Puissance de la gratitude : notes complémentaires au chapitre 11 (première partie)

Chapitre 11 : Un moine très amoureux

Une fois n’est pas coutume, je pars d’une scène d’un film. En effet, loin d’être une fiction, elle est un témoignage à peine voilé. Il s’agit du dialogue entre le frère Luc et une jeune kabyle, Rabbia (Sabrina Ouazani), assis sur un banc, au début du film Des hommes et des dieux[1]. Le grand prix du jury à Cannes en 2010 raconte la vie quotidienne des moines de l’abbaye de Tibhirine en Algérie qui furent – dramatiquement, mais pas tragiquement, car leur vie était offerte – assassinés. Michael Lonsdale, couronné meilleur second rôle masculin, riche d’une filmographie de 140 films, y incarne, à 79 ans, le frère Luc, cistercien médecin qui avait décidé de rester frère convers, afin de ne pas être tenu de passer cinq heures par jour à la chapelle pour les sept offices quotidiens, et pouvoir être disponible aux malades se présentant continûment de 7 heures à 22 heures [2]. Après avoir posé des questions sur le sentiment amoureux, Rabbia se permet une question personnelle :

 

« Rabbia. – Et toi, tu as déjà été amoureux ?

Frère Luc, se souvenant. – Oui, plusieurs fois, oui. Et puis après, il est arrivé un autre amour, plus grand encore. Et voilà ! J’ai répondu à cet amour-là ! Ça fait longtemps maintenant. Plus de soixante ans !

Rabbia,toute songeuse et souriante. – Ah oui ! »

 

Toute la scène baigne dans une atmosphère sereine. Une douce lumière irradie sur le visage de frère Luc. Paternellement, il penche légèrement son corps vers la jeune fille au point de la toucher, tout en croisant les bras dans une délicate réserve. De prime abord, ce dialogue paraît plus anecdotique que représentatif de l’enjeu poignant. En réalité, bien qu’elle ait la légèreté de la comédie, cette scène se charge de tout le drame latent : elle en reçoit toute sa radicalité et sa plénitude, puisque cette élection d’amour conduit jusqu’au témoignage ultime, le martyre ; en retour, elle donne à celui-ci tout son sens, puisque le don du sang par amour est depuis toujours déjà préparé et ébauché dans le don de soi total de la consécration à Dieu – ainsi que l’affirme le père abbé, Christian de Chergé (Lambert Wilson).

Or, la brève phrase, riche de sens, prononcée parle vieux moine résume toute la dynamique de la gratitude : « J’ai répondu à cet amour-là ! ». D’un côté, le don divin d’un amour inouï, plus grand que toute attente : « Il est arrivé un autre amour, plus grand encore ». De l’autre, la réponse humaine qui s’inscrit dans la longue durée : « Ça fait longtemps maintenant. Plus de soixante ans ! ».

Et, pendant qu’il parle, frère Luc sourit doucement. Plus encore, son regard quitte un moment le contact avec Rabbia, se tourne vers la droite ; or, cette orientation signifie le plus souvent que la pensée se dirige vers l’avenir (alors que nous regardons vers la gauche lorsque nous faisons mémoire du passé). Nous est ainsi suggéré que frère Luc rend grâces de la fidélité de son Seigneur qui a toujours été là et le sera toujours. Et la jeune kabyle, jusqu’ici tendue, voire inquiète, se met à son tour à sourire doucement et murmure, pour elle-même : « Ah oui ! »

Enfin, cette scène ne prend-elle pas un relief particulier d’avoir été improvisée [3] ? Mais, si elle n’a pas été prévue dans le script initial, si elle témoigne du talent formidable de Michael Lonsdale qui donne à son personnage son humour malicieux et sa paix rayonnante, elle n’a pas surgi de nulle part. En effet, elle provient surtout de sa foi et de son amour pour Dieu ; elle est donc une discrète et puissante action de grâces vers l’Auteur de toutes grâces [4].

Non seulement, la gratitude se goûte, mais elle est contagieuse.

Chapitre 11 : Les effets de l’étonnement

Certes, l’étonnement n’est pas encore la joie. Saint Thomas d’Aquin y voyait une espèce de crainte et Descartes la porte d’entrée, en quelque sorte neutre, de toutes les passions (ce que nous appelons aujourd’hui les sentiments) [5]. Demeure que cette émotion ouvre : « Savoir s’étonner – écrivait le grand biologiste Louis Pasteur – est le premier mouvement de l’esprit vers la découverte [6] ». Voire l’étonnement guérit. C’est ce que décrit un héros de Jules Verne :

 

« L’imprévu de ce spectacle avait rappelé sur mon visage les couleurs de la santé ; j’étais en train de me traiter par l’étonnement et d’opérer ma guérison au moyen de cette nouvelle thérapeutique [7] ».

Chapitre 11 : L’ingratitude actuelle selon Finkielkraut

  1. a) Thèse de l’auteur ou diagnostic sur notre temps

Boileau se plaignait déjà de « la rare reconnaissance [8] ». Selon le philosophe contemporain Alain Finkielkraut, le principal mal dont souffre notre société actuelle est l’ingratitude [9]. Il résume cette attitude en une image suggestive : le contemporain est devenu un « homme sans nombril [10] ».

En effet, nous cultivons l’individualisme ; or, l’individu est d’abord lui-même avant d’être un héritier [11]. Le contemporain coupe les amarres : « La désimplication va de pair avec la désaffiliation[12] ».

Plus encore, « la revendication prévaut sur la gratitude [13] » ; or, par la revendication, non seulement je ne remercie pas, mais j’exige. Conséquence : que signifie le devoir de mémoire ? Pour certains, c’est une manière de « célébrer la supériorité de la conscience actuelle sur un passé tout entier tissé de préjugés, d’exclusions ou de crimes [14] ». Or, ce rapport répulsif au passé est automatiquement une relation de survalorisation du présent. De ce fait, la génération présente peut s’émanciper de la génération antérieure : non seulement la critiquer, mais ne plus rien lui devoir [15].

  1. b) Preuve ou diagnostic étiologique

Plus qu’une démonstration philosophique décisive, Finkielkraut propose une induction, multipliant les perspectives, les intuitions, mais sans jamais les formaliser, préférant souvent la beauté d’une formule à la rugosité – mais aussi à la rigueur – d’une démonstration. Cela n’est pas sans cohérence. Par exemple, comment rendre hommage au don de la langue et à sa beauté, sans la pratiquer ? Ainsi, la préférence systématique pour la formule-choc, la citation spectaculaire, le développement brillant, va m’obliger à systématiser la pensée de l’auteur beaucoup plus qu’il ne le fait.

1’) Dans le domaine politique

Dans l’Ingratitude, Alain Finkielkraut consacre deux chapitres à cette question, le premier à l’ex-Yougoslavie et le second à la question politique d’Israël. Les deux présentent le point commun d’être des « petits pays ». On sait combien ceux-ci se sont multipliés ces derniers temps. Et combien cela dérange. À commencer pour des raisons très pédagogiques de clarté et de compréhension : combien aujourd’hui mélangent Lituanie et Lettonie ?

Raisonnement général

Selon Finkielkraut, à la suite de quelques autres, le fond de la guerre serbo-croate, c’est la volonté de négliger et de laisser détruire ces « petits pays ». Il est révélateur que le terme « balkanisation » soit une insulte. Il est cependant neutre, « dérivé de la division en petits Etats indépendants des territoires qui avaient fait partie de l’Empire turc [16] ». Or, aujourd’hui, il équivaut à morcellement, fragmentation culturelle et exprime notre aversion pour la prolifération des pays et la multiplication des frontières.

Or, ce qui caractérise un « petit pays » n’est pas sa taille quantitative. Cette petitesse présente une double face : objective, à savoir son peu d’importance qualitative (culturelle, par exemple, ou industrielle : la non-appartenance au G 7) ; subjective, à savoir la conscience aiguë de sa fragilité, de sa contingence, de sa vulnérabilité. Par exemple, il est clair que ni les Français ni les Américains n’ont le sentiment intime que l’existence de leur pays soit mise en péril. « La petite nation, écrit Kundera dans un article décisif, en joignant les deux dimensions de la définition, est celle dont l’existence peut être à n’importe quel moment remise en question, qui peut disparaître et qui le sait [17] ». Il précise : « Un Français, un Russe, un Anglais n’ont pas l’habitude de se poser des questions sur la survie de leur nation. Leurs hymnes ne parlent que de grandeur et d’éternité. Or, l’hymne polonais commence par le vers ‘La Pologne n’a pas encore péri’ [18] ».

Or, la vulnérabilité est toujours le revers d’un don. Un signe en est, pour ces petits pays, le droit de posséder sa propre langue, inassimilable aux autres.

Donc, nier ces « petits pays », c’est refuser le don : c’est le triomphe du volontarisme si fréquent en politique. Inversement, ces « petits pays » sont des signes et aussi des rappels du primat de la compassion et du respect : ils sont, au plan international, l’équivalent de ce que sont les plus démunis au plan social ou les embryons au plan individuel : le maillon humain le plus humain car le plus vulnérable. À chaque fois, ils sont menacés par la logique la plus fréquemment déployée pour régler les problèmes depuis que le monde est monde : l’exclusion.

Bref, il s’agit de retrouver le peuple comme « l’infinie variété d’une multitude dont la majesté réside dans sa pluralité même [19] ».

Mais sans naïveté : « plus une nation est petite, c’est-à-dire fragile, menacée, contestée, plus elle s’accroche à son roman national [20] ». Il faut donc trouver un juste milieu entre la légitime revendication nationale et les nationalismes.

Application dans le conflit serbo-croate [21]

C’est un article décisif de Milan Kundera, en 1983, qui a souligné le fait. Il note que parler d’Europe centrale, notamment pour s’insurger contre le soviétisme, comme Alexandre Soljenitsyne, c’était prendre le vocabulaire même des ravisseurs, poursuivre leur crime. En effet, cette Europe centrale n’existe pas : c’est « la zone incertaine des petites nations entre la Russie et l’Allemagne [22] ». C’est ainsi que l’écrivain tchèque Ludvik Vaculik s’enchante de la diversité de l’Europe face à l’uniformité de l’ordre russe. Le fondement de cette diversité est, pour lui, la géographie physique avant la géographie culturelle, humaine : « L’âme compliquée de l’Europe procède de son terrain : du contour ondulé de ses rives, de la hauteur de ses montagnes, du climat et de la direction des rivières. Sur chaque baie, un duc différent régnait ; une île avait son roi. […] Nul conquérant n’a pu s’emparer de l’Europe d’un trait, il butait toujours sur un obstacle, perdant temps et force [23] ».

Autre exemple : le débat significatif entre Antoine Meillet, professeur au Collège de France et le romancier Magyar, hongrois Dezsö Kosztolanyi en 1930. Le premier défend une grande Europe unifiée, n’ayant plus qu’un seul langage, bref une optique extrêmement volontariste où la raison cartésienne efface tout donné, toute différence culturelle, linguistique ; le second répond que, dans cette logique, « les gros poissons finiront par dévorer les petits, non par méchanceté mais de manière douce et pacifique au nom de la culture humaine, pour la plus grande gloire du progrès [24] ». Passionnante critique : il n’existe pas d’accolade neutre ni d’espéranto, mais un pays imposant son langage à d’autres. Autrement dit, cette uniformisation neutralisante est une forme cachée, soft et propre de la dialectique du maître et de l’esclave. Toujours, en effet, il doit exister une cause cachée : la structure de péché requiert la cause qu’est une volonté pervertie. Ce qui est en jeu, c’est le don. Comme le dit Finkielkraut : « La non-coïncidence du réel et du rationnel, où Meillet voit un scandale, apparaît à Kosztolanyi comme une ressource et un don[25] ». À ceci près que le don, pour être réel, n’est pas contraire à la rationalité, mais relève d’une logique autre que celle de la géométrie monochrome.

Autre exemple. Le mépris à Munich pour les peuples sans importance. Chamberlain disant : « Combien il est horrible, combien fantastique, combien incroyable que nou en soyons à creuser des tranchées et à essayer des masques à gaz en raison d’une querelle qui s’est produite dans un pays lointain entre des gens dont nous ne savons rien [26] ».

Autre exemple. Benoist-Méchin affirme : « Ne songez plus aux frontières ! Que sont-elles sinon le symbole de vieilles querelles dynastiques ! Créer un monde du vestige de ces disputes n’a plus de sens. Brisez une fois pour toutes avec les erreurs du passé [27] ».

Les Juifs

« Les Juifs », dit Finkielkraut, sont « la petite nation par excellence [28] » : « La seule de toutes les petites nations de tous les temps qui ait survécu aux empires et à la marche dévastatrice de l’Histoire [29] ».

Intéressant diagnostic du grand historien du judaïsme Simon Doubnov : « tout accès de passion nationaliste chez un peuple quel qu’il soit provoque d’abord et avant tout une dégradation dans l’attitude de ce peuple à l’égard des Juifs qui vivent en son sein [30] ».

La conséquence concrète des difficultés entre Juifs et Palestiniens est la « désintrication », dit Alain Finkielkraut [31]. Entre la barbarie et l’association, les deux solutions proposées par le systémicien Morin, il en existe une troisième : « De nos jours – écrit le grand historien israélien Jacob-L. Talmon –, le seul moyen d’aboutir à une coexistence entre les peuples est, bien que cela puisse paraître ironique ou décevant, de les séparer [32] ».

Conséquence : le danger du fameux devoir de mémoire

Paradoxalement, ce penseur conservateur qu’est Finkielkraut se méfie du devoir de mémoire : en effet, il est un devoir très sectorisé envers les torts. La sélection opérée par cette mémoire qui nourrit la mauvaise conscience semble l’équivalent de l’exclusion opérée par la politique qui préconise ce travail. Finkielkraut adresse une double critique. 1. « Ces hypermnésiques ne sont pas désorientés, ils sont fanatisés ». En effet, avec le spectre d’Auschwitz, le pire est arrivé, donc plus rien de nouveau n’arrivera. Désormais tout traumatisme a un antécédent. La mémoire en devient « paresseuse [33] ». 2. « cette mémoire paresseuse est aussi une mémoire oublieuse ». En effet, ces « Juifs superlatifs » « portent la kipa moins tant pour afficher leur identité juive que pour expulser du judaïsme les Juifs sans atours qui ne pensent pas comme eux [34] ».

En regard, l’oubli est bien nécessaire. Il semble que ce soit l’équivalent de moindre degré du pardon.

Autre conséquence danger de disqualifier la mémoire d’un pays

C’est le cas pour l’Allemagne : la culpabilité est tellement plus grande que toute idéologie nationale est répudiée. Au point qu’on peut en arriver avec l’historien américain Goldhagen jusqu’à dénoncer une germanité du mal nazi : c’est l’Allemagne qui a secrété Hitler, c’est elle qui l’a conduit sur la voie de l’horreur : « Le terme le plus approprié, le seul approprié même, pour désigner les Allemands qui ont pratiqué l’holocauste, est celui d’«Allemands» [35] ». La raison en est que la spécificité de l’Extermination est le caractère industriel du massacre ; or, c’est l’Allemagne qui était industrielle. Mais une telle argumentation est nier que ces machines sont neutres et ont été manipulées par des tueurs.

2’) Dans le domaine culturel et humain, mais toujours en lien avec le politique

Au fond, l’homme d’aujourd’hui s’est désolidarisé des morts : nous estimons ne rien avoir à leur devoir. Or, ce sont eux qui nous portent. C’est donc que nous sommes des ingrats.

L’homme d’aujourd’hui est, au sens étymologique, désolé, c’est-à-dire privé de sol, apatride.

Pure déliaison

Jacques Attali, dans son Dictionnaire du xxie siècle, dit que la nouvelle élite aime « créer, jouir, bouger [36] », ce qui est le mot d’ordre du type 7 et la mise en œuvre systématique de la négation de tout enracinement. Le même propose de lire son livre en s’y promenant « en nomade, de renvoi en renvoi. […] Déjà par sa forme, ce livre parle d’avenir : demain, on lira comme on navigue [37] ». Bref, cette forme est celle de la projection dans l’avenir ; un texte qui ne se conjugue qu’au futur, ne se réduit-il pas à de l’hypertexte ?

Autre exemple. En 1996, Le Monde et France Culture, ont proposé à la jeunesse un concours d’écriture pour les grandes vacances. Le thème était le suivant : « Paroles de révolte. Place cet été aux paroles en rupture, paroles de mouvement et de rébellion, paroles de tous ceux qui savent se cogner aux interdits et aux stéréotypes ». Finkielkraut qui cite ce superbe exemple d’inventivité, commente : « On est anticonformiste à l’unisson [38] ».

La négation de la présence des morts

Jefferson disait : « Les morts n’ont aucun droit, ils ne sont rien, et rien ne saurait posséder quelque chose [39] ». De son côté, Thomas Paine, dans sa polémique contre Burke, insiste : « Je défends les droits des vivants et je m’efforce d’empêcher qu’ils soient aliénés, altérés ou diminués par l’autorité usurpée des morts [40] ».

La négation de l’objectivité même du beau

S’il y a une réceptivité encore intouchée, c’était celle de la beauté. Or, celle-ci fut aussi déconstruite. « Il faut rendre le jugement esthétique à sa liberté, à son risque et à son plaisir [41] ». Au point qu’un spécialiste des paysages comme Alain Roger affirme que seul un regard enfin libre voit qu’ »une armée de pylônes en campagne peut constituer et générer un paysage aussi fort, sinon plus, que l’ancien [42] ».

Le virtuel, négation de l’enracinement

« De quoi est-on l’obligé quand on n’est affilié à rien ? […] Du monde, de son opacité et de ses aspérités, l’informatique a fait un espace transparent et navigable. […] Un nouveau milieu vital se crée qui n’est plus composé de choses mais de non-choses, c’est-à-dire d’images ou de programmes, et qui ne fait plus acception des frontières et des territoires [43] ». Une conséquence parmi d’autres : la disparition de l’intérêt pour la nation. La communication devient la norme et la mesure ; or, elle est cosmopolite ; donc nous sommes apolitiques, citoyens du monde. L’ancien ministre du Travail de Clinton le dit dans un ouvrage pourtant consacré à la gloire des manipulateurs de symboles : « L’individu cosmopolite qui a une perspective mondiale choisira-t-il d’agir avec équité et avec compassion ? Les manipulateurs de symboles actuels et futurs n’auront aucun sentiment de responsabilité à l’égard d’une nation particulière et de ses citoyens ; partageront-ils leurs richesses avec leurs congénères les moins favorisés dans le monde [44]? »

Conséquence pour la France

Alain Finkielkraut rapporte à plusieurs reprises la distinction faite par Louis Dumont : dans l’Allemagne romantique, on est d’abord allemand et on est homme par sa qualité d’Allemand ; en revanche, sous Montesquieu, l’habitant de la France est homme par soi et Français par accident [45]. Il suffit d’entendre Victor Hugo : « ô France, adieu ! Tu es trop grande pour n’être qu’une patrie. On se sépare de sa mère qui devient déesse. […] Tu ne seras plus France, tu seras Humanité ; tu ne seras plus nation, tu seras ubiquité. […] Adieu, Peuple ! Salut, Homme [46]! » Paul Valéry, de son côté, affirme que « la particularité des Français, c’est de se croire, de se sentir, hommes d’univers [47] ». Autrement dit, le culturel prime le politique. Or, le culturel est construit. Voilà pourquoi la France privilégie le construit sur le donné ; voilà peut-être aussi la France post-révolutionnaire est si centralisée, si négatrice des différences culturelles des régions.

Il demeure que, note Finkielkraut, la France a fait l’expérience de sa fragilité pendant les quatre années d’occupation allemande : pendant la débâcle, « pour la première fois de son Histoire, la France s’est alors sentie vulnérable et même mortelle [48] ». Or, c’est là la caractéristique du petit pays, ainsi qu’on l’a vu. Ainsi, un changement est apparu qui explique peut-être en partie la dépréciation amère d’aujourd’hui, le manque d’estime actuel de soi. Mais c’est une chance pour entrer dans la compassion. Il faut souhaiter la même expérience pour les Etats-Unis : l’orgueil et l’espoir insensé en prennent un coup ; mais pour que rentrent l’humilité et la véritable espérance. D’où ce « patriotisme de la compassion », dont parle Simone Weil [49].

3’) Dans le domaine pédagogique

Une autre figure de l’origine est le professeur. Hannah Arendt disait que le professeur, représentant de l’adulte, dit aux élèves : « Voici notre monde [50] ». Or, on doit à Bourdieu la déconstruction du maître, du professeur. Le modèle traditionnel est, pour lui, un insupportable vecteur d’aliénation : « Le système scolaire est à la société dans sa phase actuelle ce que d’autres formes de légitimation de l’ordre social et de la transmission héréditaire des privilèges ont été à des formations sociales qui différaient tant par la forme spécifique des rapports et des antagonismes entre les classes que par la nature des privilèges transmis. Ne contribuent-ils pas à convaincre chaque sujet social de rester à la place qui lui incombe par nature, de s’y tenir et d’y tenir [51] ? » Le raisonnement est le suivant : la culture est celle des dominants qui ne vaut pas mieux qu’une autre ; or, ceux-ci souhaitent l’imposer pour se démarquer du vulgaire en transmettant leur milieu familial ; or, l’école transmet cette culture ; donc elle sert les dominants.

4’) Le signe par excellence : la langue

La langue est par excellence le lieu de la réception. Finkielkraut cite ce mot de Hölderlin : « Le langage – le plus dangereux de tous les biens – a été donné à l’homme afin qu’il puisse témoigner avoir hérité ce qu’il est [52] ».

Or, le courant structuraliste notamment, ou un Roland Barthes, ont nié le don premier de la langue. Ecoutons-le, dans sa leçon inaugurale au Collège de France : « La langue, comme performance de tout langage, n’est ni réactionnaire ni progressiste, elle est tout simplement fasciste ; car le fascisme, ce n’est pas d’empêcher de dire, c’est d’obliger à dire [53] ».

Ce qui est vrai de la langue l’est aussi de l’écriture. Le souhait secret est de désinhiber la langue, de la libérer de cette insupportable dichotomie entre l’usage qu’est l’oral et l’écrit. Alors, pourquoi ne pas se passer des règles écrites, au nom même de l’évolution ? « De nombreuses règles du français, constate Le Monde, relèvent d’une logique tout à fait antérieure aux logiques modernes d’information [54] ». La finalité n’est-il pas la communication ; or, celle-ci n’a que faire des subtilités grammaticales. À moins que, suprême raffinement, on n’argumente à partir du passé, au nom de la relative brièveté de l’ère alphabétique. C’est ce que fit, à Cambridge, non sans provocation, sir Edmund Leach, grand anthropologue anglais : « Tout comme dans le passé, le hommes avaient vécu des milliers d’années en créant des cultures splendides et des civilisations sans livres, de même pouvait-il en être à l’avenir [55] ».

Application concrète : le texte ancien, classique est considéré comme autre et non comme fondateur. Voici par exemple un rapport remis en 1992 au ministère français de l’Éducation nationale à propos de la difficulté sans cesse croissante de lire Phèdre dans les lycées : « Ni le nom de Racine, ni ses vers ne suffisent à créer un certain recueillement. Les élèves ne comprennent pas du tout, semble-t-il, les enjeux de cette pièce. L’enseignant doit rechercher, et pas seulement dans ses souvenirs personnels ou d’apprentissage professionnel, les textes qui, aujourd’hui, sont signifiants [56] ».

5’) La raison fondamentale

Il y a différentes causes à cette ingratitude. Notamment le mouvement d’auto-entraînement engendré par la technique : « Toute avancée ou progrès de la grande technologie nous impose un pas supplémentaire et cette contrainte, nous la transmettons à nos descendants qui, eux, devront payer l’addition [57] ».

Mais la raison de fond est ailleurs. Si la pensée d’Alain Finkielkraut est plus circulaire et préfère la forme littéraire à l’argumentation syllogistique, il n’est pas impossible de détecter une argumentation de fond, une conviction, ébauchée ici ou là. Au fond, Finkielkraut défend, très bibliquement, le primat, l’antécédence du don de la création. Rien ne serait, aucune construction humaine n’aurait raison d’être sans la donation originaire de l’être créé. Emmanuel Lévinas disait que l’homme d’aujourd’hui raisonne « comme si le moi avait assisté à la création du monde [58] ». Et Barbey d’Aurevilly parlait de « l’homme se préférant à Dieu et se posant à sa place dans l’intelligence [59] ». Au fond, ce que l’on refuse aujourd’hui, c’est la transcendance : non pas en tant que séparée, mais en tant que source non causée de notre vie. Pourtant, « culture et culte sont des mots de la même famille », notait Alain [60]. Avec la transcendance, c’est le mystère que nous tentons de conjurer. Le démon de midi est le refus de l’obscurité : « la lutte contre l’obscurantisme […] est en train de faire de nous des orphelins de la nuit ». Nous sommes condamnés au « jour à perpétuité [61] ». Et Paul Valéry disait : « Une difficulté est une lumière. Une difficulté insurmontable est un soleil [62] ».

Mais comment l’homme prend-il la place de Dieu ? Le structuralisme et son ennemi, l’existentialisme partagent du moins une conviction commune : « se soustraire à tout ce » qui est « reçu et […] décider souverainement de son être [63] ». À la « plasticité absolue » de l’homme affirmée par les sciences humaines se joint sa « malléabilité totale [64] ». En effet, on confond le possible avec le néant ; or, la création opère ex nihilo ; donc, l’homme d’aujourd’hui, se fondant sur ce savoir et ce pouvoir tout-puissant, croit remplacer Dieu.

Pour mobiliser, il suffit d’y ajouter une utopie : que le monde actuel vive d’un mai 68 permanent, de ce « non-événement (Kojève) non sanglant où tout le monde s’appelait « Camarade », où, pour reprendre les mots de Chateaubriand décrivant les premiers mois de la Révolution française, « le genre humain en vacances se promène dans la rue, débarrassé de ses pédagogues [65] ». Car tel est le fond de Mai 68 : « Professeurs, vous nous faites vieillir [66]! »

Au fond, estime Finkielkraut, notre époque est habitée par un ressentiment à l’égard de l’origine.

  1. c) Remèdes

Quel traitement propose Finkielkraut ? Il suffit d’inverser le diagnostic qui vient d’être posé : la reconnaissance des « petits pays », de la langue, de la beauté, de l’admiration.

D’ailleurs, bien souvent, chemin faisant, j’ai indiqué les chemins d’un retour.

Le droit des petits peuples à l’existence

Clair est le principe politique : les nationalités, grandes ou petites, ont le droit de disposer d’elles-mêmes.

À Londres, en 1942, Raymond Aron refuse l’argument selon lequel « les unités politiques doivent être à la mesure des moyens matériels dont dispose l’humanité » ou selon laquelle « à l’âge de l’aviation et de la télégraphie sans fil, la division de l’Europe en une vingtaine d’Etats souverains est aussi anachronique que la faucille à bras ou la charrue à mains [67] ».

La nécessité d’une présence des morts et des vivants

Il faut faire parler les défunts que l’on a trop bâillonnés. « La tradition, disait Chesterton, est la démocratie des morts [68] ». L’Etat, disait Edmund Burke, en 1790, doit être conçu comme « une association non seulement entre les vivants, mais entre les vivants et les morts et tous ceux qui vont naître [69] », conjuguant ainsi les trois dimensions du temps. Le même disait : « L’un des premiers principes, l’un des plus importants parmi ceux qui consacrent la république et ses lois, c’est d’éviter que ceux qui en possèdent temporairement l’usufruit se montrent oublieux de ce qu’ils ont reçu de leurs ancêtres ou de ce qu’ils doivent à leur postérité et agissent comme s’ils en étaient les maîtres absolus [70] ».

La raison anthropologique est que l’homme du passé représente la mémoire ; or, la mémoire est condition de l’intelligence : « On éduque l’homme, explique Eugenio Garin, en le mettant en contact avec les hommes du passé, car grâce au trésor de la mémoire, dans le colloque avec les autres, la confrontation avec des paroles précises et non pas fausses et banales, l’esprit est pratiquement obligé de se retrouver lui-même, de prendre position, de prononcer à son tour des mots adéquats et précis [71] ».

Attention, il ne s’agit pas seulement de retrouver les Anciens ; combien de déconstructionnistes ont une connaissance très précise, très cultivée, nullement méprisante des Anciens, de leurs prédécesseurs. Mais ils voient en ces Anciens, non pas un fondement ou une origine, mais une altérité ; la connaissance des Anciens est nécessaire pour mieux marquer la distance, non pour y découvrir notre identité, quitte à souligner ensuite la distance.

L’impossibilité du déracinement

La personne qui proclame l’enracinement universel et le déracinement local est irresponsable et schizoïde car, de facto, elle ne vit que dans le chez-soi et marie l’exotisme et la surprotection. « Un citoyen du monde qui vivrait sous la tyrannie d’un empire universel, parlerait et penserait dans une sorte de super espéranto ne serait pas moins un monstre qu’un hermaphrodite [72] ».

L’homme n’existe qu’enraciné : tout nouveau-né vient dans un monde plus vieux que lui. Plus encore, c’est ce don 1 qui est la condition du don 3 : « C’est précisément pour préserver ce qui est neuf et révolutionnaire dans chaque enfant que l’éducation doit être conservatrice [73] ». Cassirer souligne la même loi : « Chaque fois qu’un sujet – il peut s’agir d’un individu ou de toute une époque – est prêt à s’oublier pour se fondre en un autre et s’abandonner totalement à lui, il se retrouver lui-même avec un sens plus neuf et plus profond ». Et de donner l’exemple de Plutarque qualifié de « premier homme moderne » ; or, « il n’a pu, paradoxalement, le devenir qu’en parvenant à une nouvelle compréhension plus profonde de l’Antiquité [74] ».

Ecoutons Camus lui-même : « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse [75] ».

Le courage de braver le conformisme du progrès

Déjà ce prophète qu’était Chesterton disait : « Ce n’est pas faire preuve de courage que de s’en prendre à des choses séculaires ou désuètes, pas plus que de provoquer sa grand-mère. L’homme réellement courageux est celui qui brave les tyrannies jeunes comme le matin et les superstitions fraîches comme les premières fleurs [76] ». Alain renchérissait : « Notre pensée n’est qu’une continuelle commémoration [77] », ce qui manque un peu de dynamisme prospectif, comme on le dira plus bas.

Redécouvrir la langue

Contre « l’espéranto du commerce international, de la technologie et du tourisme [78] », il nous faut redécouvrir la langue. « La langue jaillit des couches profondes de l’humanité ; ce qui nous interdit à jamais d’y voir un simple courage et une création des peuples eux-mêmes. […] Il faut voir en elle, dans cette perspective, non un produit de l’action volontaire, mais une émanation involontaire de l’esprit, non un ouvrage que les nations ont confectionné, mais un don gracieux que leur a octroyé leur destin le plus intime [79] ».

Or, les poètes sont, parmi les hommes, les plus sensibles au don gracieux de la langue. En effet, les poètes dont le monde et le matériau est la langue, sont les seuls à vraiment la recevoir, l’écouter, la respecter : « ce sont les seuls qui sachent les langues [80] ». Donc, contre les Berlitz qui ont chassé les poètes plus efficacement que tous les Platon de la terre, il nous faut nous mettre à l’école des poètes. « Les mots savent de nous ce que nous ignorons d’eux », disait René Char [81].

Revaloriser la lecture

On songe à ce que disait Proust ou Ouaknine. « Quand je lis Homère, je fais société avec le poète », disait Alain [82]. Lisons aussi Machiavel : « Le soir venu, je retourne à la maison et j’entre dans mon étude : à l’entrée, j’enlève mes vêtements de tous les jours, pleins de fange et de boue, et je mets mes habits de cour royale et pontificale ». Et ainsi vêtu somptueusement, il s’adonne à la lecture : « Pendant quatre heures de temps, je ne sens aucun ennui, j’oublie tout mon chagrin, je ne crains pas la pauvreté, la mort ne m’apeure pas ; je me transfère totalement en eux [83] ».

Réapprendre à admirer

L’omniprésence du respect et de la tolérance a fait disparaître l’admiration. Car celle-ci établit des hiérarchies ; or, la hiérarchisation n’introduit pas d’abord dans des relations de domination mais d’origine, d’importance. Un héros de Kundera avoue : « L’Europe a réduit l’Europe à cinquante œuvres géniales qu’elle n’a jamais comprises. Rendez-vous bien compte de cette inégalité révoltante : des millions d’Européens qui ne représentent rien face à cinquante noms qui représentent tout ! L’inégalité des classes est un accident mineur comparé à cette inégalité métaphysique qui transforme les uns en grains de sable alors qu’elle investit le autres du sens de l’être [84] ».

Donc sortir du ressentiment et se rouvrir au don offert : « Contre l’invention de l’homme, il faut, avec Hans Jonas, défendre obstinément l’idée que l’homme est à découvrir et que le passé doit nous y aider [85] ».

  1. d) Reprise dans l’optique du don

Célébration du don 1

L’ingratitude est un péché gravissime, elle est un déni du don offert, un refus du don 1, de ce que Hannah Arendt appelle la « ténacité intraitable et irraisonnable de la pure factualité [86] ». On découvre alors que le multiple qui n’est parfois que les restes de la déconstruction peut ici être une chance et le signe de l’origine. En effet, la donation première est celle d’une multitude de réalités nationales, linguistiques. Inversement, la volonté de puissance relayant une raison géométrique tend à effacer ces différences.

Faiblesse à l’égard du don 3

Il demeure que, si réjouissante soit la thèse et la démonstration, Finkielkraut ne semble pas pleinement honorer les autres moments du don. À force de vouloir paradoxalement souligner la modernité de l’esprit conservateur, on en vient à dévaloriser l’autonomie. Par exemple dans le jugement suivant : l’idéologie française, dit Finkielkraut, veut « que la marque de l’humanité, en chacun, c’est l’autonomie, et non l’appartenance ; c’est l’arrachement à tout ancrage temporel ou géographique et non l’inscription dans une humanité particulière [87] ». Ou : l’homme est un héritier avant d’être un individu [88]. Ou : « L’homme nu, l’homme sans détermination, l’homme délié de tout ancrage et extrait de toute communauté […] existe donc bel et bien, mais la pure appartenance à l’espèce es la pire épreuve qui soit : l’être humain réduit à ce qu’il est perd à la fois la possibilité d’exister humainement sur la terre et les qualités qui permettent aux autres de le traiter comme leur semblable ». Et Finkielkraut conclut par cette phrase, logique, mais irrecevable : « L’homme qui n’est rien qu’un homme n’est plus un homme [89] ». Ce style jubilatoire dénonce, mais ne sait pas distinguer ; il débat, il ne raisonne pas. J’affirme tout le contraire tout en tenant le caractère essentiel de l’enracinement dans le don 1. C’est l’expérience du plus démuni qui l’assure. L’homme n’est pas, par essence, un héritier : l’héritage est la cause de son être, cause nécessaire, non son essence.

De plus, Alain Finkielkraut, comme Lévinas, est tellement obnubilé par sa thèse, tellement fasciné par son évidence prétendue, qu’il ne prend jamais le temps de soulever les objections, de prendre en compte les difficultés de l’adversaire et d’ainsi nuancer, parler à quelqu’un. Par exemple, sa défense du nationalisme peut s’étendre à tous les régionalismes avec leurs particularités culturelles, linguistiques, etc. Etonnant que l’interviewer, le canadien Antoine Robitaille, sensibilisé à ces questions au Québec, n’y ait pas pensé.

Enfin, il est intéressant que Finkielkraut nomme l’affect qui l’habite, par personne interposée : « Oui, Hannah Arendt est conservatrice, car elle a peur. Elle n’a pas peur pour ses biens. Ayant éprouvé la fragilité de la permanence, elle a peur pour le monde ». Certes, il y a une crainte qui est sentiment positif, mais s’il est accompagné par la jubilation de la capacité de libre créativité de l’homme. Ce que Finkielkraut célèbre peu. Comme H. Arendt qui parle de « l’irréalité inquiétante de la pure humanité [90] ». Elle avait peut-être plus d’excuse ??

  1. e) Observations

À moins que cette seconde attitude, loin d’être une indépendance soit une contre-dépendance qui signifierait qu’on n’a jamais quitté la dette à l’égard du passé, mais qu’on l’a transformée et refoulée sous mode inversé.

Non sans un goût pour la provocation, Finkielkraut n’hésite pas à se dire ou se laisser qualifier de conservateur. Encore faut-il le comprendre. Relisons la conclusion de l’ouvrage précédent : .

Même si Finkielkraut ne cite guère de sources anciennes, Aristote, Sénèque, Thomas d’Aquin, par exemple, ont déjà parlé du péché d’ingratitude. Mais ses sources sont plus proches, notamment la pensée juive, surtout Hannah Arendt, dont on vient de noter son propos.

Pascal Ide

[1] Des hommes et des dieux, drame historique français de Xavier Beauvois, 2010. La scène se déroule entre 15 mn. 15 sec. et 17 mn. 00 sec.

[2] Cf. Christophe Henning et Thomas Georgeon, Frère Luc, la biographie. Moine, médecin et martyr à Tibhirine, Paris, Bayard, 2011 ; François Buet, Prier 15 jours avec frère Luc, moine et médecin à Tibhirine, Paris, Nouvelle Cité, 2014.

[3] Michael Lonsdale confie : « Eh bien, la scène a été entièrement improvisée ! Xavier Beauvois m’a dit : ‘Lance-toi. Dis ce que tu penses, toi, sur l’amour’. Il avait confiance… Après, il m’a dit : ‘C’était beaucoup mieux que ce que j’aurais pu écrire !’ C’est mon cœur qui a parlé ! » (http://www.lavie.fr/hebdo/2010/3392/michael-lonsdale-c-est-mon-coeur-qui-a-parle-01-09-2010-9095_155.php)

[4] On peut aussi dire que, faisant voler en éclats le paradoxe du comédien, la personne de l’acteur tend à s’égaler à son personnage. Ici, la vérité représentée du martyre s’amplifie de la vérité vécue du témoignage – qui en est le double étymologique (« témoignage » se dit en grec marturion).

[5] Cf. ST, Ia-IIae, q. 42, a. 4 ; René Descartes, Les passions de l’âme, art. 53, p. 723-724.

[6] Louis Pasteur, Esprits scientifiques et médicaux, coll. « Grands Formats » n° 825, Paris, Flammarion, 1994, p. 28.

[7] Jules Verne, Voyage au centre de la terre, Paris, J. Hetzel, réédité par Le livre de poche n° 2029, s. d., p. 238.

[8] Épigraphe, xv (« Le débiteur reconnaissant ») : « Je l’assistai dans l’indigence ; / il ne me rendit jamais rien ».

[9] Cf. Alain Finkielkraut, L’humanité perdue. Essai, coll. « Points », Paris, Seuil, 1996.

[10] Alain Finkielkraut, L’ingratitude. Conversation sur notre temps, Paris, Gallimard, 1999, p. 116.

[11] Alain Finkielkraut, L’ingratitude, p. 138.

[12] Ibid., p. 116.

[13] Ibid., p. 130.

[14] Ibid., p. 11.

[15] Ibid., p. 197-198.

[16] Éric Hobsbawn, Nations et nationalisme depuis 1870, Paris, Gallimard, 1992, p. 46.

[17] Milan Kundera, « Un Occident kidnappé, la tragédie de l’Europe centrale », Le Débat, 27 (1983) n° 5, p. 3-23, ici p. 15.

[18] Milan Kundera, « Un Occident kidnappé, la tragédie de l’Europe centrale », p. 15.

[19] Istvan Bibo, Misère des petits États d’Europe de l’Est, Paris, L’Harmattan, 1986, p. 166.

[20] Alain Finkielkraut, L’ingratitude, p. 75.

[21] Cf. Alain Finkielkraut, Comment peut-on être croate ?, Paris, Gallimard,

[22] Milan Kundera, « Un Occident kindnappé, la tragédie de l’Europe centrale », art. cité, p. 15.

[23] Ludvík Vaculík, « Mon Europe », trad. Milan Kundera, Le messager européen, 3 (avril 1989), p. 253.

[24] Dezsö Kosztolanyi, L’étranger et la mort, Paris, In Fine, p. 112.

[25] Alain Finkielkraut, L’ingratitude, p. 23.

[26] Cité par Emmanuel Terray, « Munich, un anniversaire oublié », Le genre humain, 18 (automne 1988), p. 65-79.

[27] Jacques Benoist-Méchin, « La moisson de Quarante », Dominique Veillon (éd.), La collaboration. Textes et débats, Paris, Le livre de poche, 1984, p. 375-376. Cf. Id., La Moisson de quarante. Journal d’un prisonnier de guerre, Paris, Albin Michel, 1941.

[28] Alain Finkielkraut, L’ingratitude, p. 27.

[29] Milan Kundera, « Un Occident kindnappé, la tragédie de l’Europe centrale », art. cité, p. 15.

[30] Simon Doubnov, Lettres sur le judaïsme ancien et nouveau, Paris, Le Cerf, 1989, p. 150.

[31] Alain Finkielkraut, L’ingratitude, p. 63.

[32] Jacob Talmon, « La patrie en danger. Lettre ouverte à Menahem Begin », Le Débat, 11 (1981) n° 4, p. 52-67, ici p. 58.

[33] Alain Finkielkraut, L’ingratitude, p. 84

[34] Ibid., p. 84 et 85.

[35] Daniel Jonah Goldhagen, Les bourreaux volontaires de Hitler. Les Allemands ordinaires et l’holocauste, trad. Pierre Martin, Paris, Seuil, 1997, p. 14.

[36] Jacques Attali, Dictionnaire du xxie siècle, Paris, Fayard, 1998, p. 222.

[37] Ibid., p. 7.

[38] Alain Finkielkraut, L’ingratitude, p. 159.

[39] Cité par Daniel J. Boorstin, L’esprit d’exploration l’Amérique et le monde jadis et maintenant, Paris, Gallimard, 1979, p. 107.

[40] Thomas Paine, « Les droits de l’homme », in Pierre Manent, Les libéraux, coll. « Pluriel », Paris, Hachette, tome 2, 1986, p. 46.

[41] Gérard Genette, La relation esthétique, Paris, Seuil, 1997, prière d’insérer.

[42] Alain Roger, Court traité du paysage, Paris, Gallimard, 1997, p. 143.

[43] Alain Finkielkraut, L’ingratitude, p. 114. Souligné dans le texte.

[44] Robert Reich, L’économie mondialisée, trad. Daniel Temam, Paris, Dunod, 1996, p. 293.

[45]Cf. Louis Dumont, Homo Æqualis. II. L’idéologie allemande, Paris, Gallimard, 1991, p. 250. Cité par Alain Finkielkraut, L’ingratitude, p. 91.

[46] Victor Hugo, Politique, coll. « Bouquins », Paris, Robert Laffont, 1985, p. 42-43.

[47] Paul Valéry, Regards sur le monde actuel, in Œuvres, éd. Jean Hytier, coll. « Bibliothèque de la Pléiade » n° 148, Paris, Gallimard, 2 vol., tome 2, 1960, p. 1058.

[48] Alain Finkielkraut, L’ingratitude, p. 98.

[49] Citée par Alain Finkielkraut, L’ingratitude, p. 102.

[50] Hannah Arendt, La crise de la culture, p. 243.

[51] Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, La reproduction, Paris, Minuit, 1970, p. 252-253.

[52] Alain Finkielkraut, L’ingratitude, p. 11.

[53] Roland Barthes, Leçons, in Œuvres complètes, Paris, Seuil, tome 3, 1995, p. 803.

[54] Jean-Pierre Ceton, « Libérons la langue française ! », Le Monde, 14 janvier 1998.

[55] Mario Vargas Llosa, « La culture de la liberté », Le Débat, 43 (1987) n° 1, p. 82.

[56] Françoise de Singly, Les jeunes et la lecture, Rapport pour le ministre de l’Éducation nationale, IV 6, 1992.

[57] Hans Jonas, « La technique moderne, sujet de réflexion éthique », in Marc Neuberg, La responsabilité, Paris, p.u.f., 1997, p. 239.

[58] Emmanuel Lévinas, Quatre lectures talmudiques, Paris, Minuit, 1968, p. 107.

[59] Jules Barbey d’Aurevilly, Le dix-neuvième siècle, Paris, Mercure de France, 1964, p. 69.

[60] Alain, Propos sur les beaux-arts, coll. « Quadrige », Paris, p.u.f., 1998, p. 206.

[61] Alain Finkielkraut, L’ingratitude, p. 195. Souligné dans le texte.

[62] Cité par Iris Murdoch, 28.

[63] Alain Finkielkraut, L’ingratitude, p. 148.

[64] Alain Finkielkraut, L’ingratitude, p. 166. Souligné dans le texte.

[65] Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, Paris, Flammartion, 1982, vol. 1, p. 231.

[66] Cité par Alain Finkielkraut, L’ingratitude, p. 150.

[67] Raymond Aron, Chroniques de guerre, Paris, Gallimard, 1990, p. 609.

[68] Gilbert Keith Chesterton, Orthodoxie, trad. Anne Joba, coll. « Idées », Paris, Gallimard, 1984, p. 170.

[69] Edmund Burke, Réflexions sur la Révolution de France, trad. Pierre Andler, coll. « Pluriel », Paris, Hachette, 1989, p. 122-123.

[70] Ibid., p. 120.

[71] Eugenio Garin, L’éducation de l’homme moderne, Paris, Fayard, 1968, p. 104.

[72] Hannah Arendt, Vies politiques, trad. Eric Adda, Jacques Bontemps, Barabara Cassin, Didier Don, Albert Kohn, Patrick Lévy, Agnès Oppenheimer-Faure, coll. « Tel » n° 112, Paris, Gallimard, 1994, p. 103-104.

[73] Hannah Arendt, La crise de la culture. Huit exercices de pensée politique, trad. dir. par Patrick Lévy, coll. « Folio. Essais » n° 113, Paris, Gallimard, 1972, p. 247.

[74] Ernst Cassirer, Logique des sciences de la culture, trad. Jean Carro et Joël Gaubert, coll. « Passages », Paris, Le Cerf, 1991, p. 205.

[75] Albert Camus, Discours de Suède, coll. « Folio », Paris, Gallimard, 1997, p. 18-19.

[76] Georg Keith Chesterton, Le monde comme il ne va pas, trad. Marie-Odile Fortier-Masek, Paris, L’âge d’Homme, 1994, p. 30.

[77] Alain, Propos sur l’éducation, coll. « Quadrige », Paris, p.u.f., 1986, p. 177.

[78] George Steiner, Après Babel, Paris, Albin Michel, 1978, p. 434.

[79] Wilhelm von Humboldt, Introduction à l’œuvre du Kavi et autres essais, trad. Pierre Caussat, Paris, Seuil, p. 147.

[80] Alain, Propos sur l’éducation, p. 363.

[81] Cité par Alain Finkielkraut, L’ingratitude, p. 130.

[82] Alain, Propos sur l’éducation, p. 174.

[83] Lettre à Francesco Vettori, 10 décembre 1513, in Le prince et autres textes, trad. Toussaint Guiraudet et Edmond Barincou, coll. « Folio », Paris, Gallimard, 1981, p. 380.

[84] Milan Kundera, L’immortalité, Paris, Gallimard, 1990, p. 400.

[85] Alain Finkielkraut, L’ingratitude, p. 212.

[86] La crise de la culture, p. 309.

[87] Alain Finkielkraut, L’ingratitude, p. 122.

[88] Cf. le débat entre Edmund Burke et Thomas Paine, in Alain Finkielkraut, L’ingratitude, p. 138 s.

[89] Ibid., p. 140-141.

[90] Jean-Paul Sartre, Réflexions sur la question juive, coll. « Folio-Essais », Paris, Gallimard, 1986, p. 65.

16.9.2020
 

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