Avant-hier soir, j’ai visionné pour la troisième ou quatrième fois, un de ces films heureux qui rend heureux : Bagdad Café ! (1)
Il raconte l’histoire d’une bavaroise, Jasmin, qui, après une dispute avec son mari, est abandonnée sur une « route déserte de Vegas à nulle part », comme dit la chanson générique du film. Elle échoue dans un improbable motel, le Bagdad Café, où la tenancière, Brenda, vient elle-même d’être plaquée par son conjoint. Autant Brenda est révoltée et projette sur ceux qui l’entourent sa rancœur, autant Jasmin est douce sans être fataliste, et diffuse sur tout ce micromonde la bonté de son cœur.
Vous avez dit micromonde ? Oui, ces personnages sans attache et attachants sont confinés dans ce « petit café juste au détour » (encore la chanson). À force de patience non jugeante, de serviabilité non servile, de gestes plus que de paroles, d’humour, d’amour et d’humilité, Jasmin va conquérir l’univers encore plus souffrant que dysfonctionnant qui gravite autour du motel. Tout le monde ? Non point ! Car si le don généreux est le fruit d’un cœur libre, l’accueil de ce don est aussi l’effet libre du cœur.
Il y a quelque chose du Christ dans cette femme au nom de parfum qui répand autour d’elle la bonne odeur de l’amour donné : elle vient d’un autre monde, s’abaisse pour servir, disparaît un moment, de sorte que chacun intériorise sa présence et vit de son esprit qui n’est rien d’autre que l’amour échangé. Et quand, à la suite d’un appel (d’où le titre de la fameuse chanson, Calling you) qui est une promesse tenue, elle reviendra, toute habillée de blanc, elle étreindra longuement Brenda. Désormais, le micromonde du Bagdad Café se transformera en une famille aimante et la vie en une fête qui n’aura plus de fin.
Je ne pensais pas, en revoyant ce film, qu’il consonnerait autant avec notre espace atrophié et notre temps liturgique. Quand coïncidence rime avec Providence…
Pascal Ide
(1) Pour les amateurs (au sens le plus étymologique du terme), je me permets de renvoyer à la critique faite sur le site.