Vous avez dit amour ?

(article pour Du côté de la Trinité)

La religion chrétienne est religion de l’amour. Sans doute. Mais qu’entend-on par là ? Aujourd’hui, l’amour s’est identifié au sentiment. « Vibrez, c’est l’essentiel », dit une ancienne publicité pour Europe 1. Combien de fois ai-je entendu à la télévision au moment de Rolland-Garros ou des Jeux Olympiques d’Atlanta : « Quel intense moment d’émotion ! » Le sentiment, l’émotion sont devenus des valeurs-reines.

L’inconvénient d’une telle conception est que l’amour hérite des limites du sentiment : les personnes sont loin de nous inspirer, toutes et toujours, de la sympathie. Si l’amour n’est que sentiment il est circonscrit à un cercle qui ne convoque qu’une faible partie de l’humanité. Alors que le Christ nous invite à une charité permanente et universelle.

Est-ce à dire qu’il faut congédier tout sentiment de l’amour ? Est-ce vrai que, comme le disait Léon Bloy, « ce qui gêne l’amour, c’est les sens » ?

Permettez-moi une petite distinction. La relation entre l’amour-sentiment et la volonté d’amour peut être soit ascendante soit descendante. Le plus souvent, elle est ascendante : elle va des sentiments au vouloir. On ne veut chérir que ceux pour qui nous éprouvons de la sympathie. C’est un peu court.

Mais la relation peut être descendante, aller de la volonté aux sentiments. Concrètement, cela signifie que l’on peut décider d’aimer des personnes pour qui l’on n’éprouve pas d’affinités spontanées. Il s’agit de poser des actes (un sourire, un petit service, une parole) . Alors, peu à peu, nous constaterons que notre indifférence, voire notre froideur se transformera en sympathie.

N’est-ce pas de l’hypocrisie ? Au contraire. Cette expérience d’une décision d’aimer qui s’élargit en affection sensible est en réalité révélatrice de l’unité de la personne : si l’amour n’est que sentiment, l’homme se réduit à sa sensibilité ; mais l’homme est corps et âme, sensibilité et volonté.

Un psaume dit : « Mon cœur et ma chair crient de joie » – non pas le cœur ou la chair seuls. La chair, c’est la sensibilité, le cœur, c’est notre volonté profonde.

Pascal Ide

16.8.2019
 

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