippocrate. Puis, elle est devenue expérimentale grâce à Claude Bernard. Mais cette physiologie générale demeure qualitative et analytique. Il faudra attendre le siècle suivant pour qu’elle commence à accèder à la formalisation quantitative, donc mathématique, et intégrative, donc synthétique [14]. L’on peut égrener quelques noms connus : d’Arcy Thompson [15], René Thom [16], James Murray [17] qui, s’ils se passionnent pour la biologie, se penchent peu sur la physiologie. Pour celle-ci, on relèvera trois noms importants : dans l’ère pré-informatique, les travaux pionniers de Fred Grödins [18] et, plus encore, la biologie relationnelle de Nicolas Rashevsky [19], avec les ordinateurs, l’étude des systèmes physiologiques par Eugene Yates [20].

Le point de départ est un autre étonnement. La physiologie a formalisé un certain nombre de fonctions particulières, par exemple de respiration, d’excrétion. Mais elle n’a jamais mathématisé la fonction en général. Nous n’avons pas de formalisation de la physiologie générale, autrement dit, une formule mathématique qui pourrait s’appliquer à tout vivant. « On ne connaît pas de tels principes unificateurs en biologie fonctionnelle [21] ». Telle est l’intention qui motive Chauvet au plus profond : trouver (formaliser) la loi unique (et formalisée) qui rendra compte de l’organisme vivant.

Les biologistes résisteront à ce qui leur semblera un « changement de paradigme », ce qui « est toujours difficile, voire impossible à faire accepter par une communauté ». La raison est la suivante : « Leur objection majeure consiste à opposer la diversité du vivant à la généralité d’un principe biologique [22] ».

Inversement, on objectera que telle était l’intention de Darwin dont on se souvient que la finale de son ouvrage, L’origine des espèces, présentait l’adaptation comme l’équivalent des principes de la physique de Newton. Chauvet répondrait que cette loi biologique est qualitative (et j’ajouterai : non prédictive), alors que les lois de la mécanique sont quantifiées et prédictives, donc falsifiables. On objectera aussi que, indépendamment du progrès en formalisation, notre auteur est antidarwinien, puisque la loi d’interaction fonctionnelle diffère de la loi d’adaptation. Il répond qu’il ne s’oppose pas à celle-ci, mais l’enrichit, la précise, et la rend réfutable : « Intégrer le principe d’auto-association stabilisatrice à la théorie de Darwin permet de mieux comprendre l’évolution des espèces [23] ».

Il est éclairant de comparer cette notion de force du vivant avec la notion d’énergie. Poincaré l’avait noté avec profondeur : l’on ne peut parler d’énergie en général, on doit en parler en lui adjoignant un adjectif (« mécanique », « thermique », « chimique », etc.). Chauvet estime qu’il est légitime de parler de fonction (du vivant) en général ou de force biologique en général, et s’interroge : « quelle ‘force évolutive’ pousse le vivant en général [24] ? »

c) L’objet

Même si Chauvet a commencé par le système pulmonaire (indissociable du système cardio-circulatoire), son attention s’est toujours portée sur la totalité de la physiologie. Plus largement encore, s’il s’est d’abord centrée sur la physiologie, il l’a toujours connectée à l’anatomie. Autrement dit, il noue étroitement les deux objets de la biologie que sont la fonction et la structure. Et, en les formalisant mathématiquement, il fait appel à une double représentation mathématique, géométrique et topologique. Il y a donc bijection entre la double représentation organisationnelle, structurale et fonctionnelle, et la double formalisation mathématique, géométrique et topologique.

d) Conséquence : une approche intégrative

Le chercheur français a donc pleinement raison de qualifier son approche d’intégrative. D’abord, du point de vue de l’objet formel (c’est-à-dire de la perspective), ensuite du point de vue de l’objet matériel (c’est-à-dire de l’objet proprement dit). Ce faisant, il décloisonne des genres de disciplines qui ne se croisent ni ne dialoguent pas, mathématique, physique et biologie et médecine (j’ajouterais même volontiers la philosophie de la nature, si je ne craignais que cette étrangère ne paraisse trop étrange, voire discrédite le précédent objectif…) ; il permet même à des espèces ou des spécialités disciplinaires proches comme anatomie ou physiologie de se rencontrer et de se polliniser mutuellement. « Pourquoi donc est-il si difficile de croire en des principes généraux en biologie ? La réponse réside certainement dans les difficultés de communication entre domaines scientifiques étroitement cloisonnés [25] ». Et ce qu’il prône, il n’a cessé de le vivre – avec la difficulté, mais aussi la fécondité que l’on sait [26].

2) Description ou induction

Gilbert Chauvet multiplie les exemples pour établir autant que pour illustrer son intuition. Certains sont plus simples, d’autres plus élaborés ou complexes.

a) Présentation narrative

 

« Que l’on observe le processus du développement embryonnaire, celui de la mémorisation deu l’apprentissage, ou encore le processus de régulation des fonctions physiologiques dans l’état de détresse chez l’homme et les mammifères, leur point commun est l’existence de molécules ou de signaux émis par une cellule, que nous appellerons une source, et qui agissent à distance sur une autre cellule que nous appellerons un puits. On pourrait trouver beaucoup d’exemples : le potentiel électrique qui se propage le long du nerf, l’hormone qui agit loin de son site de synthèse après son transport par le courant sanguin, la molécule qui change de forme après liaison avec une autre molécule [27] ».

 

Cette longue citation permet de voir l’extension et la variété de l’échantillon, si je puis dire, à prtir desquelles Chauvet médite sur ces lois générales du vivant.

b) Présentation synoptique

Voici quelques exemples d’interations fonctionnelles où nous distinguons les deux pôles que sont la source et le puits, et la plus grande stabilité fonctionnelle (en l’occurrence physiologique) au service desquels sont ces deux unités structurales apariées [28].

 

Fonction

Source

Puits

Activité nerveuse (la propagation du potentiel d’action)

Neurone

Synapse

Métabolisme thyroïdien

Cellule de la glande thyroïde qui secrète et exctète l’hormone thyroxine

La cellule cible

Allostérie (changement de conformation de l’enzyme)

Sous-unité moléculaire de l’enzyme

Autre sous-unité moléculaire de l’enzyme

Régulation génique

Gène régulateur

Gène de structure

Ventilation pulmonaire

Région pulmonaire

Autre région pulmonaire

c) Un exemple particulier

Si cette induction ne suffit pas, il peut être utile d’entrer dans plus de détail en reprenant un des exemples que les ouvrages multiplient, l’une des illustrations préférées de l’auteur étant celui de l’hormone ou de l’interdépendance cœur-poumon sur laquelle il a fait sa thèse.

3) Explication ou exposé

Il ne s’agit bien entendu pas d’entrer dans tous les détails, mais d’introduire les concepts premiers à partir desquels Gilbert Chauvet explicite son intuition fontale sur l’interaction fonctionnelle. Le médecin physicien ne cesse de penser à partir de l’opposition fortement signifiante entre le système vivant et le système physique afin de mieux faire saillir l’originalité du premier.

La définition-description la plus universelle de l’interaction fonctionnelle est peut-être la suivante : « Quelque chose est émis par quelque chose qui va agir sur autre chose [29] ». L’interaction fonctionnelle est donc avant tout une relation ; or, qui dit relation dit corrélats. Considérons ceux-ci (a et b) avant d’envisager la relation même, en ses propriétés (c et d), en leur modélisation (e à g).

a) La source et le puit

Pour comprendre ce qu’est l’interaction fonctionnelle, il faut distinguer comme deux pôles qui sont constamment distincts. Le premier que Chauvet appelle source est le producteur et le second qu’il appelle source est le bénéficiaire de ce qui est produit par la source. La preuve de ce que le puits est le bénéficiaire est la transformation, catégorie si importante que notre auteur en fait parfois une catégorie à part entière : « L’interaction fonctionnelle […] introduit trois éléments : la source, le puits, et la transformation à l’intérieur du puits [30] ».

Notre auteur a aussi inventé un nom pour exprimer la distinction entre ces entités organisées que sont la source et le puits. Il parle de « discontinuité structurale ». Cette expression est l’exacte opposée de sa notion clé « interaction fonctionnelle », avec laquelle elle se polarise doublement : discontinuité versus interaction et structurale versus fonctionnelle. On relèvera que ces deux distinctions se fondent sur deux couples notionnels métaphysiques plus fondamentaux, dont nous avons déjà vu le second : même-autre et être-agir. En fait, les notions d’organisation et de hiérarchie (que Chauvet ne semble pas beaucoup distinguer) sont aussi la conséquence de cette polarité source-puits.

b) Le potentiel d’organisation fonctionnelle

Considérant non plus seulement l’unité biologique qu’est l’interaction fonctionnelle, mais leur regroupement, et cela de manière dynamique, Chauvet introduit une autre notion pour lui décisive : potentiel d’organisation fonctionnelle. L’exemple qu’il emprunte constamment pour l’illustrer est celui des cellules souches sanguines : dans le processus d’érythropoïèse, celles-ci se différencieront dans les différents éléments figurés du sang que sont les globules rouges, globules blancs, lymphocytes, etc. ; or, il s’agit d’un passage transformant une « organisation potentielle en une série d’organisations effectives [31] ». Il expose aussi ce concept par comparaison avec la différence bien connue en mécanique entre énergie potentielle d’un corps et son énergie cinétique. Or, la première est un réservoir d’énergie provenant de la pesanteur qui est libéré lors du mouvement.

Le vivant est composé d’un certain nombre d’unités, de sous-unités. Or, nous avons vu qu’elles rentrent en connexion selon la polarité source-puits, ce qui constitue l’organisation de base. Mais, au point de départ, cette spécification n’est pas encore déterminée. Puisque l’acte s’oppose à la puissance, elle est donc présente de manière potentielle. Le système vivant se présente donc comme un réservoir de possibilités organisationnelles. Et c’est ce que signifie la notion de potentiel d’organisation fonctionnelle. Elle se distingue donc de celle d’interaction fonctionnelle par la multiplicité des unités impliquées et surtout par la différence entre l’état effectif ou déterminé (que l’interaction fonctionnelle prend en compte) et l’état antérieur qu’est l’état potentiel.

Alerté par les métaphysiques de Platon et d’Aristote, on pourrait objecter que ce potentiel est déjà déterminé : Chauvet en parle comme d’un réservoir et le formalise mathématiquement. Or, pour Aristote, la puissance est pure indétermination réceptive, alors que Platon minimise cette indétermination au profit de la latence. Nous répondrons que, pour le Stagirite, double est la puissance, passive et active. Or, la puissance active est puissance puisqu’elle n’est pas actuellement (au sens temporel) actualisée (au sens ontologique), mais active car elle possède en elle la ressource pour s’auto-actualiser – ce qui ne signifie pas que le milieu ne la dispose pas, ne l’incite pas à ce passage à l’acte. Donc, le potentiel d’organisation fonctionnelle doit s’interpréter comme une puissance active qui est capable de libérer de l’organisation (source-puits) comme l’énergie potentielle libère de l’énergie. Dans les catégories de l’ontodologie qui seront employées plus bas, la puissance passive ne peut que recevoir, alors que la puissance active peut, voire ne peut que donner ; elles sont comme les deux faces du don à soi, l’une tournée vers la réception, l’autre se préparant à la donation.

 

Après avoir considéré les corrélats ou acteurs, passons à la relation qui les noue. Or, la relation se fonde sur un autre accident qui lui donne consistance, ici l’action, ainsi que le signifie l’adjectif « fonctionnelle » qui est adjoint au substantif « interaction ». Or, l’opération se déroule dans un cadre spatio-temporel. En l’occurrence, l’opération propre au vivant se caractérise par deux notes, la non-localité et la non-symétrie.

c) La localité et la non-localité

La distinction entre source et puits ne provient pas seulement de la distinction entre la structure qui émet et celle qui reçoit, mais de ce qu’elle implique une distance sans contact. La conséquence en est que, pour joindre ces deux termes éloignés, il est nécessaire de faire intervenir une médiation. Ainsi, le vivant se caractérise par une topologie particulière, la non-localité.

Et comme cette différence source et puits provient de l’interaction fonctionnelle, donc de l’organisme vivant, celui-ci se notifie par la non-localité comme le système physique par la localité, c’est-à-dire l’action de proche en proche. Et puisque, pour Chauvet, la non-localité impose la médiation, l’on pourrait donc affirmer que le système vivant est un système médiatisé alors que les corps inertes, eux, sont des systèmes immédiats.

Une autre conséquence de la non-localité est l’organisation : « La non-localité fonctionnelle biologique […] implique une spécialisation topographique (géométrique) des fonctions qui est la caractéristique essentielle de tout être vivant [32] ».

d) La symétrie et l’asymétrie

Autant la localité est une propriété spatiale, autant la symétrie est une propriété temporelle. En creux, elle ne signifie pas la réversibilité ou l’irréversibilité du système : l’entropie qui est une croissance du désordre, est un processus irréversible qui se rencontre chez les systèmes inertes [33]. En plein, elle exprime le fléchage, la directionnalité du devenir ou du mouvement : celui-ci est réciproque, mutuel, c’est-à-dire symétrique, dans un système physique, ainsi que le signifie la formalisation des deux lois d’attraction mécanique et électrique ; il est asymétrique dans un système vivant : l’interaction va de la source vers le puits, et non l’inverse.

Chauvet rend aussi compte de cette différence à partir d’un autre couple notionnel : causalité événementielle et causalité non-événementielle [34]. La première « correspond à l’interaction fonctionnelle entre deux structures, puisque l’une est la cause de l’action qui va agir sur l’autre », alors que la second « correspond à l’interaction physique qui lie deux corps entre eux [35] ». Cette définition tautologique ou autoréférencée n’est guère aidante. De plus, notre auteur corrèle la définition de ce couple soit à la différence locale-non-locale, comme dans la précédente référence, soit à la différence symétrique-asymétriques [36]. Il semble que Chauvet entendre par événement le « jeu subtil d’équilibres stables entre forces [37] », qui peuvent donc être réciproqués. Nous sommes ainsi reconduits au contenu conceptuel de la non-symétrie. Enfin, notre scientifique a-t-il conscience qu’il convoque une notion philosophique, celle d’événement, qui fut notamment développée par Heidegger (Ereignis) et ses disciples ? Quoi qu’il en soit, comme il n’élabore pas plus cette riche notion d’événement que celle de cause événementielle, je ne suis pas convaincu que cette conception constitue un véritable apport.

e) Les graphes

Nous l’avons vu, Chauvet ne veut pas se contenter ni d’une description qualitative (par exemple, la loi d’adaptation de Darwin), ni d’une loi formelle particulière (par exemple, la loi modélisant le transfert du potentiel d’action dans un neurone). Pour construire la formalisation mathématique de sa théorie de physiologie intégrative, Chauvet fait appel à deux concepts mathématiques majeurs : les champs et les graphes.

En effet, les graphes mathématiques sont des entités modélisant les connexions complexes entre les éléments. Ils sont composés de points qui sont reliés par des flèches ou arcs. Or, justement, nous avons vu que les vivants sont constituées d’unités que sont les interactions fonctionnelles où deux pôles, la source et le puits, sont reliés à distance, c’est-à-dire de de manière non-locale, et de manière non-symétrique. Les graphes sont donc à même de représenter l’organisation fonctionnelle induite par l’interaction ; et, combinés entre eux, la hiérarchie fonctionnelle induite par la combinatoire des interactions.

Les graphes ont déjà été appliqués en chmie, notamment en thermodynamique pour exposer les processus irréversibles [38]. Ils ont été généralisés à des systèmes chimiques complexes dans ce que l’on appelle la « thermodynamique en réseaux » pour calculer les échanges d’énergie entre les éléments chimiques. L’on obtient alors des graphes de liaison [39]. Il existe aussi des modèles qui formalisent la circulation de matière à partir de graphes dits d’interaction [40]. Il est possible de l’étendre aux systèmes biologiques, par exemple dans le cadre de l’analyse compartimentale [41]. Alors, la circulation concerne aussi une troisième donnée, l’information : « Il faut nécessairement qu’un transport d’information existe entre les structures de la matière vivante [42] ». Quoi qu’il en soit, à chaque fois, le graphe permet de représenter un déplacement entre différents réservoirs et la dynamique globale qui en résulte [43].

f) Les champs

Le champ est une grandeur qui dépend de l’espace physique, c’est-à-dire une quantité variable en tout point de l’espace. Or, nous avons vu que, non-local, le tout qu’est le système vivant envoie des signaux, de la matière et de l’énergie d’une partie (comme un organite intracellulaire, une cellule, un tissu ou un organe) à une autre partie. Plus généralement, certaines sous-parties de l’organisme se portent vers une autre sous-partie. Cette autre notion qu’est le champ permet donc à Gilbert Chauvet de pouvoir décrire ces propagations.

Formulons-le d’abord de manière intuitive : « Si une interaction fonctionnelle existe allant de A vers B, il doit exister quelque chose qui ‘pousse’ le substrat de cette interaction fonctionnelle (par exemple une concentration) de A vers B ». Disons-le, toujours à la suite de Chauvet, de manière plus formelle, en l’occurrence, à partir de la théorie des champs : « Si une variable de champ passe d’une certaine valeur en A à une autre valeur en B, cela signifie qu’il existe un opérateur de champ qui effectue cette opération, ce ‘transport’ [44] ».

g) Comparaison des graphes et des champs

Puisque la propagation dure un certain temps, le champ semble donc davantage capable de modéliser l’évolution temporelle du système vivant, et se distingue ainsi du graphe qui, lui, décrit mathématiquement, sa topologie. Donc, le champ est au graphe ce que le temps est à l’espace de l’organisme. Il ne faut toutefois pas trop durcir cette distinction, puisque temps et espace ne sont jamais séparés.

Serait-il alors plus adéquat de distribuer différemment ces deux notions mathématiques centrales pour Chauvet ? En l’occurrence, celui-ci distingue la dynamique du système biologique formel et l’organisation du système biologique formel – qu’il résume par les acronymes respectifs (D-SBF) et (O-SBF). Et cette paire catégorielle est elle-même une réinterprétation formalisée et générale du couple classique en biologie de la structure et de la fonction. Or, le graphe représente le (O-SBF) et le champ le (D-SBF) : « graphes pour le (O-SBF), champs pour le (D-SBF) sont deux cadres conceptuels qui peuvent permettre de décrire l’évolution d’un ensemble d’interactions fonctionnelles [45] ». Il semble donc qu’il faille interpréter leur différence comme celle de l’étant (en ses interconnexions, leur complexité) et celle de son action qui est communication (en ses variations temporelles) ? Doit-on enfin corréler les deux propriétés fondamentales du vivant, non-localité et non-symétrie à ces deux outils mathématiques ?

Quoi qu’il en soit, Chauvet formalise ces hypothèses et propose par exemple de rendre l’interaction fonctionnelle par une équation (ce sera la seule de notre exposé qui se veut ne faire appel qu’au langage courant ou naturel) :

 

H P = C

 

H est l’opérateur de champ, P (en fait, la lettre majuscule psy) la variable de champ et C (en fait, la lettre majuscule gamma) la source de champ. Traduisons dans le langage intuitif : un transport est initié par une source C au point d’origine ; il concerne la variable P qui doit se déplacer (dans un temps donné ) ; l’opérateur H transporte P de ce point dans l’espace des unités en un autre point de ce même espace. L’équation quantifie donc l’interaction fonctionnelle.

L’équation est construite pour ressembler et différer des lois rendant compte des interactions entre systèmes physiques, notamment la loi d’attraction des corps. Elle converge vers en ce qu’elle mesure l’équivalent d’une force. Mais elle en diverge, en ce qu’elle est non symétrique.

h) Tableau résumé des différences entre les systèmes physiques et les systèmes vivants

Je ne dirai rien d’autres notions importantes pour Chauvet comme l’orgatropie (qui est au système vivant ce que l’entropie est au système physique). En effet, elles se déduisent des notions premières ici prises en compte.

Il pourrait être éclairant de synthétiser en un tableau un certain nombre de distinctions qui sont chères à notre auteur.

 

 

Le système physique

Le système vivant

Extension

Tous les êtres inertes

Tous les êtres animés

Symétrie (relation au temps)

Interaction symétrique ou réciproque

Interaction asymétrique

Relation à l’espace

Les connexions sont locales, c’est-à-dire se propagent de proche en proche

Les connexions sont non-locales, c’est-à-dire se propagent à distance

Médiation

Est immédiat

Est médiatisé

Polarité

Sans présence de sources et puits

Structuré en source et puits

Interaction fonctionnelle

N’en contient pas

Est l’unité de base

Organisation

Est non hiérarchique

Hiérarchique

Lien entre structure et fonction

Plus de simplicité structurale = plus de stabilité fonctionnelle

Plus de complexité structurale = plus de stabilité fonctionnelle

Relation

Pas de tendance à l’auto-association ou interaction

Tendance à à l’auto-association ou interaction

4) Applications ou conséquences

Je rentrerai encore moins dans le détail.

a) L’ontogenèse ou l’évolution d’un individu

Si la biologie prend pour modèle de ses études anatomiques et physiologiques le vivant adulte, et fait de son devenir une discipline à part, à savoir l’embryologie, la physiologie intégrative accorde de l’importance aux différentes étapes d’un même vivant. En effet, l’on peut distinguer trois phases : le développement, l’âge adulte et la sénescence (le veillissement). Or, au point de départ, l’organisation suppose la mise en place de multiples interactions fonctionnelles, donc la création de sources et de puits. Ainsi, pendant tout un temps, il y a croissance de l’organisation structurale s’accompagnant d’une croissance de l’ordre fonctionnel. Ensuite, dans un deuxième temps, la corrélation entre le (D-SBF) et le (O-SBF) se stabilise, non sans redistribution en fonction des besoins. Enfin, il arrive un moment où la croissance en complexité n’engendre plus de croissance en stabilité, où les fluctuations structurales s’accompagnent plutôt d’un affaiblissement fonctionnel. Donc, la théorie physiologique élaborée par Chauvet mérite encore davantage son épithète d’intégrative, puisqu’elle intègre l’être et le devenir. Comment s’en étonner ?, puisque nous avons vu combien l’interaction fonctionnelle invite le temps : elle fait surgir l’onchronie de l’ontologie et la projette en ontotopie (à moins que ce ne soit l’opposé).

b) La phylogenèse ou l’évolution des espèces

La loi d’interaction fonctionnelle permet de rendre compte non seulement du devenir du seul organisme individuel au sein d’une même espèce, mais du devenir transspécifique, par lequel une espèce quitte la conservation de son essence pour accéder à une complexité supérieure. Voici comment Chauvet l’explicite brièvement. Notre auteur convoque un parallèle entre ontogenèse et phylogenèse ; il se fonde aussi sur la corrélation entre indépendance et dépendance, donc sur l’appropriation.

 

« Tout comme l’évolution de la vie dans la matière à l’échelon de l’individu est l’expression de perturbations du couplage topologie-dynamique sur l’échelle de temps des processus physiologiques individuels, on peut montrer que l’évolution des espèces apparaît comme la conséquence d’une perturbation de ce même couplage sur l’échelle de temps du monde vivant. Cette perturbation est soit une transformation interne compatible avec la survie de l’espèce, c’est-à-dire avec conservtion de la fonction physiologique, soit une réaction à l’influence persistante d’une propriété de l’environnement. Dans le premier cas, le système biologique s’auto-organise par adaptations successives en conservant l’ensemblde de ses fonctions physiologiques (c’est le principe de cohérence restreint) : l’espèce est conservée. Dans le second cas, seules certaines fonctions physiologiques sont conservées (c’est le principe de cohérence généralisé) : il y a transspéciation [46] ».

 

Chauvet applique sa grande loi de la stabilisation complexifiante pour tenter de comprendre non seulement la complexification progressive, donc l’évolution du vivant, mais l’apparition de la conscience [47].

5) Interprétation à la lumière du don

Comme annoncé, proposons, là encore de manière ramassée, une relecture de ces puissantes intuitions à la lumière de la philosophie du don. Nous nous sentons d’autant plus autorisé à le faire que le médecin, physicien et mathématicien ne cesse de parsemer ses exposés de réflexions philosophiques, que l’on perçoit le constant émerveillement du chercheur et que sa méditation scientifique est riche de toute une philosophie de la nature implicite.

Pendant longtemps, j’ai fait appel aux distinctions de la métaphysique aristotélico-thomasienne pour penser la connexion entre la structure et la fonction, donc entre les disciplines qui les étudient, à savoir l’anatomie et la physiologie : la première est à la seconde ce que l’acte premier (l’être ou la substance) est à l’acte second (l’agir ou l’opération), donc ce que la substance est à l’accident. Encore faut-il que, de manière plus thomasienne qu’aristotélicienne, on pense les connexions entre ces catégories de manière ni moniste, ni dualiste, mais continuiste ou uniduelle.

Mais les réflexions de Gilbert Chauvet invitent à approfondir considérablement le lien entre structure et fonction, à les interpréter à partir de la métaphysique de l’être comme amour-don – qu’en retour, elles confirment et enrichissent.

a) La dynamique binaire du don

En pensant le système dans son interaction, en plaçant le concept d’interaction fonctionnelle au centre, notre auteur se situe dans une perspective systémique et donc invite la dynamique que je qualifie de binaire (si je considère le nombre d’acteurs) ou de quaternaire (si je considère le nombre de moments) : donation, réception, donation en retour et réception en retour. Or, les deux concepts-images (schèmes) de Chauvet que sont la source et le puits sont les exactes traductions des notions métaphysiques de donateur et récepteur. Et comme nous avons vu ci-dessus que les notions de discontinuité structurale, d’organisation et de hiérarchie, il faut donc en conclure que Chauvet pense donc le système ou l’être vivant à partir de couple premier qu’est le donateur et le receveur.

En outre et, plus encore, le biomathématicien souligne à l’envi que la première des grandes propriétés du vivant est son asymétrie, c’est-à-dire l’irréversibilité du transfert qui s’effectue de la source vers le puits, versus la symétrie qui indifférencie l’un de l’autre. Or, la toute première loi de la métaphysique de l’amour-don est que le donateur prend le beau risque d’aimer, donc que l’amour ne commence que parce que l’un des aimants prend l’initiative. Même l’amitié qui est échange d’amour, n’est relancée que parce que l’un des deux acteurs relance le mouvement. Donc, l’essentielle asymétrie des processus vivants peut (et, pour moi, doit) être réinterprétée à la lumière de l’amour-don qui lui offre ainsi son fondement le plus ultime.

Par ailleurs, la deuxième des grandes propriétés des systèmes vivants est leur non-localité. Or, nous l’avons aussi vu, celle-ci requiert la présence de médiateurs entre source et puits. Par exemple, c’est l’hormone qui est médiatrice entre la cellule excrétrice (glandulaire) et la cellule cible. Or, le donateur et le récepteur sont médiatisés par de multiples dons (au sens passif de cadeaux). Plus encore, ceux-ci sont la solution à l’aporie centrale qu’est l’incessibilité du donateur pourtant appelé à se donner. Donc, derechef, le modèle de l’interaction fonctionnelle épouse celui de la dynamique binaire du don.

Enfin, si asymétrique et si non-locale soit l’interaction fonctionnelle à son origine, elle ne s’achève que dans une interaction, donc dans une mutualité réciproque, qu’elle soit fonctionnelle ou structurale. Or, autre grande loi amative, le don est pour la communion dont l’essence réside dans cette réciprocité.

b) La dynamique unaire du don

Nous l’avons vu, l’interaction fonctionnelle cherche une plus grande stabilité car elle introduit une transformation dans le puits, c’est-à-dire chez le récepteur. Or, ce que j’appelle dynamique unaire (en fonction du nombre d’acteurs) ou ternaire (en fonction du nombre de temps) s’organise à partir des trois moments que sont la réception, l’appropriation et la donation. Mais le deuxième est transformant. Et c’est cette métamorphose intérieure qui permet à la donation en retour non seulement d’être initiative originale, mais à la dynamique de la donation d’épouser la loi d’excessus et de conjurer le risque de la simple répétition.

« Un signal émis par une cellule agira sur une seconde cellule [le puits] qui émettra à son tour un signal après transformation du premier [48] ». Chauvet continue en précisant la raison de cette transformation. Or, c’est la capacité qu’a le puits à devenir à son tour une source : « Cela [cette transformation] définit l’interaction fonctionnelle entre les deux cellules : c’est une interaction car l’action a lieu de l’une sur l’autre, et elle est fonctionnelle puisque la fonction de la première cellule est d’agir sur la seconde grâce au signal qu’elle a émis, puis de produire un autre signal à distance [49] ». Observons d’ailleurs que cette dynamique amorce une cascade de dons : le « dernier puits dev[ient] à son tour source [50] ». Or, le don en cascade (versus le don en boucle) est l’une des deux configurations adoptée par la dynamique binaire que considérait le précédent paragraphe – constituant ainsi une nouvelle confirmation. Cette propriété de transformation est si importante qu’elle a décidé du nom de « puits » : « J’ai donné l’appellation ‘puits’ et non ‘cible’ car il y a nécessairement transformation à l’intérieur du puits [51] ».

Par ailleurs, l’interaction ne se substitue pas à l’action propre à chaque acteur de la discontinuité structurale. C’est ainsi que Chauvet explique sa grande intuition de l’auto-assocation ou de l’interaction fonctionnelle en montrant qu’elle ne surgit pas spontanément, mais seulement au nom de la non-suffisance d’un système : « Un élément de matière qui ne produit plus la fonction physiologique élémentaire indispensable doit, pour survivre, recevoir cette fonction d’un autre élément de matière qui la possède [52] ». On observera que l’auteur de ces lignes reprend dans des termes presque équivalents la citation ci-dessus faite en 1993 à propos de l’hypothèse d’auto-association ; c’est dire l’importance qu’il accorde aux concepts et catégories sous-jacentes. Or, l’appropriation a justement pour finalité de rendre propre ce qui est commun, donc de transformer le don de soi (de l’autre) et reçu en don à soi. Dit encore autrement, l’interdépendance dative (qui surgit de l’initiative du donateur, donc suppose son autonomie ou son indépendance, loin d’engendrer une dépendance du récepteur, suscite aussi celle-ci. Par conséquent, que l’interaction intervienne comme un surcroît confirme l’appropriation, donc la dynamique unaire du don.

Ce qui est vrai de l’appropriation l’est aussi des autres moments comme la réception qui est nommée comme telle est la donation qui interprétée comme émission : « L’unité émettrice est la ‘source’, l’unité réceptrice est le puits [53] ».

c) La dynamique trinitaire du don

Selon le physiologiste français, tous les organismes vivants tendent à associer sources et puits par la transformation du second en premier (précisément en deutéro-source), en vue d’une plus grande stabilité. Et celle-ci est fonctionnelle. Plus encore, tout le paradoxe originaire qui est à la source des travaux de Chauvet réside dans cette tension entre la multiplicité structurelle et la stabilisation fonctionnelle. Or, tel est le rôle de l’esprit du don : assurer la solidité du lien entre donateur et récepteur. En communiquant le donable et en le rendant recevable, il permet à la vie de circuler. Donc, dans la profondeur stupéfiante de sa contemplation, l’inventeur de l’interaction fonctionnelle ne fait pas que soupçonner la pneumatologie du don, il la promeut – le nom en moins. « Pour moi, la brique élémentaire » est constituée par « le triplet source-interaction-puits [54] ».

Précisons. On pourrait objecter que notre auteur ne parle pas beaucoup de communication ; or, le pneuma du don, c’est le don en tant qu’il est à la fois donné et reçu, donc en tant qu’il devient commun, en tant qu’il est communication. Nous répondrons d’abord que le créateur de la physiologie intégrative préfère parler de propagation. Nous répondrons ensuite que cet esprit peut être considéré soit en son essence, soit en sa fin. Or, de fait, Chauvet n’a pas perçu que l’essence de la vie, la grande loi qu’il cherche réside dans cette généreuse et humble communication ; voire, en se centrant sur la stabilité (et, parfois, sur l’homéostasie), il concède trop au principe de conservation (conatus essendi) et donc à la l’inversion de finalité diagnostiqué par Spaemann. Mais on ne peut en rester là, car il a pleinement honoré la finalité de cet esprit, son œuvre pourrait-on dire : l’unité d’une dualité. Plus encore, il montre que les organes au-dedans des organismes ne cessent de pousser l’organisme à organiser, c’est-à-dire à aparier, à dépasser la loi de conservation ou de simplification, pour construire du plus complexe. Autrement dit, le vivant (le propre du vivant ? L’évaluation reviendra sur ce point) est de susciter un esprit d’unité qui, dynamique, est un esprit d’unification. Osons dire plus. La lecture de Chauvet m’a permis de mieux prendre conscience que l’œuvre propre de l’esprit d’amour n’est pas seulement, ni peut-être même d’abord, la circulation de l’amour qui est identiquement celle de la vie, mais la constitution de l’unité plurielle, de l’unidualité – ce qui, en termes éthiques, se traduit par la paix et la communion. Disons plus, à la lumière de la Sainte Trinité qui est, rappelons-le, le paradigme ultime de la dynamique trinitaire. En montrant que la complexité suscite paradoxalement de la stabilité, que tout organisme est poussé à introduire de la, notre scientifique-philosophe atteste que le vivant suscite un être original qu’est l’esprit, irréductible au donateur-source et au récepteur-puits.

Gilbert Chauvet ébauche même quelque chose de la nature spécifique de l’esprit d’amour. En effet, celui-ci se présente d’abord comme un opérateur d’altérité entre les acteurs, un créateur d’espace remplissant le milieu ; ensuite comme un médiateur unifiant les aimants ; enfin, comme une circulation dynamique de vie. Or, tel est le rôle de l’interaction fonctionnelle : elle crée de la complexité, donc de l’altérité ; elle produit de la stabilité ; enfin, troisième caractéristique, cette stabilité n’est pas structurale ou statique, mais fonctionnelle ou dynamique. Mieux que d’autres inductions cosmologiques, le modèle de l’interaction fonctionnelle témoigne de ce que, si l’on doit individuer une entité appelée esprit distincte des deux pôles que sont la source et le puits, cette individualisation doit être pensée de manière spécifique, inédite, selon une modalité ontologique unique (et difficile à percevoir pour une mentalité occidentale) qui n’est pas structurale, mais fonctionnelle, non sans une propension en quelque sorte structurale.

d) Une relecture métaphysique de la loi du champ d’interaction fonctionnelle

Il est d’abord signifiant que l’équation ci-dessus – H P = C – prenne en compte directement la source et indirectement le puits, à travers l’opérateur. Elle honore donc d’abord la dynamique d’autocommunication du donateur. De même, l’équation porte sur le transfert de la variable, donc sur le don au sens passif. Ce faisant, elle s’intéresse à ce qui médiatise le don de soi et le visibilise, donc peut seul être modélisé. En creux, la loi mathématique sauvegarde donc le mystère invisible qu’est le soi qui se donne. Enfin, comment ne pas corréler l’opérateur à l’esprit ? Organisant le champ, toute son identité est fonctionnelle et vicariale.

e) La méta-loi d’amour

Ces trois structures ontodologiques sont elles-mêmes régies par une méta-loi commune qui est une loi du maximum (ou de l’optimum ou de l’extremum) : gratuit, c’est-à-dire sans raison nécessaire, sans raison autre qu’aimer, l’amour est excessus. Certes, l’amour configure et engendre de la finitude, mais le moment d’intériorisation et de configuration est intermédiaire entre les deux infinités de l’ouverture en amont et de l’ouverture en aval, voire creuse au sein même de l’être à soi une infinité de profondeur qui s’approprie sur un autre mode et même selon un autre ordre l’infinité d’où il provient et à laquelle il est destiné.

Or, Chauvet ne cesse de plaider en faveur de ce débordement caractéristique du vivant. De prime abord, cette affirmation étonne, puisque la finalité de l’interaction fonctionnelle est la poursuite d’une plus grande stabilité fonctionnelle dans une plus grande complexité structurelle. C’est ainsi que notre auteur parle d’« une auto-association stabilisatrice [55] », voire d’un « principe d’auto-association stabilisatrice (PAAS) [56] ». Mais, en introduisant une de ses notions clés, le potentiel d’organisation fonctionnelle, il lui associe la propriété de maximalité : « L’organisation d’un système fonctionel biologique évolue dans le temps de sorte que son potentiel reste maximal [57] » ; « l’hypothèse optimale » de stabilisation par complexification « définit « le système biologique comme le système de plus grand potentiel d’organisation [58] » ; « le potentiel passe par un maximum pour une valeur particulière du nombre de puits [59] ». C’est d’ailleurs parce qu’il énonce une telle loi que l’hypothèse de Chauvet est réfutable : elle peut ou non être validée par l’expérimentation.

6) Évaluation

Avant toutes choses, les recherches poursuivies avec tant de persévérance et de hauteur de vue par Gilbert Chauvet suscitent en moi l’admiration et de l’enthousiasme. Elles n’annulent toutefois pas toute réserve.

a) Une forme lassante

Si Chauvet est plutôt pédagogique et ne cherche pas à jargonner (hors l’utilisation des signifiants techniques inédits ou anciens à qui il donne un contenu original, nouveauté du signifié oblige), en revanche, il est très répétitif et, de ce fait, paraît substituer l’incantation à la démonstration. Plus circulaire que linéaire, revenant sans cesse sur ses idées-clés, son écriture sera pénible à celui qui aime les exposés analytiques. Mais comment ne pas l’excuser ?, tant l’on sait combien les inventeurs se recrutent chez les obsessionnels ou du moins chez les persévérants, ne peuvent pas ne pas être monomanes, tant l’intuition créatrice qu’ils ont cueilli par abduction, doit, par après, être longuement validée par induction et, idéalement, être exposée par déduction (mieux, par syllogisme).

b) Un dualisme trop accentué

Comment ne pas se réjouir que, au ras même de la modélisation mathématique, Chauvet atteste la différence radicale entre vivant et inerte ? Or, ainsi qu’Aristote le montre dans son traité des Catégories, la substance comme l’espèce (la substance seconde) obéit à la loi binaire de la discontinuité (le « oui ou non ») et exclut celle de la continuité ou de la gradation (le « plus ou moins »). Les sciences empirico-formelles doivent donc introduire une distinction essentielle entre inerte et vivant. Autrement dit, l’abîme infranchissable que notre chercheur creuse entre ces deux types de système doit s’interpréter comme une altérité de nature. Ce faisant, elles récusent donc le projet bernardien d’une réduction de la biologie à la chimie en particulier – conséquence que, peu sensible aux questions d’histoire des sciences (et même d’épistémologie), Chauvet ne tire pas –, et le mécanisme en général.

Toutefois, son propos n’est-il pas excessif ? L’inerte ignore-t-il véritablement tout système non-symétrique et non-local ? De prime abord, notre auteur semble englober les trois échelles du monde inorganique, microscopique (par exemple, les interactions atomiques), mésoscopique et macroscopique (par exemple, les planètes). Mais il ne considère jamais ces êtres « minéraux » dans leur organisation complexe. Sans prendre en compte ces êtres mixtes que sont les boucles écologiques (comme les cycles de l’eau, du carbone, etc.), dont l’unité est trop exclusivement fonctionnelle et pas assez structurale, empruntons trois exemples aux trois étages distingués : un polysilicate (les roches sont au fond des polymères de silicate) ou peut-être encore mieux l’eau liquide (dont on sait aujourd’hui combien elle est physiquement structurée) ; le globe terrestre (qui présente la caractéristique peut-être unique d’être structuré par la tectonique) ; la structure d’une étoile comme le soleil. Dans chacun de ces cas, les processus sont non-locaux (de l’information est transmise par la médiation d’entités matérielles) et non-symétriques (ils engendrent des devenirs irréversibles, comme celle de la dérive des continents dont on sait combien les configurations sont toujours nouvelles), produisant aussi des structures qui sont aussi non-symétriques.

c) Une extension insuffisante

L’on regrettera – ce qui ne signifie surtout pas : on reprochera ! – que Chauvet se soit presque exclusivement penché sur les interactions internes à l’organisme et n’ait jamais débordé celui-ci, par exemple, en direction des interactions entres organismes, c’est-à-dire entre individus – ce qu’une partie de la biologie, l’éthologie ou l’étude des mœurs animales, lui aurait permis d’explorer. Or, nous l’avons évoqué ci-dessus à propos de l’homme, une des applications les plus fécondes de la loi d’interaction fonctionnelle se vérifie au plus haut point entre les individus ou les personnes. Et c’est cette application qui permet d’éclairer au mieux l’induction scalaise conduisant à conclure que ce qui constitue l’unité inter-individuelle, c’est-à-dire la communion, est d’une telle stabilité et d’une telle consistance que, en Dieu et seulement en lui, elle devient Personne.

7) Conclusion

D’un mot, la loi d’interaction fonctionnelle, c’est-à-dire d’auto-stabilisation stabilisatrice, est la grande loi caractéristique du vivant dans sa différence d’avec le système physique. Pour en comprendre le contenu et les attendus, vous pouvez désormais reparcourir la parole citée en exergue – ces longues phrases dont Gilbert Chauvet a le secret et où il ramasse, au détour d’une page, l’essentiel de ses intuitions. Incompréhensible à sa première lecture, elle s’est sans doute désormais clarifiée.

Après le résumé, l’ouverture. Nous avons cité le médecin physicien dans l’étude que nous avons proposé de l’endobiogénie. De fait, ces deux approches sont très largement convergentes tout en demeurant complémentaires. Convergentes, car elles ont pour objet matériel la physiologie humaine, pour objet formel une saisie holistique (et, osons-le dire, horresco referens, finaliste au sens le plus immanent qui est le sens aristotélicien) et pour moyen terme, l’information, implicitement chez Chauvet, explicitement chez Durrafourd. Nous avons d’ailleurs vu ci-dessus que le graphe mathématique permet de modéliser les flux de matière, d’énergiet et d’information. Complémentaires, car l’approche de ce dernier, si elle est plus qualitative, est plus proche de la pratique médicale et des applications diagnostiques et thérapeutiques, et l’approche du premier, qui est plus formalisée, donc quantitative et soucieuse de réfutabilité, mais plus générale et plus théorique. Qu’il est réjouissant de voir de grands chercheurs et de puissants inventeurs avancer dans une même direction, qui conjure le réductionnisme matérialiste, sans pour autant rien perdre de tous les acquis si précieux de l’analyse, tant structurale (anatomique) que fonctionnelle (physiologique), et sans avoir besoin de plaider en faveur d’un vitalisme qui serait toujours suspecté d’être panpsychiste ou animiste !

Chauvet est-il le Newton de la biologie ? Ce n’est assurément pas à moi de répondre à une telle question – même si je me réjouirais qu’il en vienne à équilibrer Darwin, voire le détrône comme un moment plus systématique, plus large et plus équilibré, de la compréhension scientifique du vivant. Ce qui, en revanche, est assuré, et notre proposition est donc conditionnelle : si sa théorie est validée ou du moins reconnue, elle attestera (une nouvelle fois) la profonde pertinence d’une cosmologie du don, une interprétation des processus naturels à partir des catégories de l’amour-don et de l’amour-communion.

Pascal Ide

[1] Gilbert Chauvet, Comprendre l’organisation du vivant et son évolution vers la conscience, coll. « Automates Intelligents », Paris, Vuibert, 2006, p. 129.

[2] Cf. Id., Étude d’un modèle physique de l’écoulement non permanent d’un fluide dans les voies aériennes. Application aux inégalités ventilatoires, Thèse de Médecine, Angers, 1976.

[3] Cf. Id. & John A. Jacquez (éds.), Régulations physiologiques. Modèles récents, coll. « Biologie théorique » n° 1, Paris, New York & Barcelone, Masson, 1986.

[4] Cf. Id., Traité de physiologie théorique. 1. Formalismes, niveaux moléculaire et cellulaire. 2. De la cellule à l’homme. 3. Physiologie intégrative, champ et organisation fonctionnelle, Paris, New York & Barcelone, Masson, 1987 (2 premiers volumes) et 1990.

[5] L’ouvrage est disponible en anglais sous le titre : Theoretical Systems in Biology. Hierarchical and Functional Integration, trad. Kanaya Malkani, Paris et al., Elsevier, 1996 ; ou sous cet autre titre : The mathematical nature of the living world. The power of integration, Singapour, World Scientific, 2004.

[6] De nombreux textes et informations se trouvent sur le site de l’auteur, ainsi qu’une bibliographie de multiples articles référés : http://www.gilbert-chauvet.com

[7] Cf. Gilbert Chauvet, La vie dans la matière. Le rôle de l’espace en biologie, coll. « Nouvelle Bibliothèque Scientifique », Paris, Flammarion, 1995, coll. « Champs » n° 399, 1998.

[8] Cf. Id., Comprendre l’organisation du vivant et son évolution vers la conscience. Seule la couverture, vulgaire et décalée (elle fait croire à un ouvrage comique), est désastreuse.

[9] « Hors l’aspect mathématique sous-jacent, qui est par nature complexe, les idées sont simples » (Gilbert Chauvet, La vie dans la matière, p. 257).

[10] Gilbert Chauvet, La vie dans la matière, p. 8. Souligné dans le texte.

[11] Gilbert Chauvet, « Hierarchical functional organization of formal biological systems. A dynamical approach. II. The concept of non-symmetry leads to a criterion of evolution deduced from an optimum principle of the (O-FBS) sub-system », Philosophical Transactions of the Royal Society of London Series B. Biological Sciences, 339 (1993) n° 1290, p. 445-461.

[12] Gilbert Chauvet, Comprendre l’organisation du vivant et son évolution vers la conscience, p. 19.

[13] Gilbert Chauvet, La vie dans la matière, p. 16.

[14] Ce constat pourrait sembler paradoxal, puisque la quantité est connue par analyse. Il suffit de répondre que la mathématique est autant algèbre que géométrie ; or, si la première est plus analytique, la seconde est synthétique. Et, à côté de la géométrie, Chauvet convoque la topologie qui est une sous-partie de cette dernière.

[15] Cf. D’Arcy Wentworth Thompson, On Growth and Form, Cambridge, The Cambridge University press, 1917 ; édition complète et révisée, 1942 (réédition par Dover Publications en 1992). Des 1116 pages (!) de cette dernière éd., nous n’avons qu’une traduction partielle à partir de la version abrégée de John Tyler Bonner (1961) : Forme et croissance, trad. Dominique Teyssié, coll. « Science ouverte », Paris, Seuil, 2009.

[16] Cf. René Thom, notamment Stabilité structurelle et morphogenèse. Essai d’une théorie générale des modèles, Paris, Édiscience, 1972 : Paris, InterÉditions, 1977.

[17] Cf. James D. Murray, Mathematical Biology, Heidelberg, Springer Verlag, 1989.

[18] Cf. Fred S. Grödins, June Buell & Alex J. Bart, « Mathematical analysis and digital simulation of the respiratory control systems », Journal of Applied Physiology, 22 (1967) n° 2, p. 260-276.

[19] Cf. Nicolas Rashevsky, Mathematical Principles in Biology and Their Applications, coll. « American lecture series publication » n° 414, Springfield (Illinois), Charles C. Thomas, 1961, 2 premières parties.

[20] Cf. F. Eugene Yates, « Book review. Physiological integrations in action », American Journal of Physiology, 12 (1982), R471-R473.

[21] Gilbert Chauvet, La vie dans la matière, p. 38.

[22] Gilbert Chauvet, Comprendre l’organisation du vivant et son évolution vers la conscience, p. 31.

[23] Gilbert Chauvet, Comprendre l’organisation du vivant et son évolution vers la conscience, p. 67.

[24] Gilbert Chauvet, La vie dans la matière, p. 19. Souligné dans le texte.

[25] Gilbert Chauvet, Comprendre l’organisation du vivant et son évolution vers la conscience, p. 10.

[26] Cf., de ce point de vue, l’intéressant témoignage dans Gilbert Chauvet, Comprendre l’organisation du vivant et son évolution vers la conscience, chap. 2.

[27] Gilbert Chauvet, La vie dans la matière, p. 27. Souligné dans le texte.

[28] Le tableau, légèrement différent, se trouve dans Gilbert Chauvet, La vie dans la matière, p. 28.

[29] Gilbert Chauvet, La vie dans la matière, p. 27. Souligné dans le texte.

[30] Gilbert Chauvet, La vie dans la matière, p. 31. Souligné dans le texte.

[31] Gilbert Chauvet, La vie dans la matière, p. 185. Souligné dans le texte.

[32] Gilbert Chauvet, Comprendre l’organisation du vivant et son évolution vers la conscience, p. 53. Souligné dans le texte.

[33] En ce sens, Gilbert Chauvet est imprécis quand il affirme : « Les interactions fonctionnelles, dans un système vivant, sont non symétriques, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas réversibles » (Comprendre l’organisation du vivant et son évolution vers la conscience, p. 2).

[34] Il présente même ce couple comment étant « la raison profonde » de la différence entre systèmes vivants et physiques (Gilbert Chauvet, Comprendre l’organisation du vivant et son évolution vers la conscience, p. 19. Cf. Ibid., p. 59).

[35] Ibid., p. 64.

[36] Cf. Ibid., encadré, p. 57.

[37] Cf. Ibid.

[38] Cf. Paul Glasdorff et Ilya Prigogine, Stabilité. Structure et fluctuations, Paris, Masson, 1970.

[39] Cf. George Oster, Alan Perelson & Aharon Katchalsky, « Network thermodynamics. Dynamic modelling of biologicala systems », Quarterly Review of Biophysics, 6 (1973) n° 1, p. 1-134.

[40] Il procède à partir du formalisme des systèmes de transformation (cf. Henry F. Delattre, « Topological and order properties in transformation systems », Journal of Theoretical Biology, 31 [1971] n° 2, p. 269-282).

[41] Cf. John Alfred Jacquez, Comparmental Analysis in Biology and Medicine. Kinetics of Distribution of Tracer-labelled Materials, Ann Arbor (Michigan), University of Michigan Press, 21985.

[42] Gilbert Chauvet, La vie dans la matière, p. 66.

[43] Cf. Bernard Roy, Algèbre moderne et théorie des graphes orientées vers les sciences économiques et sociales. 1, Notions et résultats fondamentaux. 2. Applications et problèmes spécifiques, Paris, Dunod, 1969 et 1970.

[44] Gilbert Chauvet, Comprendre l’organisation du vivant et son évolution vers la conscience, p. 139, encadré.

[45] Gilbert Chauvet, La vie dans la matière, p. 36.

[46] Gilbert Chauvet, La vie dans la matière, p. 272. Souligné dans le texte.

[47] Je renvoie à Gilbert Chauvet, Comprendre l’organisation du vivant et son évolution vers la conscience, chap. 7. Faut-il le préciser, notre auteur, qui n’est pas philosophe, convoque la conception darwinienne de la connaissance comme adaptation et ignore que la connaissance est un devenir intentionnel.

[48] Gilbert Chauvet, La vie dans la matière, p. 27. Souligné par moi.

[49] Ibid. Souligné dans le texte.

[50] Gilbert Chauvet, Comprendre l’organisation du vivant et son évolution vers la conscience, p. 58.

[51] Gilbert Chauvet, Comprendre l’organisation du vivant et son évolution vers la conscience, p. 12, note 2.

[52] Gilbert Chauvet, La vie dans la matière, p. 267. Souligné dans le texte.

[53] Gilbert Chauvet, La vie dans la matière, p. 164.

[54] Gilbert Chauvet, Comprendre l’organisation du vivant et son évolution vers la conscience, p. 58. Souligné dans le texte.

[55] Gilbert Chauvet, Comprendre l’organisation du vivant et son évolution vers la conscience, p. 3.

[56] Ibid., chap. 1.

[57] Gilbert Chauvet, La vie dans la matière, p. 211.

[58] Gilbert Chauvet, La vie dans la matière, p. 152. Souligné dans le texte.

[59] Gilbert Chauvet, La vie dans la matière, p. 194-195. Souligné dans le texte.

26.1.2024
 

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