Jalons pour une Histoire de la Philosophie de la nature I-9 La crise de l’aristotélisme au XIVe siècle

Chapitre 9

La crise de l’aristotélisme au xive siècle

La philosophie de la nature s’est donc constituée en discipline rigoureuse. Lui manque-t-il de se concrétiser ou de se déployer grâce à une meilleure instrumentation pour qu’advienne la science classique ? Sommes-nous à l’aube de la mécanique galiléo-newtonienne ?

A) Le coup d’envoi la condamnation de 1277

1) Contexte historique

Il faut quelque peu se représenter l’ambiance à Paris dans les années 1270. S’opposent avec virulence deux courants : les conservateurs néo-augustiniens de la fa­culté de théologie et les aristotéliciens radicaux de la faculté des arts [1]. Ceux-ci sont dans le collimateur. Une première condamnation d’Aristote est survenue en 1270 [2]. Gilles de Rome établit une liste des erreurs des païens entre 1270 et 1274 [3], ce qui en dit long sur l’inquiétude de l’Eglise et des théologiens face à l’influence hostile de la philosophie et de la science gréco-arabe. En 1272, Saint Thomas quitte Paris pour Naples (et ne plus revenir puisqu’il mourra le 7 mars 1274, à Fossanova, au sud de Rome, en se rendant au concile de Lyon II) et Bonaventure de retour à Paris fait une sé­rie de conférences, durant le temps pascal de 1273, les Collationes in Hexameron où il s’oppose fortement à l’aristotélisme [4]. Il y a fort à craindre pour les aristotélisants, dont une lecture hâtive et partisane de saint Thomas, pourrait faire croire que celui-ci fait par­tie.

Mais le point culminant va être atteint en 1277. Il n’est pas inutile de rentrer dans le dé­tail. Souvent l’on pense que la condamnation du 7 mars est une réponse à une requête du pape Jean xxi à Etienne Tempier [5]. Les choses sont autrement nuancées. Les échos du conflit succinctement décrit parviennent à Viterbe au nouveau pape, Jean xxi, qui n’est rien d’autre que l’ancien maître de Paris, Pierre d’Espagne. Celui-ci écrit à l’évêque de Paris, Etienne Tempier, le 18 janvier 1277, lui demandant de s’enquérir des per­sonnes et des milieux propageant des erreurs préjudiciables à la foi pour, non pas condamner, mais lui en faire part au plus tôt. On ignore ce que répondit Tempier. En tout cas, il réunit une commission de 16 théologiens qui se mirent aussitôt au travail afin de scruter les thèses suspectes de la faculté des arts. En moins d’un mois, il fut remis à l’évêque de Paris une liste de 219 propositions jugées hétérodoxes. Etienne Tempier, outrepassant la mission de seule information à lui assignée par le pape, procède à la condamnation de ces thèses, le 7 mars 1277 (la date est symbolique, puisque c’est l’an­niversaire de la mort de saint Thomas) [6]. Outrepassant la lettre, certes, mais ne contre­venant pas à son intention, semble-t-il puisque le 28 avril, Jean xxi demande à Etienne Tempier de continuer l’épuration « tant à la faculté des arts qu’à la faculté de théologie [7] ».

Ce décret est d’autant plus important qu’il fut promulgué presque simultanément, préci­sément le 18 mars 1277, par le Robert Kilwardby, archevêque de Canterbury, une condamnation analogue. Il est bon de marquer les différences, tant on a insisté sur la complémentarité des condamnations. D’abord, au plan historique, on ne peut établir de lien puisque la seconde ne fait aucune allusion à la première. Ensuite, quant au contenu, l’intention d’atteindre directement certaines thèses d’inspiration aristotélicienne et tho­miste, comme l’unité de la forme substantielle, apparaît clairement. Enfin, quant aux des­tinataires, alors que Tempier (et la faculté de théologie) s’opposait à la faculté des arts, Kilwardby se fonde sur le consensus de tous les maîtres, régents et non-régents. Aussi, lorsqu’il prendra la succession de Robert Kilwardby, le 18 février 1279, Jean Peckham, le grand adversaire de Thomas [8], n’aura qu’à confirmer la censure de son prédécesseur, ce qu’il fera le 29 octobre 1284 ; de plus, il la complètera de huit nouvelles propositions concernant surtout l’unicité de la forme substantielle, le 30 avril 1286 [9]. Le plus éton­nant dans l’histoire, ce qui en montre la complexité, est que Kilwardby est dominicain !

2) Portée

Quelle fut la portée de ces condamnations ? Sur le plan historique et doctrinal, elle est considérable. Paris et Oxford constituent les deux grands centres intellectuels de l’époque. Sur le plan disciplinaire, les condamnations obligent les défenseurs de ces thèses à se rétracter sous peine d’exclusion de l’université et d’excommunication. Sur le plan magistériel, en revanche, la portée n’est que locale et n’engage en rien le Magistère, ainsi que le montre le détail des événements.

Maintenant, la valeur de ce Syllabus en plein xiiie siècle est des plus discutables : la condamnation fut sévèrement jugée dès sa promulgation. En effet, il englobe autant des thèses hérétiques que des opinions théologiques parfaitement légitimes. De plus, si elle stoppa l’aristotélisme radical à Paris pendant un temps, elle stérilisa tout effort de pensée novateur et indépendant. Comme toute condamnation assortie de peines et toute option unilatéralement conservatrice, elle suscita la crainte donc la restriction mentale. C’est ainsi que cet esprit libre qu’était Godefroid de Fontaines dit ne pas pouvoir se prononcer sur le mode de présence des anges en un lieu par crainte de l’excommunication [10].

3) Le contenu doctrinal en philosophie de la nature

Notre propos est plus limité sur le plan et historique, puisque nous ne nous intéressons pas à la réalité de la condamnation de saint Thomas [11], et doctrinal, puisqu’il concerne non pas l’évolution de la pensée en général mais celle de la seule philosophie de la nature.

En effet, deux des 219 propositions condamnées intéressent tout particulièrement la philosophie de la nature [12].

* Article 34 : « La Cause première ne peut faire plusieurs mondes ».

* Article 49 : « Dieu ne pourrait donner au ciel un mouvement rectiligne, pour cette raison que le ciel, mû de la sorte, laisserait le vide derrière lui ».

En positif, Tempier a donc solennellement proclamé qu’il pouvait exister plusieurs mondes et que l’ensemble des sphères célestes pouvait être animées d’un mouvement rectiligne, sans qu’il y ait contradiction.

Le premier enjeu est théologique. Le décret s’intéresse non pas à ce que Dieu fait, mais à ce qu’il pourrait faire. La question ici posée et l’enjeu sont d’abord théologiques : ici se profile la problématique de la Toute-puissance de Dieu dont on sait l’ampleur qu’elle prendra avec Scot et surtout Occam et aux siècles suivants. L’importance de la notion de toute-puissance est manifeste à deux signes : les condamnations de 1277 comprennent 20 articles sur la toute-puissance divine, soit près du dixième des articles censurés ; de plus, ils sont très dispersés : articles 2, 22, 25, 27, 34, 38, 43, 44, 46, 48 à 50, 53, 54, 56, 60, 63, 96, 141, 147.

Le second enjeu concerne directement la philosophie de la nature. En effet, ces deux assertions, notamment, contreviennent à angle droit, à la physique aristotélicienne (voire au géocentrisme). En conséquence, la discussion au sujet de la toute-puissance divine et son illimitation, son infinité permet de rendre compte de cas théoriques nouveaux que la physique aristotélicienne interdisait de penser.

Précisément, l’article 34 s’attaque à la notion aristotélicienne d’infini. En effet, Tempier estime que Dieu pourrait créer une matière nouvelle donc créer un univers infini. Or, se­lon Aristote, il n’existe pas d’être infiniment grand en acte : le monde, borné par la sphère des étoiles fixes, renferme toute la matière existante ; autrement dit, l’univers est par na­ture fini. L’introduction de l’infiniment grand constitue une réforme de l’aristotélisme. Sont déboutées trois propositions centrales d’Aristote : la perfection du mouvement circulaire, le vide, l’immobilité de la Terre.

L’article 49, quant à lui, interroge le concept de lieu. En effet, Tempier estime que Dieu pourrait imprimer un mouvement de translation à l’univers. Or, selon Aristote, il n’existe pas de lieu hors du monde. De plus, le lieu, selon Aristote, est un contenant du mobile, on doit donc pouvoir le matérialiser par un corps concret : par exemple, un Averroès es­time qu’il doit exister un corps central dans tout mouvement circulaire.

Mais au fond, c’est plus la cosmologie d’Aristote qui est touché que sa philosophie de la nature : ce ne sont pas tant les concepts d’infini et de lieu qui sont ici discrédités que leur application, exagérée sinon erronée, à des questions d’ordre cosmologique.

4) Conséquences historiques

Selon la thèse progressiste classique, caricaturalement présentée par le positivisme de Comte, mais qui traîne toujours dans l’esprit des personnes, dans l’inconscient collectif forgé par la culture classique (Lumières), la science, telle Vénus émergeant de l’onde amère, serait advenue par la lente issue hors de l’obscurantisme médiéval, vers les Lumières rationnelles de la Renaissance.

Plus fine est l’interprétation d’un Pierre Duhem [13] ou d’un Edward Grant [14], selon la­quelle la science est apparue à l’occasion des condamnations parisiennes de 1277 ; celles-ci ont permis son éclosion. Pour Pierre Duhem qui est le premier à avoir tiré une interprétation historique audacieuse de la condamnation de 1277, celle-ci secouait le joug aristotélicien. Or, la science est née de la réaction à l’égard de l’aristotélisme. Cette condamnation est donc l’acte de naissance de la science moderne. Duhem renverse ainsi l’interprétation classique si présente encore dans les esprits, selon laquelle le christianisme est un facteur de régression, retard sinon de rejet de la science. Et il est in­contestable qu’il apporte une moisson impressionnante de faits pour fonder une argu­mentation par ailleurs rigoureuse.

On imagine aisément combien une telle démonstration a rencontré de résistance dans le monde des historiens des sciences. Elle fut largement suspecte d’apologétique. Alexandre Koyré semble avoir fait justice de l’interprétation séduisante de Duhem [15]. Il lui adresse trois critiques principales : a) les condamnations eurent une influence en philosophie et en théologie, mais non en science ; b) les philosophes ont opposé une résistance au décret de Tempier et ne lui ont accordé de l’intérêt que tardivement ; c) les injonctions de l’autorité ecclésiastique sont paradoxales : est-ce Aristote ou l’aristoté­lisme qui est ici visé ? Les formulations de l’évêque de Paris ne sont pas d’une clarté limpide. En plein, pour Koyré à qui Alain de Libéra emboîte le pas, c’est l’influence de la doctrine théologique de la puissance divine, qui a joué un rôle décisif.

On ne saurait nier le rôle joué par la doctrine de la potentia Dei absoluta, ainsi que nous le verrons plus bas. Mais les critiques adressées à Duhem ne sont pas restées sans réponse. D’abord, Koyré n’avait à sa disposition que la formulation fournie par les Études sur Léonard de Vinci de Duhem. La seconde partie du Système du monde ne pa­raîtra qu’après l’article de 1949 ; or, elle contient une argumentation beaucoup plus vaste et précise sur la mutation d’après 1277 : la documentation est pertinente. C’est par exemple ce que montre le médiéviste Guy Beaujouan [16]. Il est donc clair que les scolas­tiques ont su exploiter le décret de Tempier et donc libérer leur spéculation, en la fondant notamment sur la notion de toute-puissance divine. C’est par exemple ce que fera un Buridan, se fondant sur ces condamnations et les indications de Scot et Occam. Incontestablement, on assiste à une progressive refonte des notions fondamentales de la philosophie de la nature : l’infini, le lieu, le temps et le vide.

B) Les préparations d’une nouvelle philosophie de la nature

À plusieurs reprises, Koyré distingue trois étapes qui sont aussi trois types différents de pensée dans l’apparition de la pensée scientifique classique : la physique aristotéli­cienne ; la physique de l’impetus, inaugurée par les Grecs, mais élaborée au xive siècle, par les nominalistes parisiens, notamment Buridan ; et la physique mathématique gali­léenne et cartésienne (ou même archimédienne). C’est dire l’importance du temps inter­médiaire. L’apparition des sciences, dans plus d’un siècle, a supposé en fait un intense labeur de préparation intellectuelle, tant la nouveauté est grande.

En l’espace de deux générations, « la science du mouvement, dit Maurice Clavelin, reçut plus de transformations qu’elle n’en avait subies depuis Aristote, et qu’elle n’en subira jusqu’à Galilée [17] ». Huit penseurs, quatre à Oxford et quatre à Paris seront les artisans de ce renouveau.

Le renouveau commence à Oxford. C’est le retour aux études mathématiques qui pro­voque dès 1320 la définition d’un langage entièrement nouveau pour l’analyse du mou­vement. Le groupe des philosophes et logiciens d’Oxford fut longtemps qualifiés de Mertoniens (du nom du Merton College d’Oxford qui fut un centre particulièrement actif d’étude du mouvement et où la plupart ont enseigné) [18]. Mais les penseurs de l’école oxonienne portent aujourd’hui le nom de calculateurs. En voici les noms : Thomas Bradwardine (vers 1295-1349), Guillaume ou William Heytersbury et Richard Swineshead – au surnom célèbre : le Calculator – et John Dumbleton

L’enseignement des calculateurs est tellement successfull qu’il est recueilli et déve­loppé à Paris. Les quatre penseurs marquants sont ici Jean Buridan et ses trois élèves : Albert de Saxe et Marsile d’Inghen et Nicole Oresme. Partant de là, les écoles oxonienne et parisienne exerceront leur influence sur l’Europe entière jusqu’à l’époque de Galilée.

1) Un nouveau cadre théologique. La théorie de la toute-puissance divine

Ces huit penseurs vont concrétiser sur le terrain de la physique les innovations théolo­giques et logiques des nominalistes ou d’un Scot. La théorie de l’omnipotence divine fut comme la condition de possibilité, la matrice d’apparition des sciences modernes.

En effet, on voit apparaître au xive siècle, la doctrine selon laquelle Dieu peut tout ce qui n’est pas contradictoire, tout ce qui ne comporte pas contradiction. Cette question en en­traîne différentes autres : celle d’un Dieu trompeur, le problème du déterminisme appa­remment inhérent à l’interprétation statistique de la modalité, celui de la possibilité théo­rique d’un concept complet d’individu, celui de la possibilité de l’existence d’un infini en acte et le paradoxe de l’inégalité des infinis [19]. Or, tous ces concepts ont permis l’élabo­ration d’un monde théorique nouveau distinct de l’aristotélisme et permettant de s’ouvrir à une approche scientifique. Plus encore, la potentia Dei absoluta permet d’oser pousser l’analyse et l’examen des questions physiques au-delà du strict observable, de sortir du champ immédiat du sensible et de s’engager dans le champ plus large de ce qui est lo­giquement autorisé. Or, nous le verrons, la science galiléenne, et plus encore, la phy­sique newtonienne, se sont construites sur des expériences fictives : elles ont par exemple fait appel au vide ou à l’espace infini et homogène.

Mais cette transgression heuristique des limites actuelles de l’univers physique est très tôt expérimentée. Par exemple, Richard Swineshead « propose » un corps doté d’un degré de chaleur égal à 1 sur sa première moitié, à 2 sur le quart suivant, à 3 sur le huitième suivant, à 4 sur le seizième suivant, et cela jusqu’à l’infini. Question : quel sera le degré de chaleur de ce corps ? Il suffit à un contemporain de posséder les rudiments de calcul différentiel ou de calcul des limites pour donner la réponse : 2. Or, bien évidemment, le corps qu’imagine Swineshead n’existe pas. On constate ainsi la très grande similitude formelle entre l’expérience fictive qu’il propose et celles qu’élaborera, deux siècles plus tard, un Galilée. Remarquons toutefois qu’à l’opposé de ce dernier, l’expérience imagi­naire élaborée par le « calculateur » ne vise pas à explorer le réel, mais à tester les rela­tions conceptuelles d’un possible logique appartenant à un univers déréalisé ; elle n’est pas une science des réalités empiriques, mais une manière d’élaborer une nouvelle science des essences.

2) Un nouveau cadre opératoire. La mise en place d’un langage mathéma­tique

D’autre part, selon la thèse de John Murdoch [20], le langage des suppositiones élaboré au xive siècle, combiné avec l’ontologie nouvelle issue du nominalisme d’Occam a per­mis une reformulation des problèmes de la philosophie naturelle : les termes abstraits se sont réduits, les propositions se sont épurées. Cette sémantique permet l’émergence d’une nouvelle méthode.

Il existe aussi un projet mathématique spécifique au sein de la scolastique tardive. Le xive siècle élabore un langage quasi-mathématique : l’intention et la rémission des formes, associé aux concepts de degrés et de latitudes formels ; le langage des propor­tions.

En effet, on distingue deux traitements distincts des phénomènes physiques : de re (ou langage objet) et de intentionibus (métalangage). Prenons l’exemple de l’instant du changement. Il est considéré de re, lorsqu’il est traité en termes de premier et de dernier instant de l’être ou du non-être d’un sujet donné ; mais il est considéré de intentionibus lorsqu’on le traite en termes d’opérateurs de changement, comme les termes « commen­cer » ou « finir » (incipit et desinit). Or,

Enfin, la démarche imaginaire des calculateurs fait un pas vers la science mathéma­tique de la nature, en élaborant et en utilisant discursivement un certain nombre d’entités qui n’existent pas dans la nature, comme les points, les lignes, les surface, les instants indivisibles. Or, ces notions auraient été éliminées par le rasoir d’Occam. Aussi, l’école d’Oxford est-elle, là encore, en progrès face à l’ontologie qui sous-tend le nominalisme occamiste.

3) Un nouveau cadre philosophique. Le nominalisme

On ne saurait minimiser l’influence du nominalisme dans le développement de la science, de la technique et de l’actuel regard sur la nature [21]. Telle est du moins l’opi­nion de Louis Bouyer. Suivons le tableau impressionnant – d’autant plus qu’il est résumé en quelques lignes – de l’évolution du regard sur la nature, d’Occam jusqu’à notre siècle [22].

« Dès le xive siècle, les conditions sont présentes, non seulement pour un rejet de la conception chrétienne traditionnelle du monde, mais pour un nihilisme systématique, ou au moins quelque agnosticisme dogmatique, dont l’antiquité païenne, même déclinante, n’avait pas eu la moindre idée. Tout cela est déjà dans la logique immanente du nomi­nalisme d’Occam, et il est difficile de lire ce dernier sans en soupçonner la présence der­rière les surenchères de son théisme verbal. La potentia absoluta qu’il attribue à son Dieu faussement biblique n’est trop évidemment qu’une adoration du chaos sous le nom de Dieu.

« Ceci, cependant, ne se formulera comme le cadre accepté (fût-ce à la dérobée) d’une société d’esprits, et non plus la tentative hésitante d’individus isolés, qu’au xviie siècle commençant, avec ceux qu’on appellera les libertins [23].

« Mais alors, là où la Réforme protestante n’a pas elle-même, par les outrances d’un pseudo-transcendantalisme tout imprégné en fait d’esprit nominaliste, préparé une se­conde vague plus décidée encore que la première d’impiété formelle, la Contre-Réforme du catholicisme, ou plutôt la véritable Réforme catholique, la seule qui ne se borne pas être la négation de négations, semble opposer, pour quelque temps au moins, une digue efficace au déferlement de l’incroyance. Chez les Anglicans et les Luthériens, une ré­forme de la Réforme, elle-même plus réussie dans son propre retour aux sources que le premier essais de ce genre tenté par Calvin, apporte sa pierre à cette reconstruction.

« Mais, au xviiie siècle, la révolution industrielle de l’Angleterre, qui commence à faire tache d’huile sur le continent, après les ruines, aussi bien culturelles que matérielles de la guerre de Trente ans, prête son impetus à une seconde vague du libertinisme qui, sous le nom d’Aufklärung, de philosophie des lumières, paraîtra tout emporter de ce qui restait d’âme à une chrétienté qui ne fait plus guère que se survivre.

« Au xixe siècle, avec le romantisme allemand, préparé par le piétisme de la fin du xviiie siècle, un reflux chrétien pourtant s’annonce, d’une bien plus vaste ampleur à première vue que celui du xviie. Il est douteux, toutefois, qu’il en ait les sources profondes. Il faudra donc attendre le xxe siècle largement entamé pour qu’entremêle sa rumeur aux clameurs d’un nihilisme moins frénétique que débridé ce qu’on a appelé «a return of Angels [24]» : un retour des Anges », ce que l’on appellerait aujourd’hui le Nouvel Age.

C) Exposé général de la nouvelle physique

Double est l’intérêt de la scolastique pour la théorie du mouvement :

  1. Le premier est cinématique : la quantification du mouvement [25]. Elle est présente tant chez les Mertoniens que chez un Nicole Oresme, notamment dans son traité majeur, le Tractatus de configurationibus qualitatum et motuum [26].
  2. Le second est dynamique : l’étude des causes du mouvement. La théorie la plus cé­lèbre et la plus importante est celle de l’impetus. Il n’empêche que certains auteurs ont eu recours à l’action à distance [27].

Clavelin étudie systématiquement leur apport quant aux différents points de vue distin­gués avant : le mouvement en ses effets, en ses cause (motrices) et en son fondement cosmologique.

1) Le mouvement quant à ses effets

Les auteurs du xive siècle s’intéresse au mouvement en sa vitesse et « le succès de leur entreprise sera tel que l’analyse quoad effectus va rapidement dépasser en importance et en significations l’analyse quoad causas. À l’origine de cette réussite un double pro­grès : la conceptualisation de la vitesse par le biais de son assimilation à une grandeur intensive sur les bases ainsi définies, la construction d’une étude du mouvement dans son déroulement spatio-temporel [28] ».

2) Le mouvement quant à ses causes

On le sait, pour Aristote, le mouvement d’un projectile est dû au mouvement de l’air qui le porte. La cause du mouvement est donc extérieure à ce projectile. Ici sont mis en jeu au maximum les deux axiomes de contact et d’extériorité, caractéristiques de la cosmo­logie aristotélicienne. Soucieux des faits, les hommes du xive siècle, vont critiquer cette théorie d’Aristote, d’abord quant aux mouvements violents, mais aussi quant aux mou­vements naturels.

D) La philosophie de la nature d’Oxford. La théorie des latitudines

Les nominalistes parisiens ne sont pas les seuls philosophes de la nature et scienti­fiques de l’époque médiévale. Il ne faudrait pas oublier les philosophes du Merton College. Leur principal apport concerne la quantification des qualités, surtout la vitesse du mouvement [29]. Loin de restituer le processus de composition des vitesses dans les mouvements non uniformes, la théorie des latitudines permet seulement de classer les principaux types de variations affectant la qualité du mouvement. La latitudo des Oxfordiens pas plus que la velocitatio d’un Nicole Oresme ne s’identifient à la différence entre deux grandeurs instantanées successives de la vitesse, mais seulement la manière dont varie l’intensité de la vitesse à intervalles égaux.

Par exemple, à la définition aristotélicienne classique du mouvement, Thomas Bradwardine a substitué une définition ou plutôt une formule exprimant la vitesse en fonction de la distance et du temps [30].

E) La philosophie de la nature des Parisiens. La théorie de l’impetus chez Jean Buridan

Double est l’école nominaliste, parisienne et oxfordienne. Dans la première s’est sur­tout illustré Jean Buridan qui mérite plus la célébrité pour sa théorie de l’impetus que pour son âne. Le premier à s’être intéressé de près à Buridan est Pierre Duhem dans son Système du monde. Des études récentes ont actualisé, précisé l’apport de Duhem. [31]

1) Étude des mouvements violents [32]

a) Critique d’Aristote

Ces critiques sont classiques et ont été énoncées, rappelons-nous, dès l’époque d’Aristote. En voici quelques-unes parmi beaucoup.

– Arguments logiques : d’une part, pourquoi, dans un mouvement de projection, l’air et non le mobile, a-t-il le pouvoir de se mouvoir, chaque partie contiguë communiquant son mouvement à la partie contiguë ? d’autre part, comment concilier la résistance de l’air et son rôle moteur ?

– Arguments physiques : une meule et une toupie ne cessent pas de tourner quand on les isole de l’air ambiant. De plus, pourquoi l’air mû par la main ne vient-il pas nous heurter aussi brutalement que le projectile lancé avec la même force ?

b) La théorie de l’impetus

En positif, le grand apport de Buridan est la fameuse théorie de l’impetus. Les travaux de A. Maier montrent qu’il existe chez saint Thomas l’idée d’une vis impulsus proincentis proche de l’idée de l’impetus. [33]

Il s’agit de la fameuse théorie de l’impetus [34]. En un mot, la théorie de Buridan trans­fère au mobile la capacité de mouvoir qu’Aristote attribuait au milieu, précisément à l’air : il intériorise donc le mouvement.

Lisons Buridan traduit par Duhem : « Tandis que le moteur meut le mobile, il lui imprime un certain impetus, une certaine puissance capable de mouvoir dans la direction même où le moteur meut le mobile, que ce soit vers le haut, vers le bas, ou de côté, ou circulai­rement. Plus grande est la vitesse avec laquelle le moteur meut le mobile, plus puissant est l’impetus qu’il imprime en lui. C’est cet impetus qui meut la pierre après que celui qui la lance a cessé de la mouvoir ; mais par la résistance de l’air et aussi par la pesanteur qui incline la pierre à se mouvoir en un sens contraire à celui vers lequel l’impetus a puissance de mouvoir, cet impetus s’affaiblit continuellement ; dès lors le mouvement de la pierre se ralentit sans cesse : cet impetus finit par être vaincu et détruit à tel point que la gravité l’emporte sur lui, et désormais meut la pierre vers son lieu naturel ».

L’impetus est donc une certaine détermination, ou qualité incorporée dans le mobile par le moteur, ce qui est donc compatible avec la primauté du moteur sur le mobile et avec la doctrine de la communication de l’acte. Par l’impetus, le mouvement violent peut avoir lieu, tant qu’il est supérieur à la résistance de l’air et à la gravité.

Buridan a opéré un autre apport, au moins aussi important : il a attribué sans équivoque l’accélération des graves non pas à la proximité croissante du centre du Monde (ce qui n’est pas identiquement l’attraction exercée par ce centre), mais à l’éloignement à l’égard du point de départ : « au fur et à mesure que le poids continue à descendre son mouvement devient de plus en plus rapide parce qu’en continuant à descendre, il s’éloigne de plus en plus du point à partir duquel il a commencé à se mouvoir [35] ». Or, jusqu’à Buridan, toutes les conceptions avaient toujours privilégié le point de départ. Buridan, de manière originale, préparait donc l’abandon de la notion aristotélicienne si prégnante des lieux naturels et, en positif, la juste compréhension de la chute des graves en termes seulement physiques et non plus ontologiques.

Cette théorie est féconde et exerça un puissant attrait sur les disciples de Buridan : elle explique quantité de mouvements demeurés mystérieux avant : celui de la toupie ou de la meule ou des cordes de la cithare lorsque la main qui les a mises en branle les a quittées.

Albert de Saxe, disciple de Buridan, va confirmer et développer ses analyses. En effet, Buridan ne s’est pas interrogé sur le processus d’accroissement de la vitesse. Or, Albert de Saxe s’interroge notamment sur la variable indépendante à partir de laquel il faut comprendre ce changement de célérité. Deux hypothèses s’offrent : l’espace ou le temps. Albert opte pour l’espace : « Quand un certain espace est parcouru, le mouvement a une certaine intensité ; quand un espace double a été parcouru, la vitesse est double ; quand l’espace parcouru est triple, elle est triple, et ainsi de suite [36] ».

Ce choix est malheureux car il interdit une description correcte du mouvement de chute : il s’agit, nous le savons d’un mouvement uniformément difforme, dans le vocabulaire des géomètres de l’époque ; mais c’est en prenant le temps, non l’espace, qu’on peut arriver à le mesurer.

Pourquoi Albert de Saxe a-t-il fait cette option ? Sans doute est-elle liée à la persis­tance de la représentation aristotélicienne du monde ; or, ce modèle impose le Monde comme terme naturel du mouvement des corps lourds, de sorte que l’espace présente un privilège spontané. On s’en étonnera, étant donné les acquis de la science mécanique ; mais c’est oublier que tous les auteurs de la Renaissance s’accorderont sur la même er­reur, à l’exception peut-être de Dominique Soto [37]. Il n’est pas jusqu’au Galilée des œuvres de jeunesse qui ait exploré la même voie, avec insuccès, en attendant qu’il trouve la solution en 1604 et, de manière définitive, dans les Discorsi.

2) Étude des mouvements naturels [38]

Mais Buridan va de plus étendre sa théorie de l’impetus aux mouvements naturels. En effet, ces mouvements posent deux problèmes : celui de leur cause motrice et celui de leur accélération qui doit être proportionnelle à l’augmentation de la force motrice.

Pour le premier point, l’impetus a montré que la force est interne et non pas externe au mobile.

Pour le second point, Buridan imagine que la force de gravité engendre d’instant en instant dans le mobile une force complémentaire ou impetus qui renforce continuelle­ment la puissance de l’impetus. Buridan écrit : « Il faut imaginer que par l’effet de son mo­teur principal, c’est-à-dire de sa gravité, un grave acquiert non seulement du mouvement, mais encore un certain impetus, et cela grâce au mouvement même qui le meut avec sa gravité permanente […] Ainsi au début le grave est-il mû par sa seule gravité naturelle, et, pour cette raison se meut lentement ; puis il est mû en même temps par la gravité et par l’impetus acquis, et, pour cette raison, se meut plus vite ; et comme le mouvement de vient plus rapide, de son côté l’impetus devient de plus en plus grand, si bien que le grave, mû en même temps par sa gravité naturelle et par un impetus plus grand, se meut encore plus rapidement et accélère ainsi continuellement son mouvement jusqu’à la fin ».

3) Importance historique

L’influence de l’étude des mouvements violents par Buridan fut considérable : « A la fin du xive siècle et au début du xve, Piagio de Parme est le propagateur du buridanisme, et cette doctrine parvint à Cracovie via Prague. Au xve siècle, le centre de Paris souffre d’une crise intellectuelle profonde, et c’est en Italie que les conceptions de la «nouvelle physique» agissent le plus fortement : après une longe hésitation, Paolo de Venise se prononce en sa faveur : il en dit que «c’est une opinion moderne qui est aujourd’hui communément acceptée» ».

Par ailleurs, toujours selon Swiezawski, « l’explication de tout mouvement par la théorie de l’impetus amena de nombreux érudits à rejeter la preuve thomiste de l’existence de Dieu appelée ex motu », la première voie. Mais Prokopowicz remarque que ce rejet est lié à « la confusion entre les conceptions physique et métaphysique du mouvement [39] ».

Pour Duhem, cette théorie de Buridan est vraiment le point de départ de la modernité scientifique. Il y a continuité entre l’impetus et certains concepts majeurs de la physique classique quand on le considère seulement comme une force motrice imprimée dans le mobile allant s’affaiblissant pour des causes extérieures. Plus que cela, pour Duhem, l’impetus présent dans le mobile est doublement proportionnel et à la vitesse du moteur et à la quantité de matière que le mobile recèle. Buridan confond donc quantité de mou­vement (impulsion) et énergie cinétique (ou force vive), mais on y trouve en germe la théorie galiléenne de l’impeto et ce que Descartes appellera la quantité de mouvement.

Cependant Clavelin conteste l’interprétation de Duhem [40]. Celle-ci est sujette à une critique décisive. Le mouvement ne peut avoir un effet dynamique, tant que l’on n’a pas découvert l’inertie, c’est-à-dire que la matière est indifférente au mouvement et au repos. Or, pour Buridan, fidèle à Aristote, la matière est inclinée au mouvement. La consé­quence en est d’ailleurs qu’il conserve la distinction entre mouvement naturel et violent : lorsque l’impetus vient à disparaître, le mouvement violent se transforme en mouvement naturel de chute.

4) Conclusion

Le bilan négatif est connu. La théorie est ingénieuse. Mais elle ne tient pas. Le mou­vement n’est pas totalement autonomisé. « Le sens commun suffit à nous enseigner que si le projectile continue à se mouvoir quelque temps après qu’il a quitté notre main, s’il peut ébranler les obstacles qu’il frappe, il n’en faut pas chercher le principe hors de lui, mais en lui ; le sens commun suffit à nous apprendre qu’en lançant le projectile, nous n’y avons rien infusé de corporel ; le sens commun nous découvre donc cette puissance par laquelle le projectile persiste dans son mouvement et reste apte à le communiquer. […] Cette puissance motrice, le sens commun la compare à une force, telle que le poids d’un corps, parce qu’il rassemble dans l’idée confuse et sous le nom mal défini de force tout ce qui détermine ou favorise un mouvement. La Mécanique viendra plus tard montrer que cette puissance n’est, en rien, comparable à une force, qu’elle est un concept d’autre nature [41] ».

Dubarle précise la critique. Certes, l’intuition positive est là. Mais l’explication demeure particulière et verbale, qualitative et sans rigueur. Pour dépasser ces limites, la seule manière est de mathématiser et de comprendre de manière explicative ce qui se produit dans les mouvements se déroulant en ambiance terrestre. Mais deux prémisses de bon sens bloquent ce progrès vers une vision quantitative : « La première est que le mouve­ment se laisse décrire par rapport à des corps de référence qui ont une signification cosmique intrinsèque : la Terre, centre du monde ; la voûte céleste, centrée sur ce centre du monde. La seconde c’est que tout mouvement, lorsqu’il a lieu, doit se percevoir ; il est quelque chose d’absolu, tellement qu’on ne saurait admettre que l’on puisse se retrouver en mouvement sans s’en rendre compte ». Tel va être le gros effort intellectuel à fournir par les siècles à venir et surtout, car rien n’est passif dans la vie de l’esprit, par une per­sonne : Galilée : « la liquidation de ces persuasions spontanées [42] ».

Mais il ne faudrait pas nier le grand apport positif de la théorie de l’impetus qui est l’intériorisation de la force dans le mobile. « Le milieu, dans la physique aristotélicienne, joue un rôle double ; il est à la fois, résistance et moteur : la physique de l’impetus nie l’action motrice du milieu [43] ». En ce sens, cette théorie constitue une étape vers la dé­couverte de la loi d’inertie (du moins selon la perspective continuiste de Duhem). On pourrait dire que le passage de la théorie aristotélicienne du mouvement à la théorie scientifique classique s’effectue en trois étapes :

 

Modèle aristotélicien

Le moteur est totalement extrinsèque au mobile.

Modèle de l’impetus

(théorie de Buridan)

Le moteur est partiellement extérieur et partiellement in­tériorisé dans le mobile.

Modèle de la loi d’inertie

(science classique)

Le moteur (c’est-à-dire le principe du mouvement) est totalement interne au mobile, au corps mû.

 

Enfin, contrairement à ce qu’affirment Clavelin et beaucoup d’autres, cette vérité réfute la théorie aristotélicienne de la mécanique, mais non la doctrine de l’acte et de la puis­sance.

Pascal Ide

[1] Pour une présentation rapide par un bon spécialiste de Siger de Brabant, cf. Fernand van Steenberghen, La philosophie au xiiie siècle, coll. « Philosophes médiévaux » n° 28, Louvain, 21191, p. 414-422.

[2] Cf. Edouard Henri Weber, L’homme en discussion à l’Université de Paris en 1270, Paris, Vrin, 1970 et John F. Wippel, « The Condemnation of 1270 and 1277 at Paris », Journal of Medieval and Renaissance Studies, 7, 1977, p. 169-201. Mais ces deux études ignorent les travaux de Hissette et Bianchi cités après.

[3] Gilles de Rome, Errores philosophorum, trad. J. O. Ridel, éd. J. Koch, Milwaukee, Marquette University Press, 1944. Texte latin et traduction anglaise.

[4] Cf. le remarquable exposé de Joseph Ratzinger dans La théologie de l’histoire de saint Bonaventure, trad., coll. « Théologiques », Paris, PUF, 988, p. 153-182.

[5] La condamnation de Tempier suscite toujours une abondante littérature, non dénuée d’anachronisme. Cf. par exemple, en français, Jacques Le Goff, Les intellectuels au Moyen Age, coll. « Points Histoire » n° 78, Paris, Seuil, 1985. Alain de Libéra, Penser au Moyen Age, Paris, 1991.

[6] Sur le texte latin de la condamnation, cf. Roland Hissette, Enquête sur les articles condamnés à Paris le 7 mars 1277, coll. « Philosophes médiévaux » n° 22, Louvain, Publications universitaires, 1977. Sur le rôle général de la condamnation, cf. Luca Bianchi, Il vescovo e i filosofi la condanna parigina del 1277 e l’evoluzione dell’aristotelismo scolastico, Bergame, Pierluigi Lubrina, 1990.

[7] Cf. le texte édité par A. Callebaut, « Jean Peckham o.f.m. et l’augustinisme. Aperçus historiques (1263-1285) » Archivum franciscanum historicum, Rome, Quaracchi et Grottaferata, 18 (1925); p. 441-472, ici p. 458-461.

[8] Cf., dans la perspective de Peckham, cf. T. Crowley, « John Peckham, o.f.m., Archbishop of Canterbury, versus the New Aristotelianism », Bulletin of the J. Rylands Library 33 (1950), p. 241-255.

[9] Cf. le texte de P. Glorieux, « Comment les thèses thomistes furent proscrites à Oxford », Revue thomiste n° 32, 1927, p. 259-291. Cf. surtout D. A. Callus, The Condemnation of St Thomas at Oxford, coll. « The Aquinas Society of London, Aquinas Paper » n° 5, Londres, 1955. Ancien mais toujours éclairant exposé des enjeux philosophico-théologiques.

[10] Cf. Quodl., XIII, 4, coll. « Les philosophes belges » n° 5, 1935, p. 221. Cf. P. Glorieux, art. « Tempier », in Dictionnaire de Théologie Catholique, Pairs, Letouzey & Ané, tome 15, 1946, col. 104.

[11] Depuis l’origine, jusqu’à il y a peu de temps, on pensait qu’à l’instar de la condamnation oxfordienne, celle de Paris sinon visait, du moins englobait la doctrine de l’Aquinate, notamment deux de ses thèses l’unicité de la forme substantielle en l’homme et l’impossibilité pour Dieu de créer une matière sans forme. D’ailleurs, selon Pekham, Thomas s’opposait directement à Tempier sur ces deux points. Or, étrangement, on ne retrouve nullement ces deux propositions dans les 219 articles condamnés. Faut-il donc en conclure avec Roland Hissette que si, de facto, Thomas se trouve touché, il ne l’était pas dans l’intention ? (outre l’ouvrage ci-dessus, cf. « Etienne Tempier et ses condamnations », Recherches de Théologie Ancienne et Médiévale, 47 (1980), p. 231-270 ; et, tout récemment, « Note sur le syllabus ‘antirationaliste’ du 7 mars 1277 », Revue Philosophique de Louvain, 88 (1990), p. 404-416). En tout cas, à partir de 1285, le pape Honorius IV renvoie la décision des litiges non seulement à Paris mais aux maîtres de la faculté de théologie (et pas à l’évêque), ce qui signifie qu’il considère le débat comme une question d’école. La réhabilitation de Gilles de Rome en 1285 était la première étape d’un processus conduisant à une réhabilitation complète de saint Thomas.

[12] Chartularium Universitatis Parisiensis, I. Éd. Denifle-Châtelain, Paris, 1885, p. 545.

[13] Cf. John E. Murdoch, « Pierre Duhem and the History of Late Medieval Science and Philosophy in the Latin West », in Rudolf Imbach et A. Maieru (éd.), Gli Studi di Filosofia Medievale fra Otto e Novencento. Contributo a un bilancio storiografico, Actes du congrès international de Rome, 21-23 septembre 1989, Rome, 1991, p. 253-302.

[14] Edward A. Grant (éd.), A Source Book in Medieval Science, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1974. Pour ce qui concerne la science et la philosophie de la nature, cf. p. 45-50. Id., « The condemnation of 1277. God’s Absolute Power and Physical Thought in the Late Middle Ages », in Viator 10 (1979), p. 211-244.

[15] « Le vide et l’espace infini au xive siècle » (1949), in Études d’histoire de la pensée philosophique, Paris, Gallimard, 1971, p.

[16] « Compte rendu du Système du monde, t. VII et VIII », in Romania, t. 316, 1958 et « Alexandre Koyré, l’évêque Tempier et les censures de 1277 », in History and Technology, vol. 4, 1987.

[17] Maurice Clavelin, La philosophie naturelle de Galilée, p. 75. La note 4 donne les références bibliographiques pour ces différents auteurs.

[18] Sur l’histoire de l’université d’Oxford, l’étude qui fait autorité est celle d’Alan B. Cobban, The Medieval English Universities, Oxford and Cambridge to c. 1500, Berkeley, University of California Press, 1988.

[19] Cf. Alain de Libéra, La philosophie médiévale, p. 61.

[20] John E. Murdoch et Edith Sylla (éd.), The Cultural Context of Medieval Learning, Dordrecht, Reidel, 1975.

[21] Sur la philosophie de la nature de Guillaume d’Occam, cf. André Goddu, The Physics of William of Ockam, Leyde, Brill, 1984.

[22] Louis Bouyer, Cosmos. Le monde et la gloire de Dieu, Paris, Le Cerf, 1982, p. 217 à 219.

[23] Et de renvoyer à l’ouvrage de René Pintard, Le libertinage érudit dans la première moitié du xviie siècle, Paris, 1943.

[24] Faisant allusion à l’ouvrage de Peter Berger, A Rumor of Angels, Hardmonsworth, 1971 ; cf. aussi James Hitchcock, The Recovery of the Sacred, New York, 1974.

[25] Sur l’étude de la cinématique médiévale, cf. Marshall Clagett, Science of Mechanics in the Middle Ages, Madison (Wisconsin), University of Wisconsin Press, 1959, II, p. 163-418

[26] Trad. et commentaire par Marshall Clagett, Nicole Oresme and the Medieval Geometry of Qualities and Motions. À tretise on the Uniformity and Difformity of Intensities kwnon as Tractatus de configuratione qualitatum et motuum, Madison (Wisconsin), University of Wisconsin Press, 1968. Sur les relations entre Oresme et Aristote, cf. David Sherry, « On Instantaneous Velocity », in History of Philosophy Quarterly, 3, 1986, p. 391-406.

[27] Sur la position d’Occam à ce propos, cf. André Goddu, « William’s of Ockam’s arguments for Action at a Distance », in Franciscan Studies, 44, 1984, p. 227-244.

[28] Ibid., p. 77.

[29] Cf. notamment Edtih D. Sylla, « Medieval Quantifications of Qualities the Merton School », in Archive for the History of Exact Sciences, 8, 1971, p. 1-51 ; « Mathematical Physics and Imagination in the Work of the Oxford Calculators Roger Swineshead’s On Natural Motions », in Edward A. Grant et James E. Murdoch, Mathematics and its applications to Science and Natural Philosophy in the Middle Ages. Essays in Honor of Marshall Clagett, Cambridge University Press, 1987. Le même auteur montre les implications théologiques « Autonomous and Handmaiden Science St Thomas Aquinas and William of Ockham on the Physics of the Eucharist », in John E. Murdoch et Edith D. Sylla (éd.), The Cultural Context of Medieval Learning, p. 349-396 ; « Godfrey of Fontaines on Motion with Respect tu Quantity of the Eucharist », in A. Maieru et A. Paravicini Bagliani, Studi sul xiv secolo in memoria di Annelise Maier, Rome, Storia et Letteratura, 1981, p. 105-141.

[30] Cf. James Wheisheipl, The Development of Physical Theory in the Middle Ages, Ann Arbor, 21971, p. 75s.

[31] Cf. Allan Franklin, The Principle of Inertia in the Middle Ages, Boudler (col.), Associated University Press, 1976 ; A. Funkenstein, « Somes Remarks on the Concept of Impetus and the Determination of Simple Motion », in Viator, 2, 1971, p. 329-348 ; Wallace, 1981a ; Johannes Fritsche, « Zur Entstehung der Impetustheorie in der Scholastik », in Friedrich Rapp et Hans Werner Schütt (éd.), Begriffswandel und Erkenntnisfortschrift in den Erfahrungwissenschaften, Berlin, Technische Univ., 1987, p. 149-179.

[32] Pierre Duhem, Système du monde, tome 8, p. 103 à 107.

[33] Cf. Melle. Anneliese Maier, Zwei Grundprobleme der scholastischen Naturphilosophie. Das Problem der intensiven Grösse. Die Impetustheorie, 2 Aufl., Roma, 1951, p. 300.

[34] Elle est exposée dans ses Quaestiones super octo Physicorum libros Aristotelis, 12e question du Livre VIII. Cf. la traduction de Pierre Duhem, Système du monde, tome VIII, p. 203 à 205.

[35] Pierre Duhem, Système du monde, tome 8, p. 281.

[36] Ibid., p. 295.

[37] Cf. Pierre Duhem, Études sur Léonard de Vinci, III, p. 267 et 555-558.

[38] Maurice Clavelin, La philosophie naturelle de Galilée, p. 107.

[39] Stefan Swiezawski, Histoire de la philosophie européenne au xve siècle, adaptée par Mariusz Prokopowicz, trad., Paris, Beauchesne, 1990, p. 100 à 103, en particulier p. 102 et 103.

[40] Maurice Clavelin, La philosophie naturelle de Galilée, p. 105 à 107.

[41] Pierre Duhem, Le système du monde. Histoire des doctrines cosmologiques de Platon à Copernic, Paris, Hermann, tome 1, nouveau tirage, 1988, p. 384.

[42] Dominique Dubarle, « Galilée et la mécanique », in Collectif, Galilée. Aspects de sa vie et de son œuvre, Paris, p.u.f., 1968, p. 252-276, ici p. 261.

[43] Alexandre Koyré, p. 52.

19.4.2021
 

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