L’amour. Un texte projectif

Dans un livre sans nulle prétention philosophique, sous le titre « Définissons l’amour », je lis (je ne cite que le début) :

 

« L’amour est une façon d’être et un moyen d’entrer en relation. Il est ouvert et réceptif, il ne porte pas de jugement et n’est pas sur la défensive. Il est inconditionnel, dévotionnel et respectueux. L’amour est au centre même de toute vie, et, dans sa forme la plus pure, est imprégné de libre arbitre. C’est une force qui porte en elle-même une belle fréquence, lumineuse et apaisante. L’amour est vitalisant, bienveillant et durable. Il est inestimable et incommensurable. L’amour est cette lumière sans équivoque qui rayonne dans nos yeux et nous illumine de bonté, de patience et de grâce [1] », etc.

 

Comment ce texte retentit-il en vous ?

Sans entrer dans trop de détail, nous pouvons réagir de deux manières opposées, plus négative ou plus positive. Bien entendu, nous pouvons nous situer entre ces deux extrêmes, introduisant de multiples nuances. Demeurez-en à votre impression générale.

Impression plus négative : le texte n’est pas fiable, puisqu’il ne fait pas ce qu’il annonce ; il ne définit pas l’amour (bien d’autres réalités que l’amour font « entrer en relation ») ; à trop embrasser (« L’amour est au centre même de toute vie »), il n’étreint plus rien ; en parlant de « fréquence », il semble de saveur nouvelâgiste ; dénué d’argumentation, il est arbitraire, voire dogmatique (l’on pourrait s’opposer à chaque note) ; il est contraire à certaines expériences (par exemple, durant ce que durent les roses, il n’a rien de « durable ») ; il oublie de distinguer les différentes formes de l’amour (érôs et agapè, amour captatif et amour oblatif, amour et amitié) ; il présente une connotation quasi-religieuse, mais sans l’honnêteté d’une référence explicite ; etc.

Impression plus positive : cet extrait me dynamise et me donne envie d’aimer encore plus ; il a su trier ce qui est accidentel (l’élan) de ce qui est essentiel (le rayonnement) ; il englobe la réception (« Il est ouvert et réceptif »), au lieu d’en demeurer à l’inclination ou à la donation ; il sait introduire des nuances, sinon une analogie, en distinguant la « forme la plus pure » qui est libre ; d’ailleurs, ce faisant, il découple l’amour de la passion qui aliène ; seule une réalité comme l’amour peut susciter un tel enthousiasme ; il fait songer à l’hymne paulinien à la charité, du moins à sa partie centrale, dans sa forme et même dans son contenu ; en en faisant le « centre même de toute vie », il honore son extension universelle de l’amour ; en ne cherchant pas à différencier diverses formes d’amour, il respecte l’heureuse unité du français qui ne connaît qu’un seul mot ; etc.

Suis-je en train de devenir relativiste ? Et si ce texte était un test, un test projectif ? Qui révèle (sans jugement) : notre météo actuelle, plus nuageuse ou plus ensoleillée ; mais aussi ce qui parle en premier en nous, la tête ou l’affectivité, le besoin de comprendre ou le désir de relation.

Pascal Ide

[1] David Daniels et Suzanne Dion, Ennéagramme, relations humaines et vie de couple. Mieux se comprendre l’un l’autre pour s’aimer et vivre pleinement, trad. Anne-Gaëlle Wozniak, Escalquens, Éd. Grancher, 2022, p. 14.

15.7.2024
 

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