« L’affrontement », une pièce située

L’affrontement, pièce de théâtre américaine de Bill C. Davis, 1980, adaptée par Jean Piat, 1984. Avec Jean Piat et Francis Lalanne.

 

Indéniablement, la pièce L’affrontement offre deux heures agréables au spectateur. Mais cet agrément esthétique ne se double-t-il pas d’une gêne intérieure ? Je poserai trois groupes de questions.

  1. Le visage de l’Église et de la foi proposé par Bill C. Davis n’est-il pas fortement influencé par la problématique américaine ? Que l’on songe à l’importance accordée à l’accès des femmes au sacerdoce ministériel, à l’homosexualité, à l’argent, etc.
  2. Comment la pièce résout-elle ces tensions dramatiques réelles ? L’auteur ne privilégie-t-il pas la fibre affective ? Que penser d’un argument comme celui-ci : « Ce sont les Romains et non les Juifs qui ont crucifié Jésus. Vous n’avez rien contre l’Église de Rome ? » ou de cette comparaison (applaudie) : « Dans l’Église, les femmes sont dames caté comme les dames pipi dans les aéroports ! »
  3. Enfin et surtout, quelle figure d’Église nous est-il implicitement proposée ? Le père Tim Farley (Jean Piat) est un alcoolique mondain, qui écrit ses sermons « pour être aimé » de ses paroissiens et trouve dans la boisson le courage de ne pas s’infantiliser face au supérieur du séminaire ; on apprend que Marck Dolson (Francis Lalanne), le séminariste, est bisexuel et fut prostitué ; le dernier, invisible, Mgr Burk, est d’une psychorigidité tyrannique à la limite du pathologique. Cette vision manichéenne du clerc réjouira Eugen Drewermann ; est-elle représentative de la réalité du sacerdoce ?

Plus encore, la dimension spirituelle du prêtre apparaît-elle suffisamment ? Le voit-on prier, sauf pour la bonne réussite de l’entretien avec Mgr. Burk ? Le prêtre n’apparaît-il pas d’abord comme l’homme de la Parole, plus encore, de la Parole déliée de la liturgie, puisqu’il prêche en complet veston et non en aube ? Et nous touchons la difficulté de fond : la vision de l’Église qui est proposée est toute humaine ; elle en efface le mystère, c’est-à-dire la dimension sacramentelle. Dolson exige d’être prêtre : que devient le don de Dieu ? La gestion de l’espace (le prêtre assis ou surélevé face au séminariste debout ou en bas, les positions s’intervertissant lorsque le prêre démasque ses faiblesses) est révélatrice d’une conception de la hiérarchie (étymologiquement : principe sacré) réduite à l’arbitraire violent du pouvoir.

Il est faux que l’Église soit un « immeuble inutile » voué à disparaître. A chaque messe, on prie l’Église du Ciel qui fait partie du Corps mystique du Christ et qui a reçu les promesses de l’éternité. Fausse est la dialectique du révolté : « J’appartiens à Dieu, pas à l’Église. » Méditons la réponse d’une simplicité évangélique que Jeanne d’Arc a faite à ses bourreaux : « M’est avis que du Christ et de l’Église, c’est tout un. » Il ne s’agit pas de construire une « Église nouvelle », comme cette pièce le propose, mais, selon le mot d’un Saint (François d’Assise) souvent cité dans cette pièce : « Répare mon Église. »

L’Église est non pas affrontement qui la défait, mais communion toujours à refaire.

Pascal Ide

17.6.2021
 

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