L’eau comme réalité naturelle dans le Catéchisme de l’Église catholique

Centrée sur Dieu et l’homme en chemin vers lui, le Catéchisme de l’Église catholique est plutôt parcimonieux concernant le troisième « pôle », la nature. L’on doit toutefois faire une exception pour une entité naturelle : l’eau. Bien qu’il ne lui consacre qu’un numéro [1], le Catéchisme livre un riche enseignement. Sa lecture nous procure une autre surprise : le développement concerne l’eau en elle-même, indépendamment de son symbolisme et de son assomption sacramentelle dans les eaux lustrales du baptême.

  1. L’eau est, de par sa nature, humble: « depuis l’origine du monde, l’eau, cette créature humble et admirable » (n. 1218). En affirmant « depuis l’origine du monde », le Catéchisme souligne qu’il s’agit là du dessein créateur sur Dieu : ce n’est pas l’usage et l’usage humain, donc la destination, mais l’origine et l’origine divine, qui assigne sa nature à l’eau. En ajoutant « admirable », c’est-à-dire digne d’être admirée, le Catéchisme ne précise pas sa nature, mais l’attitude laudative de l’homme qui fait remonter (reditus) en action de grâce tout ce qu’il a reçu comme grâce (exitus). La liturgie transforme la réception en donation.
  2. Cette humilité la dispose à donner : elle « est la source de la vie et de la fécondité » (n. 1218). En effet, la grande méta-loi du don est adéquatement formulée par le Christ : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10,8). Cette réceptivité première n’est donc pas pour elle-même ; elle est ordonnée à autre qu’elle et même à quelque chose de supérieur à elle, et doublement. D’abord, bien qu’inerte, l’eau est pour « la vie ». Alors qu’il aurait pu dire que l’eau est associée à la nourriture, donc à l’assimilation, le Catéchisme affirme que l’eau est pour « la fécondité » qui est la plus haute, la plus noble des trois opérations vitales (alimentation, augmentation et reproduction). D’ailleurs, cette fructuosité est elle aussi paradoxale, puisqu’inorganique, l’eau est par nature incapable d’engendrer.
  3. En écrivant « ‘couvée’ par l’Esprit de Dieu (cf. Gn 1,2) » (n. 1218), le Catéchisme ajoute qu’il existe une proximité, voire une affinité singulière entre l’eau et l’Esprit. Il est d’ailleurs révélateur qu’il cite le premier récit de la création et non pas la première épître de Jean sur le triple témoignage portée par l’eau, le sang et l’Esprit (1 Jn 5,7-8). Il atteste ainsi que cette proportion entre l’eau et l’Esprit est inscrit dès l’origine dans la création, donc dans la nature même de l’eau. Claudel saura tirer toutes les riches conséquences de cette notation. Le choix de cette image « couvée » dit à nouveau la fécondité de l’eau, mais aussi la douceur de l’enveloppement qui caractérise l’action inclusive, intégratrice, unifiante de l’Esprit.

Pascal Ide

[1] Catéchisme de l’Église catholique, 8 décembre 1992, n. 1218. Un autre numéro paraît concerner l’eau en elle-même. En effet, le n. 1220 distingue deux types d’eau : « Si l’eau de source symbolise la vie, l’eau de la mer est un symbole de la mort ». Toutefois cette distinction concerne non plus l’eau en elle-même, mais en sa symbolique (« symbole »), relue dans le sillage des Saintes Écritures.

8.4.2025
 

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