Être et signifier (recension)

BOURGEOIS D., Être et signifier. Structure de la sacramentalité comme signification chez Augustin et Thomas d’Aquin, coll. Bibliothèque thomiste 45, Paris, Vrin, 2016. Parue dans la Nouvelle Revue Théologique (NRT) 139 (2017) n° 3, p. 514-515.

Cette thèse de théologie soutenue à Fribourg en Suisse, voici 10 ans, par un frère de la Fraternité des moines apostoliques – qui s’est déjà fait connaître notamment par un autre gros ouvrage sur la Pastorale de l’Église dans la coll. Amateca – est d’abord parue en version électronique sur le site de l’Université. La version papier bénéficie surtout de quelques mises à jour bibliographiques, sans changements quant à la teneur du texte.

L’intention est résumée par le titre : L’être est signe. Autrement dit, le signe est un transcendantal. La conséquence en est que le sacrement (et le Mystère au sens paulinien) se trouvent lestés ontologiquement. En creux, cette vision métaphysique du signe s’oppose aux théories seulement conventionnalistes et, ce qui revient au même, aux théories seulement fonctionnalistes, c’est-à-dire efficientes, du signe.

Partant de là, le signe se réfracte en trois registres analogues : le signe premier qui dit la relation descendante de Dieu à la créature (Dieu se dit à et dans la créature) ; à son tour et en réponse, la créature peut dire Dieu, c’est-à-dire le signifier ; les créatures peuvent se dire entre elles.

La démonstration se déploie selon un plan historico-doctrinal partant de la Grèce antique jusqu’à l’orée du XIVe s., en insistant surtout et longuement sur les conceptions augustinienne (chap. 2,5-7) et thomasienne du signe (chap. 10-13). Si l’intuition centrale, ardemment défendue, de ce livre trop bavard emporte l’adhésion, en revanche, elle pèche grandement dans son analyse métaphysique de la structure du signe. L’A. ne voit pas que le « se-dire » (le signifier) ne vaut pas que de la relation au fond divin (la créature dit Dieu), mais de la relation à la profondeur créaturelle (tout étant révèle son fond dans une apparition). De ce point de vue, il aurait gagné à poursuivre son enquête historique après le XIVe s. dont l’héritage est loin d’être univoque : il aurait trouvé de sérieux appuis dans la constitution ontophanique du réel développée par des auteurs aussi différents que le Card. Newman, les représentants de la Naturphilosophie, Karl Rahner (la conception du symbole) ou Hans Urs von Balthasar (la philosophie de l’être comme mystère). – P. Ide

27.7.2020
 

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