Il est de bon ton de se gausser, voire de mépriser la pensée (et les pratiques) New Age. Les critiques viennent d’ailleurs de deux bords opposés. Le premier est le discours scientifique qui est méthodologiquement matérialiste et athée : il s’oppose aux récupérations indues notamment de la physique quantique ; il est allergique à cette vision holistique et énergétique de l’univers. La seconde attaque provient tout au contraire des religions monothéistes, en tout cas du christianisme qui dénonce dans la posture nouvelâgiste son ésotérisme qui dualise l’humanité entre le petit nombre de ceux qui savent et la masse des complices, son monisme qui est tendanciellement panthéiste, son narcissisme qui centre sur le Soi, son pélagianisme qui remplace le salut par l’éveil et sa gnose qui substitue l’intuition ou l’expérience à la foi et à la Révélation. Ces critiques sont le plus souvent pertinentes. Toutefois, elles ne disent pas tout, spécialement dans une perspective qui se méfie des rejets polaires et privilégie l’intégration sur l’exclusion.
Nous pourrions déjà observer que personne ne s’attribue cette expression d’infamie (au sens propre de « mauvaise réputation ») – je parle du syntagme « Nouvel Âge » – et que chacun la réserve à l’accusation. Charge donc à l’accusateur de la définir plus précisément.
Je souhaiterais seulement dans cette brève note attirer l’attention sur un fait qui m’apparaît de plus en plus massif, et qui est actuellement suscité par la lecture de quelques d’ouvrages appartenant à cette mouvance : elle retrouve bon nombre de vérités et de valeurs (biens) vitales qui sont soit oubliées, soit, pire, suspectées et déconstruites. En voici quelques-unes :
– la distinction entre le corps et l’âme (comme centre intérieur) ;
– une vision unifiée de l’homme, du cosmos et de Dieu ;
– l’intériorisation du divin ;
– la centralité de l’amour gratuit et inconditionnel, non pas seulement entre les hommes, mais au sein de l’univers ;
– l’amour de soi joint à l’amour de l’autre dans une communion ;
– la différence homme-femme (par exemple au travers de la différence symbolique yang-yin) ;
– le mystère du mal, c’est-à-dire sa signification ;
– le rôle des rituels ;
– la place de l’énergie, de la vibration, de la résonance, c’est-à-dire d’un vide qui est en réalité plein ;
– l’espérance dans une totalité comblante.
Assurément, ces affirmations sont souvent bancales, mêlent bon grain et ivraie (par exemple, l’âme est à ce point affirmée qu’elle entre dans une vision dualiste et réincarnationniste). Mais leur partialité tient souvent à leur réactivité. Et, si nous les plaçons face aux théories qu’elles rejettent, nous en percevons mieux l’importance : la distinction corps-âme s’oppose au matérialisme ambiant ; l’identification du cosmos au Grand Tout à l’athéisme triomphant ; l’intériorisation de Dieu à la confession de sa seule transcendance sans immanence ; la signification du mal (subi) au pessimisme qui l’identifie à l’absurde ; etc.
Fort de ce constat, ne serait-il pas temps que nous entamions avec discernement, mais aussi avec gratitude et respect, un dialogue avec ce courant qui se présente comme une nouvelle spiritualité, mais aussi comme une nouvelle vision du monde, entre néo-stoïcisme, qui mérite attention, et néo-gnose, dont il nous faut nous prémunir ?
Pascal Ide