La théorie de l’attachement ou l’enracinement constructeur de l’enfant dans le don parental 2/2

3) La théorie de l’attachement

a) Bref historique

En voici quelques grands noms et quelques grandes étapes :

– Le pionnier, René Spitz (1887-1974), a développé surtout l’aspect négatif, la carence affective [1].

– Le véritable fondateur est John Bowlby (1907-1990) [2]. Double est l’origine de sa théorie : la psychanalyse et l’éthologie. Disciple de Melanie Klein, il prendra de la distance vis-à-vis de la réalité seulement fantasmatique du traumatisme de séparation (contre sa réalité objective), mais il en retiendra notamment trois concepts clés : l’ambivalence de l’enfance traversée autant par le désir d’attachement que par celui d’hostilité à l’égard de la mère, la possible existence de dépression de l’enfant et la fonction contenante de la mère à l’égard des sentiments et des demandes « négatifs ».

– L’ère de la maturité et de la rigueur scientifique : notamment avec Mary Ainsworth (1913-1999) qui a travaillé avec Bowlby dans les années 1960 et à qui l’on doit les premières études réellement scientifiques sur l’attachement, en psychologie clinique, notamment la méthode clé de la situation étrange.

– Le développement de la théorie de l’attachement chez les adultes et la psychopathologie développementale, réconciliation avec la psychanalyse a lieu depuis la moitié des années 1980.

– Le psychiatre et psychanalyste Serge Lebovici (1915-2000) acclimatera le concept en France, ainsi que le neuro-psychiatre et éthologue Boris Cyrulnik (1937-) [3].

On notera avec intérêt que la théorie de l’attachement a suivi l’évolution des trois grandes théories psychologiques qui ont marqué le siècle dernier : psychodynamique (psychanalyse), systémique et cognitivo-comportementale.

b) Preuves de la nécessité de l’attachement

1’) Preuves indirectes, d’ordre éthologique
a’) Le fait du bonding

En anglais, le terme utilisé pour désigner l’attachement est bonding. Il semble toutefois préférable de réserver le premier mot à l’attachement proprement humain. Aussi Blaise Pierrehumbert préfère-t-il conserver le terme anglais bonding pour l’animal [4].

Les études sur les brebis ont révélé le fait suivant [5]. Dans les heures suivant la naissance, les brebis (donc les mères) manifestent deux types de signes : un soin, une attention très sélective pour leurs agneaux et une agressivité à l’égard des agneaux étrangers. Autrement dit, la mère présente un lien particulier avec son enfant. On peut donc conclure qu’il existe un attachement chez les animaux.

b’) Confirmation en creux

L’étude décisive fut celle de Harry Harlow, en 1958, montrant les effets de la déprivation maternelle chez les singes [6]. De jeunes macaques sont accidentellement devenus orphelins de leurs mères à la suite d’une épidémie. Le chercheur observe alors que les jeunes singes font une fixation sur les objets laissés dans les cages, comme des couvertures et qu’ils protestent si on tente de les enlever. Il décide de confirmer et préciser cette observation par une expérimentation sur huit macaques rhésus. On les sépare de leur mère à la naissance. Puis on dispose dans chaque cage des mannequins imitant grossièrement des singes adultes ; or, l’un est recouvert de linge doux et l’autre seulement de treillis ; de plus, un biberon est disposé tantôt sur un mannequin tantôt sur l’autre ; enfin, à côté de ces simulacres, on place dans la cage différents autres objets inconnus et effrayants. Tout étant maintenant en place, on ouvre la cage et observe le comportement des macaques.

Harlow constate trois choses à court terme : d’abord, les singes recherchent avant toute chose une proximité physique avec les mannequins qui sont pourtant grossiers et inactifs ; ensuite, ils préfèrent le substitut en tissu doux à celui qui comporte de la nourriture ; enfin, après un temps passé auprès du substitut en tissu, les singes se mettent à explorer la cage et se rapprochent des objets effrayants. A long terme, on observe que le singe élevé avec des mères peu répondantes décline et que cette dégénérescence est proportionnelle à la durée de la déprivation. Au maximum, le macaque se replie dans une attitude de prostration et perd tout comportement social ; voire, face à une agression, il ne manifeste aucune attitude de fuite ou de contre-attaque.

Tirons des conclusions sur les seules conséquences à plus long terme, réservant d’interpréter les résultats à court terme dans le paragraphe sur la nature de l’attachement. Les symptômes type prostration sont étrangement similaires à ceux de la dépression anaclitique développée par Spitz [7]. Par conséquent, l’animal en carence d’affection maternelle manifeste une régression intense. En positif, les interactions dues à la parentalité sont nécessaires à une véritable socialisation. La mise en place du lien aux proches permet cette mise en place avec les membres plus lointains.

Harry Harlow [8] et d’autres chercheurs [9] confirmeront et approfondiront ses observations dans des articles ultérieurs qui seront publiés dans la prestigieuse revue Science.

c’) La cause du bonding

Quel mécanisme préside à cette attitude ? Cette question peut aussi prendre la forme d’une énigme : en effet, on sait que l’animal agit à partir d’instincts ; or, ceux-ci le portent vers des objets prédéterminés (telle couleur, etc.) ; mais la progéniture de l’animal, si elle présente des caractéristiques spécifiques prévisibles, est douée en revanche de traits individuels indéterminables, indéductibles ; or, on vient de le voir, l’attention de la mère est très singularisée et même exclusive à l’égard d’autres individus de la même espèce, y compris d’enfants qui viennent de naître. Quel peut donc être le mécanisme en jeu ? Sur quel stimulus peut donc se fonder l’attachement ?

C’est sur ce point que les études précédentes ont apporté une lumière nouvelle et décisive. On s’est rendu compte que le phénomène de bonding intervenait durant une période brève, quelques heures après la naissance. Si la mère n’est pas mise en présence de son jeune les quelques heures après la naissance, elle ne le lèche pas, ne l’allaite pas ; or, ce sont les attitudes de soin de l’enfant. Inversement, si la brebis est placée en sa présence pendant ces premières heures et en est ensuite séparée, elle continue à s’en occuper. C’est donc qu’il existe une période dite « sensible » (à l’attachement). Et celle-ci est à la mère ce que le phénomène d’empreinte est au jeune, les deux se correspondant selon une structure don-accueil.

D’autres études ont mis en évidence la présence de certains facteurs hormonaux : C. S. Carter a par exemple montré le rôle essentiel de l’oxytocine [10]. Confirmation comportementale est donnée dans le constat que si l’on injecte à une femelle vierge du sang provenant d’une femelle ayant récemment accouché, elle procure les soins au jeune.

Par conséquent, l’attachement animal est déterminé par deux types de facteurs : innés et acquis. Comment les répartir ? Je propose l’hypothèse suivante, à valider expérimentalement : les facteurs innés sont généraux, déterminant (et pas seulement conditionnant) un comportement précis et les facteurs acquis sont particuliers, octroyant à la puissance cognitive un objet déterminé.

d’) Application à l’homme ?

Entre l’homme et l’animal, on observe continuité et rupture. Et cela, non seulement aux plans anatomique et physiologique, mais aussi au plan éthologique, c’est-à-dire comportemental. Le semblable tient à l’attachement de la mère à l’enfant. Et il semble que le sens du toucher joue un rôle tout particulier dans les deux règnes, humain et animal.

La différence, quant à elle, tient à la cause de l’attention à l’enfant qui vient de naître : libre chez l’homme, même si elle peut être prédisposée, préparée par des dispositifs physiologiques, voire génétiques ; déterminée par l’instinct chez l’animal, quelle que soit la part de l’acquisition. La raison en est que les puissances cognitives de l’animal sont par nature incapables de transcender le domaine sensible ; or, le bien de l’éducation (bonum inquantum bonum) présente un contenu intelligible, c’est-à-dire accessible à la seule lumière de l’intelligence. De même donc que l’animal ne peut se porter par ses propres sens vers le bien qu’est la propagation de l’espèce, mais par un instinct, de même en est-il pour ce comportement qui en est la conséquence et le prolongement, à savoir l’éducation.

En revanche, certaines questions demeurent : existe-t-il, chez l’homme, une période sensible comme le suggèrent John Kennel et Marshall Klauss [11] ? Si ce fait se trouvait établi, constituerait-il un conditionnement ou un déterminisme ? De même, faudrait-il le faire entrer dans l’une des inclinations naturelles ?

2’) Preuves directes négatives

L’importance de l’attachement, de l’amour de la mère pour l’enfant a aussi – et peut-être d’abord – été montré en creux, par les conséquences extrêmement délétères de son absence, ce que l’on appelle aujourd’hui la carence affective. Les exemples donnés ci-dessus l’ont déjà laissé pressentir. Une étude faite en 1915 sur dix « asiles » de l’est des États-Unis montre une mortalité des enfants en institution allant de 32 à 75 % à l’âge de 2 ans [12], étude confirmée par une autre faite en Allemagne en 1920.

Les premières études vraiment scientifiques remontent au chercheur à qui on doit les études les plus célèbres sur les conséquences de la carence affective, René Spitz. En 1946, il étudia 123 nourrissons abandonnés, âgés de 12 à 18 mois [13]. Or, la plupart de ces bébés souffrent de symptômes dépressifs jusque lors jamais décrits chez les enfants. Parler de dépression chez un enfant de cet âge est proprement révolutionnaire. Précisément il décrit deux tableaux : celui de la carence affective partielle (ou dépression anaclitique) et celui de la carence affective totale (ou hospitalisme). Décrivons le premier. En fait, les signes apparaissent progressivement dans le temps : 1) au début, l’enfant est pleurnicheur et tend à s’accrocher à l’observateur ; 2) puis, un mois plus tard, les pleurs deviennent des gémissements plaintifs, on observe aussi un arrêt du développement physique (perte de poids) et psychique ; 3) après deux mois, l’enfant refuse le contact et affiche une rigidité faciale ; 4) si la séparation se poursuit, l’enfant devient léthargique. Or, le développement est l’acte le plus essentiel de l’enfant. Ce tableau impressionnant, poignant même, montre donc que la carence de présence parentale se traduit par une carence ontologique au moins opérative et, en plein, que l’enfant présente un besoin véritablement vital de l’affection de ses parents

Une étude de Camberwell va confirmer les conséquences à l’âge adulte de l’abandon pendant l’enfance [14] : 139 femmes âgées de 18 à 65 ans ont fait une dépression ; or, elles ont été séparées de leur mère (pour diverses raisons : décès, etc.) avant l’âge de 11 ans. Ces personnes indiquent d’elles-mêmes la corrélation entre leur état actuel et la séparation comme étant d’effet à cause [15]. Une autre confirmation a minima, est fournie par la célèbre procédure dite du « visage impassible » développée par Tronick [16]. On demande à une mère de placer en face d’elle son bébé, âgé de 1 à 4 mois, de garder un visage figé et de ne pas répondre aux incitations de l’enfant. Or, ce dernier réagit d’abord en cherchant à inciter sa mère ; puis, après une vingtaine de secondes, de manière très perceptible, il va prendre un air inquiet, s’agiter. C’est donc que le très jeune enfant cherche fort tôt à mettre en place ce que Treverthen appelle des « protoconversations », des micro-interactions.

3’) Confirmation expérimentale des preuves directes négatives

Les preuves qui précèdent sont d’ordre observationnel. On doit à Mary Ainsworth d’avoir établi expérimentalement, en psychologie clinique, la réalité de la déprivation affective, c’est-à-dire les conséquences néfastes de l’absence d’attachement. Pour cela, elle a mis au point un protocole appelé « situation étrange ». Elle a réalisé l’étude princeps avec 23 dyades mère-enfant. Ce dispositif standardisable fut depuis utilisé des milliers de fois et est toujours employé aujourd’hui [17].

a’) La méthode

Le principe consiste à observer les conséquences chez l’enfant (qui a d’ordinaire huit mois) d’une brève séparation du parent joint à la présence d’une personne non familière.

La situation étrange se compose de huit épisodes d’environ trois minutes chacun :

  1. L’expérimentateur introduit le parent, portant l’enfant, dans la pièce d’enregistrement munie d’un système vidéo et où sont disposés des jouets sur le sol.
  2. Le parent et l’enfant sont laissés seuls. Le parent, selon la consigne, n’initie pas de contact et se limite à répondre, si nécessaire.
  3. Une personne, inconnue de l’enfant et du parent, entre dans la pièce ; après un instant, elle s’approche de l’enfant et cherche à attirer son attention.
  4. Le parent quitte la pièce et l’enfant reste avec la personne inconnue qui se met à une certaine distance.
  5. Le parent revient et la personne inconnue sort. Le parent, toujours selon la consigne, n’initie pas de contact ; mais il peut chercher à intéresser l’enfant aux jouets.
  6. Le parent, après avoir préparé son départ, quitte la pièce une seconde fois ; l’enfant demeure donc seul.
  7. La personne inconnue revient et reste seule avec l’enfant. Si celui-ci ne s’intéresse pas à elle, elle attire son attention puis reprend une certaine distance ; au besoin, elle le réconforte puis essaie de recentrer son attention sur les jouets.
  8. Le parent revient et la personne inconnue sort. Après une pause, le parent s’approche de l’enfant si celui-ci n’a pas initié le contact de lui-même.

Prévenons une objection plus actuelle que contemporaine de Mary Ainsworth : la méthode n’est-elle pas traumatisante ? Blaise Pierrehumbert répond que le dispositif ci-dessus « peut évoquer une situation de salle d’attente et n’est certainement pas plus traumatisant qu’une visite au pédiatre [18]« . Si toutefois se manifestent des signes de détresse, l’expérimentateur et le parent qui observent l’enfant (en réel ou à la vidéo, selon les moments), peuvent décider d’abréger l’épisode.

b’) Les résultats

Mary Ainsworth a décrit trois types de comportements d’attachement. Les centaines d’études faites ultérieurement n’ont pas remis en cause cette classification, ni même le pourcentage relatif de réponses. Résumons en un tableau dont j’inverserai l’ordre pour mettre en premier la réaction normale (et d’ailleurs majoritaire) chez l’enfant :

 

Comportement d’attachement Pourcentage Signes durant les trois phases principales : 1. départ du parent ; 2. séparation ; 3. retour du parent Mécanisme, cause
L’enfant sécurisé 66 % 1. Protestation ;

3. Accueil avec soulagement et recherche de proximité (tendre les bras, mouler son corps contre celui de l’adulte), puis, après le temps d’attachement, jeu avec les jouets.

Réaction, juste équilibre entre le besoin de la base sécurisante et le désir d’exploration
L’enfant anxieux évitant 22 % 1. Affectivement peu expressif ; explorant l’environnement sans faire appel au parent comme base sécurisante,

2. De contact facile avec la personne non familière ;

3. Évitement du parent.

Indifférence, indépendance affective
L’enfant anxieux résistant 12 % 1. Perturbé, anxieux, voire agité ;

3. Recherche de réconfort démesurée mais aussi ambivalente : s’accrochant à la mère, l’enfant s’en détache avec colère ; voire refus de consolation et détresse passive.

Entre fusion, colère et désespoir. Incontestablement immature.

 

Je rajouterai volontiers que, derrière les mécanismes, on retrouve les trois grands types de relation à l’autre et les trois grands affects qui les commandent : la contre-dépendance ou la colère qui est la réaction normale face à une agression, un mal ; l’indépendance ou la fuite ; la dépendance ou la fusion amoureuse.

4’) Preuves directes positives

C’est dans sa grande trilogie Attachement et perte que Bowlby va établir les fondements conceptuels de sa théorie de l’attachement. On connaît désormais son intuition fondatrice : la proximité d’une figure d’attachement structure l’identité.

Bowlby distingue quatre étapes dans le développement de l’attachement [19] :

– la phase de préattachement (avant deux mois) : le bébé s’attache, mais de manière indifférenciée selon les personnes ;

– la phase d’attachement en cours (entre deux mois et sept mois) : le bébé, d’une part, est capable de différencier précisément la principale figure d’attachement (le plus souvent la mère) des autres personnes ; d’autre part, il peut manifester différents comportements-signaux clairs d’attachement. Toutefois, la phase est dite « en cours », car le bébé est encore capable de s’attacher à quelqu’un d’autre, autrement dit n’est pas encore totalement actué, déterminé sinon ad unum, du moins préférentiellement.

– la phase d’attachement sélectif et exprès (à partir de sept mois) : désormais, le bébé s’est véritablement attaché à une figure. Le prouvent en positif le besoin d’un contact avec la figure d’attachement et en négatif, les signes de détresse en cas de séparation : d’où la fameuse angoisse de séparation du septième-huitième mois.

– la phase de partenariat ajusté (dès l’âge de 3 à 4 ans) : désormais, l’enfant n’est plus seulement en attente mais devient capable d’influencer la figure d’attachement en fonction de ses besoins [20].

Cette dernière phase, notons-le, est encore une relativisation de la théorie de la fusion.

c) Les mécanismes de l’attachement

Nous en avons déjà évoqué quelques-uns chemin faisant. Il revient aux ouvrages de psychologie clinique d’entrer dans le détail. Il faut croiser trois principes de distinction : inné et acquis, troubles biologiques et symptômes psychologiques, mécanismes du côté de la mère et mécanismes du côté de l’enfant.

Différents déclencheurs semblent induire une attitude de soins du côté de la mère. On a évoqué plus haut certains états hormonaux de la mère.

Du côté du la mère, certains facteurs l’influencent, comme les cris et les expressions faciales du bébé [21], le sentiment de « mignon », c’est-à-dire le charme de l’enfant [22].

Du côté de l’enfant, les déclencheurs peuvent se répartir selon les récepteurs sensoriels : le bébé reconnaît très tôt le sourire de la mère, ainsi que Spitz l’a montré, et la forme du visage [23] au point qu’un nouveau-né de 3 jours est apte à discriminer le visage de sa mère de celui d’une inconnue [24] ; il différencie la voix maternelle de la voix d’une inconnue dès 2 à 4 jours [25] ; enfin, il discerne l’odeur de sa mère [26], et cela aussi dès le troisième jour après sa naissance [27]. Bref, les compétences perceptives de l’enfant sont non seulement très précoces, mais toutes tournées vers la reconnaissance de la mère. Or, une telle réceptivité n’est pas dénuée de raison, elle répond à un besoin. C’est donc que l’enfant, prédisposé à reconnaître sa mère, a besoin de son affection. Et cela au plus tôt.

Mais, quoi qu’il en soit de l’importance des facteurs innés, ultimement, une mère ne s’attache à son bébé que parce qu’elle le choisit. Précisément, dans un acte de liberté, elle transforme le donné (naturel) en un don (personnel) ; par ailleurs, cette liberté n’est pas tant une décision (entre plusieurs objets possibles) qu’un consentement (touchant donc l’exercice et non la spécification) ; enfin, tous ces facteurs, loin de déterminer le libre-arbitre, y disposent, c’est-à-dire sont au service, du côté des facultés de connaissance, de l’intériorisation de l’image de l’enfant et, du côté de la puissance volitive, de son appropriation par la liberté de la mère.

d) La nature de l’attachement

1’) Exposé

De l’expérience princeps de Harlow, on peut tirer trois leçons : 1) la mère est recherchée par le petit au même titre que l’aliment ; 2) plus encore, la mère est préférée à la nourriture [28] ; 3) c’est à partir du rassurement octroyé par la présence maternelle que s’effectue l’exploration d’objet. Les deux premiers points concernent la relation à l’origine et le troisième l’activité voire la fécondité.

La théorie de l’attachement énonce d’une part que le besoin de proximité de l’enfant est vital, structurant pour sa propre construction ; loin d’être secondaire, par exemple à l’égard du besoin de nourriture, il est constitutif de l’être du bébé. Cela se vérifie pour la construction organique, physiologique : la déprivation affective engendre une régression des performances staturopondérales et comportementales.

D’autre part, Bowlby a montré que la figure d’attachement fonde la curiosité et l’ouverture. L’expérimentation le montre. A partir de différents instruments, la situation étrange (vue ci-dessus) et l’échelle interactive, qui fut élaborée par Mary Ainsworth distinguant six types de distances relationnelles [29], Blaise Pierrehumbert a étudié les comportements d’attachement de 47 enfants âgés de 21 mois [30] et montré le phénomène, apparemment paradoxal, suivant : d’une part, les enfants avec un attachement sécurisé recherchent la proximité physique de la figure d’attachement avec intensité et plus d’intensité que les deux autres catégories ; d’autre part, et là gît l’étonnement, ces enfants sont ceux qui s’éloignent le plus. En revanche, les enfants avec un attachement anxieux évitant ne s’éloignent que modérément de la figure d’attachement et les enfants avec un attachement anxieux résistant demeurent au plus près de la figure (« collent » à leur mère). Par conséquent, le détachement exploratoire (pour les objets comme pour les personnes, au plan social) est proportionnel à l’attachement sécurisant.

Résumons ces résultats dans un tableau :

 

Les types d’attachement Recherche de la figure d’attachement Conduite d’exploration
Enfants avec un attachement sécurisé Avec grande intensité Avec grande curiosité (grand éloignement)
Enfants avec un attachement anxieux évitant Avec peu d’intensité Avec peu de curiosité (peu d’éloignement)
Enfants avec un attachement anxieux résistant Avec peu d’intensité, voire ambivalence Avec très peu de curiosité (très peu d’éloignement)

 

On peut essayer d’expliquer ce que l’observation se contente de décrire. L’exploration met en contact avec la nouveauté ; or, la nouveauté est génératrice d’anxiété : cette crainte est même l’indice d’une véritable nouveauté ; mais l’enfant n’est pas assez stabilisé pour pouvoir affronter seul un objet anxiogène ; il lui faudra donc s’alimenter à une base sécurisante et il partira en exploration à la mesure de sa recharge en paix ; or, la relation d’attachement notamment à la mère est source de sécurité ; donc, l’attachement joue un rôle non seulement pour protéger l’enfant ou le construire mais aussi pour l’ouvrir au monde ambiant. Il lui donne une base sécurisante ; ou, pour parler, comme Alan Fogel et Élisabeth Fivaz-Depeursinge, il l’encadre [31].

2’) L’objection psychanalytique

On le sait, la psychanalyse appelle fusion le premier comportement du bébé : l’attachement est fusion. Or, la fusion est source de dépendance. Donc, l’attachement, loin de favoriser l’exploration, devrait l’inhiber.

Les deux prémisses de la difficulté sont susceptibles de critique. D’une part, nous venons de montrer que, loin d’aliéner, l’attachement est source de libération : « l’attachement va servir l’autonomie de l’individu et non pas sa dépendance, comme on pourrait le supposer [32] ». D’autre part, on ne saurait assimiler la fusion et l’attachement. La dénomination de fusion manque considérablement de finesse. En effet, une étude passionnante de Christiane Robert-Tissot [33] distingue trois types d’attitudes posturales chez le bébé : la posture en fusion où tout le corps de l’enfant est en contact avec l’adulte ; la posture en appui où les épaules sont dégagées, ce qui permet à l’enfant de contrôler la distance ; enfin, la posture à distance où l’enfant effectue des mouvements des bras, les projetant sur le côté. Or, dès l’âge de 1 à 2 mois, l’enfant maîtrise ces trois types d’attitude et les adopte selon les personnes avec lesquelles il se trouve : il est en fusion avec sa mère ; la fusion n’est que partielle avec des personnes inconnues. Or, la fusion signifie une acceptation totale du contact, de la relation ; la posture en appui signifie une acceptation mais contrôlée ; la posture à distance signifie clairement un refus (dans les limites des possibilités motrices de l’enfant). Par conséquent, très tôt, le bébé exprime son désir ou non de contact et donc son acceptation ou non de la fusion. On ne peut donc pas affirmer que toute relation du petit d’homme soit de fusion ou même de rejet ou de fusion : la possibilité intermédiaire décrite par Christiane Robert-Tissot montre une très fine régulation de la relation. Cette expérience montre donc que l’enfant sait extrêmement tôt ajuster une relation et contrôler la distance. Elle montre aussi qu’il est capable, bien avant la fameuse angoisse du huitième mois, de reconnaître les personnes de son entourage.

3’) Conséquence

Une telle théorie valorise considérablement le rôle de la mère. Elle est douée d’une compétence que Colwyn Trevarthen et Daniel Stern appellent intersubjective [34]. Certains ont objecté à la théorie de l’attachement son monotropisme et le féminisme a reproché à Bowlby de figer la femme dans un rôle archaïque. Pour un discernement sur ce point, nous renvoyons à l’ouvrage clé de Pierrehumbert [35].

5’) Exposé de l’attitude contraire à l’attachement

On doit à John Bowlby d’avoir montré les fameuses phrases de la séparation, en 1946, à la Tavistock Clinic. Il étudie les effets de la séparation induits par l’hospitalisation sur un enfant.

– Première phrase : la protestation. Elle se définit comme une réponse active à la séparation. Elle se manifeste par des cris, des pleurs, des mimiques effrayées. Le mécanisme est une recherche de la présence des parents.

– Seconde phase : le désespoir. Elle se définit comme une réponse passive. Ici, les signes sont la perte de l’intérêt pour l’environnement, le refus de l’alimentation et les troubles végétatifs. Le mécanisme est guidé par la conviction assurée, le sentiment acquis d’une impuissance : je ne retrouverai pas mes parents par mes propres forces.

– Troisième phase : le détachement. Elle se définit comme une répression des attitudes d’intérêt notamment à l’égard de la proximité des parents. Les signes sont une indifférence affective à l’égard des autres, parfois un regain d’activité et de croissance. Le mécanisme est ici un refus d’attendre de qui que ce soit un réconfort.

Or, la séparation rompt le lien entre la mère et l’enfant. Ces trois phases confirment à nouveau le besoin vital de la connexion affective entre l’enfant et sa mère. Plus encore, le détachement, loin de caractériser les prodromes d’une véritable indépendance relèvent plus d’une contre-dépendance emplie de colère et d’amertume.

John Bowlby, et Colin Parkes, en 1962, à la Tavistock, développeront plus tard sous un autre angle les conséquences de la séparation des figures sécurisantes en décrivant différentes étapes de deuil ou phases de séparation [36]. Il en distingue quatre :

– Première phrase : la sidération ou engourdissement (qui est un quasi-déni). C’est une phase passive, émotionnellement pauvre.

– Deuxième phase : le languissement. C’est une phase émotionnellement plus active (colère, etc.). Le sujet s’y défend toujours de la réalité du manque.

– Troisième phase : la résignation ou désespoir. C’est une phase de constat de la perte définitive, irréversible, irrémédiable, accompagnée de tristesse et de dépression.

– Quatrième phase : l’intériorisation ou la réorganisation psychique. Ici, le manque commence à être réellement accepté et approprié.

Si le concept de deuil fut, pour la première fois, élaboré par Sigmund Freud, celui de phases de deuil, devenu un lieu commun (développé par exemple par Elisabeth Kübler-Ross), trouve donc son origine chez John Bowlby.

4) Conclusion. Relecture dans la perspective du don

a) La théorie de l’attachement et les trois moments du don

Cette théorie est une illustration particulièrement parlante de la théorie du don.

Tout d’abord, elle distingue bien les trois moments :

– l’attachement montre d’abord que l’enfant s’enracine dans un don originaire. En effet, il constitue un besoin véritablement premier ; il est vécu comme une sécurité ; Pierrehumbert parle même parfois d’amour ;

– à partir de cette base sécurisante, l’enfant peut aller vers l’autre dans une attitude d’exploration et de socialisation ;

– enfin, entre les deux, l’enfant a intériorisé la sécurité offerte par la mère, il la ressent ; plus encore, cet attachement permet à l’enfant de se construire, anatomiquement et physiologiquement. L’appropriation se fait plus sur mode naturel que de manière libre.

En négatif, les trois étapes de la séparation confirment la dynamique du don. En effet, ces phases se comprennent à partir de la relation entre don 2 (le petit enfant) et don 1 (maternel). La séparation est la rupture, volontaire ou involontaire, entre le don 1 et le don 2. Les phases décrivent le retentissement affectif (mais pas seulement) sur le récipiendiaire, le bénéficiaire :

– la première étape, de protestation, est la recherche active, du côté du don 2 de son don 1 vital ;

– la deuxième étape, le désespoir, est la conviction de l’impossibilité de retrouver ce don 1 nourricier ;

– la dernière étape affecte le don 2 : en effet, elle décrit un passage de la rupture subie à l’égard de l’origine à une rupture consentie, activement. Il y a là, sinon une décision, du moins une méfiance à l’égard de l’origine si décevante [37].

Les symptômes de carence affective convergent tous vers une aboulie, une restriction de l’activité ; or, l’activité est le don 3 ; donc, la théorie de l’attachement confirme qu’un déficit dans la relation originaire, la proximité avec la mère se solde nécessairement par un déficit dans le dynamisme téléologique de la personne.

Ensuite, cette théorie montre la relation dynamique unissant les trois moments : l’exploration, l’ouverture à la nouveauté, à l’exploration est proportionnelle à la sécurité procurée par l’attachement. Plus encore, il a été démontré, comme on l’a vu ci-dessus, que le don 3 de l’enfant est proportionnel à son enracinement dans la base sécurisante qu’est le don 1 : cette proportionnalité trop mécanique qui contredit l’appropriation par la liberté est en revanche compréhensible dans le régime encore infrarationnel de la petite enfance. La conséquence en est que, répétons-le, l’attachement, loin d’être une dépendance, une aliénation, est une relation nourrissante et libérante, qui seule peut libérer le possible dans l’enfant.

Enfin, on a noté l’importance du concept de proximité chez Bowlby ; or, qui dit proximité dit toucher. Dans cette période d’attachement, le toucher joue donc un rôle tout particulier chez l’animal. Que l’on songe non seulement à l’allaitement, mais aussi au léchage. Or, en philosophie du don, le don 2 n’est en relation avec les autres moments du don que par le contact. N’y a-t-il pas ici encore un témoignage de continuité ?

b) Une approche critique de la psychanalyse freudienne

1’) Évaluation positive

La théorie de l’attachement souligne la grande vérité démontrée par la psychanalyse : les représentations sous-tendent constamment les affects. C’est ainsi que Melanie Klein refuse l’existence de pulsions apparaissant spontanément sans objet (entendons de représentation, quel que soit le référent extramental) : « L’analyse de très jeunes enfants m’a appris qu’il n’y a aucun besoin instinctuel, aucune situation d’angoisse, aucun processus mental qui n’implique des objets, externes ou internes ; en d’autres termes, les relations d’objet sont au centre de la vie émotionnelle [38] ». La psychanalyse a donc souligné l’importance de la vie intérieure, du moins d’un certain type d’intériorité (presque exclusivement inconsciente), donc un certain aspect du don 2, contre un behaviorisme ou un mécanicisme déterministe qui dénie, au moins méthodologiquement, toute portée causale à la vie psychique.

2’) Évaluation négative

En un mot, la psychanalyse a autocentré ses considérations sur le don 2, c’est-à-dire le sujet libre, au double détriment du don 1 ou don originaire et du don 3 ou don de soi.

  1. Survalorisation du don 2. La psychanalyse a tellement survalorisé cette intériorité qu’elle en fait la mesure de la relation avec le réel. Julia Kristeva rapporte cette anecdote sur David Winicott qui s’est opposé sur ce point à Melanie Klein. Lors d’un débat sur l’agression en psychanalyse qui se déroulait lors d’un bombardement, il s’exclame avec un flegme tout britannique : « Je désire faire remarquer qu’il y a un raid aérien [39] ».
  2. Dévalorisation du don 3. Les concepts clés de pulsion (versus instinct) et d’étayage (anaclitique) sont tous deux centrés sur le sujet entendu comme moteur, comme cause efficiente, au détriment de la cause finale, de l’inclination ; le mouvement de pulsion n’est pas un aller-vers, une sortie de soi, mais une décharge, une détente. Or, le don 3 est la finalité du don 2. Donc, dans cette perspective, l’individu n’entre plus en relation qu’avec soi : voilà pourquoi tout traumatisme (d’abandon, d’inceste) n’est que fantasmatique. En outre, pour Freud, les seules pulsions primaires sont les pulsions d’autoconservation et les pulsions sexuelles ; or, celles-ci sont tournées vers le sujet et non vers l’autre.
  3. Dévalorisation du don 1. Un tel diagnostic étonne. En effet, qui, plus que Freud, a souligné le rôle joué par l’archéologique contre le téléologique ? Telle est, on s’en souvient, la critique que lui oppose Ricœur dans De l’interprétation. Mais le don originaire est extérieur au sujet, il est l’origine qui donne le sujet à lui-même ; or, l’archaïque est intérieur. Plus encore, si Freud reconnaît le besoin d’attachement aux parents, il en fait un objet secondaire. La conséquence en est que cette relation est conçue comme génératrice de dépendance aliénante de sorte que toute construction de soi, tout accès à sa subjectivité, ne s’opère que par rupture ; tout au contraire, une juste relation au don 1 nourrit le don 2 et lui donne d’être en lui donnant l’être.
  4. Dévalorisation de la communion. Freud ne conçoit guère que deux sortes de relation : fusion ou rupture, c’est-à-dire mise à distance, grâce à la loi ; en revanche, dans la dynamique du don, le don de soi, par conséquent le sujet, s’achève dans une communion respectueuse des individualités en interrelation.
  5. La psychanalyse freudienne permet enfin de comprendre les conséquences de l’autocentrement sur le don 2. D’abord, elle fait naître l’objet extérieur d’une autodifférenciation (ici des pulsions qui se construisent un objet secondaire). Plus tard, des penseurs de la pure immanence comme Cornelius Castoriadis ou Gilles Deleuze ne cesseront de considérer la créativité née de l’auto-altération, du pli, etc. Ensuite, elle explique la nouveauté par le retrait, le vide, comme une création par mise en absence, déplénitude (ainsi, c’est en se retirant, grâce au refoulement opéré par la loi, qu’apparaît le symbolique, le signifiant, l’objet a qui n’est qu’un creux, une abstraction, une représentation sans support). Combien d’autres auteurs seront aussi fascinés par l’appel du rien, du gouffre, voire affirmeront le caractère créateur de l’abîme.

5) Bibliographie

a) Bibliographie primaire

L’imposante trilogie de John Bowlby a été traduite : Attachement et perte.

1. L’attachement [1969], trad. Jeanne Kalmanovitch, Paris, PUF, 1978.

2. Séparation, angoisse et colère [1973], trad. Bruno de Panafieu, Paris, PUF, 1978.

3. La perte, tristesse et dépression [1980], trad. Didier Weill, Paris, PUF, 1984.

b) Bibliographie secondaire

1’) Francophone
a’) Ouvrages

– Coll., L’attachement, de la dépendance à l’autonomie, Paris, Érès, 2017.

– Boris Cyrulnik, Sous le signe du lien. Une histoire naturelle de l’attachement, Paris, Hachette, 1989.

– Michel Delage, La vie des émotions et l’attachement dans la famille, Paris, Odile Jacob, 2013.

– Nicole et Antoine Guedeney, L’attachement. Concepts et applications, Paris, Elsevier Masson, 2002. Il semble que l’ouvrage se soit dédoublé en : L’attachement : approche théorique et L’attachement : approche clinique et thérapeutique, 42016.

– Raphaële Miljkovitch, L’attachement au cours de la vie. Modèles internes opérants et narratifs, coll. « Le fil rouge », Paris, PUF, 2001 ; Les fondations du lien amoureux, Paris, PUF, 2009.

– Blaise Pierrehumbert, Le premier lien. Théorie de l’attachement, coll. « Comment l’esprit vient aux enfants », Paris, Odile Jacob, 2003. Cet ouvrage présente la théorie en l’actualisant avec une bibliographie scientifique mise à jour.

– Yvane Wiart, L’Attachement, un instinct oublié, Paris, Albin Michel, 2011.

b’) Première approche

– Antoine Guedeney et Hélène Le Meur, « S’attacher pour mieux se libérer », La Recherche. Grandir. L’enfant et son développement, n° 388 (juillet-août 2005), p. 66-69.

– « L’attachement, un lien vital », Dossier de Sciences humaines, 314 (mai 2019).

2’) Anglophone

Les ouvrages clés sont en langue anglaise : – Robert Karen, Becoming attached, New York-Oxford, Oxford University Press, 1998.

– Jeremy Holmes, John Bowlby and Attachment Theory, New York and London, Routledge, 1993.

– Jude Cassidy & Phillip R. Shaver (éds), Handbook of Attachment. Theory, research, and clinical applications, New York and London, The Guifford Press, 1999.

Pascal Ide

[1] Cf. René A. Spitz, avec la coll. de W. Godfrey Cobliner, De la naissance à la parole. La première année de la vie, trad. Liliane Flourno, Paris, PUF, 1947.

[2] Cf. la biographie autorisée de Jeremy Holmes, John Bowlby and Attachment Theory, London-New York, Routledge, 1993.

[3] Serge Lebovici, « La théorie de l’attachement et la psychanalyse contemporaine », Psychiatrie de l’enfant, 2 (1991) n° 3, p. 309-339.

[4] Blaise Pierrehumbert, Le premier lien, p. 33.

[5] Cf. Hubert Montagner, L’attachement, les débuts de la tendresse, Paris, Odile Jacob, 1988 ; Sarah Hrdy Blaffer, Mother Nature. Natural Selection and the Female of the Spieces, London, Random House, 1999.

[6] Cf. Harry F. Harlow, « The Nature of Love », American Psychologist, 13 (1958) n° 12, p. 673-685.

[7] Le terme franco-anglais « anaclitique » est une traduction du mot allemand utilisé par Freud : Anlehnung, c’est-à-dire « appui ». En effet, en théorie psychanalyse, les pulsions se développent par étayage : elles s’appuient les unes sur les autres, en l’occurrence sur les pulsions primaires ou vitales d’autoconservation (alimentation).

[8] Cf. Harry F. Harlow & Robert R. Zimmerman, « Affectional responses in the infant monkey », Science, 130 (1959) n° 3373, p. 421- 432.

[9] Gene P. Sackett, « Monkeys reared in visual isolation with pictures as visual input: Evidence for an innate releasing mechanism », Science, 154 (1966) n° 3755, p. 1468-1472.

[10] Cf. Joseph Terkel & Jay S. Rosenblatt, « Maternal behavior induced by maternal blood plasma injected into virgin rats », Journal of Comparative & Physiological Psychology, 65 (1968) n° 3, p. 479-482.

[11] John H. Kennel & Marshall H. Klaus, « Early mother-infant contact. Effects on the mother and the infant », Bulletin of the Menninger Clinic, 43 (1979) n° 1, p. 69-78.

[12] Cf. Robert Karen, Becoming attached.

[13] René A. Spitz, De la naissance à la parole, p. 22.

[14] Cf. George Brown, Tirril Harris & Antonia Bifulco, « Loss of Parent in Childhood, Attachment Style and Depression in Adulhood », Colin Murray Parkes, Joan Stevenson-Hinde & Peter Marris (éds.), Attachment across the Life Cycle, London, Tavistock & New York, Routledge, 1991, p. 234-267.

[15] Formellement parlant, le raisonnement est un enthymème ou un argument de type théorique qui ne conclut pas selon la forme. En effet, le syllogisme est de troisième figure avec des prémisses universelles : tous les enfants sont abandonnés ; or, ils présentent tous un tableau dépressif.

[16] Edward Tronick, Heideliese Als, Lauren Adamson, Susan Wise & T. Berry Brazelton, « The infant’s response tu entrapment between contradictory messages in face-to-face interaction », Journal of American Academy of Child Psychiatry, 17 (1978) n° 1, p. 1-13.

[17] Pour la description et les références, cf. Blaise Pierrehumbert, Le premier lien, chap. 5, notamment p. 107-113.

[18] Blaise Pierrehumbert, Le premier lien, p. 108.

[19] Mary D. Salter Ainsworth, Mary C. Blehar, Everett Waters & Sally Wall, Patterns of Attachment: A Psychological Study of the Strange Situation, Hillsdale (New Jersey), Lawrence Erlbaum Ass., 1978.

[20] Cf. dans le même ordre d’idée, ce que dit Jean Piaget sur la « décentration », dans La représentation du monde chez l’enfant, Paris, p.u.f., 1947. Selon le chercheur suisse, la « décentration » permet au sujet d’appréhender le réel autrement qu’en privilégiant un aspects très particulier, c’est-à-dire sa position propre de sujet (que désigne la « centration »).

[21] Pierre Rousseau, « Le bébé dans l’émotion de la naissance », Spirale, 14 (2000) n° 1, p. 73-80. Cf. Blaise Pierrehumbert, « L’amour maternel… un amour impératif », Spirale, 18 (2001) n° 2, p. 83-112 : https://www.cairn.info/revue-spirale-2001-2-page-83.htm?try_download=1

[22] Cf. Wolfgang Wickler, Les lois naturelles du mariage, trad. Pierre Leccia, intr. Konrad Lorenz, coll. « Nouvelle bibliothèque scientifique », Paris, Flammarion, 1971.

[23] Cf. Robert L. Fantz, « The origin of form perception », Scientific American, 204 (1961) n° 1, p. 66-72.

[24] Cf. Olivier Pascalis, Scania de Schonen, John Morton, Christine Deruelle & Marie Fabre-Grenet, « Mother’s face recognition by neonates. A replication and an extension », Infant Behavior & Development, 18 (1995) n° 1, p. 79-85.

[25] Cf. Peter G. Hepper, D. Scott & Sara Shahidullah, « Newborn and fetal response to maternal voice », Journal of Reproductive & Infant Psychology, 22 (1993) n° 3, p. 147-153.

[26] Cf. l’expérience princeps de J. Alison Macfarlane sur des nourrisons d’une semaine : « Olfaction in the development of social preferences in the human neonate », Ciba Foundation symposium, 33 (1975), p. 103-117.

[27] Hubert Montagner, « Approche éthologique des systèmes d’interaction du nouveau-né et du jeune enfant », Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, 22 (1985) n° 2-3, p. 59-71.

[28] On pourrait objecter que le singe recherche le contact doux et non la mère. Une réponse détaillée devrait articuler objet et mécanisme inné de déclenchement.

[29] Cf. Mary D. Ainsworth et al., Patterns of Attachment: A Psychological Study of the Strange Situation.

[30] Blaise Pierrehumbert, « Gestion de la distance interpersonnelle, attachement et socialisation précoce », Champ psychosomatique, 15 (1998) n° 1, p. 33-44.

[31] Cf. Alan Fogel, « Temporal Organization in Mother-Infant face-to-face Interaction », H. Rudoph Schaffer (éd.), Studies on Mother-Infant Interaction, London, Academic Press, 1977, p. 119-151 ; Élisabeth Fivaz-Depeursinge, Roland Fivaz & Luc Kaufmann, « Encadrement du développement, le point de vue systémique. Fonctions pédagogique, parentale, thérapeutique », Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 4 (1982) n° 1, p. 63-74.

[32] Blaise Pierrehumbert, Le premier lien, p. 92.

[33] Christiane Widmer et Robert Tissot, Les modes de communication du bébé. Postures, mouvements et vocalises, Neuchâtel et Paris, Delachaux et Niestlé, 1981.

[34] Colwyn Trevarthen, « Descriptive Analysis of Infant Communicative Behavior », H. Rudolph Schaffer (éd.), Studies on Mother-Infant Interaction, Ross Priory, University of Strathclyde, 1975 ; Daniel Stern, Le monde interpersonnel du nourrisson, Paris, PUF, 1989.

[35] Cf. Blaise Pierrehumbert, Le premier lien, chap. 10.

[36] Cf. John Bowlby, Attachement et perte. 2. Séparation, angoisse et colère ; Colin M. Parkes, « Attachment, Bonding and Psychiatric Problems after Bereavement in Adult Life », Colin Murray Parkes et al. (éds.), Attachment across the Life Cycle, p. 268-292.

[37] Nous tenons ici un des mécanismes les plus profonds, au moins au plan psychologique, de la bouderie. Je crois aussi qu’ici s’enracinent quantité d’amertumes à l’égard d’autrui, à commencer l’origine.

[38] Melanie Klein, Les origines du transfert, 1952, citée par Julia Kristeva, Le génie féminin. II. Melanie Klein, Paris, Fayard, 2000, p. 93.

[39] Rapporté par Julia Kristeva, Melanie Klein, p. 93.

28.5.2019
 

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