La vertu de tempérance 2/2

5) La première espèce de tempérance : la sobriété

La tempérance est la gestion humanisante de nos plaisirs. Or, les deux grandes délectations sensibles sont les plaisirs de la table et les plaisirs du lit. Il existe donc deux espèces de tempérance : la sobriété (dans l’alimentation) et la chasteté (dans le domaine des).

a) Exposé

Pour la sobriété, permettez-moi de donner un exemple personnel [1]. Voici quelques mois, pour la première fois de ma vie, j’ai décidé de faire un régime. Plusieurs motivations dictaient ce choix : j’avais pris cinq kilos superflus ces dernières années, je me sentais moins bien dans mon corps et je percevais confusément que ne rien m’interdire en matière de nourriture n’était pas juste.

Cette décision s’est incarnée dans plusieurs moyens. Tout d’abord, je me suis fixé un objectif précis : perdre cinq kilos. Ensuite, j’ai décidé de combiner régime et mesure. J’ai toujours suspecté ces régimes qui vous proposent de ne vous priver en rien (par exemple de manger autant de protéines que vous le souhaitez) ; or, il me semblait important de me restreindre. De plus, je l’ai fait de concert avec d’autres personnes qui estimaient aussi avoir du surpoids à perdre. Nous pouvions ainsi à la fois nous motiver et nous dire nos frustrations. Enfin, je me suis aidé d’une efficace thérapie brève appelée EFT (Emotional Freedom Technique), fondée sur la pressipuncture, lorsque la faim (ah ! les tartines de pain beurré-fromage !) me démangeait (sic !) trop.

Les résultats n’ont pas tardé à se faire sentir. D’abord, en moins d’un mois, j’ai atteint mon objectif. Ensuite, j’ai appris à écouter mon corps. Parfois, il me venait le désir de me resservir. Il me suffisait alors de me demander : « As-tu encore faim ou est-ce seulement par plaisir que tu veux de ce plat ? » pour que je comprenne que je n’avais pas besoin d’en reprendre. Par l’alimentation équilibrée qui composait mon régime, j’ai aussi redécouvert des goûts de légumes et de fruits que j’avais perdus. En outre, désormais, ma relation à la nourriture a changé : je mange avec mesure ; et s’il m’arrive, à l’occasion de telle ou telle fête de faire un petit écart, je compense par une légère diète. Enfin, j’ai acquis une nouvelle maîtrise sur moi, qui a porté du fruit dans d’autres domaines : sans du tout nier l’importance du plaisir, ce n’était plus lui qui me maîtrisait, mais moi qui le contrôlais.

C’est seulement plus tard que j’ai analysé cette expérience en terme de vertu. Sans le savoir, j’étais passé de la gourmandise à la sobriété.

  1. La nouvelle attitude intérieure porte sur le sentiment de plaisir. De même que la vertu de courage a pour objet non pas la menace mais la crainte suscitée par la menace, de même la vertu de sobriété a pour objet non pas la nourriture mais le plaisir. Ces vertus morales gèrent nos affects.
  2. Elle est un juste milieu entre la démesure (que ne régulent pas un certain nombre de régimes) et l’insensibilité (qui serait un mépris ou une indifférence à la nourriture). Contre la première, la sobriété requiert une privation ; contre la seconde, la sobriété célèbre la joie du bien-manger.
  3. Elle est mesurée par le bien objectif qu’est la bonne santé du corps et donc son écoute, le plaisir étant restituée à sa place qui est la surabondance.
  4. Elle est stable. J’éprouve cette sobriété comme une disposition intérieure et une nouvelle maîtrise de moi.
  5. Avec la joie de pouvoir être bien chez soi.

b) Confirmation scientifique : le test du chamallow

Une étude psychologique largement validée, mais pas encore assez divulguée, connue sous la dénomination de test du chamallow confirme ce que l’analyse éthique établit. À la fin des années 60, le chercheur américain en psychologie Walter Mischel a inventé ce test dans la célèbre université Stanford, aux États-Unis. Ce test fut, depuis, souvent répété [2]. Le protocole est si simple que tout parent peut l’appliquer à la maison. Comme il y a quelques variantes, revenons à l’expérience telle qu’elle fut programmée par son inventeur. Un petit enfant (4 ans) et ses parents acceptent de participer à cette expérience qui se déroule de la manière suivante. L’expérimentateur (mais ce pourrait être les parents) place un chamallow devant l’enfant, puis, à côté, une petite cloche. Il lui donne alors trois informations : il doit sortir quinze minutes ; si l’enfant ne mange pas le chamallow pendant son absence, il en aura un de plus à son retour ; s’il ne peut pas résister, il lui suffit de sonner la cloche et quelqu’un viendra lui donner l’autorisation de manger celui qu’il a devant lui ; mais, dans ce cas, il n’en aura qu’un seul. Ajoutons que, pour les nécessités de l’expérience, une caméra vidéo filme l’enfant pendant l’absence du chercheur.

Les résultats immédiats sont déjà intéressants. Certains enfants mangent le chamallow tout de suite. D’autres résistent, mais finissent par succomber. Enfin, à peu près 30 % des enfants tiennent et obtiennent donc le deuxième chamallow [3]. Mais le laboratoire du professeur Mischel ne s’est pas contenté de ces observations déjà riches d’enseignement. Il a suivi pendant près de trente ans (précisément 28 ans) les enfants qui avaient passé ce test à l’âge de 4 ans et évalué leur devenir. Double est le résultat.

Le premier concerne la différence considérable d’évolution sur le long terme. L’enfant qui a su résister à la tentation de dévorer la friandise est celui dont l’avenir est le plus heureux. D’abord, à l’adolescence : dans leur vie personnelle, ils gèrent mieux le stress, s’expriment mieux et ont de meilleurs résultats scolaires ; dans leur vie relationnelle, ils ont plus d’amis et sont plus appréciés de leurs enseignants ; dans leur vie étudiante, ils réussissent mieux leurs examens et entrent dans de meilleures universités. Puis, à l’âge adulte : dans leur vie personnelle, ils ont nettement moins de problèmes de dépendance (alcool ou drogue) ; dans leur vie professionnelle, ils accèdent à des emplois plus satisfaisants.

Le second résultat touche la cause de cette différence. Souvent, notre époque, qui survalorise beaucoup l’intelligence, croit que l’explication du progrès est réductible à la différence de niveau intellectuel. Tout au contraire, il n’existe pas de corrélation significative entre quotient intellectuel (QI) et capacité de résister. C’est ainsi que certains ont succombé dont le QI était nettement supérieur à ceux qui ont tenu jusqu’au bout. Par conséquent, la capacité de bonheur, si l’on peut dire, ne dépend pas du QI. En positif, il semble que les facteurs décisifs soient à la fois volitifs (la cohérence vis-à-vis d’un objectif et la capacité à contrôler ses impulsions) et imaginatifs (la capacité à inventer des stratégies pour éviter de succomber à l’envie) [4].

Cette expérimentation fort simple est d’une grande richesse de sens aux plans anthropologique, éthique et éducatif, voire spirituel. Relevons deux leçons parmi beaucoup. Le test du chamallow met en valeur l’existence, en nous, d’une autre instance que celle de l’affectivité sensible. En effet, celle-ci est régie par le tempo de l’immédiat. Or, la grande majorité des enfants ajourne leur désir de satisfaction instantanée. Il existe donc en l’homme une capacité non seulement de résistance, de renoncement , de prise de distance, mais, en positif, de prise en compte d’autres objectifs que le sensible, d’intégration du temps, etc. : ce que l’on appelle classiquement la volonté, qui est l’affectivité spirituelle [5]. Plus encore, cette étude montre que la sensibilité est domesticable ; elle n’est pas ce paquet pulsionnel, ce Ça inintégrable, cette « Chose » tapie en moi. En un mot, elle peut se transformer, s’éduquer – grâce à la vertu de tempérance. The Miracle Worker (Miracle en Alabama) – le superbe film d’Arthur Penn (1962) sur la vie d’Helen Keller, sourde, muette, aveugle, que la patience aimante de son éducatrice, Anne Sullivan, transforma en profondeur – en constitue une splendide illustration [6].

6) La seconde espèce de tempérance : la chasteté

a) Les difficultés

Elles sont de trois ordres :

– « Je ne veux pas ». Cette opposition est la plus profonde, elle touche la volonté. Ici, la personne décide de se refuser à la chasteté, quelle que soit la raison. Par exemple, une personne célibataire disait : « J’ai droit à des compensations ».

– « Je ne dois pas ». Cette parole doit s’entendre ici au sens où la personne estime qu’elle n’est pas tenue par la chasteté. Son intelligence est donc obscurcie.

– « Je ne peux pas ». La personne veut être chaste, sait qu’elle doit l’être, mais elle chute ou croit qu’elle chutera. La difficulté, ici, concerne la sensibilité, l’affectivité.

La première attitude est dictée par la malice, la deuxième par l’ignorance (volontaire ou non) et la dernière par la faiblesse. Chacune de ces attitudes requiert un remède propre. La première relève de la conversion de la volonté et de toute la personne, la deuxième la conversion de l’intelligence, l’éclairage, la troisième la conversion de la sensibilité, son affermissement. C’est ici que la vertu de chasteté trouve tout son impact, mais présupposant la rectification de la volonté et de l’intelligence.

b) Les devenirs des pulsions sexuelles

La chasteté est souvent confondue avec des mécanismes psychologiques qui relèvent plus de la continence, c’est-à-dire d’une intégration imparfaite de la sexualité [7], voire, là encore, d’une certaine insensibilisation. Freud a décrit certains de ces mécanismes dans un article fameux sur le « devenir des pulsions », que nous étudierons en détail dans le cours de psychologie.

c) La forme pleine

Tous ces destins des pulsions ne les intègrent pas : elles demeurent extérieures à la personne et sa liberté comme capacité d’intégration. Elles sont encore tributaires, au moins au plan pratique, d’une anthropologie dualiste.

1’) Définition

En quoi consiste-t-elle ?

 

« La chasteté signifie l’intégration réussie de la sexualité dans la personne et par là l’unité intérieure de l’homme dans son être corporel et spirituel. La sexualité, en laquelle s’exprime l’appartenance de l’homme au monde corporel et biologique, devient personnelle et vraiment humaine lorsqu’elle est intégrée dans la relation de personne à personne, dans le don mutuel entier et temporellement illimité, de l’homme et de la femme [8] ».

 

Cette définition du Catéchisme de l’Église catholique s’inscrit dans la droite ligne de la vision positive de notre affectivité et, ici, de notre sexualité. La chasteté n’est donc ni la continence (le destin des pulsions) ni la disparition des pulsions sexuelles dont le Père capucin Benedict Groeschel disait avec humour :

 

« Lorsque des personnes disent avoir demandé la grâce de la chasteté, elles sont souvent demandé la grâce d’être un ange – grâce qu’elles ne recevront pas. Cela ne signifie pas qu’elles ne veulent pas pécher, mais qu’elles ne veulent pas être tentées [9] ».

2’) Quelques illustrations

La chasteté est possible. C’est ce que nous disions ci-dessus. C’est ce que les témoignages attestent. Sœur Emmanuelle, dont on a regretté certains propos dans un de ses derniers ouvrages, témoigne de la chasteté : « Je n’ai qu’à me sonder : le meilleur de moi, je l’ai puisé dans les relations ouvertes et détendues, libérées dans ce vœu [10] ». Le frère Christophe, moine de Tibhirine, écrivait le 11 mars 1995 : « La chasteté, dans ce contexte d’ennemis, de persécutions, devient une arme de non-violence, une ouverture du cœur plus forte que le repli sur soi de l’affection égoïste et narcissique [11] ».

Voici une illustration de ce juste équilibre. Les officiers SS chargés de s’occuper de Goldmann et des séminaristes en 1940 les placent dans les familles où se trouvaient les plus jolies jeunes filles, espérant bien ainsi les détourner de leur vocation. Ce fut le contraire. Il fut placé chez Frida, « une des plus jolies jeunes filles de la ville ». Les parents s’inquiétèrent et firent demander par une tante de la famille : « Etes-vous un homme comme il faut ? », car « dans cette maison habite une jeune demoiselle en âge de se marier. Alors nous n’avons pas besoin d’un voyou ». Géréon répondit en s’inclinant devant Frida : « Mademoiselle, vous n’avez pas besoin d’avoir peur. Je suis séminariste dans l’ordre franciscain malgré mon uniforme SS ! Je m’intéresse beaucoup aux femmes, mais seulement à leur âme, au cas où elle aurait besoin d’être sauvée ! » Et de remarquer à l’adjudant qui avait voulu le détourner lui demandant s’il regardait les jolies filles : « Bien sûr, je regarde volontiers les jolies filles. Dieu ne m’a pas rendu aveugle à la beauté, rien que parce que je veux devenir prêtre ! Tous les jours dans mon logement, je vois une des plus jolies jeunes filles de la ville. À coup sûr, bon nombre de sous-officiers regrettent de ne pas être hébergés dans cette famille [12] ». Et les autres sous-officiers furent alors furieux contre l’adjudant !

3’) Une illustration détaillée

J’expliciterai cette définition de la chasteté surtout à partir d’un autre exemple vécu.

a’) Récit

Le frère dominicain Jean-Miguel Garrigues rapporte un bel exemple de juste chasteté [13]. L’été 1968, alors qu’il a vingt-quatre ans, il se retrouve dans sa famille en Andalousie avec quelques frères dont son ami Christoph Schönborn. Il rencontre la fille d’un couple ami de ses parents. « Je fus aussitôt sous le charme de sa personnalité secrète […]. Jeune fille au corps de femme, pas très grande mais bien proportionnée dont la silhouette, selon ma mère, évoquait celle des majas de Goya ; je revois surtout le beau regard rêveur de ses yeux sombres d’icône byzantine. Elle entra dans mon cœur d’une manière singulière. Je m’en ouvris à Christoph qui m’avoua ressentir lui-même un penchant pour elle. Elle n’avait que dix-huit ans et elle n’était encore qu’une belle princesse endormie dans le bois de l’enfance. Nous, nous n’avions que vingt-quatre ans et nous n’avions pas encore été ordonnés prêtres. Pourtant, ni Christoph ni moi n’envisageâmes un instant la possibilité du mariage : nous avions conscience que notre appel à la consécration dans la vie religieuse était incontestable. Rien ne fut donc dit. Je ne crois pas qu’elle s’aperçut de quelque chose. Il me semble que Christoph assez vite ne pensa plus à elle. Quant à moi, je ne devais jamais l’oublier.

« Je ne la revis que des années plus tard, alors que j’étais dans la quarantaine et qu’elle-même allait l’atteindre. Elle vint me rendre visite à Lyon, ayant obtenu mes coordonnées par mes parents. La jeune fille en fleur de mon souvenir était devenue une femme dont les cheveux commençaient à grisonner. À l’émotion que me causèrent ses premières rides, je compris que je l’aimais toujours. Au cours d’une longue conversation dans le paisible jardin public qu’est maintenant le cloître du Palais Saint-Pierre, elle me raconta l’histoire d’une vie sentimentale. Elle le fit avec simplicité et bonne humeur, ce qui me la rendit encore plus chère. À un moment, levant les yeux vers moi, elle me demanda si j’étais heureux dans ma vie actuelle. Cette question allait-elle au-delà d’une sollicitude bienveillante ? Je ne le lui demandai pas, et je lui répondis que oui, ce qui était l’exacte vérité. De mon côté je ne sais pas si je sus lui cacher qu’elle était pour moi unique. En effet, parmi mes amis de cœur, il y a eu quelques femmes que j’aime d’amitié, et je suis avec l’une ou l’autre en profonde communion spirituelle. J’éprouve envers celles-ci un tendre sentiment de grand frère protecteur, analogue à celui qui m’attache si doucement à ma sœur. Mais avec elle, et avec elle seule, c’est tout autre chose. Non pas une passion, mais l’attrait puissant et paisible de ce qui aurait pu, je le crois, être un amour conjugal, unique et durable. C’eut été une autre vie, sans doute heureuse, mais pas celle qui s’est avérée être davantage la nôtre, pour elle comme pour moi.

« Je devais encore une fois en ressentir la force à quelques années après ces retrouvailles lyonnaises. […] Elle avait désormais un couple durable et semblait très épanouie ». Alors qu’il célèbre la messe, elle présente dans la nef, il ressent « amour et amitié de nouveau, mais plus profondément enracinés dans ma vie adulte et dans ma vocation religieuse que vingt ans auparavant. À la fin du séjour nous partîmes elle et moi pour Paris, par le même train de nuit. À la gare, nous étions tous les deux accoudés côte à côte à la fenêtre du wagon, pour dire au revoir à mes parents. Soudain, en un éclair, je sentis l’immense douceur que c’eût été de la garder à côté de moi toute la vie, de chercher à la rendre heureuse et d’avoir d’elle des enfants qui eussent été les nôtres. Je n’en ressentis néanmoins ni tentation ni regret, car il me fut donné de voir au même moment que c’eût été une autre vie, une vie où j’aurais certes connu aussi le bonheur, mais qui n’aurait pas tracé en ce monde le sentier par lequel je devais, moi, aller vers Dieu. Ce fut donc un sentiment tendre et paisible qui monta dans mon cœur sous la forme d’une action de grâces : il restera toujours en moi comme un bouton de rose à jamais non éclos dans ma vie telle qu’elle aura été, mais qui lui donne en silence un peu de son parfum ».

À la question de son interlocuteur (l’ouvrage se présente sous forme d’un entretien) lui demandant si ce souvenir n’avait pas troublé sa consécration à Dieu dans la chasteté, Jean-Miguel Garrigues précise encore plus ce qu’il a expérimenté, apportant de nouvelles et heureuses précisions : « Non, car il n’y eut entre nous pas même le commencement d’une liaison, ne serait que purement sentimentale. Je ne devais la revoir qu’une autre fois, quand elle vint à mes conférences de Carême [à Notre-Dame de Paris]. Je n’ai jamais cherché à la retrouver : jusqu’à une date récente nous nous sommes donc vus un tout petit nombre de fois et jamais vraiment seul à seule. Son souvenir, ou plutôt sa présence en moi, ne m’a jamais éloigné de Dieu, bien au contraire. L’expérience de cet amour, unique par rapport à celle différente et complémentaire de l’amitié, pour laquelle j’ai eu toujours un cœur disponible, a sans doute contribué à me protéger contre le desséchement qui guette parfois la chasteté des célibataires consacrés. Je suis un homme qui aurait eu besoin, même dans une vie conjugale, d’aimer d’amitié plusieurs amis au cours de ma vie ; mais je n’aurais aimé d’amour qu’une seule femme : la mienne. Depuis cet été de mes vingt-quatre ans, je savais que c’eût été elle. Je me reposais dans cette douce et forte certitude ; et il en est toujours ainsi. Depuis peu nous nous revoyons dans la sérénité de l’âge, mais plus encore dans la paix de partager quelque chose de plus précieux que la vie en ce monde : la sagesse de Dieu, qui est un avant-goût d’éternité.

« Avec le recul de celui qui est entré dans la soixantaine je peux le dire : un célibataire consacré a pu rencontrer à un moment de sa vie celle avec laquelle il est convaincu qu’il aurait aussi pu vivre heureux dans le mariage ; il peut même garder durablement dans son cœur la présence sans trouble de cet amour offert à Dieu, tout en restant fidèle au chemin qui est celui de sa fécondité pour le Royaume. Dieu n’est pas jaloux de nos sentiments à la manière dont le sont certaines femmes. Il ne réclame que le don de notre cœur, mais cet engagement libre de notre volonté. Il le veut sans partage. Il n’exige pas un cœur amputé de sa capacité affective d’aimer, mais Il demande que ce cœur Lui soit pleinement remis ».

b’) Commentaire

Commentons ce récit :

La narration, sobre mais sans fard, ne semble rien concéder à l’exhibitionnisme, donc ne transforme pas le lecteur en voyeuriste.

Il s’agit bien d’amour et pas seulement d’amitié. La différence entre les deux est assurément d’intensité, de présence intérieure (« son souvenir, ou plutôt sa présence en moi »), d’exclusivité et aussi d’incarnation. La description initiale, pour discrète qu’elle soit (avec référence à la mère, comme si Jean-Miguel avait besoin de se protéger derrière une référence), montre bien l’attirance physique. Un signe de la profondeur de cet amour est le langage qui, d’emblée, se fait poétique (« il restera toujours en moi comme un bouton de rose… »), alors qu’un tel type de discours n’apparaît pas dans le reste de l’ouvrage. En effet, l’amour ne se définit ; à la limite, il se décrit ; mais, beaucoup plus, il se célèbre, et alors emprunte au registre esthétique.

Jean-Miguel Garrigues montre, avec profondeur que la vertu de chasteté se situe non pas seulement en opposition avec la fusion, la sensualité, mais constitue un juste milieu entre deux extrêmes dont le second est le desséchement du cœur qui est un risque qu’il ne faut en rien négliger, car il est une amputation du cœur, donc une violence intime que l’homme s’inflige.

Le frère Jean-Miguel nomme avec grande rigueur et vérité intérieure non seulement la présence de ce sentiment amoureux, mais ce qu’il signifie, ce qu’il porte avec lui, à savoir la possibilité du mariage. Sans peur, sans auto-jugement, il nomme cette possibilité. Au fond, il va jusqu’où il est légitime d’aller sans mettre en cause sa vocation. Il évite ainsi de nouveau deux extrêmes : l’infidélité à sa vocation ; le déni de la possibilité de l’autre vocation. Ces deux opposés se fondent sur une métaphysique de l’acte qui n’a pas découvert la neutralité de la puissance. En regard, il se donne le droit de nommer tout ce que comporte le sentiment présent en lui, les besoins qu’il révèle et qui seraient possiblement nourris : communion, paternité, etc.

Le père dominicain offre aussi quelques critères de discernement de la vertu authentique de chasteté en sa médiété (son juste milieu). D’un côté, contre l’impureté, bien évidemment l’absence de compromission non seulement en acte mais aussi en intention, donc en pensée. À quoi s’ajoutent : l’obéissance qui se traduit par le fait que, au moins pendant longtemps, il n’ait pas cherché à entretenir la relation ; l’absence de tentation ; l’absence de tristesse, de regret ; l’absence de trouble : ce sentiment ne l’a jamais écarté de sa vocation. De l’autre côté, contre l’insensibilisation (le desséchement) du cœur : l’accueil du sentiment amoureux ; l’absence d’auto-jugement ; nommer l’autre vocation comme un possible sans en rien renier la sienne ; aujourd’hui, « dans la sérénité de l’âge », chacun étant stabilisé dans son état de vie, rencontre plus proche et, manifestement, révélation de ce sentiment, car l’on imagine mal et que la femme n’ait pas lu ce passage et que Jean-Miguel ne lui ait pas demandé son consentement d’ainsi révéler cette relation d’amour ; et, peut-être le plus étonnant, la gratitude, en « action de grâces ».

Enfin, l’auteur montre que la puissance intégrant la sexualité est l’amour : « La sexualité doit être orientée, élevée et intégrée par l’amour qui, seul, la rend vraiment humaine. Préparée par le développement biologique et psychique, elle croît harmonieusement et ne se réalise en plénitude que par la conquête de la maturité affective qui se manifeste dans l’amour désintéressé et dans la totale donation de soi-même [14] ».

7) Parcours biblique

Tempérance : de l’intempérance à la maîtrise de soi (étapes : intempérance ; continence ; tempérance ou intégration épanouie des pulsions).

Il y a peu de tempérants dans la Bible ! Il doit bien y en avoir, mais pas d’idée pour l’instant. Certainement plus facile dans le NT, avec les disciples, les fils de Boanerges, peut-être.

8) Illustration cinématographique

Lost in translation, drame américain de Sofia C. Coppola, 2004.

La scène (11) se déroule de 1 h. 06 mn. 25 sec. à 1 h. 10 mn. 18 sec. (ils sont tous deux allongés sur le lit)

a) Résumé de l’histoire

Bob (Bill Murray), star sur le déclin, vient participer à Tokyo à une série d’émissions publicitaires pour une marque de whisky. Dans le même hôtel que le sien, il rencontre Charlotte (Scarlett Johansson) qui accompagne son mari venu lui aussi travailler quelques jours. Les couples en crise du quinqua blasé, marié depuis vingt-cinq ans, et de la jeune fille pleine de doutes, mariée depuis deux ans, résisteront-ils à ce qui ressemble beaucoup à une ébauche de romance ?

Pour beaucoup de spectateurs, le scénario de Lost in translation est un anti-scénario : il ne se passe rien. Sofia C. Coppola narre une idylle manquée, voire atteste l’incommunicabilité des personnes, sur fond et à l’instar de l’impossible rencontre des deux cultures, nippone et américaine, qu’elle a expérimentée lors de ses différents déplacements au Japon.

Une telle interprétation me semble passer à côté du sens du film qui nous conte un beau chemin, il est vrai tout intérieur. L’histoire se découpe en trois parties de longueur presque égale, s’achevant chacune par une rencontre décisive entre les héros.

Dans la première, les existences de Bob et Charlotte se croisent, parallèles, n’ayant en commun, que leur agueusie, leur absence de goût et de sens. Loin de favoriser le rapprochement, les longs couloirs vides de l’hôtel, qui est comme le troisième protagoniste du film, accusent la solitude, voire favorisent les trop fameux adultères d’un jour des hommes d’affaire brutalement transplantés. Arrive le premier échange, inattendu, au bar de l’hôtel où, en à peine trois minutes, le très drôlatique Bob réussit à faire rire Charlotte pas moins de six fois. À partir de là, dans la seconde partie, le jetlag aidant, les corps ne cesseront de se rapprocher, le désir mutuel de croître, les défenses de tomber. Va-t-on sombrer dans l’adultère ?

b) Récit de la scène décisive

Jusqu’à la seconde rencontre : le dialogue sur le lit. Il s’agit, incontestablement, du sommet du film. La douce complicité de la nuit, la symbolique du vaste lit, la posture allongée, la proximité des corps, les multiples affinités découvertes, tout incline au rapprochement ultime (donc au seul amour sensible, à la passion). Contre toute attente, il n’adviendra pas. Pourquoi ? Le premier échange dit tout.

« Je suis piégée », lance d’emblée Charlotte qui ajoute, anxieuse : « Ça s’arrange avec le temps ? » La jeune femme avoue sans peur ni pudeur son angoisse la plus radicale : l’impression d’enfermement que crée le mariage et que mettent à nu cet hôtel, cette ville, ce pays.

« Non », répond Bob du tac au tac. Charlotte, inquiète, tourne légèrement la tête vers lui. Bob ajoute, après un instant de silence : « Si, ça s’arrange ». Il faut mesurer l’importance de ce passage du « non » au « si » : il y a là tout le chemin de la superficie à la profondeur, de l’apparence à la vérité. En filigrane se dessine toute une réflexion sur le péché. Celui-ci, montre Saint Thomas d’Aquin, comporte une décision effective de détourner son attention de la loi universelle (« Tu ne commettras pas l’adultère »), au profit du bien immédiat (l’aventure) actuellement préféré. La faute opère donc un clivage ; elle est une décision de ne pas voir le bien, une ignorance volontaire et donc coupable. Entre le « non » et le « si », le film met donc en scène la différence entre « fermer les yeux » et « ouvrir les yeux » sur la réalité. Dans le premier cas, la volonté offusque la profondeur du réel et lui substitue une jouissance superficielle et fantasmée ; dans le second cas, l’intelligence reconnaît que si le mariage est difficile au début, avec le temps, « ça s’arrange » ; dès lors, la liberté ne peut, l’instant d’après, préférer au vrai bien du mariage le bien si partiel, si provisoire d’une relation physique de passage.

Quelques instants plus tard, on assiste à une bifurcation similaire à propos des enfants. De même Bob commence à dire la difficulté : « Le jour le plus terrifiant de ma vie, c’est la naissance du premier ». Puis, il ouvre les yeux sur la réalité totale : « Et puis ils apprennent à marcher, à parler et on veut être avec eux. Et là on finit par comprendre que c’est les gens les plus merveilleux qu’on a rencontrés de toute sa vie ». En faisant mémoire de la vérité intime de son histoire, Bob conjure plus efficacement les feux de la passion que tout refoulement qui tôt ou tard la ferait resurgir avec une violence accrue d’avoir été déniée.

c) Quelques leçons

Tout conduisait donc à transformer les deux amis en amants. Qu’est-ce qui permet à la logique du seul sentiment à ne pas triompher ? A ce que l’amour profond, celui qui est tendu vers un bien, puisse dominer. Et l’on remarquera, il s’agit non de l’amour des deux héros, mais de leur amour pour leur conjoint respectif.

– La vérité.

– Les deux bifurcations :

– La considération du bien, moteur de la vertu.

– Le jeu du regard de Bill Murray : loin de cherche à séduire, il est tourné vers le plafond, c’est-à-dire vers un horizon.

– Un réel renoncement : L’attitude du corps le signifie : le regard tourné ailleurs.

– La relation au temps : mémoire du passé. Donc, la fidélité.

Ici se dit la vraie chasteté et la vraie issue hors de l’adultère.

d) Confirmation

Autant la seconde partie s’inscrit sous le signe du rapprochement, autant la troisième éloigne à nouveau les deux héros. Mais leur solitude n’est plus esseulement ; elle est habitée. Leur rencontre, pleine d’empathie, au lieu de prolonger la fuite hors de soi dans une romance sans lendemain, a reconduit chacun à prendre contact avec lui. Et avec son propre engagement. Comment vivre une intimité avec son conjoint sans intériorité ? Comment (ré)épouser l’autre sans d’abord se conjuguer à soi-même ? « Je suis complètement paumé. Je veux aller mieux […] prendre soin de moi », confie Bob, téléphonant à sa femme.

En célébrant une grande vertu oubliée, la fidélité, le film de Sofia Coppola ouvre à la possibilité d’un salut. Au fait, le contraire de « lost » n’est-il pas « sauvé » ?

9) Bibliographie sélective

a) La tempérance en général

– S. Thomas d’Aquin, Somme de théologie, IIa-IIae, q. 140-142.

On peut se référer aux exposés de morale classique. Par exemple :

– Réginald Garrigou-Lagrange, Les trois âges de la vie intérieure, prélude de celle du ciel, Paris, Le Cerf, 1948, tome 2, p. 141-152.

– P. Laféteur, « La tempérance », Initiation théologique, Paris, Le Cerf, 1952, tome 3, p. 997-1076.

– Aimé Michel, « La tempérance », Dictionnaire de théologie catholique, Paris, Letouzey & Ané, tome XV-1, col. 94-99.

– Antonin-Dalmace Sertillanges, La philosophie morale de saint Thomas d’Aquin, Paris, Aubier-Montaigne, 1922, 21947, p. 445-454.

b) La sobriété (ou tempérance dans le goût)

1’) Sources traditionnelles

– Évagre le Pontique, Traité pratique ou Le Moine, ch. 7, 16, 17.

– Jean Cassien, Conférences, L. V, 4, 20, 21. Institutions cénobitiques, L. V.

– S. Jean Climaque, L’échelle sainte, Degré XIV.

– S. Thomas d’Aquin, Somme de théologie, IIa-IIae, q. 148 ; Question disputée sur le mal, q. 14.

– S. Jean de la Croix, La nuit obscure, L. I, ch. 6 (la gourmandise spirituelle).

– Dante Alighieri, La divine comédie. 1. L’Enfer, chant 6 (troisième cercle) ; 2. Le Purgatoire, chants 22 à 24 (sixième corniche).

2’) Auteurs contemporains

– William Yeoman et André Derville, Art. « Gourmandise » et « Gourmandise (spirituelle) », Dictionnaire de spiritualité, Paris, Beauchesne, tome 6, 1967, c. 612-626.

– G. Jacquemet, Art. « Gourmandise », Encyclopédie Catholicisme, Paris, Letouzey & Ané, tome 5, 1962, c. 124-125.

– Clive Staples Lewis, Tactique du diable. Lettres d’un vétéran de la tentation à un novice, trad., Bâle, Ed. Brunnen Verlag, 1980, chap. 17.

c) La chasteté

1’) Sources magistérielles

Catéchisme de l’Église catholique, IIIème partie, n° 2351-2356.

– Jean-Paul II, Exhortation apostolique Familiaris consortio sur les tâches de la famille chrétienne dans le monde d’aujourd’hui, 22 novembre 1981 ; trad. fr. La Documentation catholique, n° 1821 (1982), p. 1-37.

– Jean-Paul II, Lettre encyclique Évangelium vitae sur la valeur et l’inviolabilité de la vie humaine, 25 mars 1995 : AAS 87 (1995) 401-522 ; trad. fr. La Documentation catholique, n° 92 (1995) 351-405.

– Jean-Paul II, À l’image de Dieu homme et femme. Une lecture de Genèse 1-3, Paris, Le Cerf, 1981, nouvelle éd., 1985. Regroupe le premier cycle (du 5 septembre 1979 au 2 avril 1980).

– Jean-Paul II, Le corps, le cœur et l’esprit. Pour une spiritualité du corps, Paris, Le Cerf, 1984. Regroupe les deuxième et troisième cycles (du 16 avril 1980 au 6 mai 1981).

– Jean-Paul II, Résurrection, mariage et célibat. L’évangile de la rédemption du corps, Paris, Le Cerf, 1985. Regroupe le quatrième cycle, le cinquième et le début du sixième (du 11 novembre 1981 au 9 février 1983).

– Jean-Paul II, L’amour humain dans le plan divin. De la Bible à Humanæ Vitæ, Paris, Le Cerf, nouvelle éd., 1985. Regroupe la fin du sixième cycle et le septième (23 mai 1984 au 28 novembre 1984).

Les 4 volumes ont été réédités en un seul au Cerf. Mais cette éd. française n’est pas fiable (manque d’unité de la traduction, etc.). L’éd. qui a autorité, selon les mots mêmes du pape, est celle italienne de l’Institut Pontifical Jean-Paul II pour les études sur le mariage et la famille Giovanni Paolo II, L’amore umano nel piano divino. La redenzione del corpo e la sacramentalità del matrimonio nelle catechesi del mercoledi (1979-1984), Gilfredo Marengo (éd.), Città del Vaticano, Libreria Editrice Vaticana, et Pontificio Istituto Giovanni Paolo II per studi su matrimonio e famiglia, 2009. Au plan scientifique, l’édition de référence est l’américaine : John Paul II, Man and Woman He Created Them. À Theology of the Body, trad. et éd. Michael Waldstein, Boston MA, Pauline Books & Media, 2006. Pour ces questions, cf. Pascal Ide, « La théologie du corps de Jean-Paul II. Un enjeu philosophico-théologique inaperçu », Revue Théologique des Bernardins, n° 3 (2011), p. 88-103.

– Congrégation pour la Doctrine de la foi, Déclaration sur quelques questions d’éthique en matière de sexualité Persona humana, 29 décembre 1975 ; trad. fr. La Documentation catholique, n° 1691 (1976), p. 108-114.

– Congrégation pour la Doctrine de la foi, Lettre sur la pastorale à l’égard des personnes homosexuelles Homosexualitatis problema, 1er octobre 1986 ; trad. fr. La Documentation catholique, n° 1930 (1986), p. 1160-1164.

– Congrégation pour la Doctrine de la foi, Instruction sur le respect de la vie humaine naissante et la dignité de la procréation Donum vitæ, 22 février 1987 ; trad. fr. La Documentation catholique, n° 1937 (1987), p. 349-361 (texte suivi par Joseph Ratzinger, « Aspects anthropologiques de l’Instruction Donum vitæ : Exposé aux journalistes », Ibid., p. 362-364).

– Congrégation pour la Doctrine de la foi, Instruction Dignitas Personæ sur certaines questions de bioéthique, 8 septembre 2008 ; trad. fr. La Documentation catholique, n° 2415 (2009), p. 23-38.

– Coll., Lexique des termes ambigus et controversés sur la vie, la famille et les questions éthiques, Conseil Pontifical pour la Famille (éd.), cardinal Alfonso López Trujillo (préf.), Paris, Téqui, 2005.

– Conseil pontifical pour la famille, Vade-mecum pour les confesseurs sur certains sujets de morale liés à la vie conjugale, 12 février 1997 ; trad. fr. La Documentation catholique, n° 2157 (1997), p. 333-341.

Compendium de la doctrine sociale de l’Église, Cité du Vatican, Libreria Editrice Vaticana, 2005.

2’) Sources traditionnelles

– Évagre le Pontique, Traité pratique ou Le Moine, ch. 8. Sur les pensées, ch. 16.

– Jean Cassien, Conférences, L. V, 4. Institutions cénobitiques, L. VI.

– S. Jean Climaque, L’échelle sainte, Degré XV.

– S. Thomas d’Aquin, Somme de théologie, IIa-IIae, q. 153 et 154. Question disputée sur le mal, q. 15.

– Dante Alighieri, La divine comédie. 1. L’Enfer, chant 5 (deuxième cercle) ; 2. Le Purgatoire, chants 25 à 27 (septième corniche).

– S. Jean de la Croix, La nuit obscure, L. I, ch. 4 (l’impureté spirituelle).

3’) Ouvrages et articles spécialisés

– Pierre Adnès, Art. « Luxure (spirituelle) », Dictionnaire de spiritualité, tome 9, 1976, c. 1260-1264.

– Olivier Bonnewijn, Éthique familiale et sexuelle, Paris, Emmanuel, 2006. Bon manuel récent, au langage soigné pour évoquer des sujets délicats.

– Albert Chapelle, Sexualité et sainteté, Bruxelles, Institut d’Études Théologiques, 1977. Grand ouvrage proposant une approche philosophique et théologique de la sexualité à partir de l’approche symbolique caractéristique de son auteur.

– Michel Labourdette, Cours de théologie morale, Toulouse, 1960-1961. Cf. La tempérance et La chasteté (avec une présentation détaillée de la psychanalyse freudienne).

– G. Mathon, Art. « Luxure », Encyclopédie Catholicisme, tome 8, 1979, c. 8-47.

– Elio Sgreccia, Manuel de Bioéthique. Les fondements et l’éthique biomédicale, trad. Robert Hivon, Paris, Mame-Edifa, 2004. Un ouvrage référence par un spécialiste éminent.

– Karol Wojtyla, Amour et responsabilité. Étude de morale sexuelle, trad. Thérèse Sas revue par Marie-Andrée Bouchaud-Kalinowska, Paris, Éd. du Dialogue et Stock, 1978. Grand livre, encore indépassé, sur une approche à la fois phénoménologique et ontologique de l’amour humain et de la sexualité.

4’) Ouvrages grand public

– Daniel-Ange, ses différents ouvrages sur le corps dans la coll. « Lumière Vérité », Paris, Le Sarment-Fayard : Ton corps fait pour l’amour, Ton corps fait pour la vie, Ton corps fait pour la différence.

– Benedict Groeschel, Le courage d’être chaste, 1985, trad. Anne Olivier, Nouan-le-Fuzelier, Éd. des Béatitudes, 1997.

– Clive Staples Lewis, Tactique du diable, op. cit., chap. 18 à 20.

– Yves Semen, La sexualité selon Jean Paul II, Paris, Presses de la Renaissance, 2004. Bonne présentation vulgarisée de la théologie du corps de Jean-Paul II.

– Denis Sonet, Découvrons l’amour, Paris, Droguet-Ardant, 1990.

Pascal Ide

[1] Pour le détail, je me permets de renvoyer au chapitre sur la gourmandise à Pascal Ide, en collaboration avec Luc Adrian, Les sept péchés capitaux. Ce mal qui nous tient tête, Paris, Édifa-Mame, 2002.

[2] On en trouve des vidéos sur Internet, notamment une en américain, qui a beaucoup de succès. Cf., par exemple, consulté en février 2014 : http://www.youtube.com/watch?v=9NTdx3Iq7EU

[3] Il est aussi intéressant d’observer les réactions des enfants. Elles sont affectives. La situation est manifestement éprouvante pour tous. Certains se tortillent, donnent des coups de pieds dans le vide. L’un d’eux touche et remet le bonbon en faisant une horrible grimace. Lorsqu’après avoir fait diversion, l’enfant est rattrapé par l’envie, la « torture » intérieure se redouble. Les réactions sont aussi effectives, c’est-à-dire comportementales. Les enfants multiplient les stratégies pour contourner la tentation. Il y a celui qui abandonne tout de suite et dévore sans vergogne. Il y a celui qui transige : il regarde, sent (posant même le nez sur le bonbon), prend entre ses doigts et repose, voire goûte, mais seulement un peu ; l’un d’eux imite le geste de prise ; un autre lèche la table autour du chamallow tant convoité ! Il y a enfin celui qui résiste. Dans ce dernier cas, il semble que la méthode la plus efficace consiste à détourner le regard ou se cacher les yeux avec les mains. Pourtant, étrangement, aucun enfant ne pense tout simplement à se détacher de l’objet tentateur et à faire autre chose, selon la sage conseil de la petite Thérèse qui, justement, parle de vertu : « Je sentais aussi que je n’avais pas assez de vertu pour me laisser accuser sans rien dire, ma dernière planche de salut était donc la fuite » (Ms C, 15 r°. C’est moi qui souligne).

[4] Angela L. Duckworth et Martin E.P. Seligman, « Self-discipline outdoes IQ in predicting academic performance of adolescents », Psychological Science, 16, n° 12 (2005), p 939-944 ; Walter Mischel, Yuichi Shoda et Monica L. Rodriguez, « Delay of gratification in children », Science, 244, n° 4907 (1989), p. 933-938.

[5] Cf., par exemple, S. Thomas d’Aquin, Somme de théologie, Ia, q. 82, a. 1 et 2 ; q. 83, a. 4.

[6] Cf. Helen A. Keller, Sourde, muette, aveugle. Histoire de ma vie, trad. A. Huzard, coll. « Petite Bibliothèque Payot », Documents 59, Paris, Payot, nouvelle éd., 1991.

[7] Sigmund Freud en traite dans un chapitre important de sa Métapsychologie intitulé « Destin des pulsions » (Première édition chez Payot. Il a été réédité dans le premier volume de l’Édition complète en cours, Paris, p.u.f., tome 13, 1988).

[8] Catéchisme de l’Église catholique, n. 2337.

[9] Benedict Groeschel, Le courage d’être chaste, 1985, trad. Anne Olivier, Nouan-le-Fuzelier, Éd. des Béatitudes, 1997, p. 117.

[10] Sœur Emmanuelle avec Philippe Asso, Richesse de la pauvreté, Paris, Flammarion, 2001, p. 134.

[11] Le souffle du don. Journal de frère Christophe moine de Tibhirine. 8 août 1993-19 mars 1996, Paris, Bayard Éd./Centurion, 21999, p. 144.

[12] Géréon Goldmann, The Shadow of His Wings, Chicago, Franciscan Herald Press, 1964 : Un Franciscain chez les SS. Le témoignage véridique de Géréon Goldmann, trad. Martine Huguet, Françoise Moreau et Isabelle Schobinger, Paris, Éd. de l’Emmanuel et Éd. du Jubilé, 2008, p. 49-52.

[13] Jean-Miguel Garrigues, Par des sentiers resserrés. Itinéraire d’un religieux en des temps incertains, Paris, Presses de la Renaissance, 2007, p. 137-141.

[14] Sacrée Congrégation pour l’Education Catholique, Orientations éducatives sur l’amour humain. Traits d’éducation sexuelle, 1er novembre 1983, reproduit de la Polyglotte vaticane, Paris, 1993, Téqui, n. 5, p. 4.

15.5.2020
 

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