Parue dans la Nouvelle Revue Théologique (NRT) 138 (2016) n° 1, p.150.
Pierre Benoît, Le père en personne. Une ontologie de la paternité, Paris, IPC, 2014.
Enfin, la thèse de philosophie de Pierre Benoît, diacre du diocèse de Lyon, soutenue à l’Institut catholique de Lyon et à l’Univ. de Lyon iii (doctorat conjoint) en 2008, paraît ! Elle comble un manque : une approche métaphysique de la paternité. Cette perspective inattendue se justifie en creux et en plein.
P. Benoît prend position de manière critique et intégrative vis-à-vis de trois approches tronquées de la paternité : naturaliste (Aristote), culturaliste (Lévi-Strauss, Butler) et institutionnaliste (Freud, Legendre), qui font l’objet des trois premiers chap. (1re partie), mais aussi de deux autres, qui s’avèrent insuffisantes : éthique (Kant, Levinas, Jonas) et phénoménologique (Lacroix). En regard, le père concerne l’être, parce qu’il engendre et donc donne l’être, parce qu’il est personne (et pas seulement nature ou culture) ; il nécessite donc une approche métaphysique.
Pour comprendre en plein et en propre la paternité, l’A. propose une triple démarche. La première concerne le père génériquement, c.-à-d. dans la condition qu’il partage avec la mère, à savoir être parent (2e partie), ce qu’il va caractériser comme une réalité de communion (3e partie). La deuxième touche le spécifique de la paternité : être époux de la mère, donc parent de sexe masculin (4e partie). La troisième élargit analogiquement (et catalogiquement) la notion de père à la paternité divine et aux paternités spirituelles (5e partie).
L’organisation est limpide, le contenu aussi, couronné par une synthèse très systématique (conclusion générale). On ne peut toutefois se défaire d’une insatisfaction : ce vaste travail mobilisant des références prises aux champs de la philosophie, des sciences humaines et sociales et de la théologie, ouvre heureusement sur une ontologie de l’être comme amour-don et communion, mais il l’appelle de ses voeux plus qu’il ne l’élabore, alors qu’elle serait nécessaire pour fonder et éclairer son propos ; P. Benoît se refuse tout aussi heureusement à ne pas dissocier paternité et sexuation (ici masculine), mais en demeure à de simples prémisses sur ce que pourrait être celle-ci (chap. 9).
Pascal Ide