Un exemple d’espérance : le prophète Élie

Dans le dernier chapitre d’un ouvrage justement célèbre sur le Saint-Esprit et l’Église, le Père abbé du monastère bénédictin de Buckfast  Dom Anschaire Vonier médite sur un épisode de la vie du prophète Élie : sa fuite face à la haine de la Phénicienne Jézabel qui en veut à sa vie depuis le massacre des prêtres de Baal. Arrivé à l’Horeb, il est interpelé par le Seigneur : « Que fais-tu ici, Élie ? » La réponse est à la fois une magnifique protestation de son zèle et un humble aveu de son impuissance, voire de sa dépression : « Je suis passionné pour le Seigneur, le Dieu des puissances : les fils d’Israël ont abandonné ton alliance, ils ont démoli tes autels et tué tes prophètes par l’épée ; je suis resté moi seul, et l’on cherche à m’enlever la vie » (1 R 19,14). Mais, à cette lamentation bien sombre du prophète, le Seigneur réplique sur une tonalité toute différente :

 

« Va, reprends ton chemin en direction du désert de Damas. Quand tu seras arrivé, tu oindras Hazaël comme roi sur Aram. Et tu oindras Jéhu, fils de Nimshi, comme roi sur Israël ; et tu oindras Elisée, fils de Shafath, d’Avel-Mehola, comme prophète à ta place. Tout homme qui échappera à l’épée de Hazaël, Jéhu le tuera, et tout homme qui échappera à l’épée de Jéhu, Elisée le tuera, mais je laisserai en Israël un reste de sept mille hommes, tous ceux dont les genoux n’ont pas plié devant le Baal et dont la bouche ne lui a pas donné de baisers » (v. 15-18).

 

Voici le commentaire du bénédictin anglais :

 

« Le prophète est le pessimiste et le Seigneur l’optimiste. Si jamais on a pu justement appliquer ces deux termes à deux états d’esprits simultanés, c’est bien à cette occasion. […] Dieu ne paraît pas se mettre, même une seconde, au point de vue de son serviteur. Le roi du ciel donne des ordres qui auront des conséquences incalculables, et ces ordres ne ressemblent en rien à ceux que donnerait un chef à une armée battue, pour assurer sa retraite. Le prophète est dépêché en avant avec un plan de campagne entièrement neuf, une politique divine toute fraîche. Achab et Jézabel, les monstres humains qui ont fait perdre la tête à ce brave entre les braves, ne sont même pas mentionnés […]. Surtout, le prophète, parce qu’il n’était qu’un homme, n’avait pas vu ce que les yeux du Seigneur ne cessaient de contempler : sous cette ruine apparente de la maison de Dieu, la vie existait, et à un degré insoupçonné : ‘Sept mille hommes en Israël qui n’ont pas fléchi le genou devant Baal !’ Ce n’est donc pas Dieu – seul, après tout, à être intéressé à l’état spirituel du genre humain – qui adopte le point de vue décourageant, c’est l’homme, le saint homme, celui qui prend à cœur la gloire de Dieu ; c’est lui qui se répand en déclaration sur l’état désespéré du royaume de Dieu. Le prophète ne savait pas qu’un nouvel ordre des choses allait se manifester, qu’il existait un noyau de croyants fidèles et indomptables. Dieu savait tout cela, et que la cause du Seigneur était plus sûre que jamais. D’où le divin optimisme [1] ».

 

Seul Dieu est maître de l’espérance, non seulement parce qu’il connaît l’avenir qui lui appartient, mais parce que seul il connaît le fond des cœurs où cet avenir se prépare en secret.

Pascal Ide

[1] Dom Anschaire Vonier, L’Esprit et l’Épouse, trad. L. Lainé et D. B. Limal, coll. « Unam Sanctam » n° 16, Paris, Le Cerf, 1947, p. 207 ; cf. p. 205-207 pour l’histoire d’Élie et p. 207-210 pour l’application à son époque.

6.1.2025
 

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