Une méthode simple pour discerner ses choix

Qui n’éprouve pas de difficulté à poser des choix dans la vie de tous les jours ? Pour répondre à cet enjeu, le Père Pascal Ide propose une méthode simple et synthétique dans son livre Comment discerner. Explications.

D’où vous est venue cette idée d’écrire une sorte de manuel de discernement ?

J’en parlais avant-hier avec un ami jésuite qui me disait que, même dans la Compagnie (de Jésus), dont le discernement est une des vocations, ils ne possèdent pas beaucoup d’ouvrages simples, concrets pour y aider. Hormis le remarquable livre, heureusement réédité, du père Jean Gouvernaire (Mener sa vie selon l’Esprit), qui d’ailleurs fait aussi appel à sa connaissance du Renouveau.

Une autre raison, plus circonstancielle, est un atelier fait, avec trois autres frères et sœurs de communauté, au cours d’une retraite en octobre dernier à Paray-le-Monial. Le succès inattendu de l’atelier a montré le grand besoin d’avoir, plus qu’un outil, une démarche aidant au discernement.

Enfin, le plus souvent, le chrétien adopte pour discerner des moyens qui sont souvent limités et parfois inadéquats. Je me souviens de membres d’une maisonnée qui avaient ouvert la Bible pour demander au Seigneur s’ils devaient ou non sortir ce soir pour aller au restaurant ! Alors que, là, il s’agit d’abord de faire appel à l’intelligence, intelligence qui est d’ailleurs un don de Dieu. Dans un chapitre du Traité de l’Amour de Dieu, intitulé « Brève méthode pour connaître la volonté de Dieu », Saint François de Sales observe : « Dans les menues actions journalières, dans lesquelles même la faute n’est ni de conséquence ni irréparable, qu’est-il besoin de faire l’embesogné ? À quel propos me mettrai-je en dépense pour apprendre si Dieu aime mieux que je dise le Rosaire ou l’office de Notre-Dame, puisqu’il ne saurait y avoir tant de différence entre l’un et l’autre qu’il faille pour cela faire une grande enquête ? que j’aille plutôt à l’hôpital visiter les malades qu’à Vêpres ? »

Quel est le fruit d’un discernement bien mené ? Est-ce la garantie d’un choix sans erreur, ou celle de la paix intérieure ? Ou autre chose ?

Le fruit est assurément la paix. Mais ajoutons que cette paix ne vient pas de la certitude que nous ne nous trompons pas ou que tout se passera selon notre désir, mais de ce que nous avons pris les moyens pour opérer un discernement juste et prudent. Par exemple, vous prenez le temps et les moyens pour discerner que vous devez changer de travail et vous êtes licencié trois mois plus tard. Cela ne signifie pas que votre discernement était défaillant. Parce que le monde humain est complexe, libre et soumis au hasard. La certitude n’est donc pas possible. Contrairement au monde de la nature qui est soumis à des lois nécessaires : le soleil se lèvera demain à l’heure prévue. Et Dieu (qui est l’Emmanuel, « Dieu avec nous ») ne nous retire pas de ce monde incertain. Le discernement, comme la vertu de prudence, nous offrent des phares pour avancer. Et, dans les situations difficiles, opaques, il s’agit de phares anti-brouillard ! Ils permettent de voir les pierres du chemin, mais n’empêchent pas l’autre de nous percuter !

De même, il est essentiel de comprendre que nous ne sommes pas tenus de faire ce qu’il y a de meilleur, mais seulement de faire ce qu’il y a de bon.

Quels sont les piliers de la méthode que vous proposez ?

Oui, il s’agit d’une méthode au sens étymologique. Hodos, en grec, signifie « chemin ». Spontanément, nous faisons le plus souvent appel à l’un de ces trois critères : qu’est-ce que je dois faire (la loi morale, etc.) ? qu’est-ce que je sens (mon intuition) ? qu’est-ce que Dieu veut (les signes de Dieu) ? Or, pris isolément, chaque critère est insuffisant.

Voilà pourquoi j’ai intégré ces critères dans une démarche en cinq étapes.

Pour poser un discernement, je me demanderai :

  1. Qu’est-ce qui habite mon cœur ? C’est-à-dire : vers quoi suis-je incliné ? Et, inversement, qu’est-ce qui me repousse ?
  2. Que m’enseignent la loi (naturelle, les commandements de l’Église, etc.) ? Que me disent les signes (coïncidences, etc.) qui ne vont jamais sans leur retentissement intérieur, ce que saint Ignace appelle consolation ou désolation ?
  3. Que me dit mon intelligence pratique ? Celle-ci requiert que je pose clairement les deux termes du choix (vais-je mettre mon enfant dans cette école ou non ?), que je soupèse les critères, etc.

Ces trois premières étapes sont toujours nécessaires. Si la décision porte sur une matière d’importance ou si la lumière est insuffisante la situation le requiert, demandons-nous aussi :

  1. Que me conseillent les personnes avisées ?
  2. Qu’est-ce que l’Esprit Saint m’inspire ?

Votre livre peut-il servir d’instrument de discernement si l’on n’est pas croyant ?

Oui, assurément : les quatre premières étapes peuvent être arpentées par une personne qui n’est pas croyante, mais souhaite exercer cet acte particulier de la vertu de prudence qu’est le discernement.

Maintenant, un chrétien enrichit cette démarche de plusieurs manières : le discernement commence par la prière, qui nous tourne vers Dieu, notre but et notre chemin ; il fait appel aux prescriptions du Christ et de son Église ; il bénéficie du don de conseil, d’une longue tradition de discernement avisée ; etc.

Interview sur le site de l’Emmanuel consulté le 11 mars 2020 : https://emmanuel.info/livre-comment-discerner-p-ide/

11.3.2020
 

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