Approche canonique du mariage

Dans cette brève note, nous proposons une approche systématique d’un certain nombre de distinctions classiques dans le droit ecclésiastique du mariage.

A) Plan d’étude

1) Étude spéculative

a) Les quatre causes du mariage, réalité naturelle.

1’) La cause matérielle: les époux.

2’) La cause formelle : le contrat matrimonial (le lien).

3’) La cause efficiente : le consentement matrimonial.

4’) La cause finale : amitié des époux, génération et éducation des enfants.

b) Le mariage-sacrement

Mise au point du vocabulaire canonique).

2) Étude pratique (canonique) du mariage-sacrement

a) En sa nature

1’) Préparation

2’) Célébration

b) En ses dysfonctionnements

1’) La nullité

a’) Diagnostic : les causes de nullité.

b’) Remède : notamment la convalidation.

2’) La séparation

B) Quelques points en détail

1) Distinctions relatives au mariage

a) Quant au nom

1’) Étymologie

Le terme « mariage », apparu au 12e s., vient de maritare, donner au mâle, au mari (sic !).

2’) Synonymes

– En français : épousailles, noces, union, hymen, alliance, etc.

– En latin : matrimonium (littéralement : office de la mère), connubium, conjugium, consortium, sponsalia, etc.

– En grec : gamos, suzugia, etc.

b) Quant à sa nature

1’) Distinction dans l’essence même
a’) L’acte inital du mariage

L’acte inital du mariage est l’acte fondateur, générateur. Les synonymes techniques sont matrimonium active suptum (« pris activement ») ou matrimonium in fieri (« en tant qu’il se fait »). Cela correspond, en théologie sacramentaire, le sacramentum tantum.

b’) L’état de mariage

C’est la société conjugale habituelle résultant de l’acte initial. Les synonymes techniques sont le matrimonium passive sumptum (« passivement pris ») ou matrimonium in facto esse (« en tant qu’il est fait »). Cela correspond, en théologie sacramentaire, à la res et sacramentum.

2’) Distinction selon les composantes du mariage
a’) Distinction selon la cause matérielle, ie. les contractants

Elle est aussi appelée distinction selon la dignité.

1’’) Si ce sont des baptisés

C’est le mariage ratifié ou sacramentel.

2’’) Si ce sont des non-baptisés (un ou deux)

C’est le mariage légitime, naturel, ou non sacramentel. Il s’agit du mariage civil ou coutumier.

b’) Distinction selon la finalité

Elle est aussi appelée distinction selon la consommation.

1’’) Mariage non consommé (sans union charnelle).

2’’) Mariage consommé (avec union charnelle).

c’) Conjugaison

Ces deux distinctions s’associent, de sorte qu’il y a quatre cas de figure possibles : mariage sacramentel consommé ou non ; mariage naturel consommé ou non.

c’) Distinction selon la cause formelle

Il s’agit de la distinction selon l’existence du lien aux yeux de l’Église catholique.

1’’) Soit le lien existe de façon incontestable

On parle alors de mariage valide (ou vrai).

a’’) Nature (conditions)

Il s’agit du mariage célébré entre personnes « habiles » (aptes) à se marier (première condition), avec véritable consentement (deuxième condition) et dans les formes prescrites (cette troisième condition permet de distinguer les deux espèces ci-dessous).

b’’) Deux espèces

1- soit le mariage valide est célébré selon toutes les formes canoniques et liturgiques : mariage licite.

2- soit le mariage valide n’est pas célébré selon toutes les formes canoniques et liturgiques : mariage illicite.

Le mariage valide peut être légitime ou sacramentel.

2’’) Soit le lien n’existe pas

On parle alors de mariage invalide (ou nul, ou « irrité »).

a’’) Nature

Il s’agit d’un mariage célébré à qui il manque une ou plusieurs des conditions ci-dessous (qui seront étudiées plus loin).

1- manque grave de consentement.

2- empêchement diminuant non levé.

3- défaut dans la forme canonique (non observation ou non octroi de dispense).

b’’) Deux espèces

La distinction opère selon l’intention des conjoints.

1- soit le conjoint a conscience de la nullité du mariage : mariage dit attenté.

2- soit le conjoint n’a pas conscience de cette nullité : le mariage est dit putatif.

Le mariage peut ainsi être doublement attenté ou putatif ou attenté pour l’un et putatif pour l’autre.

c’’) Remarque

L’absence de mariage célébré (sans dispense) n’est pas un mariage invalide, car celui-ci est toujours célébré (de sorte qu’il ya apparence d’union). Il peut alors y avoir concubinage (vie maritale) si les partenaires vivent ensemble. S’il y a relation sexuelle isolée, on parle de fornication.

d’) Selon la cause efficiente (partielle)

La distinction est alors qualifiée selon l’autorité présidente.

1’’) soit le mariage est célébré devant l’autorité religieuse : c’est le mariage religieux.

2’’) soit il est établi devant l’autorité civile : c’est le mariage civil.

e’) Selon les effets du mariage

L’un des effets est la notoriété, c’est-à-dire la connaissance par autrui.

1’’) soit le mariage est connu par tous (en puissance), du fait de sa notoriété

C’est le mariage public.

2’’) soit le mariage n’est pas connu, se fait sans solennité

C’est le mariage clandestin. On peut subdiviser :

a’’) Ou il est célébré avec obligation pour tous de garder le secret : mariage secret, de conscience.

b’’) Ou il est célébré sans obligation de garder le secret : mariage occulte (discret).

2) Distinctions relatives aux causes de nullité de mariage

a) Distinction générique

Il y a trois grandes causes de nullité (c’est-à-dire d’invalidité) de mariage :

1’) La première est relative à la cause matérielle, c’est à dire aux contractants: Ce sont les 12 (ou 13 selon le code de 1917) empêchements diminuants.

2’) La seconde est relative à la cause efficiente, c’est à dire le consentement matrimonial : ce sont les sept manques de consentement.

3’) La troisième est relative à la cause formelle : ce sont les défauts de forme de célébration.

Il n’y a pas de cause de nullité relative à la fin, sauf quant à la capacité de la réaliser (soit physiquement : empêchement diminuant d’impuissance ; soit psychiquement : manque de discernement ou de connaissance). Or, cette fin est contenue en puissance dans les causes aptes à l’engendrer (ci-dessus).

b) Subdivisions

Reprenons chacune de ces trois catégories et subdivisons-les.

1’) Les empêchements dirimants
a’) Définition

C’est une circonstance (une caractéristique, qualité) affectant directement le contractant et s’opposant à l’existence du lien matrimonial (et donc à sa validité).

b’) Distinction

On réalise classiquement différentes distinctions relatives à la nature générale des empêchements (dirimants ou non).

1’’) Quant à leur essence

a’’) Leur cause efficiente

C’est l’autorité promulgante. Elle est divine, naturelle ou créée, c’est-à-dire positive : alors elle est soit ecclésiastique, soit naturelle : et derechef, ou coutumière ou civile.

b’’) Leur effet

1- touchant la licéité (empêchement prohibant),

2- affectant en plus la validité (empêchement diminuant).

c’’) Leur cause matérielle

Il s’agit de celui avec qui il est possible de contracter mariage : ou personne (empêchement absolu) ou seulement tel ou tel (empêchement relatif).

Dans le Code de 1917, l’empêchement se distinguait selon l’importance. On distinguait alors empêchement majeur ou mineur. La distinction a disparu dans le Code de 1983.

2’’) Quant à leur existence

a’’) Proprement

1- Empêchement indiscutable

L’empêchement est alors dit certain.

2- Empêchement douteux

On peut distinguer selon que l’empêchement est de droit ou de fait.

b’’) Quant à la possibilité des preuves

1- Distinction selon la publicité

a- on peut le prouver : l’empêchement public.

b- on ne le peut pas : l’empêchement occulte.

2- Distinction selon la possibilité

On distinguera dans chaque cas, selon que l’empêchement est :

a- en puissance : l’empêchement de fait.

b- en acte : l’empêchement de soi.

3- Croisement des distinctions

C’est ainsi que l’empêchement de fait peut être public ou occulte. Il en est de même de l’empêchement de soi.

c’’) Quant au nombre

Empêchement simple ou multiple.

c’) Classification des douze empêchements diminuants

Il suffit de partir de la définition de l’empêchement qui est une condition, ie. une circonstance touchant les contractants. Or, la circonstance est un accident [1]. Mais il y a divers accidents :

1’’) La qualité du contractant [2]

a’’) soit qualité naturelle, appartenant à la nature

1- Le lien avec un partenaire

a- soit le lien du mariage : empêchement de lien.

b- soit le concubinage : empêchement d’honnêteté publique.

2- Le lien de famille

a- soit de la famille propre au contractant : empêchement de consanguinité.

b- soit de la famille du conjoint : empêchement d’affinité.

b’’) Soit qualité surnaturelle

On distingue laïc, religieux, clerc.

1- La religion même du conjoint : empêchement de disparité de culte.

2- Les vœux de religion : empêchement lié aux vœux.

3- Les ordres sacrés : empêchement d’ordre.

2’’) L’action du contractant

a’’) vis à vis du conjoint : empêchement de rapt.

b’’) vis-à-vis d’un ancien conjoint : empêchement de crime.

3’’) La passion

Il s’agit de l’empêchement d’impuissance.

3’’) Le temps

Empêchement d’âge…

2’) Les manques de consentement matrimonial
a’) Définition

Le consentement matrimonial est un acte de volonté éclairée par l’intelligence ayant pour objet l’acceptation du mariage.

b’) Les qualités

De cette définition se déduise les cinq propriétés du juste consentement matrimonial :

1’’) essentielles le consentement est un acte

a’’) d’intelligence : il doit donc être délibéré.

b’’) de volonté : il doit être vrai (quant à l’intention) et libre (quant à sa détermination).

c’’) des deux conjoints : il doit être mutuel, bilatéral.

2’’) accidentelle le consentement est

a’’) connu sensiblement : il doit être légitimement manifesté.

b’’) un acte temporellement situé : il doit être simultané.

c’) Les obstacles

De ces propriétés se déduisent les sept obstacles au consentement matrimonial :

1’’) Un manque affectant l’intelligence

a’’) général

Ou le manque touche tout le connaissable : manque de discernement.

b’’) relatif à certaines connaissances particulières

1- Sur la nature du mariage

Obstacle du manque de connaissance.

2- Sur le conjoint même

a- soit sur sa nature soit sur une qualité (mais c’est très restreint) : obstacle de l’erreur.

b- soit sur une qualité (mais élargi dans le code de 1983) : obstacle de dol.

2’’) Un manque touchant l’affectivité

a’’) Volontaire

1- absolue (concernant l’intention du mariage) : obstacle de simulation.

2- relative (concernant une condition du mariage) : obstacle de condition.

b’’) Passionnelle

Ici, la cause est la pression des passions sur la liberté. On distingue deux cas, selon que la passion est la peur (qui fait fuir : flight) ou la colère (qui agresse : fight).

1- obstacle de crainte

2- obstacle de violence

Le sens des termes varie parfois entre les canonistes. Mais la classification ci-dessous est la plus couramment admise.

La justification par les causes est de notre chef : elle se veut clarifiante…

Pascal Ide

[1] Cf. S. Thomas d’Aquin, Somme de théologie, Ia-IIae, q. 7, a. 1.

[2] S’ajoute la relation causale qui la cause ou en est la conséquence.

21.3.2023
 

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