Masculin et féminin

Il n’est pas rare que l’on trouve l’autre sexe énigmatique. L’un des grands acquis de la psychologie actuelle est d’avoir montré que toute personne est habitée par des valeurs masculines et féminines. Comment aimer l’autre moitié de l’humanité si l’on n’a pas appris à l’aimer en soi ?

L’homme dénué de féminité est un macho (Jean-Paul II utilise le terme de « machisme » dans l’encyclique l’Evangile de la vie !) ; dénué de masculinité, il est un chewing-gum. Sans féminité, la femme ressemble à une amazone ; sans masculinité, elle n’est qu’une fillette. Tout le monde a rêvé en regardant ou en lisant Autant en emporte le vent. L’un des charmes de cette histoire mythique vient de ce qu’elle illustre (presque) ces quatre figures : Rhett Butler symbolise le macho, Scarlett l’amazone, Ashley le chewing-gum ; si Melanie, de prime abord, fait fillette, en réalité, elle est une femme aussi féminine que « virile », une femme qui a profondément intégré en elle son anima et son animus.

Ne quittons pas le cinéma, grâce à la cinquième mouture que Gillian Armstrong a faite du célèbre roman de Louisa May Alcott, Les quatre filles du Docteur March. Marnee, la mère de famille dont le mari colonel est retenu par la guerre a dû élever seule ses filles. On pourrait s’inquiéter de cet univers seulement féminin. Mais ce serait oublier combien Marnee a su endosser, de façon admirable, le double rôle du père et de la mère, notamment face à la bouillante Joséphine dont le tempérament est peut-être le plus riche, mais pas le plus facile. Dans une scène bouleversante, on voit Marnee repasser les habits avec une attention intense, alors que Jo, au premier plan, repasse sa vie avec fureur et larmes, en se détruisant méthodiquement. Marnee ne contredit pas ce qui a besoin de s’exprimer. Alors, avec douceur et autorité, elle dit quelque chose comme : « Jo, j’aime lorsque tu es à la maison. Mais pars à New York pour être toi-même. » La première phrase est celle de la mère, la seconde, celle du père. Libérée, Joséphine se jette dans les bras de Marnee avec gratitude.

Constater notre bipolarité, masculine et féminine, n’est pas sombrer dans l’androgynie, c’est rappeler que la première réconciliation entre homme et femme s’opère en soi-même.

Pascal Ide

15.3.2018
 

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