La distinction de l’âme et du corps selon Bernard Sesboüé

Dans un livre de présentation de la foi catholique, Bernard Sesboüé me semble très minimaliste dans sa présentation de la doctrine de l’âme et du corps [1] : pour lui, selon une relecture historiquement très caricaturale, « le schème grec » est dualiste au point qu’il soupçonne la reprise que fait l’Église de cette terminologie, lorsqu’il affirme « qu’à l’occasion de chaque conception d’un petit d’homme Dieu crée l’âme de l’enfant ».

Que propose le théologien jésuite en positif ? Tout d’abord, l’apparition d’un nouvel homme pose un problème identique à celui de la différence commencement-origine. En effet, au commencement correspond l’action humaine qui est immanente, et à l’origine correspond l’action divine qui est transcendante. Est-ce éclairant ? Surtout, n’est-ce pas oublier que l’homme est composé, de manière immanente, de corps et d’âme ? Car Dieu, lui, n’entre pas dans la composition de l’homme : il intervient à titre de cause ; il faut donc encore expliquer l’effet de son action, la réalité de cet effet que l’on nomme traditionnellement l’âme.

Dès lors, nous en arrivons à l’interprétation suivante dont on ne voit pas bien la connexion avec ce qui précède : « Le corps et l’âme représentent aussi deux visées complémentaires d’un seul et même tout. Le corps, c’est l’être humain envisagé selon sa condition et sa fragilité physiques. L’âme, c’est le même être vu sous l’angle de sa dimension spirituelle, intelligente et libre ».

Réjouissons-nous de ce que le théologien du Centre Sèvres accueille la distinction de l’âme et du corps qui est autant scripturaire (cf., par exemple, Mt 10,28 : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme ») que traditionnelle et magistérielle [2]. Mais interrogeons-nous sur son interprétation. Est-il vraiment plus éclairant de remplacer la ferme distinction de l’âme et du corps à partir des couples de la forme et de la matière, qu’affirme explicitement le Magistère [3], à la distinction métaphorique de « visée », de « dimension », d’« angle », etc ? D’ailleurs, elle ne fait que renvoyer la question : en quoi consiste la distinction du physique et du spirituel au sein du « même tout » ? En quels termes rigoureux l’expliquer ? Comme dans d’autres développements de l’ouvrage, l’absence de philosophie, précisément d’une métaphysique de l’être, et de concepts théologiques rigoureux se fait sentir.

Pascal Ide

[1] Bernard Sesboüé, Croire. Invitation à la foi catholique pour les femmes et les hommes du xxie siècle, Paris, Droguet et Ardant, 1999, p. 144 et 145.

[2] Cf. Concile Œcuménique Vatican II, Constitution pastorale Gaudium et spes sur l’Église dans le monde de ce temps, 7 décembre 1965, n. 14, § 1 ; Catéchisme de l’Église catholique, 8 décembre 1992, n. 362-368.

[3] Cf. Concile de Vienne (1312) ; DS 902.

11.12.2023
 

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