Benoît XVI. Une théologie de l’amour (Introduction)

Un autre regard sur Dieu

Ce livre est né d’un double constat.

D’abord, le pape Benoît XVI est peu ou mal accueilli.

Certains le disent conservateur. Mais que signifie un tel critère ? L’écoute et l’appli­cation du Concile Vatican II sont souvent considérées comme critères d’ouverture, de progrès. Or, le lendemain même de son élection Benoit XVI affirmait : « Alors que je me prépare moi aussi au service qui est propre au Successeur de Pierre, je veux affirmer avec force la ferme volonté de poursuivre l’engagement de mise en œuvre du Concile Vatican II, dans le sillage de mes Prédécesseurs et en fidèle continuité avec la tradition bimillénaire de l’Église [1] » ?

D’autres en font un pape de transition. N’a-t-on pas dit la même chose de Léon XIII (1878-1903), qui mourut à 93 ans, après un règne de 25 ans, et laissa une quarantaine d’encycliques, dont la première encyclique sociale ? N’a-t-on pas fait le même pronostic sur Jean XXIII, qui fut à l’origine de la plus audacieuse des initiatives, le Concile Vatican II ?

D’autres estiment que Jean-Paul II a donné à voir, alors que Benoît XVI donne à en­tendre. Or, la parole est aujourd’hui plus fragile que le visuel et un geste rejoint souvent plus qu’une parole. Une telle opposition n’oublie-t-elle pas d’un côté l’œuvre écrite, considérable, en quantité, mais aussi en qualité, du précédent pape (à commencer par ses quatorze en­cycliques et ses exhortations apostoliques, toutes décisives) et de l’autre, les gestes hautement signifiants du pape actuel (comme la visite d’Auschwitz, le 29 mai 2006, que la nationalité du pape rend d’autant plus symbolique ou la prière dans la grande mosquée d’Istanbul) ?

 

Ces différentes opinions conduisent à un second constat. La pensée du pape Benoît XVI n’est pas tant méconnue qu’incon­nue. Qu’a-t-on lu de lui, hormis les quelques di­zaines de pages – très importantes – de son encyclique ? Et bienheureux celui qui l’a non seulement parcou­rue mais méditée et intériorisée.

Beaucoup d’ouvrages sont parus lors de son élection [2]. Quoi qu’il en soit de leurs orientations, qui étaient fort diverses, aucun n’aborde et ne pouvait aborder la pensée du pape. Le propos de ce livre [3] est de montrer que Benoît XVI – je dis bien Benoît XVI et non pas Joseph Ratzinger [4] – pose et propose à notre temps un regard original sur Dieu.

Il se pose enfin un problème qui, ici, touche le contenu : chacun reconnaît volontiers la grande limpidité de l’écriture de Benoît XVI ; mais, à la limite, la simplicité du propos pourrait en ca­cher la profondeur. De fait, beaucoup de lecteurs disent avoir été « touchés » par tel ou tel texte, mais peu sont capables de mettre en mots cette impression et tant de s’approprier le contenu que de le transmettre. De là naît la seconde intention qui a présidé à cet ouvrage : offrir quelques clés de lecture permettant d’accéder au cœur de sa pensée. Je ferai parfois appel aux écrits du théologien Joseph Ratzinger, afin de confirmer ou d’éclairer les propos du pape ; pour autant, si les continuités sont nettes, je ne manquerai pas, à une occasion, de manifester la rupture ou plutôt la nou­veauté intégratrice des acquis antérieurs. Je convoquerai aussi quelques anecdotes qui ne présentent peut-être pas qu’un intérêt pédagogique ou… anecdotique, tant, pour tout homme, « les histoires sont le fondamental [5]« et, pour le chrétien, constituent un lieu de vérification : Jésus ne fustigeait-il pas l’hypocrite qui dit mais ne fait pas ?

 

La première partie du livre traitera du contenu de la pensée du pape. Mais le fond se donne dans une forme : la seconde partie abordera, plus brièvement, « le style Benoît XVI ».

 

Avertissement

Tous les textes de Benoît XVI se trouvent sur le site du Saint-Siège. Très régulièrement et rapidement mis à jour, il offre un accès, dans toutes les grandes langues diplomatiques, aux prises de parole du Pontife romain. Celui-ci met ainsi en ligne une traduction française que l’on peut considérer comme officielle, même si seul le texte édité dans les Acta Apostolicæ Sedis fait autorité. Sauf mention particulière, les citations des textes du pape sont empruntées au site internet du Vatican. L’adresse, pour la langue française, est la suivante : http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/index_fr.htm

J’ai rassemblé en un document (d’environ cinq millions et demi de signes) tous les textes de Benoît XVI couvrant les deux premières an­nées de son pontificat (20 avril 2005-fin avril 2007). Les différents dé­comptes que l’on trouvera présents dans les notes sont opérés à partir de ce document ainsi constitué. Seuls quelques très rares textes, toujours brefs et d’importance secondaire, ne sont pas traduits en français. Ainsi, on peut considérer que les différentes statistiques qui seront proposées couvrent de l’ordre de 98 % des paroles et écrits du pape. L’absence de com­plétude, jointe au risque d’erreur, explique toutefois que, le plus souvent, je ne me sois pas autorisé à ar­rêter des chiffres précis à l’unité près. Maintenant, un chiffre est neutre ; il requiert d’être interprété pour faire sens.

Pascal Ide

[1] Message au terme de la Missa pro Ecclesia avec les cardinaux électeurs, mercredi 20 avril 2005.

[2] On en trouvera un échantillon dans la bibliographie rassemblée en fin de livre.

[3] Il est né d’abord d’exposé fait à différents petits groupes, puis d’une conférence prononcée à l’amphithéâtre « Tolosa » de l’Institut Catholique de Toulouse, le vendredi 23 mars 2007, dans le cadre de la semaine de mission lancée par le mouvement « Toulouse Alive ».

[4] Cette précision n’est pas inutile, étant donné que certains écrits se présentent comme un exposé de la pensée de Benoît XVI, alors qu’ils analysent celle de Joseph Ratzinger. Par exemple, l’ouvrage d’Aidan Nichols intitulé The Theology of Joseph Ratzinger. An Introductory Study, Edinburgh, T. & T. Clark, 1988, 2001 a été réédité sous le titre : The Thought of Benedict XVI, 2005 (à paraître sous le titre lui-même trompeur mais que corrige le sous-titre : La pensée de Benoît XVI. Introduction à la théologie de Joseph Ratzinger, trad. Éric Iborra, Saint Maur, Parole et Silence, 2007).

[5] Wilhelm Schapp, Empêtrés dans des histoires. L’être de l’homme et de la chose, 1953, trad. Jean Greisch, coll. « La nuit surveillée », Paris, Le Cerf, 1992, p. 108.

9.1.2023
 

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