Jalons pour une Histoire de la Philosophie de la nature I-2bis Les présocratiques

D) Entre approche physique et approche métaphysique de la nature

Jusqu’à maintenant, il y a une réalité importante, et par certains côtés, première, dans la réalité naturelle, qui fut laissée de côté, dont on a cherché directement l’explication, je veux parler du mouvement. On peut généraliser. À cette considération physique se joint une considération métaphysique qui est comme son correspondant, à savoir la question de l’identité et de la différence, autrement dit de l’unité et du multiple. En effet, le mouve­ment est un passage de ce qui n’est pas à ce qui est : par exemple l’apparition de la vie.

J’adopte ici la perspective plus aristotélicienne battue en brèche par les historiens de la philosophie et par Heidegger qui parle du « non-sens selon lequel la philosophie du premier [Parménide] serait une doctrine de l’être, et celle du second [Héraclite] une doc­trine du devenir [1] ».

Aussi au cinquième siècle va s’instaurer toute une discussion autour de la question plus physique du mouvement et plus métaphysique de l’unité-pluralité.

1) Une transition : Empédocle d’Agrigente

Pour Aristote, Empédocle est le découvreur, avec Anaxagore, de la cause efficiente. En effet, nous nous sommes interrogés sur la nature de la nature. Mais il demeure une question qui n’a pas été posée. Après celle du mouvement, il demeure celle de la cause motrice du mouvement. La situation est bloquée entre Éphésiens et Éléates et il faut re­lancer la discussion, la réflexion philosophique qui risquerait de s’enliser dans un débat stérile. Deux hommes, l’un, Grec d’Agrigente, en Sicile, de vingt ans le cadet de Parménide, s’appelle Empédocle et l’autre, de situation opposée, puisqu’il est du nord de la côté ionienne, Anaxagore, est de Clazomène, vont tenter de réconcilier Héraclite et Parménide, en abordant la question inévitable : « Qu’est-ce qui donne du mouvement aux choses ? »

Cette interprétation est, tous les commentateurs actuels le reconnaissent, extrêmement réductrice. Empédocle est un philosophe important [2]. Deux signes : présocratique le plus cité après Démocrite, il est celui dont on possède le plus de témoignages et de fragments ; nombreux sont les modernes à s’être penchés sur lui (Hölderlin, Nietzsche, Heidegger, notamment). De plus, le personnage est auréolé par la légende : le philosophe, cham­pion olympique, démocrate et thaumaturge, a de quoi séduire.

Je ne traiterai ici que de son œuvre intitulée Peri Physéos, non des Catharmes (Les purifications) : ces deux poèmes cherchent la vérité, mais le premier dans une perspective plus théorique, plus contemplative, le second dans une perspective plus pratique, éthique ou, pour reprendre la fameuse distinction de la Critique de la Faculté de Juger : le premier opère par juge­ment déterminants et le seconde par jugements réfléchissants.

a) Les sources

Aétius nous laisse un résumé le plus simple que l’on puisse imaginer des principaux apports d’Empédocle d’Agrigente. Il dit que : « d’une part, l’Un [qui est « sphérique, éternel et immobile »] est la nécessité ; d’autre part sa matière est constituée par les éléments [le feu, l’eau, l’éther et la terre] ; et ses formes par la Haine et l’Amitié [3] ». Le monde se constitue par le mélange. Est-ce si simple ?

En fait, il est difficile de cerner la pensée d’Empédocle, tant les fragments interdisent de trancher de manière ferme : comme les pythagoriciens, il croit en la métempsychose (l’âme souillée erre pendant trois fois dix mille saisons loin des bienheureux) ; mais n’est-il pas plutôt un précurseur des atomistes par son mécanisme (il élimine toute cau­salité finale, Lucrèce a beaucoup admiré Empédocle, il a décomposé les quatre élé­ments en particules primitives [4]) ? ou bien, enfin, serait-il un naturaliste matérialiste ori­ginal ? Bref, Empédocle semble osciller entre les trois grandes traditions physiciennes.

Empédocle ne semble pas pythagoricien : certes, il a été formé au pythagorisme, il a connu le thème de la transmigration des âmes [5]. Mais il serait périlleux d’établir une cor­respondance entre l’Un et la dyade fondatrice et ce qu’Empédocle dit du couple Haine et Amitié.

En réalité, on l’a dit, la pensée de l’Un semble première chez Empédocle, ce qui le rat­tache à l’école éléate. Comme Parménide et Anaxagore, Empédocle a rencontré la question de savoir comment l’Un se fait multiple, le même devient autre.

Empédocle est un éléate. Est-ce en songeant aux héraclitéens qu’il écrit : « Les insensés ! Oui, leur vue, je le vois, est bien courte, / puisqu’ils forgent l’idée qu’un non-étant pour­rait / à l’être parvenir, ou bien que quelque chose / pourrait bien en mourant tout entier disparaître [6] ». « Ainsi du non-étant rien ne peut naître un jour ; / que l’étant soit détruit, cela ne veut rien dire / et heurte la pensée ; car il sera toujours / là, quel que soit l’endroit où l’on veuille le mettre [7] ».

Mais c’est un éléate modéré. En effet, les sens sont le fondement de toute évidence : en cela, Empédocle est un naturaliste.

b) L’invention des quatre éléments

Les sens fondent la connaissance. Or, ceux-ci nous montrent l’existence de quatre élé­ments : l’eau, la terre, l’air et le feu. Mais l’intuition parménidienne demande l’immutabi­lité de l’être, et refuse le non-être, donc la transmutation d’une espèce dans une autre. Ces éléments sont donc éternels et incorruptibles. Ainsi Empédocle est l’auteur de cette si célèbre quadripartition des éléments : « il fut le premier à reconnaître quatre éléments de nature matérielle [8] ». H. Diels lui-même a renoncé à citer tous les témoignages en fa­veur de cette invention qui, avec celle de la rhétorique, a valu à Empédocle, une posté­rité immortelle.

c) L’amour et la haine

En conséquence, le changement est l’arrangement des éléments. Mais quelle est la cause de ces différents arrangements ? En effet, le Pseudo-Plutarque dit de l’Amitié et de la Haine qu’elles sont « cause de ceux-ci », c’est-à-dire des quatre éléments [9].

Cette question d’apparence anodine est un nouveau pas de géant franchi par la pen­sée grecque. En effet, il est bien d’affirmer comme l’ont fait tous ses prédécesseurs que vie et mort, naissance et corruption viennent d’un mouvement, d’une décomposition ou d’une recomposition des éléments, de leur association et de leur dissociation. Or, telle est la question que, le premier, Empédocle pose. Mais cela laisse intacte la question de l’origine de ces changements. Ce sont deux forces, l’Amitié et la Haine :

 

« Ce combat de deux forces est rendu visible / par l’ensemble des parties du corps humain : tantôt / l’Amour les rassemble en un Un, / quand s’épanouit la fleur de la vie ; / tantôt, au contraire, séparées par l’odieuse Discorde, / elles errent chacune de leur côté, aux confins de la vie et de la mort [10] ».

 

Lisons une partie d’un fragment restitué :

 

« Quand au plus profond du tourbillon

La Haine fut tombée, que l’Amour atteignit

Le centre du remous, les éléments alors

De concourir en lui, tous pour faire un seul Un,

Non pas tous sur le champ, mais avec réflexion,

Venant qui d’un côté et qui venant de l’autre.

Des éléments aussi mélangés s’écoulèrent

Des milliers et milliers de races de mortels,

Mais de nombreux objets restèrent non mêlés,

Séparés à côté des choses mélangées,

Tous ceux que Haine encore en suspens retenait.

Car elle ne s’était pas encore, sans reproche,

Retirée jusqu’aux bords extrêmes du cercle ;

Ici dans les membres, et là

Elle en était sortie. Mais plus elle fuyait

De façon continue, toujours plus s’insinuait

Le bénéfique élan immortel de l’Amour

Exempt de tout reproche. Aussitôt devenaient

Mortelles désormais les choses qui naguère

Avaient connu les joies de l’immortalité ;

Et des choses jadis non mêlées se brassaient,

Changeant de direction. Des éléments ainsi

Mélangés s’écoula une pluralité

Proprement infinie de races de mortels,

Aux aspects variés, étonnantes à voir [11] ».

 

On voit que le texte n’a pas la simplicité que lui reconstruit (plus que lui restitue) Aristote.

Aristote loue Empédocle pour cette trouvaille géniale :

 

« Il fallait que se trouvât dans les êtres une cause capable de donner le mouvement et l’ordre aux choses ! […] Mais on s’aperçut que les opposés du Bien étaient présents aussi dans la nature ; que non seu­lement l’ordre et le beau s’y trouvaient, mais aussi le désordre et le laid, et même que le mal l’emportait sur le bien et le laid sur le beau. De là vient qu’un autre philosophe intro­duisait l’Amitié et la Haine : chacun de ces deux principes est la cause de l’un de ces deux effets, car si on poursuivait le raisonnement d’Empédocle, et si on le prenait dans son esprit et non pas dans son expression littérale qui n’est qu’un balbutiement, on trou­verait que l’Amitié est la cause du bien, et la Haine, celle du mal. Par conséquent, si l’on soutenait qu’Empédocle, en un sens, a mentionné le premier, le Bien et le Mal comme principes, peut-être aurait-on raison, s’il est vrai que la cause de tous les biens est le Bien lui-même, [et la cause des maux, le Mal] [12] ».

d) Les cycles

Voici ce qu’affirme Aristote : « Quand le Tout est divisé en ses éléments sous l’action de la Haine, le Feu se rassemble en une seule masse, en même temps que chacun des autres éléments ; inversement, quand, sous l’action de l’Amitié se produit l’union des éléments, les parties de chaque élément sont de nouveau forcées de se séparer les unes des autres [13] ». Les réalités naturelles évoluent par cycle, comme Platon le repren­dra dans Le Politique [14].

Mais comment entendre ce terme de cycle. Aujourd’hui, il est souvent interprété de manière dialectique : Amitié et Haine seraient comme les composantes, qui, historique­ment, deviennent les moments d’une même réalité à laquelle chacun travaille. Selon cette interprétation, le cycle enserre la totalité vivante de l’Etre dans un espace compact. Il évolue selon quatre stades, allant de l’Amour absolu à la Haine absolue, par des stades de Haine croissante et d’Amour croissant [15].

  1. Bollack, l’un des meilleurs connaisseurs actuels de ces traditions, a fait justice de l’interprétation moderne du cycle [16]. Certes, l’obscurité des traditions empédocléennes n’interdit pas une telle lecture. Il demeure qu’elle semble dangereusement moderne. À cette interprétation qui est une mauvaise lecture d’Aristote, il faut opposer qu’aucun texte n’y incite explicitement ; d’ailleurs, les commentateurs sont incapables de dire si nous nous situons actuellement dans une phase de Haine ou d’Amour croissant. Conclusion de Bollack : « Exiger que l’alternance se distribue sur deux phases distinctes au cours d’un cyle […] revient à lui ôter tout son sens [17] ».

Que proposer ? Le cycle, explique Bollack, doit s’interpréter en termes de même et d’autre et comme une analyse du retour du même : le cycle part d’un état initial vers le­quel éternellement il tend, cherchant l’union après un moment de séparation. La Vie est rythmé par un éclatement-reconstitution unissant Amour et Haine. Nous avons ici comme une première intuition de l’exitus-reditus des néoplatoniciens.

On peut préciser. Au point de départ, on trouve l’amour et l’unité parfaite, sous la forme du dieu de forme sphérique, Sphairos : « Mais lui, partout égal à lui-même et illimité, / Sphairos à l’état pur, joyeux de la solitude qui l’entoure [18] ». La Haine est dès lors, rejetée à l’extérieur, inactive.

Mais la perfection se relâche. Dès lors, la Haine s’introduit au sein de la sphère. La multiplicité de même.

Mais cette dualité est venue de l’extérieur, elle n’est pas du monde. Le Sphairos, au contraire, tend toujours à se reconstituer : « Mon propos sera double. En effet, tantôt l’Un / augmente jusqu’au point d’être seul existant / à partir du Multiple ; et tantôt de nouveau / se divise, et ainsi de l’Un sort le Multiple [19] ». Luttant contre la Haine, l’Amour va initier un mouvement centripète. Le mouvement de l’Amour est plus tourbillonnaire, celui de la Haine est plus sismique et vibratoire : la Haine isole les grandes masses, et l’Amour ag­glomère. Alors, quatre cercles concentriques vont se distinguer, correspondant aux quatre éléments : Eau, Air, Terre et Feu. Ce mouvement est encore amour de soi et en quelque sorte acosmique, dans la mesure où il ne suffit pas à construire le monde.

Mais, une nouvelle phase va introduire l’amour de l’autre où l’Amour va réunir le dis­semblable et constituer les différences et, par là, le monde [20]. D’abord, le feu mêlé à l’air constitue, d’un côté, l’hémisphère igné et de l’autre, l’hémisphère aqueux. Grâce au feu, les deux hémisphères tournent, donnant naissance au jour et à la nuit : la Terre est fixe au centre et est cause de l’apparence du soleil (la lumière de l’hémisphère igné, dont les rayons frappent la Terre, sont réfléchis selon la forme sphérique de la Terre sur la voûte cristalline). Puis, l’Amour façonnent les plantes et les premiers vivants qui naissent de la terre, au début comme des membres errants, ensuite assemblés, enfin appariés selon les sexes [21]. Le mouvement unitaire de constitution du Sphairos se poursuit ainsi, indé­finiment, de plus en plus parfaitement.

e) Conclusion

Cette cosmogonie et cosmologie font penser aux mythes d’origine. Au fond, Empédocle est un présocratique extrêmement intéressant : on trouve chez lui comme une transition ou une forme intermédiaire entre naturalisme, éléatisme (plus que pythagorisme) et atomisme.

2) Héraclite d’Éphèse (env. 567 – env. 480)

Héraclite d’Éphèse est un penseur qui a suscité de multiples études et commentaires [22]. Non sans caricature. L’interprétation aristotélicienne a fait de lui un penseur du pur devenir. Et c’est sans doute l’une des grandes raisons de la séduction qu’il a exercée sur Hegel, Marx, Nietzsche. Pourtant, « il n’y a pas chez Héraclite un devenir de l’Être, mais un devenir dans l’Être [23] ».

a) L’unité

Tout d’abord, contre l’opposition trop tranchée à Parménide, il faut rappeler qu’« Héraclite déclare que […] le monde est un [24] ». Il a cherché un fondement un du Tout. « Il est sage que ceux qui ont écouté, non moi, mais le discours, conviennent que tout est un [25] ».

Et Marcel Conche précise que « l’unité héraclitéenne des contraires » dont il est ici ques­tion « n’est jamais l’unité des contradictoires, car ceux-ci sont, comme tels, exclusifs de l’unité [26] ». En effet, si tout est un, c’est qu’il est vrai que tout est un ; or, s’il est vrai que tout est un, il ne peut pas en même temps être faux que tout est un ; or, ces deux posi­tions sont contradictoires ; Héraclite « n’entend pas affirmer que les opposés ‘sont uns’ lorsque leur opposition revient à celle du vrai et du faux », et sont donc, au sens élaboré par Aristote, contradictoires [27]. Il ne faut donc pas durcir l’opposition Parménide-Héraclite ni faire de celui-ci le précurseur pur et simple de la dialectique. D’ailleurs, pour lui, le feu est principe permanent : « Ce monde, le même pour tous, ni dieu ni homme ne l’a fait, mais il était toujours, il est et il sera, feu toujours vivant, s’allumant en mesure et s’éteignant en mesure [28] ». Précisément, le monde passe de l’état feu à l’état non-feu, mais le monde est bien un et non pas éclaté. L’éternité est elle-même, en sa perma­nence, le signe de cette unité.

b) Le feu, cause matérielle primordiale

L’unité se concrétise dans différentes réalités et images pour Héraclite : le Logos, le Feu, la Foudre. « Comme le prétend Héraclite, tout devient, à un moment, feu [29] ». On ne s’étonnera donc pas qu’Héraclite ait choisi le feu comme matière primordiale. En effet, qui dit feu, dit chaleur et la chaleur permet la vie qui est mouvement et contradiction. « Toutes choses s’échangent pour du feu et le feu pour toutes choses, de même que les marchandises pour l’or et l’or pour les marchandises ».

c) Tout est devenir et tout est conflit

Le devenir est constitué par l’unité des contraires. « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve », dit le plus célèbre fragment d’Héraclite [30].

Conche propose une interprétation heideggérienne d’Héraclite dont on sait qu’il tient l’unité des contraires. Il part de ce fragment : « Ce avec quoi ils sont en relation le plus continûment, de cela ils s’écartent, et les choses qu’ils rencontrent chaque jour, ces choses-là semblent leur être étrangères [31] ».

Commentaire : les choses, les « êtres » de la vie quotidienne nous sont trop connues, aussi les regardons nous comme des étrangères. En effet, le monde nous offre sa splen­deur, celle de son être ; or, l’homme, accablé par le souci, passe à côté : « L’être qui ins­taure la présence au monde, l’homme, ne la réalise pas : il est absent à cette présence même ». Pourquoi ? Au fond, l’homme refuse la contrariété et le tragique de la vie, il ne veut pas que le bonheur et le malheur tissent le monde, faisant du malheur un accident qui doit être extirpé. « Le philosophe voit cela et : a) ou bien conçoit un bonheur que le malheur ne puisse altérer, ne donnant pas prise au malheur – mais, ce cas, dans l’op­position des contraires, l’un des termes l’emporte au point d’annuler l’autre, et la sérénité obtenue est la sérénité de la mort ; b) ou il ressent le malheur, en éprouve le tourment, mais conçoit son lien inexorable au bonheur et, dans l’intelligence de cette loi fatale, trouve la sérénité. Tel est le philosophe tragique [32] ».

Passionnante interprétation, où le tragique grec rejoint le pessimisme actuel. Fondement : l’impossible réconciliation.

« Des choses répandue au hasard, le plus bel ordre, l’ordre-du-monde [33] ».

Et Conche de commenter, dans la perspective de l’Ephésien : « Le fragment affirme les droits, dans le monde, du désordre et du hasard. Ce qui ne serait pas conforme à l’inspi­ration héraclitéenne serait que l’ordre du monde fût exclusif du désordre, et non pas un avec son contraire [34] ». Le hasard n’est jamais seul, mais il n’est jamais non plus exclu. Les deux – ordre et désordre – concourent à l’unité du monde, constituent la totalité.

d) Conséquence anthropologique

Libération partielle des pulsions, remède à leur trop grande puissance, violence : « Au cours des rites, par le spectacle et l’audition des choses obscènes, nous nous libérons du tort qu’elles nous causeraient si nous les pratiquions. C’est en vue de la guérison de l’âme en nous et de la modération des maux attachés à elle du fait de lé génération, c’est pour qu’elle soit déliée et délivrée de ses liens, que de telles actions sont accomplies. Et voilà pourquoi c’est avec raison qu’Héraclite les appelle des remèdes, comme portant remède aux frayeurs, et amenant les âmes à être exemptes des malheurs de la généra­tion [35] ».

Ces remèdes dont parle Héraclite cité par Jamblique sont les phallophories, les phallos en érection et l’audition de chants phalliques, lors de rites dyonisiaques. Voici la raison avancée par Jamblique : « Quand les puissances des passions humaines qui sont en nous sont contenues de toutes parts, elles deviennt plus fortes ; mais si on les exerce selon une activité brève et dans certaines limites, elles jouissent modérément et se satis­font ; après quoi, purifiées elles s’apaisent par persuasion et sans violence [36] ».

La raison avancée par Jamblique est de nature aristotélicienne (pour une part). Mais il s’agit d’un remède anthropologique, psychologique, non pas éthique. L’obscénité libère de l’obsession, voilà en quoi elle guérit.

e) Le philosophe

La pensée d’Héraclite présente une dimension éthique. Héraclite oppose l’homme éveillé aux penseurs endormis. « Il ne faut pas agir et parler comme les dormeurs [37] ». En effet, « il y a pour les éveillés un monde unique et commun, mais chacun des endormis se détourne dans un monde particulier [38] ». En effet, celui qui dort vit dans un réel qui lui est propre et qui est plutôt un imaginaire. L’éveillé, les éveillés ont affaire à un seul monde, commun à tous, un monde universel.

Celui qui ressemble à un sourd ressemble aussi à un muet : « Ne sachant pas écouter, ils ne savent pas non plus parler [39] ». Le silence est absence de parole, car beaucoup parlent pour ne rien dire, car ils ne possèdent pas le savoir qui fonde la parole. La véri­table écoute est écoute de la Vérité et permet au langage de devenir logos. Conche donne une interprétation heideggérienne : « Le savoir-écouter qui fonde le savoir-parler est le savoir être libre, libre à l’égard, en nous, du Désir aux multiples langages, libre pour l’écoute, dans l’Ouvert [40] ».

Et cet homme qui écoute, s’éveille, est doué d’une âme et d’un vouloir spirituels.

f) Évaluation

Là encore, on retrouve le principe déjà vu : puisqu’il y a du mouvement dans les choses, raisonne Héraclite, c’est que les choses sont intrinsèquement mouvement.

Aristote dira en souriant, à propos du principe de contradiction dont il dit qu’Héraclite le nie : « car tout ce qu’on dit, on n’est pas obligé de le penser. Et s’il n’est pas possible qu’en même temps des contraires appartiennent au même sujet […], et une opinion, qui est la contradiction d’une autre opinion, est son contraire, il est évidemment impossible, pour le même esprit, de concevoir, en même temps, que la même chose est et n’est pas, car on aurait des opinions contraires simultanées, si on se trompait sur ce point [41] ».

3) Parménide d’Élée (ve siècl5)

La découverte aurorale de la métaphysique est celle de l’être. On la doit à Parménide, avec lequel deux parmi les plus grands philosophes de l’histoire identifie le début de la philosophie . Hegel affirme que « Parménide commence la philosophie en propre [42] » ; Heidegger renchérit : « Au commencement de la pensée occidentale, le dire de Parménide nous parle pour la première fois de ce qui est appelé penser [43] ».

Alors que Diogène Laërce place l’acmè ou le floruit de Parménide d’Élée [44] dans la même olympiade qu’Héraclite, il est plus vraisemblable qu’il lui soit postérieur, tant il semble polémiquer contre sa doctrine de la mouvance universelle. De plus, Platon affirme qu’il aurait rencontré, alors qu’il avait 65 ans, Socrate éphèbe, c’est-à-dire âgé de dix-huit à vingt ans : « Parménide m’apparaît comme le héros d’Homère, vénérable autant que redoutable. J’ai approché l’homme quant j’étais jeune encore, et lui bien vieux : il m’apparût alors avoir une profondeur absolument sublime [45] ». D’ailleurs, Plutarque affirme aussi que Périclès entendit l’illustre philosophe à Athènes.

Après la date, le lieu : Élée constitue une cité récemment fondée par des émigrés de Massalia, donc un lieu de passage.

Ce penseur fondamental joint en lui une intuition métaphysique d’une originalité et d’une profondeur abyssale (l’être) – pour la première fois, chez les Présocratiques, la perspective est métaphysique : non plus « en quoi est-ce fait ? », mais « est-ce ou n’est-ce pas [46] ? » –, une profonde sensibilité mystique (cette intuition lui vient de Dieu) et un logos, un discours implacable, jusqu’à l’absurde.

La doctrine du génie éléate est exposé dans un Poème (« le Poème de Parménide ») qui, comme tous les écrits des Présocratiques, ne nous est parvenu qu’à travers différentes sources postérieures. À partir de 19 fragments, on a tenté de reconstituer 160 vers lui ayant appartenu. Les grands philologues Hermann Alexander Diels et (puis) Walther Kranz, spécialistes de la philosophie antique, effectué la dernière mise au point dans leur fameux Fragmente der Vorsokratiker. On peut distinguer quatre parties clairement séparées :

a) Prologue

Il est constitué par les 28 vers du fragment 1. Ce mystérieux prologue est une quête de la Vérité. Il s’agit, estime Sextus Empiricus, de quitter les sens et « les impulsions irration­nelles de l’âme, ainsi que les appétits », pour accéder à « la spéculation conforme à la rai­son philosophique » et à l’entendement [47].

b) L’épistémologie

Ce prologue ouvre sur une première partie qui est épistémologique ou, au sens propre, méthodologique (puisque hodos, en grec, signifie « chemin »). Elle est constituée par la fin du fragment 1 et le fragment 7. La Déesse exhorte d’abord à s’informer de tout (« apprends donc toutes choses »), c’est-à-dire de la Vérité autant que des Opinions « des mortels » [48].

Cette dichotomie, entre épistémè (« connaissance vraie ») et doxa (« opinion ») se présente sous la forme d’une alternative entre deux chemins, celui de la vérité et celui de l’opinion : « On ne pourra jamais par la force prouver / Que le non-être a l’être. Écarte ta pensée / De cette fausse voie qui s’ouvre à ta recherche [49] ».

Le chemin de l’opinion s’identifie au chemin de la négation. En effet, le non-être n’est pas. Or, on ne peut penser ce qui n’est pas.

En regard, le chemin de la vérité est celui de l’égalisation totale entre penser et être : « Même chose sont et le penser et l’être [50] ». Comme le dit le fragment 8 qui sera cité plus loin : « Or, le penser est identique à ce en vue / De quoi une pensée singulière se forme. / On chercherait en vain le penser sans son être, / En qui il est un être à l’état proféré ».

Cette indistinction entre l’ordre noétique et l’ordre ontologique est le prix à payer de cette découverte émerveillée de l’être : d’emblée, l’esprit s’identifier à son objet et, on va le voir dans le développement de la première voie, l’être va hérité des propriétés même de la pensée de l’être. Pour anticiper, tout le travail de discernement opéré par Platon, puis Aristote, consistera à introduire un jeu entre ens reale et ens rationis.

Bref, l’épistémologie parménidienne est commandée par une exclusion très forte entre vérité et opinion, mais aussi par une inclusion tout aussi forte entre l’être et la penser, de sorte qu’on pourrait en déduire l’égalité entre la voie de l’apparence et celle du néant. Il faudrait enfin ajouter un troisième terme pour constituer ce que certains ont appelé le triangle parménidien : le dire (qui vient donc s’ajouter au penser et à l’être).

 

 

Voie de la vérité

Voie de l’opinion

L’être

L’être

Le néant

Le penser

La vérité

L’apparence

Le dire

La parole proférée, vraie

Le discours assuré, mais faux

 

Entrons dans le détail de ce que l’on pourrait appeler la métaphy­sique parménidienne. Elle se répartit en deux volets, le premier concernant la voie de la vérité et le second, celui de l’opinion.

c) L’ontologie. La première voie
0’) Le principe

La voie de la vérité est exposée par la première partie (qui en occupe plus des trois-quarts) d’un fragment restitué, le fragment 8 [51].

« Mais il ne reste plus à présent qu’une voie / Dont on puisse parler : c’est celle du ‘il est’ ».

En creux, l’être exclut donc le néant sous toutes ses formes : parce que l’être est, le non-être ne peut pas être.

Après avoir affirmé le primat absolu de l’être : « l’être est », Parménide déduit les diffé­rentes caractéristiques de la Vérité, c’est-à-dire toutes les propriétés de l’être. N’en retenons que les plus manifestes. On peut les signifier en positif ou en négatif

1’) L’être est immobile et exclut tout devenir

« Échappant à la génération, / Il est en même temps exempt de destruction ». Plus loin : « Comment s’accroîtrait-il et d’où s’accroîtrait-il ? »

Cette exclusion vaut a fortiori pour ce qu’Aristote appellera le devenir absolu, le devenir à partir du néant : « Je t’interdis de dire ou même de penser / Que le « il est » pourrait provenir du non-être, / Car on ne peut pas dire ou penser qu’il n’est pas ».

La raison profonde de ce refus est que, pour devenir, il faut ne pas être ce que l’on devient. Or, le néant n’est pas. Donc, le devenir n’est pas. « Jamais non plus la force attachée au discours / Ne pourra concéder que du néant procède / Un être susceptible à lui de s’ajouter »

De toutes les inférences, l’exclusion de toute mobilité et changement est à la fois la plus fameuse et la plus choquante. On lui doit, pour l’établir, les paradoxes de Zénon. C’est aussi la plus directement opposée à Héraclite.

En plein, l’être est immobile : « Or il est immobile, / Pris dans les limites de formidables liens ».

Puisque le temps suppose une succession, donc un changement, on peut déduire de l’immobilité de l’être, qu’il exclut le temps – « Jamais il ne fut, et jamais ne sera » – ; de même, l’être en son immuabilité écarte un terme extrême – « Il est sans commencement et il est sans fin, / Car la génération comme la destruction / Ont été écartés », –, ainsi que la naissance et la mort – « comment aussi l’être / Pourrait-il donc périr ? Comment pourrait-il naître ? »

2’) L’être est un et exclut toute multiplicité

La première propriété excluait la nouveauté ; la seconde, la multiplicité et la multiplicité interne qu’est la divisibilité : « Et il n’est pas non plus / divisible en effet, puisqu’il est en entier, / sans avoir çà ou là quelconque chose en plus / Qui pourrait s’opposer à sa cohésion, / Ou quelque chose en moins. Il est tout rempli d’être ».

En plein, l’être est un : « il est justement formé tout d’une pièce » ; « il est, tout entier à la fois, / Un et un continu » ; ou bien : « Aussi est-il tout continu. En effet, l’être / Embrasse au plus près l’être ».

Puisque l’espace suppose une multiplicité, on peut déduire de l’unité de l’être, qu’il exclut le lieu – l’être ne peut pas « changer de position », ou une qualité intrinsèque comme l’apparence colorée – l’être ne peut « changer d’apparence au gré de la couleur » –, bref, tout ce qu’Aristote appellera accident.

3’) L’être est nécessaire et exclut toute contingence

Une autre propriété de l’être est la nécessité. Ce climat de nécessité baigne le discours. Par exemple dans les passages suivants : « Il est donc notifié, de par nécessité [kréos], / Qu’il faut abandonner la voie de l’impensé. / Que l’on ne peut nommer (car celle-ci n’est pas / La voie qui conduirait jusqu’à la vérité), / Et tenir l’autre voie pour la voie authentique, / Réelle et existante ».

Mais la pensée et la parole ne sont ainsi liées que parce que l’être, le premier, est tenu à la nécessité : « Car la Nécessité puissante le retient / Dans les liens l’enchaînant à sa propre limite ».

Parménide souligne cette nécessité par une double image. La première est celle de la Dikè, c’est-à-dire de la « justice » : « Aussi, Dikè lui a, l’enserrant dans ses liens, / De naître ou de mourir ôter toute licence ». L’éléate emprunte probablement à Anaximandre cette double régulation de la Nécessité et de la Justice qui, pour le milésien, commandaient le commencement (archè) et la croissance (phusis, entendu au sens étymologique). La seconde est celle du « Destin » : « l’être, en vertu du décret / Dicté par le Destin de toujours demeurer / Immobile en un tout ».

Si l’être, comme le penser, est nécessaire, est donc exclue toute contingence qui apparaît sous la figure du possible. D’où la multiplication de formules contenant le verbe « pouvoir » (par exemple : « on ne peut pas dire ou penser qu’il n’est pas ») ou son équivalent, comme le suffixe « ible ».

4’) L’être est fini (parfait) et exclut toute infinité (imperfection)

Une dernière caractéristique n’est pas sans susciter l’étonnement : la finitude de l’être. Un moderne aurait spontanément déduit de l’être son absence de borne, donc son infinitude. C’est oublier que, pour un Grec, contrairement à un moderne, l’infinité est marquée au chiffre de l’imperfection. « Mais puisqu’existe aussi une limite extrême, / Il est de toutes parts borné et achevé ».

Par ailleurs, si l’être est fini, il doit être doué d’une forme, en l’occurrence, une figure offusquant tout non-être, autrement dit parfaitement équilibrée et harmonieuse : la forme sphérique. Voici comment le Poème continue : « Et gonflé à l’instar d’une balle bien ronde, / Du centre vers les bords en parfait équilibre. / Car aussi bien en plus et aussi bien en moins, / Aucune variation ici ou là n’existe. / Car il n’est nul non-être à même d’empêcher / Qu’il atteigne partout son parfait équilibre, / Ni être qui en lui soit en plus ou en moins, / État donné qu’il est tout entier inviolable. / En toutes directions il s’égale à lui-même, / Et de même façon il touche à ses limites ».

d) L’ontologie. La seconde voie

La voie de l’opinion (doxa) est constituée par la suite du fragment 8 restitué, à partir du v. 50, jusqu’à la fin (v. 63) et le fragment 19. Le fragment 8 commence ainsi : « Mais ici je mets fin au discours assuré / Ainsi qu’à la pensée visant la vérité. / Désormais apprends donc l’opinion des mortels » (v. 50-52).

Les hommes qui ne se laissent pas convaincre par la vérité de l’Être sont prisonniers des opinions. Toutefois, leur discours est séduisant : son « ordre » est « harmonieux ». Leur « discours [est] composé pour ton enchantement » (v. 53-54).

Le fond de la pensée de la doxa est caractérisé par la multiplicité que le texte amputé (malgré la restitution) souligne seule. En effet, les hommes de l’opinion estiment que les choses sont composées par deux principes contraires (le feu et la nuit) ; or, la dualité s’oppose à l’unité. Lisons désormais le texte. Parménide introduit l’illusion commune : « des deux […] / Un n’en est pas digne – et c’est bien en cela / Qu’ils se sont fourvoyés. Car ils ont estimé / Contraires leurs aspects, et leur ont assigné / Des signes qui fondaient leur distinction mutuelle ». Puis il expose le premier principe – « Des deux, l’une est leu feu éthéré de la flamme, / C’est le feu caressant et c’est le feu subtil, / Identique à lui-même en toutes directions, / Mais qui à l’autre forme identique n’est pas » – et le second – « L’autre par son essence à l’exact opposé, / C’est la nuit sans clarté, dense et lourde d’aspect ». Enfin, il conclut : « Voici, tel qu’il nous semble en sa totalité, / Le système du monde et son arrangement / Que je vais te décrire, afin que nul mortel / N’en sache plus que toi [52] ».

Par ces deux puissances, existent les astres, les hommes et tout ce qui obéit aux lois de la génération.

e) Conclusion

Dans un rare coup de génie, Parménide n’a pas seulement énoncé le primat souverain de l’être, dans son exclusion du néant et son identification à la pensée, mais il a aussi posé presque toutes les grands couples catégoriels qui régiront la pensée métaphysique ultérieure : muabilité-immobilité (et ses corollaires : nouveauté-identité, même-autre, présent-écoulement ou histoire), unité-multiplicité (et ses corollaires : indivision-division, continuité-discontinuité, substance-accident), contingence-nécessité, finitude-infinité (et ses corollaires : formé-informe, perfection-imperfection), vérité-apparence (et ses corollaires : fond-apparition ou fondement-phénomène).

f) Philosophie de la nature

Pour faire simple, au radicalisme du devenir chez Héraclite s’oppose le radicalisme de l’être chez Parménide. L’intuition de Parménide est que tous les systèmes précédents ne sont pas faux mais se sont arrêtés à l’opinion, car ils n’ont pas saisi la vérité première, fondamentale : il y a de l’être. Parménide fait l’expérience de l’être ; entrer dans le che­min de la vérité, c’est faire l’expérience de l’être.

g) Postérité : Zénon d’Élée

On connaît le disciple célèbre de Parménide, Zénon d’Elée.

On se souvient du résumé de Paul Valéry dans le Cimetière marin :

« Zénon, cruel Zénon, Zénon d’Elée

M’as-tu percé de cette flèche ailée

Qui vibre, vole, et qui ne vole pas ?

Le son m’enfante et la flèche me tue !

Ah ! le soleil… Quelle ombre de tortue

Pour l’âme, Achille immobile à grands pas ».

4) Reprise philosophique

On peut dialectiser ces positions, et on verra la fécondité de cette opposition quand on s’attachera à préciser la nature des principes du mouvement ; ce qui signifie aussi que l’on ne résoudra pas aujourd’hui l’antinomie des deux philosophes. On peut aussi se rendre compte qu’elles cristallisent deux formes d’esprit : l’une plus conservatrice (amoureuse de l’ordre) et l’autre plus progressiste (amoureuse du progrès). De même que les milésiens et les pythagoriciens sont, respectivement, des aristotéliciens et des platoniciens avant la lettre. Aussi l’antagonisme de ces deux penseurs traverse l’histoire de l’humanité et chacun pour son compte, s’est trouvé confronté à ce problème éternel qui, une fois posé, devient incontournable, et a dû lui donner une solution.

Une pensée héraclitéenne se passionne pour le multiple ; parménidienne ramène tout à une identité.

E) L’approche théologique de la nature

1) L’harmonie du cosmos chez les Pythagoriciens

Pythagore est le premier à revendiquer, au cours d’une discussion avec le tyran Léon, le titre de « philosophe », selon la tradition, et le « premier maître universel », selon le beau titre que lui décerne Hegel au vu de l’inspiration dont il est la source. Il est né dans l’île de Samos (env. 580 – ?), à quelques dizaines de km. au nord-ouest de Milet. Il est de la génération qui succède à l’école de Milet qu’il connaît. Il en reçoit la question sur la na­ture du cosmos, précisément la question physique par excellence : « en quoi est-il fait ? » Mais sa première influence est religieuse, mystique même : il a été influence par l’or­phisme, les mystères orphiques. À partir de cette perspective que, selon le mot de Proclus, il reprend « les choses au commencement [53] ».

Des cinq génies, Pythagore en a reçu trois : le génie scientifique, philosophique et mys­tique (il en reste deux : littéraire ou artistique et éthico-politique). Mais le génie décisif est le génie mystique. En effet, c’est pour les raisons religieuses que l’on va dire que Pythagore est celui qui, des présocratiques, a le plus fait école : historiquement, on dis­tingue d’un côté Pythagore et de l’autre, les pythagoriciens, anciens (notamment Hippase, Parménicos, Calliphon), moyens (notamment Alcméon de Crotone) et récents qui sont pléthore (notamment Ion de Chio, Philolaos, Hippon) [54].

a) Le mystique

On connaît la mythologie qui fait le fond de la religion populaire grecque. Mais, dou­blant cette religion et la sous-tendant, on trouve ce que l’on appelle des mystères qui sont des traditions initiatiques. Elles ne sont pas proprement grecques, puisqu’il en existe en Egypte (Isis et Osiris), en Syrie (Adonis), en Perse (Mithra). En Grèce, on ren­contre trois principales traditions initiatiques : Dionysos, Cérès (à Eleusis) et Orphée. Les mystères de Dionysos sont plutôt telluriques, orgiaques : ils visent à libérer la part or­giaque de l’homme. En revanche, les mystères d’Eleusis et d’Orphée sont plus apolli­niens, spirituels : les premiers dégagent l’homme des servitudes matérielles, pour l’atta­cher à un monde supérieur, alors que les seconds mettent l’accent sur le combat inté­rieur que l’homme livre pour libérer la part divine sur la part titanique, dévorante qui l’habitent. Les mystères orphiques, comme tous les mystères grecs, se fondent sur une attentive observation de la nature. Or, celle-ci suit un cycle de naissance, croissance et de corruption. Aussi croit-on à la réincarnation.

« Ce sont encore les Égyptiens, explique Hérodote, qui, les premiers, ont dit que l’âme humaine est immortelle et qu’au moment où le corps périt, elle vient se loger dans un autre être vivant qui naît alors ; que, lorsqu’elle a habité tour à tour toutes les espèces ter­restres, aquatiques et aériennes, alors elle pénètre de nouveau dans le corps d’un homme à l’instant où il naît, après une migration de trois mille ans. Des Grecs ont fait leur cette théorie, des anciens comme des modernes, en la présentant comme leur invention propre. Je n’en rapporte pas ici les noms, quoique je les connaisse [55] ».

Or, c’est à ce dernier courant que Pythagore et, plus tard, Platon, se rattache. En effet, « Pythagore de Samos se rendit en Égypte, explique Isocrate, où il se mit à l’école des Égyptiens, et fut le premier à introduire en Grèce la philosophie ; et particulièrement pour tout ce qui est rites et pratiques cérémoniales dans les sacrifices il fit montre d’un zèle plus manifeste que les autres ». L’exemple de Pythagore va rayonner, ses disciples se multiplier (la personnalité du maître dont Porphyre dit qu’il était « noble et élancé d’allure et, de sa voix, de son caractère et de tout le reste de sa personne émanaient une grâce et une beauté infinies [56]« ). Isocrate continue : « il surpassa tout le monde en réputation au point que les jeunes, unanimement, brûlèrent de devenir ses disciples et que les aînés, de leur côté, virent avec plus de plaisir leurs propres enfants devenir ses disciples que se préoccuper de leurs affaires domestiques [57] ».

À l’égard de l’École de Milet, un nouveau progrès, considérable, est accompli : la dé­couverte de la distinction de l’âme et du corps.

À cette anthropologie se joint une ascèse, une mortification du corps. Il s’agit de libérer l’âme en méprisant le corps. En ce sens, Pythagore est aussi celui qui, le premier, a ébauché la distinction si capitale du spéculatif et du pratique, estime Aristote.

b) Le scientifique

La vision pythagoricienne de la nature n’est pas étrangère à cette mystique. Le premier, Pythagore appelle le monde cosmos ; il considère le monde comme un tout.

La science de Pythagore s’exerce au plan astronomique et terrestre, sublunaire.

Je n’entrerai pas dans la querelle pour savoir si Pythagore est le véritable inventeur de ce qu’on lui attribue. Il est certain que l’influence de l’Egypte est considérable dans son acquisition de l’arithmétique.

En arithmétique, on lui doit la table de multiplication qui porte son nom et le système décimal et la représentation des nombres dans l’espace (1 : le point, 2 : la ligne, 3 : la surface et 4 : le volume).

En acoustique, le trait de génie de Pythagore fut la découverte du lien entre la longueur de la corde qui vibre et la hauteur du son. On peut donc exprimer numériquement les in­tervalles musicaux entre les notes jouées par la lyre.

Mais ces découvertes ne doivent pas tromper : la méthode de Pythagore, souligne jus­tement Proclus, est « non empirique » mais « purement intellectuelle », et c’est grâce à cela qu’il « douvrit la théorie des proportions et l’existence d’une structure des formes de l’uni­vers [58] ». Le point de vue est donc supérieur, autrement dit mystique.

c) Le philosophe

Partant de ces acquis, reprenons la question des milésiens : « En quoi le monde est-il fait ? » Fort de ses découvertes, le Pythagoricien répond : « Tout est nombre ». Il ne se contente donc pas de dire, comme Anaximandre que le monde a l’infini pour principe. Il est séduit par l’ordre cosmique, l’harmonie ; or, qui dit harmonie, dit nombre. Donc le monde est nombre. Certains pythagoriciens, explique Aristote, « font des nombres la ma­tière de la réalité [59] ».

Écoutons l’intéressante synthèse d’Aristote : « ceux qu’on désigne sous le nom de Pythagoriciens se consacrèrent les premiers aux mathématiques et les firent progresser. Nourris dans cette discipline, ils estimèrent que les principes des mathématiques sont les principes de tous les êtres. Et comme de ces principes les nombres sont, par nature, les premiers, et que, dans les nombres, les Pythagoriciens croyaient percevoir une multitude d’analogies avec tout ce qui est et devient, plus qu’ils n’en apercevaient dans le Feu, la Terre et l’Eau (telle détermination des nombres étant la justice, telle autre l’âme et l’intel­ligence, telle autre le temps critique, et de même, pour ainsi dire, pour chacune des autres déterminations) ; comme ils voyaient, en outre, que des nombres exprimaient les propriétés et les proportions musicales ; comme, enfin, toutes les autres choses leur pa­raissaient, dans leur nature entière, être formées à la ressemblance des nombres, et que les nombres semblaient être les réalités primordiales de l’Univers : dans ces conditions, ils considérèrent que les principes des nombres sont les éléments de tous les êtres, et que le Ciel tout entier est harmonie et nombre. Et toutes les concordances qu’ils pou­vaient relever, dans les nombres et la Musique, avec les phénomènes du Ciel et ses par­ties et avec l’ordre de l’Univers, ils les réunissaient et les faisaient entrer dans leur sys­tème : et, si une lacune se révélait quelque part, ils procédaient en hâte aux additions nécessaires pour assurer la complète cohérence de leur théorie. Par exemple, la Décade paraissant être un nombre parfait et embrasser toute la nature des nombres [puisqu’il contient tout ce qui existe : 10 = 1+2+3+4 ; or, nous avons vu que ces quatre chiffres symbolisent le point et les trois dimensions, que l’on représente par un triangle], ils disent que les Corps célestes en mouvement sont au nombre de dix ; mais comme les Corps visibles ne sont que neuf, pour ce motif ils en supposent un dixième, l’Antiterre [60] ».

Dans la cosmologie des Pythagoriciens, des « Italiens », comme dit Aristote, le centre du monde est occupé par le feu et non par la Terre. La Terre est « un astre parmi les autres » et « c’est elle qui, par son mouvement circulaire autour du centre, produit le jour et la nuit [61] ». Enfin, l’Antiterre est opposée à la Terre, d’où son nom, comme le dit Simplicius [62] ; elle tourne aussi autour du centre, comme la terre, mais à l’opposé et se trouve, de ce fait, invisible, puisque cachée par elle.

Pythagore systématisera et constituera, à partir de là, toute une vision de l’univers construite sur la différence entre le pair et l’impair. Les Pythagoriciens, précisément Alcméon de Crotone (médecin du vie siècle qui passe pour avoir, le premier, pratiqué des dissections sur les animaux), semble-t-il, fixent à dix le nombre des principes et les ran­gent en deux séries parallèles [63] :

 

Limite

Illimité

Impair

Pair

Un

Multiple

Droit

Gauche

Mâle

Femelle

Repos

Rectiligne

Courbe

Lumière

Obscurité

Bon

Mauvais

Carré

Oblong

d) Reprise philosophique

Notons le dérapage, car il est celui de tous les systématismes : comme le nombre est partout, tout est nombre.

Il demeure que Pythagore, le premier, a eu l’intuition de la cause formelle, de l’ordre au sein des réalités, et de l’importance de l’ordre mathématique. Son influence sur Platon sera immense. On voit aussi poindre ici la tentation ou la tendance à mysticiser la ma­thématique et à généraliser la place de la quantité.

Certes, comme le dit l’Écriture Sainte, Dieu a fait toutes choses « avec mesure, nombre et poids » (Sg 11,20), mais cela signifie-t-il que la création se réduit à ces trois caractéris­tiques quantitatives.

2) Xénophane de Colophon (env. 605 – ?)

Xénophane de Colophon [64] est entre les milésiens et les éléates. Contre les physi­ciens de l’école de Milet, il affirme l’existence d’un dieu un et éternel. Avant les Eléates, il prépare deux de leurs intuitions fondamentales.

La première est noétique : il distingue vérité et opinion, ce qui fondera la distinction parménidienne des deux voies. Il déclare que « Dieu sait la vérité et que tout n’est qu’opinion [65] ».

La seconde est comme métaphysique. Xénophane a nourri l’intuition d’une unité de l’Etre. Un moment, Platon [66] semble même dire que le rhapsode éionien voyageur ait, avant Parménide, fondé l’école d’Elée. « On l’a contesté sans raison décisive », commente Léon Robin [67].

Précisons. Xénophane affirme la primauté de l’Un-Dieu. Cet Un-Dieu partage différents ‘attributs’ : l’éternité, la toute-puissance, l’omniscience que Dieu ne partage avec per­sonne (au fond, seul Dieu sait). Certes, Aristote l’écarte de sa recherche, car il est trop naïf. Du moins lui rend-il cet hommage : « Xénophane, le plus ancien partisan de l’unité (car, dit-on, Parménide, fut son disciple), n’a rien précisé […]. Promenant son regard sur l’ensemble de l’Univers matériel, il assure que l’Un est Dieu [68] ».

Enfin, le métaphysicien se double d’un physicien, puisque Xénophane parle d’une évolution du monde fondée sur des recherches d’ordre paléontologique [69].

Pascal Ide

[1] Martin Heidegger, « La parole d’Anaximandre », Chemins qui ne mènent nulle part, trad. Wolfgang Brokmeier, coll. « tel » n° 100, Paris, Gallimard, 1962, p. 387-449, ici p. 446.

[2] Bibliographie sélective : Jean Bollack, Empédocle. I. Introduction à l’ancienne physique, II. Les origines. Éd. critique et traduction des fragments et des témoignages, III. Les origines. Commentaire, Paris, Minuit, 1965 pour le vol. I et 1969 pour les deux autres ; Denis O’Brien, Empedocles’Cosmic Cycle, Cambridge, Cambridge University Press, 1969.

[3] Aétius, Opinions, I, vii, 28, Les présocratiques, p. 339.

[4] « Empédocle déclarait qu’antérieurement aux quatre éléments, il existe des fragments infiniment petits, qui sont pour ainsi dire des éléments homéomères précédant les éléments » (Aétius, Opinions, I, xiii, i, Les présocratiques, p. 343).

[5] Fragments, n° 115, Les présocratiques, p. 421.

[6] Fragments, n° 11, Les présocratiques, p. 378.

[7] Fragments, n° 12, ibid.

[8] Aristote, Métaphysique, A, 4, 985 a 33, p. 39.

[9] Stromates, cité par Eusèbe, Préparation évangélique, I, viii, 10, Les présocratiques, p. 338.

[10] Fragments, n° 20, Les présocratiques, p. 381-382. Trad. modifiée.

[11] Fragments, n° 35, Les présocratiques, p. 388 et 389.

[12] Aristote, Métaphysique, A, 4, 984 b 29 à 985 a 10, p. 37.

[13] Aristote, Métaphysique, A, 4, 985 a 25-29, p. 38 et 39.

[14] Platon, Le Politique, 269 c.

[15] Cette symétrie de la haine et de l’amour fait penser aux pulsions de mort et de vie, Eros et Tanatos, chez le Freud de la seconde topique, d’à partir 1922.

[16] Le premier est Eduard Zeller, Die Philosophie der Greichen in ihrer geschichtlichen Entwicklung, Leipzig, L.F. Fues, 1844-1852.

[17] Jean Bollack, Empédocle, I, p. 118. Cf. ce que dit William Keith Chambers Guthrie (A History of Greek Philosophy, 3 vol., tome II. Presocratic Tradition from Parmenides to Democritus, Cambridge, University Press, 1965, p. 183) à propos du délicat Fragments, n° 35 et du témoignage de Simplicius.

[18] Fragments, n° 28, tiré de Stobée, Choix de textes, I, xv, 2 a b, Les présocratiques, p. 386. Trad. modifiée.

[19] Simplicius, Commentaire sur la physique d’Aristote, 157, 25, Les présocratiques, p. 379.

[20] Cf. les différentes étapes distinguées par Aétius, Opinions, V, xix, 5, Les présocratiques, p. 355-356.

[21] Cf. Aristote, De la génération des animaux, L. I, 17, 723 a 23 s, trad. Pierre Louis, coll. des Universités de France, Paris, Les Belles Lettres, 1961, p. 23.

[22] Bibliographie sélective :

  1. a) Primaire : Marcel Conche (éd.), Héraclite. Fragments, coll. « Épiméthée », Paris, u.f., 1986, 21987. Les fragments sont le plus souvent tirés de ce texte de référence.
  2. b) Secondaire : Kostas Axelos, Héraclite et la philosophie, Paris, Minuit, 1962 ; Jean Bollack, « Réflexions sur les interprétations du logos héraclitéen », in Jean-François Mattéi (éd.), La naissance de la raison en Grèce, Paris, u.f., 1990, p. 165-185 ; Jean Brun, Héraclite ou la philosophie de l’éternel retour, Paris, Seghers, 1965 ; Martin Heidegger et Eugen Fink, Héraclite, Séminaire du semestre d’hiver 1966-1967, trad. Jean Launay et Patrick Lévy, Paris, Gallimard, 1973 ; Abel Jeannière, La pensée d’Héraclite d’Ephèse, Paris, Aubier, 1969 ; Clémence Ramnoux, Héraclite ou l’homme entre les choses et les mots, Paris, Les Belles Lettres, 21968 ; Heinz Wisman en coll. avec Jean Bollack, Héraclite ou la séparation, coll. « Le sens commun », Paris, Minuit, 1972.

[23] Jean Brun, Héraclite ou la philosophie de l’éternel retour, Paris, Seghers, 1965, p. 45.

[24] Aétius, Opinions, II, 1, 2, in Les présocratiques, p. 138.

[25] Héraclite, Fragments, n° 1, p. 23.

[26] Ibid., p. 27.

[27] Cf. Aristote, Catégories, 11 b 20.

[28] Héraclite, Fragments, n° 80, p. 279.

[29] Aristote, Physiques, L. III, 5, 205 a 3, p. 100.

[30] Héraclite, Fragments, n° 91, p.

[31] Héraclite, Fragments, n° 10, p. 65.

[32] Ibid., p. 67.

[33] Héraclite, Fragments, n° 79, p. 276.

[34] Ibid., p. 277 et 278.

[35] Jamblique, Les mystères d’Egypte, I, 11, édité par E. Des Places, Paris, CUF, 1966, p. 62.

[36] Ibid.

[37] Héraclite, Fragments, n° 73, p.

[38] Héraclite, Fragments, n° 9, p. 63.

[39] Héraclite, Fragments, n° 4, p. 50.

[40] Ibid., p. 51.

[41] Aristote, Métaphysique, L. IV, 3, 1005 b 25 à 32, p. 195 et 196.

[42] Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Leçons sur l’histoire de la philosophie, 1825, p.

[43] Martin Heidegger, « Que veut dire ‘penser’ ? », Qu’appelle-t-on penser ?, trad. Aloys Becker et Gérard Granel, Paris, PUF, coll. « Épiméthée Essais philosophiques », 1967.

[44] Une bibliographie quasi-complète a été établie par Nestor-Luis Cordero, Les deux chemins de Parménide, Paris/Bruxelles, Vrin-Ousia, 1984, 21997, p. 239-272.

  1. a) Bibliographie primaire

Il existe plusieurs traductions : Jean Beaufret (éd.), Parménide. Le Poème, coll. « Épiméthée », Paris, P.U.F., 1955, repris en coll. « Quadrige », 1996 ; Nestor-Luis Cordero, Les deux chemins de Parménide, cité ci-dessus ; Denis O’Brien et Jean Frère, Études sur Parménide, texte, trad. fr. et angl., Paris, Vrin, 1987 ; Parménide, Sur la nature ou sur l’étant. La langue de l’être ?, éd. Bilingue, trad. Barbara Cassin, Paris, Seuil, 1993.

  1. b) Bibliographie secondaire

Pierre Aubenque (éd.), Études sur Parménide. 2 vol.. I: Le poème de Parménide. Texte, traduction, essai critique par Denis O’Brien en collaboration avec Jean Frère pour la traduction française. Avant-propos de Pierre Aubenque; Tome II: Problèmes d’interprétation, Paris, Vrin, 1987 ; Scott Austin, Parmenides. Being, Bounds and Logic, New Haven (Connecticut), Yale University Press, 1986 ; Jean Bollack, Parménide, de l’étant au monde, Lagrasse, Verdier poche, 2006 ; Catherine Collobert, L’être de Parmenide ou le refus du temps, Paris, Kimé, 1993 ; Nestor-Luis Cordero, « La Déesse de Parménide, maîtresse de philosophie », in Jean-François Mattéi (éd.), La naissance de la raison en Grèce, Paris, PUF, 1990, p. 207-214 ; Lambros Couloubaritsis, La pensée de Parménide, Bruxelles, Ousia, 32009 ; Jean Frère, Parménide ou le souci du vrai. Ontologie, Théologie, Cosmologie, Paris, Kimé, 2012 ; Alexander P. D. Mourelatos, The Route of Parmenides, New Haven (Connecticut) & London, Yale University Press, 1970 ; Clémence Ramnoux, Parménide, Monaco, Le Rocher, 1979 ; Arnaud Villani, « La tenue ontologique dans le Poème de Parménide », Revue de métaphysique et de morale, 93 (1988) n° 3, p. 291-315.

[45] Platon, Théétète, 183e.

[46] Fragments, n° 8, v. 15-16.

[47] Fragments, n° 1, cité par Sextus Empiricus, Contre les mathématiciens, VII, 111-114, Les présocratiques, p. 255-257.

[48] Ibid.

[49] Fragments, n° 7, cité en entier par Platon, Le Sophiste, 237 a, Les présocratiques, p. 260.

[50] Fragments, n° 3, Clément d’Alexandrie, Stromates, VI, 23, Les présocratiques, p. 258.

[51] Précisément, Fragments, n° 8, v. 1-49, Les présocratiques, p. 261-263.

[52] Fragments, n° 8, v. 53-63, Les présocratiques, p. 263.

[53] Proclus, Commentaire sur le premier livre des Éléments d’Euclide, 65, 11, in Les présocratiques, p. 56.

[54] Cf. le catalogue de Jamblique, in Les présocratiques, p. 558-560.

[55] Hérodote, Enquête, L. II, 23, in Les présocratiques, p. 53.

[56] Porphyre, Vie de Pythagore, 18, in Les présocratiques, p. 59.

[57] Isocrate, Busiris, 28-29, in Les présocratiques, p. 54.

[58] Proclus, Commentaire sur le premier livre des Éléments d’Euclide, 65, 11, in Les présocratiques, p. 56.

[59] Aristote, Traité du Ciel suivi du Traité pseudo-aristotélicien du monde, trad. Jules Tricot, coll. « Bibliothèque des textes philosophiques », Paris, Vrin, 1990, L. III, 1, 300 a 16, p. 125. Trad. modifiée.

[60] Aristote, Métaphysique, A, 5, 985 b 23 à 986 a 12, p. 41 à 43. Cf. John Burnet, L’Aurore de la Philosophie grecque, trad. Auguste Raymond, Paris, Payot, 1919, p. 93-126 et 317-154 et Léon Robin, La pensée grecque et les Origines de l’esprit scientifique, Paris, Renaissance du livre, 1923, 2e éd. mise à jour par Pierre-Maxime Schul, 1960, p. 57-85.

[61] Aristote, Traité du Ciel, L. II, 13, 293 a 21s, p. 101.

[62] Simplicius, Commentaire sur le traité du Ciel d’Aristote, 511, 26, in Les présocratiques, p. 582.

[63] Aristote, Métaphysique, A, 5, 986 a 22-28, Ibid., p. 45 et 46.

[64] Bibliographie sélective :

  1. a) Primaire : Éd. Jean Defradas, Les élégiaques grecs, Paris, PUF, 1962, p. 74-82.
  2. b) Secondaire : Barbara Cassin, Si Parménide, Lille, Presses Universitaires de Lille, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 1980.

[65] Arius Didyme, cité par Stobée, Choix de textes, II, 1, 18, in Les présocratiques, p. 97.

[66] Sophiste, 242 d, tome 2, p. 296.

[67] tome 2, p. 1460.

[68] Aristote, Métaphysique, A, 5, 986 a 21-25, p. 48 et 49.

[69] Cf. le témoignage d’Hippolyte de Rome, Réfutation de toutes les hérésies, I, 14, in Les présocratiques, p. 106.

8.2.2021
 

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