La jalousie, un mal auquel remédie la sagesse

« 13 Quelqu’un, parmi vous, a-t-il la sagesse et le savoir ? Qu’il montre par sa vie exemplaire que la douceur de la sagesse inspire ses actes. 14 Mais si vous avez dans le cœur la jalousie amère et l’esprit de rivalité, ne vous en vantez pas, ne mentez pas, n’allez pas contre la vérité. 15 Cette prétendue sagesse ne vient pas d’en haut ; au contraire, elle est terrestre, purement humaine, démoniaque. 16 Car la jalousie et les rivalités mènent au désordre et à toutes sortes d’actions malfaisantes. 17 Au contraire, la sagesse qui vient d’en haut est d’abord pure, puis pacifique, bienveillante, conciliante, pleine de miséricorde et féconde en bons fruits, sans parti pris, sans hypocrisie. 18 C’est dans la paix qu’est semée la justice, qui donne son fruit aux artisans de la paix » (Jc 3,13-18)

 

Dans son épître, saint Jacques brosse une description précise de la jalousie et en propose le remède, la sagesse.

1) Le mal de la jalousie

a) La nature

Jacques l’exprime dans la phrase suivante : « Vous avez dans le cœur la jalousie amère » (14). La jalousie est un sentiment d’amertume, c’est-à-dire une tristesse mêlée de colère (à bas bruit). Et ce sentiment n’est pas que sensible, il est spirituel, puisqu’il habite notre « cœur » qui, pour la Bible, est le centre intime de la personne.

b) Les causes

La cause immédiate est « l’esprit de rivalité » (14), c’est-à-dire la comparaison qui se traduit dans des actes extérieurs, à savoir le conflit.

Saint Jacques dénonce un mécanisme plus caché : la jalousie se fait passer pour la juste attitude. Il parle de la « prétendue sagesse » (15), celle qui se présente comme sagesse et dont on se vante (« ne vous en vantez pas »), alors qu’elle n’en est pas une. Cette sagesse n’est pas seulement une erreur (c’est-à-dire une ignorance involontaire), mais un mensonge, aux autres et à soi-même : « ne mentez pas, n’allez pas contre la vérité » (14).

Enfin, la cause ultime n’est rien moins que le démon : « Cette prétendue sagesse […] est terrestre, purement humaine, démoniaque » (15). En effet, la jalousie divise ; or, le propre du diable, jusque dans son nom (le dia-bole qui divise s’oppose au sym-bole qui rassemble), est de diviser. D’ailleurs, nous allons le voir, saint Jacques oppose « la sagesse qui vient d’en haut » (17) à la jalousie ; c’est donc que celle-ci vient d’en-bas, est « terrestre » et « purement humaine » (15), c’est-à-dire d’une humanité laissée à elle-même, à son péché auquel le démon nous tente.

c) Les conséquences

Saint Jacques dénonce les effets de la jalousie qui consistent dans le « désordre et toutes sortes d’actions malfaisantes » (16). Les conséquences sont donc multiples, actives et destructrices. En quoi consiste-t-elle plus exactement ? Saint Jacques ne le précise pas, mais on peut le déduire en creux des fruits positifs du remède qu’est la sagesse. Puisque le fruit principal est « la paix » (18), c’est donc que le pire effet de la jalousie est la discorde, la division. De fait, le jaloux, celui qui vit dans la comparaison ne cesse d’opposer. Autrement dit « la rivalité » (14 et 16) est autant cause qu’effet.

2) Remèdes

a) La nature

Elle tient en un mot : la sagesse. Et cette sagesse n’est pas humaine, mais divine. En effet, saint Jacques nous dit qu’elle « vient d’en haut » (15). Or, au début de son épître, il nous dit que « les présents les meilleurs, les dons parfaits, proviennent tous d’en haut, ils descendent d’auprès du Père des lumières » (1,17). Saint Jacques oppose donc sagesse divine et jalousie démoniaque.

b) Les effets

Le principal effet – ou, pour employer le lexique concret de la Bible, le « fruit » (18) – de la sagesse est la paix : elle est « pacifique » (17). De fait, saint Augustin et saint Thomas à sa suite associent la septième béatitude, celle des pacifiques (Mt 5,9) et le don du Saint-Esprit qu’est le don de sagesse.

Saint Jacques révèle ensuite l’attitude du cœur qui appelle la paix, à savoir la pureté. Il la détache en écrivant que cette sagesse « est d’abord pure » (17). En effet, en se comparant, le cœur jaloux se mélange à l’autre, finit par se confondre : en voulant être comme l’autre, il finit par ne plus être lui-même. Or, la pureté est l’absence de mélange : une eau pure est une eau qui n’est pas mêlée à autre chose qu’elle-même. Ainsi, la pureté qui devient synonyme de chasteté, de défusion, est la condition intérieure de la sagesse.

Enfin l’auteur de l’épître décline les différentes modalités de cette paix : elle est « bienveillante, conciliante, pleine de miséricorde et féconde en bons fruits, sans parti pris, sans hypocrisie » (17) et sème « la justice » (18). L’on pourrait y distinguer des actes positifs. En effet, cette sagesse pacifique est « bienveillante » en ce qu’elle voit d’abord le bon chez l’autre (au lieu de s’attrister de ce bien, comme le fait la jalousie), « conciliante » en ce qu’elle vise d’abord l’unité, et « pleine de miséricorde », en ce qu’elle pardonne ce qui s’oppose à cette unité. Et des actes négatifs (en double creux). En effet, cette sagesse pacifique écarte le « parti pris » (qui divise au dehors) et l’« hypocrisie » (qui divise au dedans). Dès lors, la sagesse est « féconde en bons fruits » dont le premier est la justice qui est égalité, alors que la jalousie comparative introduit des inégalités.

c) L’exercice

Pour finir, saint Jacques nous offre une précieuse indication sur la manière dont le sage doit se comporter vis-à-vis du jaloux : « Qu’il montre par sa vie exemplaire que la douceur de la sagesse inspire ses actes » (13). En effet, le jaloux est souvent un mal-aimé qui multiplie les recherches de reconnaissance. Rien ne serait plus insupportable, humiliant et, au fond, inefficace, qu’une leçon de morale. Face à la violence du moralisme, la « douceur de la sagesse » enseigne à proposer sans imposer, à montrer sans démontrer. Autrement dit, à donner l’exemple, à offrir sans ostentation une « vie exemplaire ». Sortir de la jalousie, c’est devenir un « artisan de la paix » (18).

Pascal Ide

24.2.2020
 

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