Les substances séparées (recension)

THOMAS D’AQUIN, Les substances séparées, éd. N. Blanc, coll. “Sagesses médiévales” n° 18, Paris, Les Belles lettres, 2017. Parue dans la Nouvelle Revue Théologique (NRT) 140 (2018) n° 1, p. 152.

Enfin, le public français dispose d’une traduction sur l’édition critique établie par le père Hyacinthe Dondaine en 1968 pour la Léonine, de ce petit traité inachevé que Thomas (mort en 1274) a rédigé après la première moitié de 1271, donc en pleine maturité. L’objet est énoncé par le titre. Sa fluctuation (les plus anciens manuscrits le dédoublent : De angelis seu substantiis separatis) en dit la double perspective. Il traite d’abord de l’angélologie philosophique : après avoir analysé de manière acritique les thèses de Platon et d’Aristote (chap. 1-4), nous offrant en passant son exposé le plus détaillé de la métaphysique platonicienne, l’Aquinate aborde successivement la nature des substances séparées en discutant la conception d’Avicebron sur leur composition hylémorphique (chap. 5-8), l’origine de leur existence, de leurs propriétés et de leur hiérarchie, origine qui est immédiate, c’est-à-dire émane directement de Dieu (chap. 9-12) et leur providence, c’est-à-dire la connaissance et le soin que Dieu en a dans le moindre détail, tout en sauvegardant leur liberté, par la doctrine des modes hiérarchisés de causalité, première et seconde (chap. 13-17). Thomas ébauche ensuite une angélologie théologique (chap. 18-20) que, pour des raisons inconnues, il n’a jamais pu terminer, de sorte que cet opuscule ne peut se présenter comme un traité complet sur les anges.

Cet ouvrage authentique présente un double intérêt, historique, sur la confrontation serrée de Thomas avec le néoplatonisme proclusien et sur l’état des disputes au lendemain des condamnations de décembre 1270, et doctrinal, sur la métaphysique de l’acte d’être et de la participation, qui est désormais possédée avec grande clarté et grande maîtrise. Si l’on peut regretter que les notes se limitent presque constamment aux seules références, l’on appréciera (aux coups de sonde qui ont pu être donnés) la traduction qui joint rigueur et lisibilité, ainsi que la longue introduction qui restitue les enjeux tant historiques que métaphysiques.

Pascal Ide

20.7.2021
 

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