TOURENNE Y. o.f.m., Les conditions fondamentales de la prière. Métaphysique et prière chez Claude Tresmontant, textes choisis, préf. Mgr M. Aillet, Paris – Perpignan, Lethielleux, 2017. Parue dans la Nouvelle Revue Théologique (NRT) 140 (2018) n° 1, p. 152.
Après une thèse sur le dernier Rahner (Paris, Cerf, 1995), l’A. franciscain, docteur en philosophie et en théologie, offre de manière inattendue l’exposé d’un penseur catholique encore trop peu étudié, philosophe lorgnant du côté de la théologie, Claude Tresmontant (1925-1997). Et il l’aborde sous un angle encore plus improbable : la prière.
La première partie, consacrée aux conditions philosophiques de la prière, donne, dans une vision de sagesse, les intuitions fondamentales de C.T., à savoir les quatre faits objectifs que sont pour lui : la Création, c.-à-d. l’insuffisance de l’univers appelant l’existence de Dieu ; la Révélation, c.-à-d. le fait hébreu, dont C.T. cherche, depuis sa thèse, en 1955, à élaborer la métaphysique ; « l’Homme véritable uni à Dieu véritable », c.-à-d. le Christ ; le « fait de vie » qu’est l’Eglise. Ces faits sont sous-tendus par une logique de fond commune, celle de l’enrichissement progressif de l’information, qui atteste une Cause transcendante et surnaturelle à l’œuvre (chap. 2). Ils invitent aussi à poser la question clé de la métaphysique chrétienne qui est celle du dialogue entre la liberté incréée et les libertés créées, autrement dit la prière (chap. 3).
La seconde partie est une invitation à la contemplation où, à travers de nombreux et larges extraits de l’œuvre de C.T., tricotés et commentés, le lecteur parcourt successivement la christologie, l’ecclésiologie, la vie théologale et la mystique.
Comment ne pas se réjouir de cet ouvrage empathique qui cite abondamment les textes et donne accès aux principes-sources ? Comment ne pas être revigoré par la clarté de l’écriture et la tentative de croisement réalisé par C.T. entre la Bible, Blondel, Teilhard de Chardin et les sciences physiques et biologiques ? La qualité entraîne la limite : l’enthousiasme vire à l’apologétique, l’éloge de la pensée à celle du penseur. Avec plus de recul, le lecteur, surtout s’il connaît l’œuvre de C.T., voire la personne, se donnera le droit d’interroger la tendance antiochienne de la christologie, une conception des libertés en concurrence et non pas en concours, une insuffisante élaboration de la notion analogue d’information et, au fond, paradoxalement, une absence de métaphysique digne de ce nom.
Pascal Ide