Jalons pour une Histoire de la Philosophie de la nature II-7 Bilan à la fin de l’âge classique 2/2

C) Les mutations ontologiques

Jusqu’à maintenant, nous avons vu les changements épistémologiques ; voyons main­tenant les mutations de contenu. Dans le langage de la métaphysique scolastique, nous passons de l’objet formel à l’objet matériel.

1) Le changement premier : l’anthropocentrisme

Avant toute chose, l’avènement de la compréhension moderne de la nature se comprend par la primauté donné à l’homme.

C’est ce qu’observe Michel Tibon-Cornillot. Pour lui, le monde moderne est advenu par un double coup de force. Le premier est la disparition de tout espèce de sens immanent au cosmos. Le second est la place vacante pour l’homme d’injecter lui-même du sens au sein de l’univers. « Dans le Cosmos traditionnel, Dieu, le Sens et l’Ordre pouvaient se lire car ils étaient déjà dans le monde avant les hommes ; dans l’univers infini, le Sens est bien absent mais on peut l’y mettre [1] ». Comment ? Par le biais de la technique comme Michel Tibon-Cornillot le développe tout au long de son ouvrage. Et cela est encore plus vrai des biotechnologies. Michel Tibon-Cornillot dit même que la fabrication de nouveaux êtres est le signe d’un « anthropocentrisme […] violent [2] ». Voilà pourquoi l’époque moderne, si objective soit-elle, est anthropocentrée : l’homme devient maître du sens.

2) Le passage du cosmos à l’univers

Les Grecs et les médiévaux concevaient un cosmos hiérarchisé, intrinsèquement or­donné selon une échelle de perfection distinguant soigneusement le supérieur et l’infé­rieur. Cette idée s’est propagée jusqu’à la Renaissance. Témoin inattendu parmi d’autres, William Shakespeare. « Les cieux eux-mêmes, les planètes et notre globe cen­tral sont soumis à des conditions de degré, de priorité, de rang, de régularité, de direc­tion, de proportion, de saison, de forme, d’attribution et d’habitude qu’ils observent avec un ordre invariable [3] ». Cette hiérarchie est d’ailleurs autant cosmologique que poli­tique ou éthique. D’où l’intérêt que le dramaturge anglais porte à la notion mystico-cos­mologique de « musique des sphères », héritée de Platon, Plutarque et que l’on retrouve aussi chez Montaigne. Qu’on se souvienne du dialogue d’amour entre Jessica et Lorenzo à la fin du Marchand de Venise : « Le calme, le silence et la nuit conviennent aux accents de la suave harmonie. Assieds-toi, Jessica. Vois comme le parquet du ciel est partout incrusté de disques d’or lumineux. De tous ces globules [ces smallest orbs sont les plus petites planètes ou étoiles] que tu contemples, il n’est pas jusqu’au plus petit qui, dans son mouvement, ne chante comme un ange, en perpétuel accord avec les chéru­bins aux jeunes yeux [4] ! »

 

En regard, l’univers tel qu’il émerge de la conception galiléo-cartésienne perd cette ca­ractéristique de hiérarchisation ontologique jugée anthropomorphe. Ainsi l’explique l’historien Emile Bréhier : « Descartes dégage la physique de la hantise du Cosmos hel­lénique, c’est-à-dire de l’image d’un certain état privilégié des choses qui satisfait nos besoins esthétiques […]. Il n’y a pas d’état privilégié puisque tous les états sont équiva­lents. Il n’y a donc aucune place en physique pour la recherche des causes finales et la considération du meilleur [5] ».

On doit à Alexandre Koyré d’avoir montré, avec rigueur et vigueur, ce passage de la notion grecque ordonnée de cosmos à la notion moderne uniformisée d’Univers [6]. Derrière se profile toute la distinction entre une perspective métaphysique et une pers­pective mathématique de la nature. La physique moderne, explique Koyré, « implique notamment l’abandon de la concep­tion classique et médiévale du Cosmos – unité fermée d’un Tout, Tout qualitativement déterminé et hiérarchiquement ordonné, dans lequel les parties différentes qui le com­posent, à savoir le Ciel et la Terre, sont sujettes à des lois différentes – et son remplace­ment par celle de l’Univers, c’est-à-dire d’un ensemble ou­vert et indéfiniment étendu de l’Etre, uni par l’identité des lois fondamentales qui le gou­vernent [7] ».

La fusion de la Physique céleste avec la Physique terrestre.

3) Le passage du mouvement-processus au mouvement-état ou mécanique

Au fond, c’est la notion physique même de mouvement qui disparaît. Déjà voici un si­cèle, le philosophe A. Hannequin, remarquait que la physique « ne pénètre rien du réel devenir [8] ». En un mot, cette physique classique est parménidienne. On peut notam­ment observer cinq grandes différences d’avec la conception du Stagirite.

  1. Pour Aristote, le mouvement est un changement d’état, provenant d’une privation et accédant à une perfection, un processus d’actualisation. Or, pour Galilée, le mouvement est un état, une succession d’actes, de sorte que la notion de puissance s’évanouit. « Au lieu d’exprimer une privation, il [le mouvement] est pensé comme un état extérieur au corps et qui ne l’affecte pas en lui-même. Il peut don­ner lieu à des mesures : tout mou­vement est caractérisé par un rapport d’espaces par­courus sur des intervalles de temps quelconques, et dont on peut analyser la variation (l’accélération ou la décélération) [9] ». Maurice Clavelin marque bien la rupture par rap­port à Aristote : « Alors que la philo­sophie naturelle traditionnelle n’avait pu traiter du mouvement qu’en le considérant comme l’affection d’un sujet, enserré entre un terminus a quo et un terminus ad quem, Galilée pour sa part réussit à en faire un objet de même statut que les objets mathéma­tiques, susceptible d’une reconstruction rationnelle, et à propos duquel un nombre indé­fini de propositions pourront être établies par une voie strictement déductive [10] ».
  2. La distinction du mouvement et du repos devient inopérante. Cette différence est es­sentielle dans l’aristotélisme, puisque le repos est soit la privation de mouvement, soit son achèvement, donc sa finalité. Or, pour Galilée, l’identité de statut entre mouvement uniforme et repos est à la base de ce que l’on appellera le principe de relativité galiléen et de ce que Newton nommera la loi d’inertie.
  3. La notion de cause de mouvement n’est plus opérante. En effet, depuis Galilée, on pourrait presque dire que ce qui nécessite explication n’est pas tant le mouvement que le repos ou cessation de mouvement.
  4. À la tripartition des changements (sans compter le changement absolu) fait place le seul mouvement local : « Les corps passent d’un lieu à un autre et occupent successive­ment tous les espaces qui sont entre deux [11] ».
  5. Enfin, la distinction aristotélicienne entre mouvements naturels et mouvements vio­lents n’a plus de raison d’être. En effet, un mouvement n’est violent que s’il contrarie sa finalité, que s’il n’accède pas à sa perfection, son acte. Or, l’univers galiléen est isotrope, sans finalité ni perfection intrinsèque.

4) Le passage de la contingence à la nécessité uniformisée

Un exemple très fameux de déterminisme – plus encore de pandéterminisme – est fourni par le système de Laplace [12]. Relisons la page célèbre où le mathématicien et astronome français proclame l’universelle prédétermination stricte de la nature : « Nous devons donc envisager l’état présent de l’univers comme l’effet de son état antérieur, et comme la cause de celui qui va suivre. Une intelligence qui, pour un instant donné, connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent, si d’ailleurs elle était assez vaste pour soumettre ces données à l’analyse, embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l’univers et ceux du plus léger atome : rien ne serait incertain pour elle, et l’avenir, comme le passé, serait présent à ses yeux. L’esprit humain offre, dans la perfection qu’il a su donner à l’astronomie, une faible esquisse de cette intelligence. Ses découvertes en mécanique et en géométrie, jointes à celle de la pesanteur universelle, l’ont mise à portée de comprendre dans les mêmes expressions analytiques les états passés et futurs du système du monde. En appliquant la même méthode à quelques autres objets de ses connaissances, il est parvenu à ramener à des lois générales les phénomènes observés, et à prévoir ceux que les circonstances données doivent faire éclore. Tous ces efforts dans la recherche de la vérité tendent à le rapprocher sans cesse de l’intelligence que nous venons de concevoir, mais dont il restera toujours infiniment éloigné. Cette tendance propre à l’espèce humaine est ce qui la rend supérieure aux animaux, et ses progrès en ce genre distinguent les nations et les siècles et font leur véritable gloire [13] ».

Le primat ci-dessus accordé à l’unification est aussi un gain de cause accordé à la né­cessité sur la contingence. « Les lois générales qui servent de base à la construction de la pensée du théoricien ont la prétention d’être valables pour tous les événements de la nature. Au moyen de ces lois, devrait pouvoir trouver, par la seule voie de la déduction purement logique, l’image, c’est-à-dire la théorie de tous les phénomènes de la nature, y compris ceux de la vie, si ce processus de déduction ne dépassait pas de loin la capacité de la pensée humaine [14] ». On voit donc combien Einstein nie implicitement la contin­gence en cherchant un modèle idéal, platonicien d’unité.

5) Le passage de la finalité à l’efficience

Le projet techniciste se fonde sur une certaine vision de la nature. À son tour, en re­tour, il fonde une vision, précisément une vision désontologisée, définalisée : « L’homme ne peut se rendre maître et possesseur de la nature que s’il nie toute finalité naturelle et s’il peut tenir toute la nature, y compris la nature apparemment animée, hors de lui-même pour un moyen [15] ».

Un fait, apparemment anecdotique, a beaucoup contribué à discréditer la finalité. Le tremblement de terre de Lisbonne, le 1er novembre 1755, marqua considérablement les esprits du xviiie siècle. Il suffit pour s’en convaincre de lire la place qu’il occupe dans l’ar­ticle de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Sur moins de trois colonnes, il accorde presque une colonne à des remarques non anodines ni insignifiantes rela­tives à « la solidité des forts de Lisbonne & et de son château, la beauté de ses places & de ses édifices publics, de ses églises, de ses palais, & surtout celui du roi [16] ». En fait, tout l’article est une illustration de la phrase tirée d’une lettre qui y est citée : « Lisbonne étoit ; elle n’est plus ».

Et cela pour quatre raisons. D’abord, du fait de son ampleur : près de 40 000 per­sonnes furent tuées et la ville fut presque anéantie. Mais cette raison ne saurait suffire : pour la seule Europe, depuis la fin du xviie siècle, le sud de la France avait été secoué très violemment en 1669 et un séisme avait fait presque 60 000 morts en Sicile. Aussi faut-il ajouter les trois causes suivantes : Lisbonne est une ville très catholique. Par ail­leurs, l’événement a bénéficié des moyens de communication de l’époque qui commen­cent à se développer. Aussi les savants et les philosophes de l’époque se sont aussitôt emparés du phénomène. Enfin, du fait du contexte. Or, celui-ci est à la critique des théo­dicées, des métaphysiques providentialistes. Certes, un Spinoza citait déjà les tremble­ments de terre parmi les arguments contre la téléologie ; mais cet antifinalisme s’accompagnait d’un théisme, sinon-même d’un panthéisme. Or, le contexte est ici tout différent : il est athée ou déiste. En un mot, comment après cette apogée du mal physique qu’est le tremble­ment de terre encore affirmer l’existence d’une providence bienveillante gouvernant le monde ?

La secousse tellurique de Lisbonne devient donc comme emblématique d’un nouveau regard jeté sur la métaphysique plus encore que sur la nature. Il devient l’occasion de poser à nouveau le débat sur le mal. En ce sens, on peut dire que ce tremblement de terre fut un événement humain autant que philosophique, voire religieux. Et ce débat métaphysique a une traduction physique : la question des causes finales. Significatif en est l’article de la même Encyclopédie sur le « Tremblemens de terre [17] » où aucune allu­sion à une finalité n’apparaît. On en décrit les causes les plus probables », entendez les causes efficientes, les mécanismes, puis « les phénomènes qui les précèdent & qui les accompagnent le plus ordinairement [18] ».

6) Le passage de l’histoire à la vision anhistorique

a) Le fait

Désormais, avec Galilée, le temps est avant tout une durée homogène, indifférente au mobile dont elle mesure le mouvement. L’espace n’est plus le milieu hiérarchisé, hétéro­gène de la physique aristotélicienne, mais est un espace infini, isotrope, donc sans diffé­rence. Galilée a complètement géométrisé l’espace et le temps physiques, et, partant de là, la physique.

La forme la plus extrême de ce gommage du temps se trouve dans la déclaration de principe déterministe de Laplace, que nous étudierons dans le chapitre sur le hasard. [19] Et n’imaginons pas que ce désintérêt pour le temps, dans sa structure flêchée, dispa­raisse ce siècle. Einstein écrivait dans une lettre : « Pour nous autres physiciens convain­cus, la distinction entre passé, présent et futur n’est qu’une illusion, même si elle est te­nace [20] ».

b) Les causes

Cet effacement du temps a plusieurs causes. La raison immédiate est liée à la mathé­matisation. En effet, la formalisation mathématique est régie par l’égalité. Or, de part et d’autre d’une égalité, les membres ont interchangeables. La flèche du temps s’efface donc au profit de la pure réversibilité. Concrètement, les lois de la physique restent structurellement invariantes si l’on intervertit le sens de la flèche temporelle, c’est-à-dire si l’on change le paramètre temporel t en –t. Dans la mécanique classique, « tous les mouvements sont réversibles. Dès le début, à l’aide d’un postulat tacitement accepté, l’essence même du concept du temps se trouve complètement dénaturée. Le temps mé­canique ne s’écoule plus, uniformément toujours dans la même direction ; on peut au contraire s’y mouvoir librement, dans la direction voulue, comme nous le faisons dans l’espace [21] ».

Sur la critique générale du mécanisme et de ses représentants comme Laplace, Du Bois-Reymond ou Huxley, il est bon de réentendre Bergson : « Dans une pareille doctrine, on parle encore du temps, on prononce le mot, mais on ne pense guère à la chose. Car le temps y est dépourvu d’efficace, et, du moment qu’il ne fait rien, il n’est rien [22] ». En effet, « Il n’y a pas, il ne peut pas y avoir d’instant immédiatement antérieur à un instant, pas plus qu’il n’y a de point mathématique contigu à un point mathématique. L’instant «immédiatement antérieur» est, en réalité, celui qui est relié à l’instant présent par l’intervalle dt [23] ». Certes, « les lois qui régissent la matière inorganisée sont exprimables, en principe, par des équations différentielles dans lesquelles le temps (au sens où le mathématicien prend ce mot) jouerait le rôle de variable indépendante [24] ». Toutefois, remarque Bergson un peu plus loin avec profondeur, les mathématiques n’ont pas résorbé toute tendance, tout appétit. Il y a comme une potentialité résiduelle, irrésorbable dans les équations différentielles : « L’état présent du système est défini par des équations où entrent des coefficients différentiels tels que de/dt, dv/dt, c’est-à-dire, au fond, des vitesses présentes et des accélérations présentes. C’est donc enfin du présent seulement qu’il est question, d’un présent qu’on prend, il est vrai, avec sa tendance [25] ».

Or, la raison en est la toute-puissance de la raison : « L’essence des explications mécaniques est […] de consi­dérer l’avenir et le passé comme calculables en fonction du présent, et de prétendre ainsi que tout est donné [26] ». Mais que veut dire l’expression « tout est donné » ? Elle ren­voie en fait au désir d’emprise de la raison. La principale raison sur la­quelle nous reviendrons plus bas est donc la volonté démiurgique : « Le déterminisme ri­goureux des phénomènes successifs dans le temps » exprime « simplement que le tout de l’être est donné dans l’éternité [27] ». Le temps s’efface donc, au nom d’une prétendue vi­sée prise de l’éternité. Mais l’éternité n’est-elle pas le privilège de Dieu ? Il y a derrière la disparition du temps un idéal prométhéen de connaissance intégrale et exhaustive de la nature. Citons une nouvelle fois Bergson : dans cette « métaphysique où la totalité du réel est posée en bloc, dans l’éternité », « la durée apparente des choses exprime seulement l’infirmité d’un esprit qui ne peut pas tout connaître à la fois [28] ». On retrouve le temps dé­gradé, dégénérescence de l’éternité, chère aux gnostiques.

c) Les conséquences

Au fond, le mécanisme est conservateur. Seule la philosophie d’Aristote est révolutionnaire ! En effet, pour une pensée mécaniste, tout devenir est accidentel et toute nouveauté réductible à l’ancien. Pour le mécaniste, le vivant dont l’un des parents est jaune et l’autre bleu est un mélange de bleu et de jaune. Pour un disciple d’Aristote, le résultat, l’enfant est vert, autrement dit quelque chose d’absolument nouveau, d’imprévisible.

Pour en faire l’expérience, demandez à un enfant qui ne l’a jamais vu ce que donne la superposition de deux traits de feutre, jaune et bleu. Jamais il ne pourra deviner. Lisez la stupéfaction sur son visage et vous saurez ce qu’est l’irruption de la nouveauté. D’ailleurs, même le plus grand spécialiste en optique non plus.

On peut d’ailleurs appliquer cet exemple à la volonté de clônage, au désir d’enfant aujourd’hui. C’est parce que les deux parents sont différents mais surtout que l’enfant n’est pas une addition des qualités (ou des défauts) des parents, il est l’émergence d’une réalité radicalement nouvelle [29].

Inversement, la volonté de puissance qui sélectionne les qualités des géniteurs ne fait pas que confondre nature et culture, elle demeure rivée au devenir accidentel, elle se nourrit d’une pensée mécaniste, croyant naïvement que l’enfant est la sommation des parents.

Par ailleurs, la représentation mécaniste de l’univers est celle d’un univers parfait, puisque tout se passe entre des êtres en acte. Or, la nouveauté suppose de la puissance et de l’imperfection. Donc, cet univers était incapable de générer du nouveau. Inversement « l’imperfection est riche de potentialités », pour peu qu’elle soit « contrôlée » et « mesurée [30] ».

Enfin, la conséquence de la disparition du temps est la perte de toute histoire, de tout désir et de toute espérance. « La nature de la dynamique classique est une nature à la fois amnésique, dépourvue d’histoire, et entièrement déterminée par son passé ; c’est une nature indifférente, pour laquelle toumétat est équivalent, une nature sans relif, plate et homogène, le cauchemar d’une insignifiance universelle. Le temps de cette physique est le temps du déploiement progressif d’une loi éternlle, donnée une fois pour toutes, et totalement exprimée par n’importe quel état du monde [31] ». L’univers de la mécanique classique est donc froid et aride comme un désert où tout serait prévu. Même l’événe­ment fondateur qu’est le Big Bang : le calcul le rend immédiatement présent, efface le mystère, résorbe toute nouveauté dans le premier instant virtuellement prégnant de toute la nouveauté de l’univers.

7) Le passage de la forme à la matière

On l’observe clairement chez Descartes. Cela ne signifie pas que la matière dont il est question soit identique à la matière prime d’Aristote, au contraire. Cela signifie surtout que la notion de forme substantielle (dont Leibniz méditait de réintroduire) est devenue illégitime, est frappée d’obsolescence.

Par ailleurs, la logique mécaniste valorise l’élémentaire ; or, plus on analyse, plus on quitte les déterminations substantielles, plus on s’approche de la prima materia, de la protè hulè.

h) Le passage de la continuité du fait et du sens (de la valeur) au dualisme

Le dualisme corps-âme, étendue-pensée va se prolonger, comme en sa suite logique, dans les dualismes fait-sens et fait-valeur, qui sont tous des avatars du dualisme nature-liberté (ou esprit). Plus précisément, c’est à l’époque moderne que l’on parle de valeur et qu’on doit les défendre. En effet, qui dit valeur, dit un bien que l’on doit é-valuer, donc un acte critique d’estimation, sinon même de création de la dite valeur [32]. Autrement dit, la valeur apparaît lorsqu’elle disparaît, lorsque le bien perd son évidence. « Les «valeurs» sont ainsi frappées d’une faiblesse intrinsèque, puisque les poser comme telles, c’est re­connaîter en même temps qu’elles ne peuvent subsister en elles-mêmes. Rien d’éton­nant donc à ce que l’on parle tant de «défendre les valeurs» ». Or, cet état de fait n’a au­cun sens pour un Grec ou un Médiéval. Non qu’ils ignorent la distance existant entre l’être et ce qu’ils doivent être, mais parce que, pour eux, le bien ne dépend pas de la subjectivité, il est lisible dans la réalité ; dit autrement : pour eux, l’être est d’emblée bon, au nom de la circulation et de la convertibilité des transcendantaux, donc le bien est déjà là, même s’il est à accomplir ; il n’est pas à construire et encore moins à créer : « «faire» le bien consiste moins à produire qu’à traduire [33] ».

Un Lévinas peut écrire : « La réalité donnée à la réceptivité et la signification qu’elle peut revêtir semblent se distinguer. Comme si l’expérience offrait d’abord des contenus – formes, solidité, rugosité, couleur, saveur, odeur, chaleur, lourdeur, etc. – et comme si, ensuite, tous ces contenus s’animaient de méta-phores, recevaient une surcharge les portant au-delà du donné [34] ».

La finalité disparaît dans la science moderne, cartésienne. Mais on ne peut totalement se passer de finalité et de signification. Aussi, plus précisément, la finalité est-elle identi­fiée au projet, c’est-à-dire à la conscience. Or, c’est la finalité qui donne sens. Dès lors, la signification attribuée à la nature est un effet de sens, c’est-à-dire une production de la conscience. Dès lors, la signification ne s’ente pas sur les faits, mais ailleurs, sur un cer­tain nombre de convictions humaines.

Or, comme le montre Aristote, la fin est un bien et non pas seulement une valeur. La disparition d’une finalité objective rend toute morale subjective ou plutôt toute recherche de finalité, de bonheur subjective. Or, un bonheur subjectif est borné au sujet : il ne peut qu’être un bien pour moi et non un bien en soi. Dès lors, en désontologisant la finalité, en chassant la finalité de l’être, l’éthique eudémoniste devient une éthique égoïste, donc immorale. C’est ce sur quoi se retrouvent un Kant [35] et un Scheler [36]. Inversement, tout projet d’une éthique du bonheur doit retrouver un fondement objectif du bien.

Autre conséquence : la bioéthique est écartée entre une couche objective d’objets nus que représentent les connaissances embryologiques et dont la signification est objective, universelle et d’objets éthiques, dont la signification est subjective et particulière. Les faits sont donc éthiquement muets ; le sens et l’éthicité d’un fait relève dont de l’arbitre humain ; or, de l’arbitre à l’arbitraire, il n’y a qu’un pas dont on ne voit pas pourquoi il ne serait pas franchi. C’est ainsi qu’un Warnock se demandant si les cellules humaines ont des droits répond que cette « question de la signification morale », de l’attribution relève non d’une lecture objective des choses mais relève de la décision : « c’est quelque chose qui doit être décidé [37] ».

D) Les mutations phénoménologiques. Le monde vécu comme déshumanisé

Venons-en enfin, ce qui pourrait constituer un paragraphe à part, c’est-à-dire au vécu de ce monde. D’un mot, on pourrait dire que l’homme n’est plus chez lui dans le monde. Celui-ci est déshumanisé. Le découplage homme-univers opère au détriment de l’être-dans-le-monde.

Autant, il faisait bon vivre dans le cosmos grec et la création médiévale, autant l’univers classique semble dénué de sens, abandonné, voire inquiétant ou même méchant. On trouve ces thèmes chez les philosophes, mais aussi dans la littérature.

Ce sont progressivement les différents transcendantaux qui se trouvent disqualifiés : le monde n’est ni vrai (porteur de sens), ni bon, ni même beau. Il n’est dès lors pas éton­nant qu’il devienne source d’angoisse, donc de désunité, voire qu’il soit le contraire : si­non faux, du moins méchant.

1) Un univers vide de sens

L’univers est vide de sens. La raison principale en est qu’il est délié de toute attache divine. C’est ainsi que Benjamin Constant, dans une lettre de jeunesse, imagine l’étrange parabole d’un monde créé par un dieu qui serait « mort avant d’avoir achevé son ouvrage [38] ». Ce cosmos vide est donc vécu comme insensible : c’est même là une de ses différences d’avec le cosmos antique [39]. Il est indifférent. Même Gœthe dont on verra qu’il revitalise la nature, l’affirme : « Car insensible est la nature : le soleil luit sur les méchants et les bons [40] ».

Il est aussi vide de sens, car il est insignifiant. Et cela tient notamment au fait que l’homme se vit abandonné dans l’univers. Gérard de Nerval rêve mélancoliquement que la terre s’est détachée, à la dérive, hors toute référence : « Je pensais que la terre était sortie de son orbite et qu’elle errait dans le firmament comme un vaisseau démâté [41] ». Sören Kierkegaard interroge, en des questions qui ne manquent pas d’actualité : « Où suis-je ? Que veut dire : le monde ? Que signifie ce mot ? Qui m’a joué le tour de me plonger dans le grand tout et de m’y laisser maintenant ? Qui suis-je ? Comment suis-je entré dans le monde ? Pourquoi n’ai-je pas été consulté [42]? »

2) Un univers dévalorisé

Il est enfin vide de sens car il n’a plus de valeur. Pour Marx, la pensée la plus criminelle du pire assassin vaut mieux que le monde entier [43].

Et les astres naguère si importants, au point que le reste de l’univers leur était subor­donné, les hommes y compris, sont réduits, par Hegel lui-même, à une éruption de bou­tons lumineux [44]!

Voire, la beauté de ce monde qui avait justifié que les Grecs l’appelle cosmos, est elle-même illusoire : « Le monde a été construit à la va-vite, dit le romancier E. M. Forster, et il se pourrait que la beauté de la montagne, du fleuve et du coucher de soleil ne soient que le vernis avec lequel l’artisan incompétent cache ses craquelures [45] ».

3) Un univers inquiétant

Plus encore, ce monde est inquiétant. Un univers an-éthique et a-théologique, donc déserté de toute présence transcendante, et de surcroît infini en devient insécurisant, voire cauchemardesque. C’est ce que dit Adam Smith : « Pour cette bienveillance univer­selle, au contraire, le seul soupçon d’un monde sans père doit être la plus mélancolique de toutes les réflexions, venues de la pensée qu’il se pourrait que toutes les régions in­connues de l’espace infini et incompréhensible ne fussent remplies de rien d’autre que d’une misère et d’un malheur infinis. Toute la splendeur de la prospérité la plus haute ne pourra jamais éclaircir les ténèbres dont une idée si effrayante doit nécessairement cou­rir l’imagination [46] ». Et Hamann évoque une angoisse non pas anthropologique comme chez Heidegger ou théologique comme chez Kierkegaard, mais cosmique. C’est le monde qui devient source d’anxiété, car elle manifeste notre incommensurabilité, notre différence, notre déliaison, sans nullement nous assurer de l’existence d’une communion : « L’angoisse dans le monde est l’unique preuve de notre hétérogénéité. Car si rien ne nous manquait, nous nous perdrions dans la contemplation de la nature, aucune nostal­gie ne nous saisirait [47] ».

4) Un univers méchant

Enfin, l’univers est même, pour certains, méchant. Déjà, si l’on peut interpréter la gravi­tation comme une attraction amoureuse, on verra que ce n’est pas le cas de l’interpréta­tion dialectique proposée par Hegel et, à sa manière, par Schopenhauer [48]. Et Fontenelle présentera la théorie cartésienne des tourbillons comme un combat : « Chaque monde […] est comme un ballon qui s’étendrait si on le laissait faire ; mais il est aussitôt repoussé par les mondes voisins, et il rentre en lui-même, après quoi il recom­mence à s’enfler, et ainsi de suite […]. J’aime ces ballons qui s’enflent et se défendent à chaque moment, et ces mondes qui se combattent toujours [49] ». Spinoza note un pro­verbe néerlandais : « Les gros poissons mangent les petits [50] ». Au siècle des Lumières, on trouvera la pseudo-philosophie de Sade qui a du moins le mérite de sédimenter une conviction. « Ce n’est que par des forfaits que la nature se maintient et reconquiert les droits que lui enlève la vertu. Nous lui obéissons donc en nous livrant au mal ; notre ré­sistance est le seul crime qu’elle ne doive jamais nous pardonner [51] ». Cette malice tient à deux raisons : la première, synchronique, est le besoin d’équilibre : « Des loups qui mangent des agneaux, des agneaux dévorés par des loups, le fort qui sacrifie le fiable, le faible la victime du fort, voilà la nature, voilà ses vues, voilà ses plans […]. Un univers to­talement harmonieux ne saurait subsister une minute [52] ». La seconde, diachronique, tient à ce que la nature doit commettre des massacres pour faire place nette produire du nouveau : « elle désirait l’anéantissement total des créatures lancées, afin de jouir de la faculté qu’elle a d’en relancer de nouvelles [53] ».

Enfin, au xixe siècle, Darwin fera de la struggle for life la loi fondamentale du vivant et de l’évolution, ainsi qu’on le verra. Sans parler des « crimes » de la nature.

Mais, dira-t-on, la mécanique newtonienne n’est pas à ce point révolutionnaire qu’elle ait nié la régularité naturelle, notamment cosmique. Or, qui dit stabilité, dit paix. Mais c’est cette identité qui est elle-même suspectée et déconstruite : c’est l’ordre lui-même qui, ici, devient le chiffre du malheur. On trouve une page étonnante chez Alfred de Musset, dans un roman autobiographique de 1836 : « Cette grande loi d’attraction qui suspend le monde à sa place, l’use et le ronge dans un désir sans fin ; chaque planète charrie ses misères en gémissant sur son essieu […] ; pas un désordre, tout est réglé, marqué, écrit en lignes d’or et en paraboles de feu ; tout marche au son de la musique céleste sur des sentiers impitoyables, et pour toujours ; et tout cela n’est rien [54] ».

E) Conclusion

Faut-il conclure comme on l’a souvent fait que l’univers galiléo-cartésien, mécaniste est « désenchanté », selon une expression qu’a popularisé Max Weber mais dont il n’est pas l’auteur [55] ?

En fait, le constat de cette nature en rupture avec l’homme n’est pas sans nostalgie. L’écrivain américain Stephen Crane note avec profondeur, prophétisant l’apparition de certains mouvements actuels : « Quand un homme s’aperçoit de ce que la nature ne le considère pas comme important, et qu’elle sent qu’elle ne mutilerait pas l’univers en se débarrassant de lui, il désire d’abrod jeter des briques au temple, et il déteste profondé­ment le fait qu’il n’y a ni briques ni temple. Toute expression visible de la nature serait certainement mitraillée de ses huées. Alors, s’il n’y a rien de tangible à siffler, il ressent peut-être le désir d’affronter une personnification et de s’abaisser à argumenter, en tom­bant sur un genou, en levant des mains suppliantes, et en disant : ‘Oui, mais je m’aime, moi’. Une froide étoile, là-haut, dans une nuit d’hiver, voilà le mot dont il sent qu’il le lui dit [56] ».

Cette nostalgie se fait sous le chiffre de la révolte contre la nature. Mais elle appelle bientôt la réaction panthéiste, voire la fusion qui apparaît alors comme la fille bâtarde, indésirable autant que dissidente, mais l’émanation nécessaire du mécanisme.

Pascal Ide

[1] Michel Tibon-Cornillot, Les corps transfigurés. Mécanisation du vivant et imaginaire de la biologie, Paris, Seuil, 1992, p. 209.

[2] Ibid., p. 232.

[3] William Shakespeare, Troilus et Cressida, Acte I, sc. 3, in Œuvres com­plètes, Ed. Henri Fluchère, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, Gallimard, 1959, tome 2, p. 717. Sur la conception de la nature de Shakespeare, cf. G. D. Bush, Shakespeare and the Natural Condition, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1956.

[4] William Shakespeare, Le marchand de Venise, Acte V, sc. 1, tome 1, p. 1259-1260. Cf. tout l’Acte V.

[5] Emile Bréhier, Histoire de la philosophie, tome II, fasc. 1, Paris, 1929, p. 95.

[6] On retrouve la même idée chez Clive Staples Lewis « Le long usage de ‘monde » pour désigner un objet aussi ordonné et unifié que le kosmos géocentrique alla jusqu’à le disqualifier là où il fallait nommer ce que nous appelons maintenant ‘univers’. Une fois l’ancien monde brisé, nous nous apercevons qu’une connaissance détaillée de la Région de toutes les régions sera pour toujours hors de notre portée. Il nous faut maintenant un mot qui désigne, non pas quelque objet spécifique et imaginable, mais ‘ce que, quoi que ce soit, la totalité peut bien être’, et ‘univers » est un mot de ce genre. De plus, le même processus que celui qui brisa l’ancien modèle imposa à ‘monde’ une signification nouvelle [celle de ‘domaine habité’], laquelle, tant qu’elle dura, rendit impossible qu’on appelât sans de graves inconvénients la totalité ‘le monde’ ». (Studies on Words, Cambridge, Cambridge University Press, 21967, p. 251)

[7] Alexandre Koyré, « Galilée et la révolution scientifique du xviie siècle », in Études d’histoire de la pensée scientifique, coll. « tel », Paris, Gallimard, 1973, p. 196-212, ici p. 197.

[8] Essai critique, Paris, Alcan, 1895, p. 323.

[9] Catherine Chevalley, « Nature et loi dans la philosophie moderne », p. 148.

[10] Introd. de Maurice Clavelin à Galilée, Discours et démonstrations mathématiques concernant deux sciences nouvelles, p. xviii.

[11] René Descartes, Le Monde, AT XI, p. 40.

[12] Cf. Jacques Merleau-Ponty, La science de l’univers à l’âge du positivisme. Étude sur les origines de la cosmologie contemporaine, coll. « L’histoire des sciences. Textes et études », Paris, Vrin, 1983, chap. 1, p. 11-70. Jacques Merleau-Ponty, « Laplace un héros de la science «normale» », in La Recherche, 1979, n° 10, p. 251-258.

[13] Essai philosophique sur les probabilités, 1814, chap. I, coll. « Les maîtres de la pensée scientifique », Paris, Gauthiers-Villars, 1921, p. 3-4. Réimpr. de l’éd. de 1825, coll. « Épistémè », Paris, Bourgois, 1986, p. 32-33.

[14] Comment je vois le monde, trad. Maurice Solovine, Paris, Flammarion, 1979, p. 141.

[15] Georges Canguilhem, La connaissance de la vie, Paris, Vrin, 1971, p. iii.

[16] Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, par une Société de gens de lettres, Neuchâtel, Samuel Faulche, 1765, tome 9, p. 572 et 573, Nouvelle impression en facsimilé de la première édition de 1751-1780, par Stuttgart-Bad Canstatt, Friidrich Frommann Verlag, 1966.

[17] Ibid., p. 580-583, éd. de 1967.

[18] Ibid., p. 581.

[19] Cf. Essai philosophique sur les probabilités, Paris, Bourgois, 1986, p. 32-33.

[20] Correspondance Einstein-Michel Besso, 1903-1955, Paris, Hermann, 1972.

[21] Emile Meyerson, Identité et réalité, p. 241.

[22] L’évolution créatrice, chap. 1, p. 527. Cf. p. 523-527.

[23] L’évolution créatrice, chap. 1, p. 512.

[24] L’évolution créatrice, chap. 1, p. 511.

[25] Ibid., p. 512. Souligné dans le texte.

[26] L’évolution créatrice, in Œuvres, Éd. du Centenaire, André Robinet (éd.), Paris, p.u.f., 1959, p. 526.

[27] Ibid., p. 789.

[28] Ibid., p. 527.

[29] Cf. George Keith Chesterton, Le monde comme il ne va pas, trad. Marie-Odile Fortier-Masek, Paris, Bibliothèque l’Age d’Homme, 1994, p. 131-133.

[30] Trinh Xuan Thuan, Le chaos et l’harmonie, p. 411-412.

[31] Ilya Prigogine et Isabelle Stengers, La nouvelle alliance, p. 130.

[32] Chez les disciples de Jean-Paul Sartre, comme Raymond Polin.

[33] Rémi Brague, La sagesse du monde, p. 142.

[34] Emmanuel Lévinas, « La signification et le sens », in Humanisme de l’autre homme, Montpellier, Fata morgana, 1972, p. 19.

[35] Cf. par exemple Critique de la raison pratique, § 8.

[36] Toute « éthique matériale aboutit nécessairement à siteur en derneir ressort le fondement de toute estimation-axiologique d’ordre éthique dans les tendances égoïstes de la structure-organique-naturelle de l’homme ». (Max Scheler, Le formalisme en éthique et l’éthique matériale des valeurs. Essai nouveau pour fonder un personnalisme éthique, trad. Maurice de Gandillac, Paris, Gallimard, 1955, p. 33)

[37] M. Warnock, « Do Human Cells Have Rights ? », in Bioethics, 1 (1987), p. 2.

[38] Lettre du 4 juin 1790 à Mme de Charrière, citée dans Gustave Rudler, La jeunesse de Benjamin Constant (1767-1794). Le disciple du xviiie siècle. Utilitarisme et pessimisme. Mme de Charrière, Paris, Colin, 1909, p. 376-377.

[39] Cf. René Descartes, Principa Philosophiæ, II, § 56, AT, VIII, p. 108 ; Thomas Hobbes, Leviathan, IV, ch. 46, éd. M. Oakeshott, Blackwell, 1960, p. 444.

[40] Das Göttliche, 1783, § 3. Cf. Mt 5,45.

[41] Gérard de Nerval, Aurélia, IIe partie, iv.

[42] La Reprise, 2e partie, 11 octobre, trad. Nelly Vialaneix, Paris, Garnier-Flammarion, 1990, p. 144.

[43] Selon Paul Lafargue, cité par Hans Blumenberg, Die Genesis der kopernikanischen Welt, 1975, 3 vol., Francfort, Suhrkamp, 1981, p. 89.

[44] Die Naturphilosophie, § 268, Zusatz, éd. H. Glockner, tome IX, p. 118.

[45] Howard’s End, 1910, ch. 26, Londres, Penguin Classics, p. 229.

[46] Adam Smith, Theory of Moral Sentiments, 1759, VIe partie, section ii, ch. 3, § 2, Glasgow ed., tome I, Oxford, Clarendon Press, 1976, p. 235.

[47] Cité par Eichendorff, « Zur Geschichte der neueren romantischen Poesie in Deutschland », § 1, in Sämtliche Werke. Historisch-kritische Ausgabe, VIII-1. Aufsätze zur Literatur, éd. W. Mauser, Regensburg, Habbel, 1962, p. 17-18.

[48] « La tension constante entre force centripète et force centrifuge […] qui maintient en mouvement l’édifice du monde et qui lui-même est déjà une expression de ce combat universel, essentiel à la représentation de la volonté ». (Le monde comme volonté et comme représentation, II, 1, § 27, Sämtliche Werke, Wolfgang von Löneysen (éd.), Stuttgart/ Frankfurt am Main, Suhrkamp, 5 tomes, vol. 1, 1960, p. 220 : trad. Auguste Burdeau, revue et corrigée par Richard Roos, Paris, PUF, 1966, p. 196)

[49] Bernard Le Bovier de Fontenelle, Entretiens sur la pluralité des mondes habités, § 5, 1687, in Œuvres complètes, Paris, Fayard, 1991, tome II, p. 105-106. Souligné par nous.

[50] Tractatus theologico-politicus, XVI, Œuvres complètes, Roland Caillois et al. (éd.), coll. « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, Gallimard, 1954, p. 824. Il semble que Spinoza ait appris ce pro­verbe de Thomas Hobbes (cf. Gilles Deleuze, Cours sur Spinoza, décembre 1980, cité par Julian Ferreyra, L’ontologie du capitalisme chez Gilles Deleuze, Paris, L’Harmattan, 2010, p. 30, note 26).

[51] Juliette, VIe partie, Œuvres complètes, éd. A. Le Brun et Jean-Jacques Pauvert, Paris, Pauvert, 1986-1991, tome IX, p. 578.

[52] La nouvelle Justine, ch. 10, in Œuvres complètes, tome VI, p. 343.

[53] Histoire de Juliette, IVe partie, in Œuvres complètes, tome IX, p. 169.

[54] La Confession d’un enfant du siècle, 1836, éd. D. Leuwers, Paris, Garnier-Flammarion, 1993, V, 6, p. 303 ; sur l’amour et la gravitation, cf. III, 6, p. 160.

[55] Puisque la première occurrence du terme est chez Alfred de Musset qui propose deux synonymes dénégation et désespérance (La Confession d’un enfant du siècle, I, 2, p. 37). Les Anciens auraient parlé d’acédie.

[56] S. Crane, « The Open Boat », 1899, § 6, in The Red Badge of Courage and other Stories, Londres, Penguin, 1983, p. 246-247.

6.7.2021
 

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