La « philosophie chrétienne » selon Jean-Paul II. Plan de Fides et ratio, n. 76

L’encyclique de saint Jean-Paul II sur la foi et la raison a consacré un numéro entier au syntagme « philosophie chrétienne » [1], en proposant une fine détermination, tout en confirmant son accueil par le Magistère [2]. Ce long numéro est si rigoureusement construit qu’il est possible d’en donne une divisio textus (un plan) phrase par phrase.

0) Intention

« Une deuxième situation de la philosophie est celle que beaucoup désignent par l’expression philosophie chrétienne ».

1) Définition

  1. a) Première note négative : une philosophie officielle de l’Église

« La dénomination est de soi légitime, mais elle ne doit pas être équivoque : on n’entend pas par là faire allusion à une philosophie officielle de l’Église, puisque la foi n’est pas comme telle une philosophie ».

  1. b) Première note positive : une philosophie en relation avec la foi

« Par cette appellation, on veut plutôt indiquer une démarche philosophique chrétienne, une spéculation philosophique conçue en union étroite avec la foi ».

  1. c) Seconde note négative : une relation au seul sujet

« Cela ne se réfère donc pas simplement à une philosophie élaborée par des philosophes chrétiens qui, dans leur recherche, n’ont pas voulu s’opposer à la foi ».

  1. d) Seconde note positive : la relation à l’objet

« Parlant de philosophie chrétienne, on entend englober tous les développements importants de la pensée philosophique qui n’auraient pu être accomplis sans l’apport, direct ou indirect, de la foi chrétienne ».

Où l’on voit que le texte s’oriente vers un primat de l’aspect objectif, sans pour autant être exclusif.

2) Contenu

  1. a) Aspect subjectif

1’) Purification

a) Énoncé

« Il y a donc deux aspects de la philosophie chrétienne : d’abord un aspect subjectif, qui consiste dans la purification de la raison par la foi ».

b) Exposé

« En tant que vertu théologale, la foi libère la raison de la présomption, tentation typique à laquelle les philosophes sont facilement sujets. Déjà, saint Paul et les Pères de l’Église, et, plus proches de nous, des philosophes comme Pascal et Kierkegaard, l’ont stigmatisée ».

2’) Ouverture

a) Énoncé

« Par l’humilité, le philosophe acquiert aussi le courage d’affronter certaines questions qu’il pourrait difficilement résoudre sans prendre en considération les données reçues de la Révélation ».

b) Preuve inductive

« Il suffit de penser par exemple aux problèmes du mal et de la souffrance, à l’identité personnelle de Dieu et à la question du sens de la vie ou, plus directement, à la question métaphysique radicale : ‘Pourquoi y a-t-il quelque chose ?’ ».

  1. b) Aspect objectif

1’) Les vérités accessibles à la raison

a) Énoncé

« Il y a ensuite l’aspect objectif, concernant le contenu : la Révélation propose clairement certaines vérités qui, bien que n’étant pas naturellement inaccessibles à la raison, n’auraient peut-être jamais été découvertes par cette dernière, si elle avait été laissée à elle-même ».

b) Preuve inductive. Premier exemple

« Dans cette perspective, se trouvent des thèmes comme celui d’un Dieu personnel, libre et créateur, qui a eu une grande importance pour le développement de la pensée philosophique et, en particulier, pour la philosophie de l’être ».

c) Deuxième exemple

« À ce domaine appartient aussi la réalité du péché, telle qu’elle apparaît à la lumière de la foi qui aide à poser philosophiquement de manière adéquate le problème du mal ».

d) Troisième exemple

« La conception de la personne comme être spirituel est aussi une originalité particulière de la foi : l’annonce chrétienne de la dignité, de l’égalité et de la liberté des hommes a certainement exercé une influence sur la réflexion philosophique que les modernes ont menée ».

e) Quatrième exemple

« Plus proche de nous, on peut mentionner la découverte de l’importance que revêt aussi pour la philosophie l’événement historique central de la Révélation chrétienne. Ce n’est pas par hasard qu’il est devenu l’axe d’une philosophie de l’histoire, qui se présente comme un chapitre nouveau de la recherche humaine de la vérité ».

2’) Les vérités seulement révélées

a) Énoncé

« Parmi les éléments objectifs de la philosophie chrétienne, figure aussi la nécessité d’explorer la rationalité de certaines vérités exprimées par les saintes Écritures, comme la possibilité d’une vocation surnaturelle de l’homme et aussi le péché originel lui-même ».

b) Exposé

« Ce sont des tâches qui incitent la raison à reconnaître qu’il y a du vrai et du rationnel bien au-delà des strictes limites dans lesquelles la raison serait tentée de s’enfermer. Ces thèmes élargissent de fait l’espace du rationnel.

3) Objection : autonomie de la philosophie ?

  1. a) Énoncé

« Dans leur spéculation sur ces éléments, les philosophes ne sont pas devenus théologiens… ». On pourrait transformer cet énoncé (cette proposition principale) en question.

  1. b) Réponse

« … dans la mesure où ils n’ont pas cherché à comprendre et à expliciter les vérités de la foi à partir de la Révélation. Ils ont continué à travailler sur leur propre terrain, avec leur propre méthodologie purement rationnelle, mais en élargissant leurs recherches à de nouveaux espaces du vrai ».

  1. c) Confirmation

« On peut dire que, sans l’influence stimulante de la parole de Dieu, une bonne partie de la philosophie moderne et contemporaine n’existerait pas. Le fait conserve toute sa pertinence, même devant la constatation décevante de l’abandon de l’orthodoxie chrétienne de la part d’un certain nombre de penseurs de ces derniers siècles ».

Pascal Ide (pour le plan)

[1] Cf. Jean-Paul II, Lettre encyclique Fides et ratio aux évêques de l’Église catholique sur les rapports entre la foi et la raison, 14 septembre 1998, n. 76.

[2] Rappelons que l’expression fut introduite par le pape Léon XIII dans sa Lettre encyclique Æterni Patris sur la philosophie chrétienne, 4 août 1879 : ASS 11 (1878-1879), p. 97-115.

18.10.2024
 

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