Introduction au cours de psychologie (3 janvier 2022)

 

Aujourd’hui commence sur le site une série de nouvelles publications concernant la psychologie. Elles sont contemporaines d’un cours grand public en douze séances qui, donné au collège des Bernardins et accessible à distance en visio, démarrera le 1er février 2022 et couvrira le second semestre de l’année universitaire 2021-2022.

 

En introduction, je souhaiterais apporter deux types de précisions. Tout d’abord, contrairement à une croyance persistante, je ne suis ni psychologue, ni psychothérapeute, ni psychiatre (de formation ou de métier). Cette fausse réputation vient simplement de ce que j’ai écrit un certain nombre d’ouvrages (ou d’articles) dans le domaine de la psychologie – ou plutôt de livres de philosophie de l’homme, d’éthique ou d’anthropologie théologique qui se nourrissent, parfois beaucoup, des passionnantes études de psychologie. Mon intérêt pour les disciplines psychologiques, qui remonte à longtemps (dès mes études de philosophie, en 1974, avec la découverte de Frankl), est passé par trois phases qui se recouvrent plus qu’elles ne se succèdent.

Dans un premier temps, cette attention fut personnelle : mieux me connaître, mieux me comprendre, vivre mieux. J’ai multiplié les voies d’approche, des approches plus géographiques (les caractérologies, en privilégiant celle de Le Senne) aux approches plus historiques (les trois Viennois, Freud, Adler et Frankl, en privilégiant le premier).

Dans un deuxième temps, à partir de 1990, c’est-à-dire à partir de mon ordination sacerdotale, cet intérêt est devenu beaucoup plus altruiste. En effet, j’ai commencé très vite à accompagner beaucoup de personnes. Or, très vite aussi, je me suis rendu compte que bien des problèmes que l’on qualifiait de spirituels était en réalité des problèmes humains. Et une loi anthropologique que j’ai vécue bien avant de la thématiser veut qu’un problème se résout au niveau où il se pose. Si votre voiture est en panne, vous pouvez prier, et cela s’avère parfois être très utile, mais dans l’immense majorité des cas, le problème ne se résout que si vous bénéficiez de l’aide d’un garagiste ou d’un ami particulièrement bricoleur. Voilà pourquoi je me suis mis à apprendre bien des choses de l’expérience des accompagnés tout en lisant aussi beaucoup en psychologie.

C’est dans un troisième temps que j’ai pris en compte la psychologie dans les cours grand public ou spécialisés au séminaire, et que je suis passé à l’écriture d’ouvrages, d’articles qui la prenaient largement compte. Faut-il le préciser ?, en s’élargissant à plus universel et plus anonyme, ce tropisme psychologique ne nie pas les moments singulier (personnel) ou particulier (interpersonnel), mais s’en enrichit tout en les enrichissant.

Ce grand intérêt, toujours entretenu, pour la psychologie (qui n’est pourtant pas commensurable avec ma passion pour la philosophie ou la théologie) s’éclaire au nom de la loi énoncée ci-dessus (un problème se résout au niveau où il se pose) qui elle-même est l’application d’une loi plus universelle et selon moi vitale : l’intégration (le principe du « et… et »). Il n’y a pas à choisir entre une approche spirituelle (au sens « théologale ») et une approche psychologique – j’ajouterais d’ailleurs deux autres approches : éthique et somatique. Parfois cette dialectique prend une forme subtile : de même que saint Paul parle du passage de « l’homme psychique [Ψυχικὸς ἄνθρωπος] » à « l’homme spirituel » ou plutôt « pneumatique [πνευματικὸς] » (1 Co 2,14-15), de même l’homme devrait-il, à un certain moment de son parcours théologal, cesser de se pré-occuper du psychologique (sous-entendu : cesser de s’intéresser à lui-même) pour ne plus s’occuper que des affaires du Seigneur. Mais cette logique exclusive du « ou… ou » s’oppose au logos même de l’Incarnation qui confesse, de manière inclusive que Jésus est et Dieu et homme, et vrai Dieu et vrai homme. Imaginez-vous que, avancé sur les voies de la sainteté, vous n’aurez un jour plus besoin de manger, dormir, respirer ? Peut-être deviendrez-vous plus sobre, voire minimiserez-vous vos besoins physiologiques. Mais, d’ailleurs au nom de l’humilité qui est la porte d’entrée dans la sainteté et au nom de la vérité qui refuse cette grave hérésie qu’est la gnose (qui conduit à un mépris de la matière et du corps), vous ne cesserez jamais de prendre soin de votre corps, sain ou malade. Or, au même titre que la dimension somatique, la dimension psychologique est une dimension constitutive de notre humanité. Voilà pourquoi, de même qu’une Croix équilibrée peut d’autant plus monter vers le Ciel (l’union à Dieu) qu’elle allonge la barre horizontale (l’amour du prochain) et s’enracine dans le sol (l’estime de soi qui passe par le consentement à son incarnation et sa psychologisation), de même l’avancée dans l’itinéraire vers Dieu s’accompagne d’un approfondissement dans la juste connaissance, la juste confiance et le juste amour de soi. Je ne détaille pas plus ce point qui sera abordé dans un très prochain livre sur la philautie.

 

Disons maintenant un mot du contenu de ces publications sur la psychologie. En effet, elles feront la part belle à Freud, puisqu’une longue série d’entre elles traitera de la psychanalyse freudienne – abordant celle-ci à partir, notamment, de la vie de son fondateur, tant doctrine et biographie se fondent, voire se confondent. Que l’on n’aille pas en tirer la conclusion que Freud est le sommet de l’histoire de la psychologie et que tout apport en cette discipline doit être mesuré à la psychanalyse freudienne. Si l’auteur de L’interprétation du rêve est un génie novateur, il est loin d’être le seul et le plus fiable (traversant l’Atlantique, Milton Erickson est un autre découvreur de génie, qui est autrement équilibré, en sa pratique, sa doctrine et sa personnalité…) !

Cette approche de la psychologie qui semble valoriser la psychanalyse sera donc d’abord équilibrée par trois études plus brèves qui la précèderont : une introduction générale ; une bibliographie détaillée et commentée (qui demanderait à être actualisée, car elle date d’il y a une demi-douzaine d’années, mais vaut toujours au moins par son ordre) ; un bref chapitre sur la psychologie dynamique avant Freud (qui est seulement programmatique).

Ensuite, elle sera suivie par plusieurs études inédites, notamment sur François Roustang, et sur les relations entre psychologie et spiritualité.

Enfin, elle doit être complétée par les multiples études publiées (ouvrages ou articles) faites par ailleurs sur nombre d’approches psychologiques (par exemple, l’ennéagramme [1] ou le triangle dramatique de Karpman [2]), voire psychiatriques (le burn-out [3] ou la personnalité narcissique [4]), et psychothérapeutiques (par exemple, l’hypnothérapie, l’EMDR, etc. [5], la thérapie systémique [6] ou la méditation en pleine conscience [7]) ; par d’autres études non publiées sous format papier que vous trouvez sur le site ; et par l’ouvrage où je me suis essayé à intégrer la psychologie (à l’époque principalement d’inspiration freudienne) à l’anthropologie (à l’époque principalement d’inspiration thomasienne) [8].

Pascal Ide

[1] Cf. Pascal Ide, Les neuf portes de l’âme. Ennéagramme et péchés capitaux : un chemin psychospirituel, Paris, Fayard, 1999 ; « Ennéagramme et transcendantaux. Interprétations croisées », Nouvelle revue théologique, 139 (2017) n° 3, p. 619-638.

[2] Cf. Pascal Ide, Le triangle maléfique. Sortir de nos relations toxiques, Paris, Éd. de l’Emmanuel, 2018 ; « Du Triangle dramatique de Karpman au Carré maléfique », Nouvelle revue théologique, 141 (2019) n° 3, p. 466-484.

[3] Cf. Pascal Ide, Le burnout. Une maladie du don, Paris, L’Emmanuel et Quasar, 2015.

[4] Cf. Pascal Ide, Manipulateurs. Les personnalités narcissiques : décrire, comprendre, agir, Paris, Éd. de l’Emmanuel, 2016.

[5] Cf. Pascal Ide, Des ressources pour guérir. Comprendre et évaluer quelques nouvelles thérapies : hypnose éricksonienne, EMDR, Cohérence cardiaque, EFT, Tipi, CNV, Kaizen, Paris, DDB, 2012.

[6] Cf. Pascal Ide, « De la thérapie systémique à l’Incarnation rédemptrice. L’approche novatrice de Mony Elkaïm », Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 66 (2021) n° 1, De Boeck Supérieur, p. 221-257.

[7] Cf. Pascal Ide, Méditer en pleine conscience. L’art de la réceptivité, Paris, Éd. de l’Emmanuel, 2021.

[8] Cf. Pascal Ide, Mieux se connaître pour mieux s’aimer, Paris, Fayard, 1998.

3.1.2022
 

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