La noyade émotionnelle. Une différence méconnue entre l’homme et la femme

Le fait, lui, est connu : en cas de conflit, l’homme lâche plus vite que la femme. Dans 85 % des cas, il se retire. Kaufmann l’a noté : la femme hurle, l’homme se tait. Chapman ajoute que ce dernier se réfugie dans sa grotte. La conséquence est, elle aussi, tristement connue : la femme redouble de violence, multiplie les attaques verbales, interprète la dérobade de son mari comme une lâcheté. Lorsque les crises se chronicisent, elles peuvent dégénérer en agression physique (surtout du côté masculin), engendrer le découragement et, épuisant autant l’épouse que l’époux, préluder à leur séparation.

Mais la cause, elle, est ignorée. En accusant son conjoint de lâcheté, la femme se trompe. Le Dr Levenson, de l’université de Berkeley, a observé que l’homme possède un système cardio-vasculaire plus réactif que la femme. Or, nos réserves sont finies, de sorte que, une fois la réaction consommée, la personne se retrouve épuisée. Par conséquent, réagissant plus vite et plus fortement, l’homme se trouve durablement submergé émotionnellement quand survient un conflit. Jon Gottman et Nan Silver ont inventé un mot suggestif pour désigner ce processus : « la noyade émotionnelle » [1]. Or, cette impression crée une véritable détresse. Aussi l’homme se dérobe-t-il avant d’être totalement débordé. Sa fuite n’est donc pas un manque de courage, mais mécanisme de survie. S’ajoutent deux mécanismes qui aggravent la situation : l’homme est ainsi éduqué que souvent, il ne laisse rien transparaître au dehors de sa détresse, alors que la femme cache beaucoup plus rarement ; l’homme exprime parfois son effondrement sous forme de son contraire, la colère, donc l’accusation, ce qui blesse encore plus le lien. Mais cette colère est, elle aussi, une attitude commandée par la protection vitale qui permet à l’homme de ne pas s’affaisser davantage et de ne pas perdre la face.

Quoi qu’il en soit, ce que l’homme gagne en survie, il le perd en relation. En effet, en fuyant, il abandonne le lien et bientôt, l’épouse elle-même. Celle-ci finit par se décourager, surtout si les noyades se multiplient et les stratégies de retrait de même.

Le mal dicte le remède : pour la femme, cesser d’interpréter et passer du cri à la parole, du reproche à la demande (négociable !) ; pour l’homme, cesser de fuir et passer du mutisme à la parole, de la recherche de solution à l’écoute compassionnelle. Avec la compréhension du mécanisme que nous venons de décrire, la Communication NonViolente demeure l’une des voies les plus fécondes pour sortir de ces crises à répétition.

Pascal Ide

[1] Cf. Jon Gottman et Nan Silver, Les couples heureux ont leurs secrets, trad., Paris, Jean-Claude Lattès, 2008.

22.1.2021
 

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