Les subversions de la figure de l’ange dans le Nouvel Âge

Pascal Ide, « Les subversions de la figure de l’ange dans le Nouvel Âge », Angelicum, 86 (2009) 1, p. 25-63.

Cet article fit d’abord l’objet d’une intervention lors d’un colloque intitulé Les anges, organisé par l’Université Pontificale Saint-Thomas d’Aquin (Rome) et le Centre Culturel Saint-Louis de France (Rome), les vendredi 15 et samedi 16 avril 2005.

On se souvient du mot de Rilke ouvrant les Élégies de Duino : « Tout ange est terrifiant [1] ». On pourrait dire, sans trop se tromper, que, tout au contraire – hormis l’entité angélique chez Gitta Mallasz –, dans le Nouvel Âge, tout ange est bienfaisant, ou du moins familier… En réalité, les deux figures angéliques, chez l’écrivain allemand et dans le Nouvel Âge, sont plus proches qu’on ne le croit. L’ange, omniprésent dans l’œuvre de Rilke [2], loin de traduire dans la poésie une théologie chrétienne, emprunte plutôt à la mythopoïétique, sans pour autant sombrer dans la dissolution verbale [3] ; pour le poète de l’être humain à l’époque du nihilisme [4], en lui réside le Narcisse parfait [5] : à la question « Qui êtes-vous ? » posée à « l’archange », il est répondu : « miroirs : en leur propre visage reversant / la beauté qui était d’eux-mêmes répandue [6] ». Or, nous allons le voir, le narcissisme est au cœur de la perspective Nouvel Âge.

Définissons ou plutôt décrivons le champ de recherche. En effet, elle se trouve doublement menacée par le vague, voire par la confusion, dans son objet formel comme dans son objet matériel. D’une part, le terme d’ange, massivement employé dans le Nouvel Âge, recouvre des acceptions multiples, éclatées, à la limite de l’équivocité. La première partie tentera de la lever. D’autre part, le Nouvel Âge est une catégorie mal définie, aux contours flous ; plus encore, surtout en Europe, ce terme présente une connotation négative de sorte que telle œuvre qui fait manifestement partie de ce type de littérature refusera pourtant énergiquement cette appartenance considérée comme déshonorante [7]. J’apporterai plus loin quelques éclaircissements sur les raisons de l’apparition et de la spécificité du Nouvel Âge. Je me contenterai ici de la décrire brièvement.

Le Nouvel Âge est d’abord un concept sociologique : il n’est ni un mouvement, ni une philosophie, ni une religion. C’est plutôt un « milieu [8] », une « nébuleuse », « un réseau fluide d’adeptes dont l’approche est de penser globalement mais agir localement [9] ».

L’expression « Nouvel Âge » constitue aussi une catégorisation chronologique. Elle désigne une nouvelle ère, un changement d’ère. Or, selon les astrologues, nous vivons actuellement dans l’ère des Poissons et passerons à l’ère du Verseau, à une date qui, différente selon le calendrier utilisé, va de 1967 à… 2376 [10]. Le Nouvel Âge indique donc un tournant majeur de l’histoire ; voilà pourquoi chacun souhaite en être le témoin.

Mais ce changement d’ère implique, plus profondément, une mutation de contenu, voire de civilisation. Cette métamorphose – empruntant, parfois sans recul critique, cette catégorie à l’historien des sciences Thomas Kuhn, on parle d’un « changement de paradigme » – constitue une aspiration fort attrayante et, pour bon nombre, une réalité déjà ébauchée. Elle se traduit par un certain nombre de passages :

– d’une vision dualiste de l’univers à une vision non-duelle, voire moniste ;

– d’un mépris de son corps à un souci central de la diététique, de sa santé ;

– d’un investissement de la sphère sociale à un souci de soi, d’une problématique de la libération sociopolitique à la guérison individuelle ;

– d’une vision rationnelle et analytique à une critique du mental et à une valorisation des sentiments et de l’intuition ;

– d’une perspective matérielle à une vision intégrant la dimension spirituelle et même religieuse ;

– d’une prédominance de la symbolique masculine valorisant la domination et les relations de force à une prédominance de la symbolique féminine de la connexion ;

Il n’y a pas d’histoire sans géographie. L’avènement du Nouvel Age se propose comme un voyage culturel, de la côte Est des États-Unis (où la question prédominante est : « What do you think ? ») à la côte Ouest (où cette question devient : « What do you feel ? ») et, pour nous, en Europe, en sens opposé, de l’Occident à l’Orient. Ce pèlerinage s’avère en fait intérieur, à la fois beaucoup plus court (spatialement) et beaucoup plus long (temporellement), du cerveau gauche au cerveau droit.

Cette trop brève intervention s’attachera avant tout à décrire la figure de l’ange telle qu’elle apparaît dans la littérature et la pratique du New Ager (1), puis s’interrogera sur les raisons de l’inflation de cette présence (2) et enfin proposera quelques critères de discernement (3).

Achevons cette introduction par une remarque méthodologique qui pourrait aussi être une réponse à une objection tacite. Il y a un paradoxe à traiter systématiquement et théoriquement d’un sujet que le type d’approche Nouvel Âge répugne et à la sécheresse analytique du discours rationnel et à la séparation factice du théorique et du pratique, pour privilégier la richesse de l’expérience et de l’émotion. Aussi mon propos s’adresse-t-il plutôt au chrétien et aussi à l’homme de bonne volonté afin qu’ils « prennent le Nouvel Âge au sérieux et instaurent un dialogue critique avec des personnes qui abordent [11] » un bien commun oublié de la tradition biblique et, osons-le dire, philosophique – je veux dire les anges.

1) Quelques caractéristiques

Sans prétendre être exhaustif, je distinguerai six notes caractéristiques de la figure de l’ange dans le Nouvel Âge. Toutefois, avant de décrire ce qui est dit des anges, jetons un coup d’œil sur la production qui leur est consacrée.

Les anges, note le document d’étude élaboré de concert par le Conseil pontifical pour la culture et le Conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux dans un paragraphe intitulé « Enchantement : il doit y avoir un ange », « sont aujourd’hui au centre d’un marche florissant de livres et d’images [12] ».

Je me limiterai à la seule littérature francophone [13]. Elle frappe par trois traits : la quantité, le caractère récent, l’édition par les maisons hors des circuits… traditionnels, souvent québécoises. Ce caractère hors norme rend d’ailleurs difficile, voire impossible, tout relevé prétendant à quelque complétude. Sur ce foisonnement stupéfiant, permettez-moi un souvenir personnel. En vue de préparer cette intervention et, pour cela, m’informer sur les ouvrages qui venaient de paraître sur les anges dans le Nouvel Âge, je me suis spontanément rendu à la maison de la librairie Joseph Gibert spécialisée dans l’ésotérisme, sur les quais de Seine, à Paris. Je m’enquiers auprès de la vendeuse d’un rayon possible qui aurait regroupé les écrits parus sur mon sujet. La promptitude de la réponse me fait soupçonner le pire. Je m’attendais à trouver une demi-douzaine de livres poussiéreux constituant à peine une rangée. Mais je fais face à une colonne entière d’ouvrages : pas moins d’une cinquantaine relevant spécifiquement de la perspective Nouvel Âge, la plupart datant du nouveau millénaire [14]… Comparativement, dans le même laps de temps, la production proprement chrétienne (théologique, spirituelle) sur le sujet est au minimum cinq fois moins ample.

Au nombre d’ouvrages, il faut adjoindre le nombre d’exemplaires, donc le succès stupéfiant de certains d’entre eux [15]. Une mention spéciale doit être réservée pour Dialogues avec l’ange [16], best-seller mondial racontant l’expérience prophétique par laquelle quatre artistes survivent à l’enfer nazi par l’intervention d’un ange : sa réussite ne se dément pas et a suscité une suite [17], trois « livres explicatifs [18] » et de multiples commentaires [19].

Le document romain cité ci-dessus fait aussi état de ce que la production Nouvel Âge ne se limite pas au seul écrit mais mobilise quantité d’autres supports, visuels – agendas [20], images ou cartes [21] –, auditifs – CD-ROM [22] – et même olfactifs – baguettes d’encens utiles voire nécessaires à une prière d’invocation des anges. Cette para-littérature n’étonnera pas si l’on se souvient que le Nouvel Âge désire redonner toute sa place au corps, aux sens, aux rituels, etc.

Intermédiaire entre l’écriture et le visuel, mentionnons la bande dessinée qui, avec le cinéma [23], constitue l’un des produits culturels le plus consommé par nos contemporains. Or, il est significatif que le type de dessin, comme les trames narratives empruntent au fonds Nouvel Âge et, plus généralement, hermétiste et font donc appel à des figures angéliques (stryges, etc.). Plus encore, les deux scénaristes de l’école franco-belge les plus à succès aujourd’hui et non dénués de talent, se réfèrent explicitement au Nouvel Âge et font appel à des personnages qui, s’ils ne sont pas des anges, en présentent des traits : Alexandro Jodorowsky pour la majorité de ses séries [24] ; Jean Van Hamme pour l’une des trois séries-cultes qu’il a créées [25].

Enfin, la finalité du Nouvel Âge étant principalement existentielle, il faut mentionner la pratique à la fois fréquente et ubiquitaire de l’invocation des anges. Pour ne donner qu’un exemple, l’une des grandes communautés Nouvel Âge, celle de Findhorn (sur la côté orientale de l’Écosse), véritable lieu de pèlerinage européen, fait beaucoup appel aux anges [26]. C’est ainsi qu’on y « choisit chaque semaine un mot d’ange sur lequel chacun médite et dont tous discutent ensemble [27] ».

Venons aux traits communs de l’angélologie Nouvel Âge.

a) Un objet d’expérience

Une première caractéristique est d’ordre noétique. Pour parler des anges, le Nouvel Âge fait volontiers appel à des sources à la fois traditionnelles et très éclectiques. Par exemple, dans un ouvrage consacré aux anges, Doreen Virtue convoque allègrement la Bible, les traditions grecque, tibétaine, celtique, théosophique, etc. [28] Si l’on ne peut guère attendre de convergence d’un matériau aussi pluriel, c’est que, une nouvelle fois, l’unité vient de la finalité, éminemment pratique : les bienfaits que ces « divinités » peuvent apporter. Mais, plus encore, l’existence des anges est, pour l’adepte du Nouvel Âge, qui suspecte le caractère trop discursif de la spéculation, une conviction d’ordre immédiat. De fait, rares sont les livres qui se présentent comme des enquêtes ; la plupart se fondent sur une évidence acquise par expérience.

1’) L’expérience fondatrice

Nombre de livres New Age traitant des anges non seulement rapportent de multiples témoignages mais sont rédigés par des auteurs qui ont bénéficié d’une perception immédiate d’un ange. Voire ils ont été souvent écrits pour l’attester, au sens le plus radical du témoignage, c’est-à-dire à la fois pour remercier, rembourser une dette et assurer la transmission de cette expérience fondatrice, transformante et bénéfique.

L’expérience fondatrice se présente fréquemment comme une protection. Ainsi Françoise Naud ouvre son livre par un remerciement à son ange gardien, « Imamiah », qui lui a sauvé la vie d’un accident de voiture probablement mortel. Son dernier souvenir est, sur l’autoroute, la vision d’un gros camion qui fonce sur elle. Puis, elle apprend que sa « voiture est rangée, le frein tiré ». Le routier qui la réveille en frappant à la vitre, raconte, stupéfait : « J’ai vu la lumière si forte, dans l’obscurité derrière vous, comme une autre personne, j’ai fait demi-tour. J’ai pensé à un accident sûrement mortel, le temps d’arriver… Je ne comprends rien, rien ! Vous n’avez rien, la voiture est garée, vous dormiez, la lumière, elle venait d’où [29]? »

Cette expérience demeure indirecte. Un peu plus loin, le même auteur raconte sa première rencontre avec son ange gardien. Il vaut la peine de la lire en entier, tant elle est emblématique : « 4 heures du matin : ma chambre est immaculée et une lumière intense me sort du sommeil. Je suis éblouie, je m’assieds sur le bord de mon lit, je me lève pour éteindre la lumière, mais sans succès, l’interrupteur ne répond pas. Alors je force sur ma vue durant cinq minutes avant de m’adapter à la lumière, puis une forme se dessine dans l’angle, elle fait des filaments lumineux. Un ange gardien se tient debout devant moi, il me semble immense, son regard me fixe avec force tout autant que je ressens sa bienveillance se poser sur moi. […] Sur le mur blanc au fond de ma chambre, un écran se dessine sur lequel des images défilent comme pour me rassurer. Il projette des scènes de mon enfance tout d’abord. […] Les moments les plus importants de ma vie jusqu’à aujourd’hui sont là sous mes yeux, je vois défiler mon avenir […]. Depuis, tout ce que j’ai pu voir cette nuit-là est arrivé. Mieux encore, il m’a montré comment je finirai ma vie. Après avoir eu une vision claire des principaux événements sur la planète, j’ai pu voir une grosse bâtisse à l’intérieur de laquelle j’évoluais, le visage buriné, vêtue d’une robe de bure et j’étais complètement radieuse. […] Dans sa main à lui, il y avait un livre, celui que j’ai écrit, il avait un regard intense, il a disparu et j’ai passé un grand moment à flotter, radieuse. Je voulais savoir pourquoi moi ? La réponse m’est venue quand j’ai écrit cet ouvrage, sa main m’a guidée et j’ai été soutenue par une force miraculeuse [30] ».

Ce récit présente nombre de points remarquables qui se retrouvent dans d’autres expériences : gratuité de l’apparition se donnant à voir sans demande préalable et attestant de l’attention aimante de l’ange pour la personne ; luminosité de l’ange, donc caractère sensible, sensoriel de l’expérience ; indifférence au caractère objectif ou subjectif de l’apparition ; attribution immédiate et acritique à l’ange gardien ; ressemblance avec les EMI (expériences de mort imminente), quant au défilement rapide de la boîte noire [31] ; caractère déterministe – l’avenir, jusqu’à la mort, est fixé – ; don de voir l’avenir (la prédiction) ; reconnaissance d’une mission, donc d’une raison d’être, ce que Gitta Mallasz appelle une « Tâche » ; soutien pour cette mission ; paix et rassurement nés de ce que l’expérience nourrit autant le besoin de sécurité en offrant une connaissance assurée du futur, que le besoin de sens en fournissant une direction pour l’existence.

2’) Les critères de l’expérience

Celui qui veut entrer en contact avec son Ange posera volontiers la question : comment être assuré d’avoir communiqué avec lui ? Nous venons de dire que l’attribution de l’expérience à l’ange est souvent acritique. En fait, certains auteurs se risquent à proposer quelques critères. L’un d’eux, après une réponse prudente – « On ne peut pas » être certain – ajoute aussitôt quatre signes : 1. « Lors de l’appel, […] vous éprouverez de légers picotements au niveau des mains, s’accomplissant souvent de manière circulaire. » 2. « Celui qui prie « efficacement » […] ressentira fortement une sensation de présence, qui le remplit de joie et de sérénité », souvent sous forme d’ »une sensation de chaleur intense, comme un feu intérieur » dans le thorax, le bout des doigts, etc. 3. « Quelques instants après », celui qui a invoqué la présence de l’ange « éprouve un élargissement des limites de son corps », sans véritable dédoublement, mais « physiquement présent dans tout ce qui l’entoure ». 4. Au terme du « rituel », la personne ressent souvent « une certaine exaltation ». Conclusion : « Si l’un ou plusieurs de ces signes sont présents, soyez certains que l’Ange a répondu et ne doutez pas du bien-fondé de son action [32]« …

3’) Une expérience descendante

Jusqu’à maintenant, nous avons parlé d’une expérience que l’auteur prend l’initiative de dévoiler. Dans certains cas, les entités angéliques elles-mêmes prennent l’initiative de nous enseigner. Tel est le cas des Anges Evah qui se présentent comme des « émanations de Dieu » et viennent apporter, par le canal qu’est Nathalie Leroux, des enseignements concrets et universels visant à assurer le mieux-être de l’homme [33]. Dans un autre livre, les anges poussent un homme d’affaires de l’Oregon, Nick Bunick, à raconter l’aventure extraordinaire qu’il a vécue dans ses vies antérieures, à savoir qu’il était Saul de Tarse devenu l’Apôtre Paul [34]. En transe, l’homme raconte alors la vie de Saul puis de Paul… Un ouvrage anonyme, quant à lui, raconte l’histoire de Marie-Lise Labonté qui sert de canal humain à un groupe d’anges dont le porte-parole se nomme Xédah [35] ; les thèmes abordés par les anges sont le pardon, la grâce, la transcendance, l’âme-sœur, l’évolution de l’âme, le service à la Source.

b) Une finalité exclusivement pratique

Le Nouvel Âge inverse la hiérarchie classique du spéculatif et du pratique. En effet, on a vu qu’il répugne à tout essentialisme et à toute distinction trop rationnelle : le spéculatif relève du mental, au sens négatif du terme. La question cérébrale quid disparaît au profit des interrogations pragmatiques quare et plus encore quomodo.

Appliquée à notre sujet, cette règle noétique autant que méthodologique entraîne un minimalisme de la réflexion théorique : la majeure partie des ouvrages consacrés aux anges accorde une place en quelque sorte de courtoisie à leur nature ; les chapitres s’attardent avant tout d’une part sur la raison d’être de l’ange – on lui demande de servir de médiateur et de médiateur actif qui communique à l’homme la substance divine –, d’autre part sur les manières de rentrer en contact avec eux. L’essentiel, dit Gérard Le Gwen, est que le rituel d’invocation des archanges soit « efficace [36] ». Voilà pourquoi tel livre classera les anges en fonction de leurs pouvoirs : spirituels (par exemple : clémence, exorcisme, pardon, étude des sciences occulte), intellectuels (par exemple : inspiration pour les contrats, goût de l’étude, généalogie), matériels (par exemple : accouchements, révéler un faux témoin, fidélité conjugale, protection contre la tromperie) [37].

L’approche essentiellement pratique que les ouvrages Nouvel Âge propose des anges tient à la motivation du lectorat : cette vogue se plie sans état d’âme à la loi de l’offre et de la demande. En effet, le consommateur de ces livres et de ces techniques est habité par des motivations presque exclusivement utilitaires. On peut en isoler quatre, parmi les plus fréquentes.

Nous vivons dans un monde insécurisé en recherche du risque zéro ; or, les anges, notamment les anges que la tradition chrétienne qualifient de gardiens, répondent, jusque dans leur nom, à ce besoin de rassurement. L’être en détresse souhaite donc entrer en contact avec un ange pour trouver la paix intérieure dans une situation angoissante, la lumière pour une décision importante dans son travail ou sa vie affective, etc.

Une autre raison non négligeable est la recherche de consolation après un deuil ; or, la consolation la plus évidente est de rétablir la communication avec le défunt ; comme les anges demeurent dans le monde de l’au-delà, ils paraissent donc constituer le canal idéal pour connecter avec les êtres chers décédés.

Notre époque a fait de la santé parfaite le paradigme du bonheur et de la guérison celui du salut. Or, certains auteurs estiment que la vocation principale de l’ange réside dans leur pouvoir médicinal : « les Anges viennent toujours pour la guérison, c’est là leur première mission », dit un livre entièrement consacré au pouvoir thérapeutique des anges [38]. Nombre d’ouvrages, on le verra, estiment même que ceux-ci participent plus du médecin spécialiste que du médecin généraliste ! Tel type d’ange est ainsi corrélé à telle sorte de pathologie ou de dysfonctionnement. Comment s’en étonner ? L’ange, la prochaine note le soulignera, est énergie et la santé est harmonie ; or, qui dit harmonie dit aussi mise en résonance de nos différents organes : l’ouvrage suscité corrèle les anges aux couleurs et notre corps possède sept chakras qui sont eux-mêmes de couleurs différentes [39]. Le pouvoir curatif angélique se fonde donc sur ce systémisme universel et panénergétique.

Il ne faudrait pas négliger, enfin, une dernière intention, aussi peu nommée, voire cachée, que réelle : la recherche d’un pouvoir. En effet, comme on le verra, l’ange – toujours dans la conception New Age – est créateur [40] ; or, il peut communiquer une partie de cette énergie à l’homme qui se met en phase avec lui. C’est ainsi que Neale Donald Walsch affirme l’existence en l’homme de trois énergies créatrices successives : la pensée, la parole et l’action. Et « l’action, c’est Dieu en création [41] ». Voilà aussi pourquoi certains auteurs parlent volontiers d’une « intervention toute-puissante des anges [42] ».

c) Nature de l’ange

Passons de la perspective noétique à la perspective ontologique. Et d’abord, envisageons l’essence de l’ange : qu’est-ce que l’ange dans la perspective Nouvel Âge ?

1’) Les faits

De prime abord, il ne semble pas exister de réponse commune. Les approches apparaissent extrêmement variées, voire hétérogènes. À la grande étroitesse du signifiant – ange, archange – correspond en fait une grande dispersion du signifié – allant du soi jusqu’à Dieu, en passant par tous les états intermédiaires –, non seulement entre les auteurs, mais sous une même plume.

C’est ainsi que dans un unique ouvrage, l’on rencontre les assertions suivantes relevant de registres de discours et de rationalités totalement différents : « Les anges sont les intermédiaires entre Dieu et le monde des hommes […]. L’ange symbolise la créature dans laquelle apparaît, déjà réalisée, la transformation du visible en invisible » ; « Votre ange gardien est votre double astral. Il est aussi votre âme désincarnée qui communique avec votre âme incarnée de votre existence terrestre » ; « Votre ange gardien est l’être céleste disponible pour vous entendre, mieux ! pour vous écouter [43] ».

Autre exemple d’assertions qui, regroupées en deux pages, convoquent les champs épistémologiques les plus variés sans même (s’)en rendre compte : « un ange est une émanation du divin, une image de Dieu » ; chaque ange « est représentatif d’un « pouvoir », d’une faculté de l’Éternel » ; « Dieu est ineffable, et l’homme, créature limitée intellectuellement et spirituellement ne saurait en comprendre l’essence. Il lui faut donc des intermédiaires : les anges » ; « 1. Un ange porte en lui le nom et la divinité de l’Éternel. 2. Un ange est une sorte de « fonctionnaire du cosmique » [44] ».

2’) Les causes

Une intelligence normalement éveillée au respect des champs disciplinaires et sensibilisée à l’herméneutique s’étonnera voire s’inquiètera de cette juxtaposition et de ce nivellement des types de discours où les assertions de la théologie chrétienne cousinent sans transition avec celles de la psychologie et de l’ésotérisme.

Il n’est pas certain que cet émiettement du champ conceptuel et discursif relève seulement d’une ingénuité pré-réflexive. Ce syncrétisme constitue même l’un des traits typiques d’une pensée Nouvel Âge [45]. Ici, la non-dualité prend la forme du refus des cloisonnements délétères du mental analytique et des régionalismes idéologiques, surtout occidentaux. Dès lors, la perception des équivalences prévaut sur celle des désaccords. Présentant une expérience de 25 années de dialogue avec son « ange », Bruno Bazin écrit : « d’autres peuvent le nommer Être de lumière, Correspondant céleste, Double éthérique, Surmoi [46] ». Ce qui est vrai de la doctrine se vérifie aussi de leurs auteurs qui ne s’effraient pas d’appartenances multiples qui conjurent les enfermements institutionnels [47].

Une autre raison tient au primat de la perspective pratique, voire pragmatique dont on a dit qu’il caractérise le New Age. Une interrogation sur la nature de l’ange ajourne l’entrée en relation. Surtout, peu importe le flacon – l’essence angélique –, pourvu qu’on ait l’ivresse – la consolation ou la lumière née du contact avec lui. C’est ainsi que le livre Dialogues avec l’Ange ne renseigne pas d’abord sur la nature de l’ange, mais sur ce que doivent faire ceux auxquels les anges s’adressent. Aussi n’apprenons-nous qu’accidentellement ce qu’ils sont. Voire le nom « Ange » ne constituerait-il pas une facilité de langage et une concession culturelle ? Ne vaudrait-il pas mieux parler de force ou d’énergie ? Prenons un ouvrage rédigé par une médium auditive de naissance, elle-même appartenant à une famille de médiums où les dons de voyance se perpétuent de génération en génération ; elle transmet des messages venant du monde invisible par channeling, ces messages contenant le plus souvent des encouragements pour le monde terrestre. Or, voici ce qui est écrit dans le chapitre consacré à la prière : « Peu importe la religion à laquelle on se réfère, l’essentiel est de prier, c’est-à-dire de se relier à une force spirituelle, qu’il s’agisse d’archanges, de Bouddha, de cosmos, de forces spirituelles, de guides intérieurs, d’êtres de lumière ou de forces divines, d’AMOUR en somme [48] » – autrement dit, d’atteindre ce qui, sans cette médiation, demeure inaccessible, à savoir la sphère du divin. Il importe donc peu de savoir si l’ange est une personne, un sujet spirituel, une force, une énergie, une émanation supérieure du moi ou inférieure du divin.

Pourtant, enfin, il n’est pas impossible de trouver des points communs entre ces descriptions et ces langages. Un premier est la nature divine de l’ange ou plutôt la commune nature du moi, de l’ange et de Dieu. « Qu’est-ce qu’un ange – interroge un ouvrage québécois ? C’est une manifestation de Dieu. C’est aussi un autre nous-même. Parler des anges, c’est dire la présence de Dieu en toutes choses et mettre en évidence une zone cachée de ce que l’on est. L’ange est celui qui révèle les potentialités cachées en chacun de nous, exacerbant le meilleur. Il nous parle par signes : un texte sur lequel on tombe et qui nous donne une réponse, un ami qui nous appelle un bon moment, un rêve particulier, etc. [49] ». L’ange, comme le moi, est donc interprété comme une pars divinæ essentiæ. Certes, on trouvera des différences notables entre les écrits ; et cette disparité tient principalement à l’influence plus ou moins grande du christianisme et, plus généralement, de la Bible : en effet, creusant, dès le premier chapitre de la Genèse, un fossé infranchissable entre la Créature et son créateur, celle-ci répugne à toute forme de monisme ; aussi, les auteurs occidentaux, contrairement aux écrivains notamment hindous auxquels ils s’abreuvent massivement, résistent-ils encore à une confusion entre le fini et l’infini. Il demeure que même Dialogues avec l’Ange – dont le scribe, Gitta Malasz, est de formation catholique, quoiqu’indifférente – explique en exergue : « Le pronom Ö, employé par les Anges pour désigner le Divin, pouvait signifier également Dieu ou Jésus [50] ». D’ailleurs, un signe de la nature proprement divine de l’ange est le pouvoir créateur que lui octroie fréquemment le Nouvel Âge et dont il a été relevé plusieurs exemples [51].

Surtout, ce panthéisme se trouve confirmé et nourri par une thématique propre au Nouvel Âge, thématique omniprésente que l’on trouve presque invariablement dans les ouvrages appartenant à cette tendance et en constituant une signature presque assurée : l’énergie – et sa forme qu’est la vibration. Le New Age se nourrit d’une ontologie qui identifie l’être à une harmonie : toute réalité est au fond d’essence vibratoire. L’ange ne sera qu’une concrétisation de ce principe général : si supérieur soit-il, il est une forme d’énergie. « Reprogrammez vos cellules avec ces puissantes énergies angéliques », dit la publicité pour les CD dont il était question ci-dessus. Dit autrement, il est d’essence vibratoire. « Les Anges sont des rayons d’énergie de différentes couleurs qui s’apparentent aux couleurs des chakras et des corps énergétiques [52]. »

Comme l’énergie est matérielle, les anges sont donc conçus, par le Nouvel Âge, comme des êtres corporels. Sylvia Browne, une médium rencontrant différents anges, transmet le messages rassurants de ces êtres de lumière qui nous entourent à chaque instant du jour : « Les anges ont de vrais corps, explique-t-elle, mais comme leur fréquence vibratoire est plus élevée que la nôtre, ils ont souvent du mal à prendre forme. Cependant […] ils peuvent prendre forme humaine pendant quelque temps, puis ils semblent disparaître [53] ».

Si tout est pulsation énergétique, les différences entre les êtres ne sont que des différences de longueur d’onde et leurs relations des relations de résonance, donc de correspondance. Par conséquent, Dieu, l’ange et le moi ne se distinguent que par la fréquence et peuvent entrer en résonance. Et, de même que les longueurs d’onde obéissent à des lois, de même les relations entre Dieu, l’ange et le moi : précisément, l’ange met au diapason l’humain et le divin. Et si le médiateur est interface participant des deux réalités qu’il cherche à corréler, l’ange devient médiateur par essence : « Je crois que les Anges sont des formes, des images ou des expressions à travers lesquelles les essences et les forces énergétiques de Dieu peuvent être transmises [54]. » Plus précisément, il faudrait concevoir l’ange comme une énergie diffusant de Dieu ; or, celle-ci obéit à certaines règles de sorte que, pour pouvoir entrer en communication (channeling) avec les anges, l’homme devra lui-même se mettre en phase vibratoire : « La PSDN, Présence Simultanée sur Deux Niveaux, définit un état de conscience pleinement éveillé […]. À ce moment là, la fréquence maximale de l’être humain rejoint la fréquence minimale de l’ange, et s’unit à elle […]. La PSDN, c’est la trace terrestre de notre rencontre avec l’ange [55] ». À cette image plus verticale, hiérarchique, en tout cas plus linéaire, on peut préférer une symbolique plus féminine, circulaire, en affirmant que l’être humain doit entrer en lui-même et se mettre à l’écoute des vibrations de son moi profond qui est d’essence divine. Et différentes techniques seront utilisées pour favoriser cette écoute [56].

Une pensée formée à l’école de la philosophie des Lumières, notamment de Kant, ne manquera pas de ressentir un malaise à cette essentialisation de la médiation qui semble instrumentaliser l’ange, comme à cette mesure de son action par des lois cosmologiques qui soumettent leur autonomie à une hétéronomie aliénante. Là encore, ce qui heurte une mentalité formée par l’Aufklärung constitue justement, mais souvent implicitement, la révolution copernicienne – mais d’un tout autre ordre que celle demandée par le philosophe de Königsberg – opérée par la pensée New Age : la sagesse qui mesure le monde n’est plus Dieu ni l’homme (qui se prend pour un petit dieu), mais, en son fond, la nature (divinisée).

d) Répartition des anges

Autant les réponses sur l’essence angélique sont d’une dispersion extrême, autant celles sur la répartition des anges sont d’une constance presque suspecte et même d’une monotonie traduisant une extrême pauvreté d’information.

1’) Les anges gardiens

Le Nouvel Âge fait massivement appel à la tradition chrétienne et même biblique de l’ange gardien [57]. Non sans lui apporter des modifications. Ainsi leur nature participe de l’ambiguïté générale planant sur l’essence de l’ange. Par exemple, selon la tradition kabbalistique, chaque homme possède trois anges gardiens. Lisons quelques extraits de la description qu’un chapitre d’ouvrage consacre à l’ange gardien :

 

« D’une part il nous relie à Dieu à travers l’âme dont il est le côté éveillé et à travers l’Esprit dont il fait partie. Et d’autre part il relie entre elles toutes les vibrations de l’âme qui, vous le savez, n’est que l’enveloppe vibratoire de l’Esprit [58].

« L’âme naît avec la création. Elle se détache de l’âme collective sans s’opposer à Dieu, elle est toujours avec Lui, puisqu’elle est toujours tournée vers lui. Progressivement elle prend conscience d’elle-même, elle devient ‘intelligente’. C’est la première étape. […] L’étape suivante c’est l’incarnation humaine d’une partie de l’âme et l’ange gardien accompagne chaque incarnation. Il vient de l’infini, il est avec nous depuis la création du monde et il se fondra avec notre âme dans l’Esprit lorsque le moment de la réintégration sera venu. » Cet ange gardien « est la pureté que nous essayons de retrouver consciemment. Il fait partie de nous, il est notre meilleur côté, il est notre accomplissement. Il nous aide à vivre les vertus en ce qu’il met en action ce que nous sommes capables d’être et de manifester de meilleur. Essayer de vivre les vertus c’est lié au corps. Mais ressentir l’état, cela est manifesté par l’ange gardien. C’est pourquoi il nous faut lui donner vie, le nourrir de ce que nous voulons devenir profondément. Et c’est pourquoi nous pouvons aussi l’appeler notre ego sublimé. […] L’ange gardien est notre fil conducteur. Sans lui, comment ferions-nous pour ne pas nous égarer ? […] Grâce à lui, nous ne pouvons jamais nous sentir perdus. Nous sommes toujours en « pays de connaissance » : […] il nous ramène à Shambhalla qui est en nous [59].

« C’est l’Esprit incarné. Il a la pureté du corps psychique dont la lumière n’est pas encore voilée par la matière. C’est la pureté de Jésus ressuscité, du Nouvel Adam demandant qu’on ne le touche pas encore. À mesure que le corps du premier Adam se densifie, descend dans la matière, il devient « impur ». Mais cela ne veut surtout pas dire qu’il devient pécheur, cela signifie simplement qu’il participe désormais au monde créé, le monde de la dualité. Il possède toujours son corps de lumière et cela pour l’éternité, malgré les apparences multiples dont il va se revêtir au niveau de ses incarnations. Et l’ange gardien représente la fine pellicule d’or qui enveloppe la vibration de l’âme et protège ce corps de lumière. Quand, au terme de ce cycle nous retrouverons ce corps, quand le nouvel homme naîtra, nous serons devenus identiques à l’ange gardien, il nous aura pris en son sein, nous serons devenus lui.

« Il fait donc partie de l’âme, mais en fait, il n’a pas d’existence propre. C’est un potentiel positif, une énergie appartenant au plan angélique, c’est-à-dire à un plan qui n’a pas choisi la voie de l’incarnation. […] Comme il est le commandement de pureté, il est en même temps l’acte créateur qui perpétue cette pureté. […] En fin de compte, nous sommes tous Lucifer, des « porteurs de lumière » descendus dans la matière. À ce point de vue l’ange gardien c’est la lumière intérieure que nous avons perdue et qu’il nous aide à retrouver [60] ».

 

Cette longue citation présente l’intérêt de concentrer bon nombre de thèses caractéristiques de la conception Nouvel Âge du cosmos, du corps, de l’âme, de Dieu, de l’ange en général et de l’ange gardien en particulier :

– Il est d’essence divine car il vient de Dieu. Là réside l’origine de son pouvoir créateur.

– Mais il est aussi une partie de notre essence, la meilleure (« notre ego sublimé »), puisque l’âme est elle-même d’origine éternelle.

– Sa plus grande qualité est la pureté : cette caractéristique, aimée du Nouvel Âge (que l’on songe à la gnose cathare), doit s’entendre dans un sens non pas éthique mais ontologique (l’absence de mélange avec la matière).

– Il est de nature vibratoire, mais d’une vibration très pure ; et comme la lumière est vibration, il est pure lumière. De plus, l’âme, en son essence, étant elle aussi vibration, on peut dire que l’ange gardien est cette « pellicule d’or qui enveloppe » l’âme.

– Sa mission est non seulement de protéger l’homme mais de le reconduire à Dieu : il est à la fois mémoire de notre origine divine perdue ou plutôt oubliée et prescription, conscience, enjoignant l’homme à rejoindre sa finalité divine à venir [61].

– Son être s’explique par sa genèse, plus encore que par sa mission. Celle-ci s’inscrit dans une théogonie de type gnostique sur laquelle nous reviendrons plus bas.

2’) Les soixante-douze anges

L’approche Nouvel Âge ne se contente pas de cette connaissance anonyme et lointaine. En effet, l’ange gardien est convoqué pour sa capacité à pouvoir apporter la sécurité, la consolation, la guérison. Or, celles-ci supposent une relation proche, chaleureuse, amicale. Voilà pourquoi la majorité des ouvrages expose une catégorisation de soixante-douze anges [62], chacun d’entre eux se caractérisant par un certain nombre de traits qui lui sont propres. Tout d’abord, ils portent un nom, celui-ci se terminant souvent par le suffixe el [63]. Ce nom présente un sens qui livre la clé spirituelle de son influence. Ensuite, ils possèdent différentes propriétés cosmologiques sur lesquelles nous reviendrons. Enfin et surtout, l’ange exerce un certain nombre d’influences sur la personne, en son corps ou en son âme. De cette spécialisation de l’ange découle une conséquence d’importance : il convient d’invoquer l’ange en fonction de ses compétences.

Prenons un exemple [64] : l’ange n° 14 s’appelle Mebahel, ce qui signifie « Avocat de Dieu ». Il possède un attribut : « Dieu conservateur ». Il exerce une influence sur le corps : régir « la tempérance du corps ». Il présente aussi une efficacité sur l’âme : « Mebahel donne à l’âme une grande soif de justice et de vérité qui pousse les natifs à se diriger vers la profession d’avocat pour défendre la cause des opprimés, dévoiler les machinations dont est victime l’innocent, faire libérer ceux qui sont injustement incarcérés. » On peut donc lui demander de « trouver un avocat lorsque l’on est victime d’injustice » ou « pour réussir dans la profession d’avocat à la condition qu’on ait la sincère vocation de défendre la veuve et l’orphelin ». Pour l’invoquer, l’auteur fait appel à un verset de la Bible : « Le Seigneur est refuge pour l’opprimé au jour de la détresse » (Ps 9,10) et a composé une prière dont voici un extrait : « Je t’invoque à Mebahel […]. Ô Mebahel, toi que l’Éternel a chargé de défendre l’opprimé et l’innocent, inspire-moi le goût de la justice, que je demande compte en ton nom du sang versé, […] que j’entende et que je n’oublie point le cri du pauvre et de l’opprimé. »

Certains auteurs n’hésitent pas à détailler les interrelations entre l’ange et les influences corporelles ou psychiques. C’est ainsi que Françoise Naud, qui se présente comme spécialiste de Reïki et de Feng-Shui (deux techniques anti-stress), établit une bijection entre chacun des soixante-douze anges et les soixante-douze parties du corps humain [65]. Par exemple, l’ange n° 9, Haziel, « correspond à tout ce qui est psychique », notamment la « dépression [66] ». L’on peut imaginer combien un impact aussi précis peut séduire celui qui, fragilisé par une maladie et déçu par les thérapies proposées par la médecine officielle, s’ouvre à ce type de spiritualité.

Enfin, cette répartition des soixante-douze anges est d’une telle constance qu’elle ne peut provenir que d’une source unique, en l’occurrence, la Kabbale [67]. Mais cette classification se combine parfois avec d’autres, comme la typologie des neuf chœurs d’anges réalisée par un auteur souvent cité, le pseudo-Denys, dans son traité de La Hiérarchie céleste [68] : Séraphin, Chérubin, Trône, etc. C’est ainsi que, selon Mikael Hod, Mebahel appartient au chœur des Chérubins.

3’) Autres répartitions

Certains auteurs mélangent allègrement ces traditions bibliques avec d’autres, païennes ou orientales. Doreen Virtue, dans l’ouvrage déjà cité, propose une classification alphabétique des anges, des déesses et des saints, puisant à toutes les traditions (grecque, tibétaine, celtique, théosophique, catholique, juive, etc.). Au total, soixante-dix sept « divinités » sont ainsi rassemblées. Le point commun n’est bien entendu pas l’origine, éminemment plurielle, mais la finalité : les bienfaits que ces « divinités » peuvent apporter. Par exemple, une entrée est consacrée à « Marie, mère bien-aimée » [69]. Elle contient un beau témoignage, très classique, de prière exaucée. Puis, il est précisé les causes pour lesquelles il est souhaitable d’invoquer Marie sous le titre de « mère bien-aimée » : « Aide apportée : adoption d’enfants, soutien aux personnes qui viennent en aide aux enfants, fertilité, guérisons en tous genres, clémence [70] ». Le déterminisme s’accompagne d’une spécialisation.

e) Anges et démons

Il convient de mettre à part la distinction entre ange et démon qui n’est plus ontologique mais éthique : celui-ci est un ange déchu ; il est ce qu’il est par volonté (choix libre) et non par nature [71]. En réalité, cette différence, essentielle à une perspective biblique, chrétienne, s’efface dans le Nouvel Âge. De fait, cette littérature en traite peu [72]. Le gommage tient à au moins deux raisons. D’abord, la différence ange-démon suppose celle du bien et du mal ; or, celle-ci, déclarée obsolète dans l’ambiance Nouvel Âge, se trouve remplacée par les couples positif-négatif, savoir-ignorance [73] : « Dans le Nouvel Âge, il n’existe pas de distinction entre le bien et le mal. Les actions humaines sont le fruit soit de l’illumination, soit de de l’ignorance. En conséquence, personne ne doit être condamné et personne n’a besoin d’être pardonné [74] ». Ensuite, la distinction du bien et du mal suppose l’exercice d’une liberté ; or, les relations avec l’ange sont régies par des lois déterministes et même les comportements angéliques semblent commandés par des règles cosmologiques. Enfin, dans l’ère occidentale, la pensée-pratique New Age se constitue souvent par réaction contre l’Église catholique que l’on accuse (sic !) volontiers d’avoir culpabilisé en multipliant les interdits, donc en dictant, de l’extérieur et arbitrairement, ce qui est bien et ce qui est mal.

En fait, lorsqu’elle apparaît, la distinction entre ange et démon se trouve reconduite au concept central de différence d’énergie : « Les démons et les anges – écrit Janine Mora dans un ouvrage intitulé Anges et démons – ne sont, en fait, que des manifestations de l’énergie et le reflet des énergies vibratoires qui nous sont propres si les anges existent dans des sphères supérieures, ils ne sont pas concernés par nos problèmes personnels. Ils ne sont que chargés de distribuer l’énergie de façon universelle [75] ». Cette réduction conduit à une intériorisation complète de la différence : « Vous aurez compris que vous êtes tous saints ou satanistes et certainement tous les deux à la fois, malgré votre bonne volonté à ne pas faire le mal. Acceptez-vous comme vous êtes et gérez au mieux vos pulsions [76] ».

Il demeure que la différence bien-mal ne s’évanouit pas totalement. C’est ainsi que l’ange Yerathel (le 27ème) signifie « Dieu qui punit les méchants [77] ». La prière à l’ange Mebahel dont il était question ci-dessus s’achève ainsi : « Que les méchants s’enfoncent dans la fosse qu’ils ont creusée, que leurs pieds s’embarrassent dans les filets qu’ils ont dissimulés. Qu’ils soient pris au piège par leurs propres œuvres [78]. » Le langage semble emprunté à celui des psaumes, donc de l’Ancien Testament. En réalité, la conception de la malice s’est totalement subjectivisée et singularisée : n’est méchant que celui qui m’empêche de me réaliser ; le mal est ce qui aliène l’expansion de ma liberté. La distinction entre le bien et le mal est relative à mon seul référentiel, de surcroît évolutif.

f) Relation au cosmos

1’) Les faits

Un autre trait constant dans la littérature et la pratique Nouvel Âge relative aux anges est leur étroite connexion avec le cosmos [79].

Cette correspondance cosmologique se concrétise d’abord et avant tout dans l’horoscope. En effet, les anges répertoriés par la Kabbale sont étroitement liés aux douze signes distingués par le Zodiaque. De ce fait aussi, l’ange est en correspondance étroite avec un des sept corps célestes distingués par l’astrologie traditionnelle (Uranus, Saturne, Jupiter, Mars, Soleil, Vénus, Mercure, Lune).

Ensuite, du fait de la correspondance avec le zodiaque, l’ange exerce son influence la plus efficace certains jours privilégiés. Ceux-ci sont d’une part liés au quinaire – cinq jours qui se suivent dans l’année ramenée à 360 jours (puisque 5 x 72 = 360) –, d’autre part liés aux degrés – cinq autres journées se répartissant sur le reste de l’année [80].

Enfin, toujours du point de vue calendaire, l’ange effectue quotidiennement une action particulière pendant une durée de vingt minutes (puisque 3 x 24 = 72).

Prenons l’exemple de Haiaiel, ange dont le nom signifie « Fléau de Dieu » [81] :

– La planète qui lui est attribuée est Mars.

– Son quinaire est de 20° jusqu’à 25°, ce dernier non inclus, du Poisson. Il exerce son influence la plus déterminante sur ceux qui sont nés du 11 au 15 mars.

– Ses degrés sont : 11° Gémeaux (soit le 11 juin) ; 22° Lion (soit le 11 août) ; 5° Scorpion (soit le 28 octobre) ; 15° Capricorne (soit le 8 janvier) ; 28° Poissons (soit le 19 mars).

– Chaque jour, il agit particulièrement entre 23h 20 et 23h 40.

Certains auteurs offrent des correspondances différentes [82]. D’autres, comme Haziel, affinent les corrélations. C’est ainsi qu’il distingue les anges lunaires qui agissent lors de l’un des quartiers de lune, et les anges planétaires qui interviennent en fonction des énergies liées aux planètes. Par exemple, l’Ange Atatiel contrôle les influences cosmiques le jour de la pleine lune ; c’est à lui que l’on doit le chapitre 12 du livre de l’Exode contant la libération d’Égypte [83].

2’) Les causes

Les rares auteurs qui s’aventurent à expliquer les relations entre les anges et les signes du zodiaque ou les planètes se fondent non pas sur les concepts de cause et d’effet, mais sur les notions clés d’énergie et de vibration, donc de correspondance et d’harmonie, qui ont déjà servi à rendre compte de la nature de l’ange et de ses connexions avec Dieu et le moi.

Les explications font aussi volontiers appel à la conception kabbalistique de l’Arbre de vie ou Arbre des Séphiroth, cité très souvent et en bonne part. Cet Arbre se compose de dix sphères (Séphirah au singulier), la dixième, qui est aussi la plus matérielle, étant mise à part. Or, ces différentes sphères nouent des liens avec les corps célestes distingués par l’astrologie traditionnelle [84]. Par conséquent, par le biais de telle sphère, chaque ange d’un chœur est symboliquement représenté par une des planètes et corrélé à elle. Ainsi Hochmah, deuxième sphère, qui abrite le chœur des Trônes, « s’incarne dans notre monde visible sous la forme de la planète Uranus [85] ».

Mais, répétons-le, le New Ager est beaucoup moins intéressé par la compréhension du mécanisme que par son efficacité. L’appel aux planètes a seulement pour destination de rendre plus repérable et plus assuré le recours aux anges.

3’) Les conséquences pratiques

De fait, les conséquences pratiques sont transparentes : les auspices de l’ange dépendent de l’énergie lunaire et planétaire ; les ouvrages offriront donc un calendrier précis afin de pouvoir invoquer l’ange au moment adéquat et obtenir un succès maximal.

Certes, les liaisons ne sont pas rigides : il est possible d’entrer en contact avec nos Anges gardiens à tout moment de l’année et de la journée. Plus encore, ils agissent sans cesse. Il demeure que ce qui change ne relève pas du donateur, l’ange, mais du bénéficiaire et récepteur, l’homme. En l’occurrence, les périodes indiquées sont « celles où nous demeurons les plus aptes à les percevoir [86] ».

2) Quelques causes

Face à cette avalanche d’ouvrages et de pratiques relatifs aux anges, se pose inévitablement la question de leur origine. Prolongeant l’approche descriptive ébauchée dans l’introduction, il convient donc de s’interroger sur le noyau du New Age.

Wouter J. Hanegraaf parle du Nouvel Âge comme d’un « syncrétisme d’éléments ésotériques et séculiers [87] ». Le document du Conseil pontifical pour la culture et du Conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux renchérit et précise en affirmant que « la matrice essentielle de la pensée Nouvel Âge réside dans la tradition ésotérico-théosophique [88] ». Et celle-ci hérite elle-même du fond gnostique. En simplifiant très grossièrement, on pourrait donc distinguer trois étapes : la gnose remontant au début de l’ère chrétienne qui prendra ultérieurement la figure de l’ésotérisme (hermétisme, en termes savants) ; l’essor de l’ésotérisme occidental à une époque beaucoup plus proche, aux xviiie et xixe siècles ; le Nouvel Âge proprement dit aujourd’hui.

a) Un fond ancien : la gnose

Il serait ingénu de prétendre donner une vision unifiée de la gnose. Déjà saint Irénée disait des nombreux systèmes gnostiques de son époque qu’ils constituaient une « champignonnière [89] ». Néanmoins, de manière très simplifiée, la vision gnostique du monde peut se résumer comme suit. Au commencement est un Premier Principe, transcendant, plutôt défini par négation et que l’on peut qualifier de divin ; de la Lumière divine émane un certain nombre de réalités finies, comme les âmes, avec qui elles ne font qu’un ; mais, un jour (car la gnose est une théogonie encore plus qu’une théologie), une part de l’essence divine a chuté dans la matière ; s’ensomatisant, se densifiant, s’opacifiant, elle a perdu sa pureté première et a oublié son origine éternelle ; désormais, cette part cherche à réintégrer la pleine connaissance (gnosis) et l’union avec le principe divin. L’ange constitue dès lors une médiation qui permet de retrouver cette mémoire perdue.

L’ouvrage sur Shambhalla, cité à propos de l’ange gardien, offre une illustration limpide de ce schéma gnostique : « Pourquoi le monde existe-t-il ? C’est parce que nous l’avons souhaité. Nous avons fait le choix de nous incarner au lieu de rester sur un plan angélique. Nous ne sommes pas des « anges déchus », mais des anges descendus dans la matière qui avons choisi de retrouver notre partie divine à travers l’incarnation, afin de prendre pleinement conscience de l’Amour de Dieu. C’est comme si nous avions voulu concrétiser cet Amour et cette Intelligence divines en descendant dans la matière [90] ». L’auteur distingue en fait une théo-cosmogonie en trois étapes : 1. L’âme est créée [91] par détachement de Dieu ; mais une part d’elle demeure toujours tournée vers Dieu, en phase vibratoire : c’est le Shambhalla ou l’ange gardien. 2. L’âme ne se contente pas de s’individuer, elle s’incarne ; l’ange gardien ne cesse de l’accompagner. 3. Après un certain nombre de réincarnations, l’âme retourne vers la pureté première, l’éternité divine.

b) L’ésotérisme des xviiie et xixe siècles

La pensée gnostique, douée d’une stupéfiante pérennité [92], elle-même due à sa capacité d’adaptation et à des mécanismes psychiques transculturels, comme il sera dit, va hériter des xviiie et xixe siècle différents traits : le sens de l’histoire et, plus encore, de l’évolution, et le scientisme. Mais, en s’appropriant une vision temporelle progressive et en s’assimilant les découvertes notamment biologiques, l’hermétisme leur fait aussi subir trois changements majeurs : à l’évolution seulement biologique pensée par Jean-Baptiste Lamarck puis Charles Darwin, elle substitue une évolution spirituelle ; à l’évolutionnisme biologique qui ne s’intéresse qu’aux changements affectant une matière ou une vie déjà là, s’ajoute une histoire des origines ; au hasard des mutations darwiniennes, elle préfère une logique rigoureuse. Enfin, de l’ésotérisme au Nouvel Âge, la pensée gnostique va transiter par des courants de grande influence comme la théosophie ou le spiritisme, qui constituent autant de préparations prochaines à sa métamorphose actuelle.

c) Un habit neuf

Si, pour l’essentiel, la pensée Nouvel Âge en général et son angélologie en particulier sont affines de la gnose, via l’hermétisme des derniers siècles – en ce sens, sa nouveauté est toute relative –, elle présente néanmoins certaines caractéristiques, liées à son milieu original de naissance, les États-Unis [93] – avec son histoire, sa géographie, son messianisme [94] –, et à son milieu de diffusion, la société occidentale contemporaine – avec la révolution technologique de la communication en réseau, la mondialisation, la tolérance extrême qui est l’avers valorisé d’un relativisme nihiliste tout aussi radical, la culture consumériste et la suspicion à l’égard des institutions, etc.

Je ne relèverai que trois traits, plus significatifs pour notre propos [95].

1’) L’optimisme

Notre époque, on le sait, valorise l’euphorie perpétuelle et le jouir à tout prix [96]. Éminemment adaptatif, le Nouvel Âge épouse l’actuelle tendance à la positivisation et offusque la vision habituellement pessimiste de la gnose. On l’a noté, Gitta Malasz et, plus encore, ses commentateurs, ont adouci la représentation dramatique de l’ange en lui apportant une note de légèreté. C’est ainsi que, dans l’exemple de Shambhalla développé ci-dessus, l’auteur refuse d’assimiler incarnation et chute [97] : « Nous ne sommes pas des ‘anges déchus’, mais des anges descendus dans la matière qui avons choisi de retrouver notre partie divine à travers l’incarnation, afin de prendre pleinement conscience de l’Amour de Dieu [98] ». Il précise plus loin : « À mesure que le corps du premier Adam se densifie, descend dans la matière, il devient ‘impur’. Mais cela ne veut surtout pas dire qu’il devient pécheur, cela signifie simplement qu’il participe désormais au monde créé, le monde de la dualité [99] ».

Cet optimisme s’enracine dans des raisons plus décisives. Redisons-le, multiples sont les scénario gnostiques, par exemple pour expliquer la chute. Toutefois, cette variété se situe entre deux extrêmes : l’un, plus dualiste (Hermogène en est l’exemple le plus patent [100]) où deux royaumes, lumineux et ténébreux, existent de toute éternité et se combattent ; l’autre, plus moniste, où toute opposition dérive, par dégradation, d’un unique principe divin. L’on comprendra sans peine que le schéma moniste soit plus optimiste et le schéma dualiste, plus dramatique. S’ajoute un facteur sociologique non négligeable : les gnoses plus populaires optent pour les représentations plus euphorisantes, donc plus monistes, alors que le savant nourrit volontiers cette supériorité, partagée avec quelques élus, d’être seul à savoir que l’espérance est vaine ou du moins réservée. La pensée-pratique Nouvel Âge, de par sa diffusion dans le grand public, a donc opté pour une vision plus moniste [101] et optimiste, alors que l’hermétisme savant se tourne plus volontiers vers des représentations dualistes.

Le livre déjà cité de Neale Donald Walsch offre un exemple éloquent des adoucissements que le Nouvel âge apporte au schéma dualiste : « Il y avait jadis une âme qui se savait lumière. Comme c’était une âme neuve, elle avait hâte de faire des expériences. […] Et si grande était son aspiration qu’un jour Je lui dis : « Sais-tu, Petite, ce que tu dois faire pour satisfaire ton aspiration ? [… ] Tu dois te séparer de nous […], puis tu dois invoquer l’obscurité sur toi. » […] C’est ce que fit l’âme : elle se détacha du tout, mais oui, et se rendit même dans un autre royaume. Et dans ce royaume, l’âme avait le pouvoir d’invoquer dans son expérience diverses sortes d’obscurité. » Et cette obscurité est liée à la matière : « Le monde est dans l’état où il se trouve parce qu’il ne pourrait en être autrement dans le domaine rudimentaire de la matérialité [102] ».

2’) Le narcissisme

Derrière cet hédonisme se dessine une centration sur soi, un utilitarisme où la maximisation des gratifications devient la mesure de toute action. Le Nouvel Âge participe de cette logique égocentrée : « les individus et les groupes – note David Spangler à propos des formes les plus courantes du Nouvel Âge – se livrent à leurs rêves d’aventures et de pouvoir, généralement sous une forme occulte ou millénariste […]. Ils se distinguent par leur attachement à un monde intérieur centré sur la réalisation de soi, qui se traduit (quoique d’une façon souvent insidieuse) par un retrait du monde [103]. » L’unique finalité devient l’accomplissement de soi : « Le but de notre évolution – écrit Françoise Naud – est de mieux nous comprendre et de nous accomplir librement en faisant la paix avec soi-même [104] ». Au fond, le Nouvel Âge est une « religion » de moi, par moi, pour moi [105].

La conception de l’ange n’échappe pas à ce narcissisme généralisé. Reprenons cette triple relation à l’ego pour l’appliquer à l’ange :

  1. L’ange est par moi. L’existence de celui-ci se reçoit non d’une quelconque Révélation [106], mais d’une expérience née des profondeurs du moi. De plus, quand les conditions de la communication sont remplies, l’ange se trouve sommé de répondre à la requête. Loin d’être une créature libre, l’ange est comme naturalisé, ce qui constitue l’une des note spécificatrices du New Age : « Gitta – explique la psychologue Lydia Müller à propos du scribe du Dialogue avec l’Ange – a ramené le dialogue extraordinaire avec le Divin au niveau d’un dialogue naturel avec l’ange et Bernard Montaud n’a pas cessé depuis de l’ancrer encore plus dans l’ordinaire, comme une fonction biologique déposée dans l’homme. Il l’appelle la fonction digestive de la lumière qui, si elle n’est pas utilisée, comme toute fonction inutilisée, fait de l’homme un malade [107] ».
  2. L’ange est de moi. Il ne se sépare pas de notre propre fond ou, s’il s’en distingue, c’est comme l’idéal du réel, l’harmonieux du désaccordé, une vibration d’une autre. Il est significatif que les ouvrages ignorent tout de la doctrine médiévale si riche du langage et de la communication entre les anges [108].
  3. Enfin, l’ange est pour moi. On l’a vu, l’homme entre en contact avec les anges ni pour connaître Dieu, ni pour vivre une relation de communion et d’amitié gratuite avec eux, mais pour guérir, être consolé ou rassuré. L’ange se trouve donc instrumentalisé. Par exemple, les anges Evah canalisés par Nathalie Leroux [109] viennent nous enseigner un mieux-être intérieur, contrôler nos émotions, découvrir nos propres capacités ; mais jamais l’idée d’une communi(cati)on gratuite n’est évoquée. L’adepte est seulement à la recherche d’une technique efficace : comment recevoir au mieux les messages vibratoires de l’au-delà ? De la naturalisation de l’ange à la naturalisation de la relation avec lui, il n’y a qu’un pas. Pour invoquer l’ange, on emploie volontiers les techniques respiratoires. « Comment appeler un ange ? Tout simplement en prononçant son nom ou en appelant la qualité. Vous pouvez utiliser la méthode en trois temps, par exemple pour Menadel : inspiration-expiration, Me ; inspiration-expiration, Mena ; inspiration-expiration, Menadel [110] ». Ainsi, l’essentiel de la prière n’est pas la personne priée mais l’attitude physique du priant : « pour obtenir les effets décrits ci-dessus, il faut dire cette formule d’une seule expiration. […] Il ne faut inspirer à nouveau qu’après avoir fermé les yeux [111] ». Une nouvelle fois, l’autre disparaît au profit du seul ego, ici dilaté au dimension du divin [112].
3’) La psychologisation

Enfin, le Nouvel Âge redouble l’intériorisation caractéristique de la gnose par une tendance à la psychologisation, notamment du spirituel, significative de notre temps. Une femme fait une expérience d’EMI, après un accident de la route. A cette occasion, elle découvre l’existence de la réalité spirituelle. Elle se met alors à étudier différentes traditions religieuses et l’anthroposophie, avant d’écrire un ouvrage qui se veut être un guide pratique multipliant les exemples et les exercices en vue de rendre sensible à la présence de l’ange dans le quotidien : « Voilà la grande révolution du xxe siècle : autrefois, on percevait l’ange à l’extérieur de soi. Il était commandé par Dieu pour transmettre son message aux hommes. Aujourd’hui, il est aussi à l’intérieur de chacun d’entre nous. Nous pouvons en faire l’expérience. L’ange est devenu en quelque sorte notre double lumineux, notre céleste âme-jumelle, le reflet de notre être profond [113] ».

Nous avons déjà vu combien l’ange est le plus souvent considéré comme un double du moi, comme une partie de l’âme. C’est ainsi qu’il peut revêtir différents visages qui sont autant d’aspects du moi. Par exemple, Charles-Rafaël Payeur distingue l’ange gardien (qui nous fait découvrir et assumer le plus profond en nous), l’ange paranymphe (qui nous assiste dans la relation à l’autre, afin de développer l’échange amoureux), l’ange paraclet (qui nous fait entrer en nous-mêmes pour nous mettre en présence de l’Esprit) et l’ange de la vocation (qui nous enseigne comment entrer en communication et en relation de service avec l’autre) [114].

D’ailleurs, dans les ouvrages Nouvel Âge consacrés aux anges, les révélations que nos célestes compagnons nous communiquent oscillent entre recettes frappées au coin du bon sens, conseils que l’on trouverait volontiers dans la bouche d’un psychologue, d’un spécialiste de pensée positive ou d’un coach, et maximes éthiques ou spirituelles ; un point commun les rassemble : le primat du bien-être personnel. Par exemple, l’ouvrage Sagesse des anges jour après jour [115] propose un message pour chacun des 365 jours de l’année. Ce message thématique est présenté comme provenant des anges qui sont identifié à des intermédiaires entre les hommes et le ciel. Or, voici quelques extraits de ce qu’on peut lire sous le titre « La leçon de l’ange » : le 6 février : « Par la prière, je me rapproche cœur, esprit et âme de la félicité et de la paix de Dieu » ; le 16 février : « Si tu te pardonnes, tu pardonneras aux autres ; si tu pardonnes aux autres, ils te pardonneront » ; le 7 juillet : « Je n’ai pas besoin de me vendre pour avoir conscience de ma valeur ». Donc, loin d’être des révélations sur Dieu, ces ouvrages se présentent plutôt comme un ars vivendi, entre hédonisme et vague altruisme.

Ce que le Nouvel Âge pratique, la psychologie l’a déjà théorisé [116], se fondant notamment sur la présence des anges dans l’univers de l’enfant et dans l’univers fantasmatique en général [117]. Selon un axe freudien, Ellen Stubble réinterprète la présence de l’ange à partir du concept d’objet transitionnel élaboré par le psychanalyste anglais Donald W. Winnicot. On le sait, selon la psychanalyse, tout le travail de l’enfant est de passer de la sphère du narcissisme, c’est-à-dire du monde intérieur de ses propres fantasmes, au monde extérieur. Or, certains objets constituent des intermédiaires entre ces deux mondes : ils rappellent notamment la mère tout en n’étant pas celle-ci. Ils aident donc à ce difficile passage et sont, pour cela, qualifiés de « transitionnels ». Selon Ellen Stubbe, l’ange répond à ce besoin de protection lié à l’absence insécurisante de la mère, sans pour autant s’identifier à celle-ci. Par conséquent, les anges que l’enfant prie constituent des objets transitionnels favorisant l’intégration psychique. Leur fonction psychologique, dit-elle, consiste « d’une part dans une aide apportée à l’édification d’un soi, d’autre part dans la sauvegarde du soi existant [118] ».

La psychologie n’a pas seulement pensé cette intériorisation de l’ange, elle l’a préparée, à travers l’œuvre de Carl-Gustav Jung, très lu dans les milieux Nouvel Âge [119]. Son point de départ est semblable à celui d’Ellen Stubble : le besoin qu’a l’enfant de se sécuriser, cela par des représentations substitutives des parents absents. Partant de là, l’explication diffère. Selon le psychanalyste suisse, nous portons en nous des images archétypiques, inconscientes et collectives ; or, parmi celles-ci se trouvent celle du père et de la mère dont la fonction est normalement de protéger et d’éduquer ; ces archétypes demeurent même lorsque les expériences réelles de ceux-ci sont négatives. Mais, à l’instar de tels personnages de contes de fée, les anges représentent pour l’enfant l’expérience d’une protection inconditionnelle. Ces créatures relèvent donc de l’inconscient : ce « sont des médiateurs personnifiés de contenus inconscients qui veulent s’exprimer [120] » ; ils constituent des représentations de ces archétypes et nous communiquent un sentiment de « la beauté, la bonté, la sagesse et la grâce [121] ». Jung a donc beaucoup contribué à cette psychologisation de la figure angélique et, plus généralement, de la religion [122]. L’on comprend donc pourquoi les auteurs relevant de l’appartenance New Age font volontiers référence à son œuvre.

3) Quelques critères de discernement

Après avoir étudié quelques traits et quelques origines de la figure angélique dans le Nouvel Âge, proposons enfin un bref discernement qui, s’il en souligne les « subversions », n’oublie pas, pour autant, ce qu’elle apporte de positif.

a) Bilan positif

S’opposant « au réductionnisme qui refuse de prendre en considération les expériences religieuses et surnaturelles [123]« , le Nouvel Âge affirme un certain nombre de vérités oubliées ou méconnues et invite à quelques attitudes salutaires. L’exposé qui précède permet de se contenter d’une énumération de ces thèmes et pratiques sans visée exhaustive :

  1. l’existence des anges comme intermédiaires entre l’homme et Dieu ;
  2. la distinction entre différents chœurs d’ange ;
  3. le rôle joué par les anges gardiens dans la vie de chaque homme, et notamment le rôle spirituel ;
  4. les relations entre les anges et le cosmos, notamment avec les astres, et pas seulement avec les êtres humains [124] ;
  5. une vision à nouveau unifiée de l’univers, visible et invisible [125] ;
  6. la foi en l’existence des anges ;
  7. le recours à leur aide puissante par la prière.

Avançons d’un pas. Non seulement les écrits et les pratiques Nouvel Âge affirment ces vérités théoriques et pratiques, mais ils nous les rappellent. En effet, comment taire une autre explication de la floraison singulière de ce mouvement ? La grâce, comme la nature, a horreur du vide. Pour le dire dans des termes écologiques, le New Age a pris possession de la niche noético-pratique qu’occupait la pensée philosophique et théologique. On le sait, l’ange a déserté la philosophie moderne et contemporaine, hormis Leibniz et Kant [126], à quoi il faut ajouter, aujourd’hui, l’ouvrage de Michel Serres, le passionné d’Hermès en ses différentes métamorphoses [127]. Un seul exemple actuel de cette amnésie (doublée d’une ingratitude) : dans la prestigieuse et très volumineuse Encyclopédie philosophique universelle publiée aux Presses Universitaires de France, la rubrique « Ange » n’a droit qu’à un tiers de colonne, de surcroît très faible et mal informé [128].

Mais le manque le plus affligeant et le plus cruellement en cause est théologique. Le Nouveau dictionnaire de théologie, d’origine allemande, consacre un bref article aux anges dans une perspective presque strictement historique [129]. Le récent Dictionnaire critique de théologie, de facture française, récidive avec un bref article sur les « Anges », sous la plume du spécialiste de saint Thomas, Édouard-Henri Wéber, qui se refuse à tout développement systématique [130]. L’Initiation à la pratique de la théologie en cinq volumes, quant à elle, n’en traite tout simplement pas [131]. De fait, une bonne partie des théologiens catholiques et protestants ont opté soit pour une démythologisation, autrement dit un déni de l’existence des anges – on peut citer Rudolf Bultmann du côté protestant [132], Herbert Haag [133] et Christian Duquoc [134] du côté catholique –, soit pour une suspension du jugement – Karl Rahner [135], Wolfgang Beinert [136], Oskar Semmelroth [137] et Rudolf Schnackenburg [138]. Pour ne citer que deux dogmatiques catholiques parmi les plus importantes du siècle dernier, le Traité fondamental de la foi de Karl Rahner ne consacre pas une ligne aux anges [139] et les 7.149 pages de la Trilogie de Hans Urs von Balthasar seulement un chapitre de trente pages [140]. Enfin, il faut ajouter un fait difficilement pondérable mais pourtant bien réel : l’effacement de la prédication sur les anges. Les deux fêtes consacrées aux anges (celle des trois archanges, Michel, Gabriel et Raphaël, le 29 septembre ; et celle des anges gardiens, le 2 octobre) ne sont jamais célébrées le dimanche. Depuis combien de temps le fidèle a-t-il eu droit à une homélie traitant des créatures purement spirituelles ?

La prolifération de la présence angélique dans le Nouvel Âge s’expliquerait donc en partie par son affaissement dans le discours théologique traditionnel. Et si le propos New Ager sur les anges était l’occasion à saisir pour nous réapproprier, avec l’aide du Magistère [141] et des différents catéchismes nationaux [142], ce grand bien chrétien qu’est l’angélologie ? Peut-être avec un contenu renouvelé [143] et un vocabulaire lui-même mis à jour. Les anges « sont pour ainsi dire les compagnons de route invisibles et les gardiens des désirs et des espoirs des hommes ». « Les énergies psychiques de cette nature n’auraient-elles donc aucune importance ? Avoir confiance en la protection de Dieu qui s’exerce à travers de telles forces tutélaires, ce ne peut être une erreur ». Qui parle ? Des auteurs Nouvel Âge ? Le premier texte est tiré du remarquable catéchisme des évêques allemands [144], le second d’un ouvrage du très sérieux théologien germanique Herbert Vorgrimler dans un passage consacré aux anges gardiens.

b) Bilan négatif

Le regard accueillant et bienveillant sur la conception angélique présente dans le Nouvel Âge et l’autocritique à laquelle elle nous convie ne doivent pas nous faire oublier un regard lucide sur les errements multiples et profonds présidant à cette angélologie et, plus globalement, à la vision du réel qui la sous-tend. Je proposerai un quadruple discernement [145].

1’) Discernement doctrinal

On l’a dit, le Nouvel Âge, religion par moi, de moi et pour moi, réduit triplement l’ange à l’ego, en le naturalisant (par moi), en fusionnant avec lui (de moi) et en l’instrumentalisant (pour moi). La sortie de cette conception aliénante se fait en réintroduisant une triple altérité ou distance : archéologique ou originaire (si l’ange se révèle à moi, c’est librement et par obéissance à la Providence divine ; plus encore, c’est un don qu’il me faut accueillir avec action de grâces), ontologique ou différenciante (les anges sont des personnes, purement spirituelles, intelligentes et libres, qui contemplent et louent Dieu ; la thèse classique de leur supériorité ontologique, si elle peut et doit être questionnée, a du moins le mérite de le souligner) et téléologique ou finalisante (l’ange m’aide par amour et pour nouer une relation d’amitié désintéressée avec moi).

2’) Discernement sociologique

Nous constations plus haut combien, dans les ouvrages New Age consacrés aux anges, le développement spéculatif était réduite à la portion congrue, l’essentiel étant réservé à un ensemble de recettes permettant de s’assurer le secours des bons anges et de s’éviter les influences néfastes. Comment ne pas sourire de la contradiction performative existant entre les revendications sapientielles fortement soulignées d’un côté par ce mouvement qui condamne à juste titre à le rationalisme utilitariste régnant dans notre culture occidentale et de l’autre la soumission non-critique à la logique utilitaire majoritairement pratiquée dans cette même société de marché ? A ce sujet, un discernement proposé par Bernard Pottier permet d’approfondir cette logique. Constatant la présence massive de l’agnosticisme aujourd’hui, c’est-à-dire un désintérêt pour les questions fondamentales concernant le sens ultime, le père jésuite belge propose le diagnostic suivant :

« L’homme rationnel contemporain est habitué à calculer la rentabilité de toute action. Il se fait ainsi un raisonnement de type qualité/prix – tâche à laquelle il est hautement exercé [146]. Trancher ces questions radicales sur l’existence de Dieu et la dignité ultime de l’homme exigerait beaucoup d’efforts et de prises de décision. Se convertir à quelque chose de plus élevé, se décider profondément pour l’homme et sa dignité, même si l’on en a parfois la noble intention, imposerait des remaniements de la vie tranquille, exigerait des renoncements déchirants. Tant qu’on n’y est pas forcé, on attend… c’est le meilleur calcul qualité/prix [147] ».

 

Tel est donc le syllogisme de l’utilitariste contemporain : la raison nous dicte de chercher le meilleur rendement au moindre coût ; or, la foi paraît peu rentable et présente un coût, une énergie élevée : il faut payer trop cher pour un retour sur investissement qui ne semble pas évident ; l’homme d’aujourd’hui ne peut donc raisonnablement accorder la moindre seconde d’attention à la foi et, plus généralement à toute question autre qu’immédiatement techno-scientifique et utile. Le diagnostic – le primat accordé au fonctionnement logico-mathématique de l’intelligence (encore plus que le matérialisme qui n’en est au fond que la conséquence) – dicte le remède : retrouver (ce qui n’est pas de l’ordre de la quête historique mais de la conversion), dans le cadre d’un sain discours des méthodes, la sagesse, l’ouverture à un monde où le non-visible et le non-immédiat est premier. En n’opérant pas ce discernement entre ce que saint Augustin appelait la ratio superior et la ratio inferior, le Nouvel Âge, à l’écoute des sirènes mercatiques, sacrifie plus volontiers à la seconde qu’elle ne hisse son pratiquant peu croyant vers la première.

3’) Discernement psychologique

Le Nouvel Âge en général et la subversion de la figure angélique en particulier se fonde sur une vision dualiste opposant un monde lumineux, divin au monde matériel, impur, cette division passant au cœur de chaque homme. Même si cette perspective tend à privilégier le pôle moniste de la gnose, elle n’oublie pas son autre pôle, séparatiste.

Or, loin d’être une spéculation abstraite et impersonnelle, la gnose s’avère en réalité être une prise de position affective, le plus souvent à l’insu de son adepte. Plus encore, ce sentiment précède la réflexion et la détermine. Précisément, à en croire deux grands spécialistes, le gnostique se retire du monde, parce qu’il nourrit des sentiments très négatifs à son égard : « Abandon au sein d’un monde hostile et que l’homme ne saurait reconnaître comme sien – explique Henri-Charles Puech ; déchéance, misère et abomination ; déchirement et douleur : telle, en définitive, apparaît au gnostique la condition temporelle à laquelle il est réduit ; dégoût ou haine, crainte, anxiété et désespoir, poignante nostalgie : tels sont les sentiments qu’il éprouve, asservi au temps [148] ». Au fond, le gnostique se sent seul, immensément seul dans un monde déserté par une présence consolante et même profondément hostile. Et, selon le mot qu’affectionnait le spécialiste des nouveaux mouvements religieux Mgr Jean Vernette, faute de pouvoir changer le monde, le gnostique finit par changer de monde. De même, se fondant sur la grille de lecture fournie par l’analyse existentiale de Martin Heidegger, Hans Jonas détecte dans l’existentialisme et le nihilisme des avatars de ce qu’il appelle le « syndrome gnostique » ; plus encore, il affirme que son moteur privilégié est la colère et la révolte : il y a, dit-il, un « élément de colère » dans le « gnosticisme [149] ». Voilà pourquoi cette pensée s’élabore dans les périodes de crise.

Le Nouvel Âge participe de la même logique romantique de l’exil, non sans tonalités propres. Ses sources ne sont pas seulement d’ordre intellectuel ou socio-politique, mais d’ordre psycho-affectif voire moral. On sait combien il est né au sein de la contre-culture américaine, elle-même nourrie de son opposition systématique aux valeurs masculines. On sait aussi combien les déceptions à l’égard de l’institution, qu’elle soit politique ou religieuse, sont des portes d’entrée dans ces mouvements. On n’ignore pas, enfin, que les sympathisants de la pensée Nouvel Âge éprouvent de manière hypersensible, leur délaissement, leur étrangeté au sein d’un monde indifférent qui ne les accueille pas, voire qui semble les rejeter.

Une véritable pastorale du Nouvel Âge ne requiert donc pas seulement un discernement intellectuel, mais une prise en compte de cette peur qui disqualifie le monde et le fait fuir, des blessures que l’institution, la violence des relations, etc. ont infligées, ainsi que de leur progéniture la plus délétère : le ressentiment, cette colère froide et destructrice dont Nietzsche a montré qu’elle est la plus grande pourvoyeuse de constructions morales et de systèmes – mais dont il ignorait que seul le pardon est le remède.

4’) Discernement surnaturel

Le discernement, enfin, doit faire appel à des critères d’ordre surnaturel. On l’a vu, il n’est pas rare que la volonté de communiquer avec les anges se fassent par désir de conquérir un pouvoir ; elle peut aussi s’accompagner d’un refus d’accepter humblement la réalité, avec ses risques inévitables et ses deuils douloureux ; le retrait gnostique du monde n’a guère à voir avec le contemptus mundi chrétien et s’accompagne assez souvent d’un sentiment soigneusement entretenu de supériorité (« Moi au moins, je ne suis pas comme les autres, ceux qui ignorent ») [150]. Pour ces différentes raisons, l’adepte du Nouvel Age peut être tenté par l’orgueil [151]. L’auteur de l’épître aux Colossiens affirmait : « Que personne n’aille vous en frustrer [du corps du Christ], en se complaisant dans d’humbles pratiques, dans un culte des anges [thrèskéia tôn aggélôn] ; celui-là donne toute son attention aux choses qu’il a vues, bouffi qu’il est d’un vain orgueil par sa pensée charnelle [152] ». Il est dit qu’un culte des anges est mis en concurrence avec le culte du Christ et considéré comme supérieur à lui. Ensuite, l’étude de l’arrière-fond montre que ces cultes sont d’origine païenne. Par ailleurs, le texte condamne clairement cette pratique. Enfin et surtout, il reconnaît dans l’attitude sous-jacente un orgueil. Or, nombre d’écrits ésotériques et Nouvel Âge n’estiment-ils pas, en pratique (par leur silence) et même en théorie (en convoquant des écrits d’origine païenne), leur culte supérieur à toutes les pratiques usuelles ?

D’autre part, on a vu que l’attitude générale à l’égard des anges s’inscrit dans un primat accordé à la perspective pratique (pourquoi l’ange ? comment l’ange ?) sur la perspective spéculative (qu’est-ce que l’ange ?), entraînant par exemple un syncrétisme et accru par la tendance actuelle à la psychologisation. Or, l’attitude humaine adéquate requiert au contraire, anthropologiquement, un primat de la réceptivité sur l’effectivité et, métaphysiquement, une antériorité de la vérité sur la bonté. Dès son origine, notamment par opposition aux religions païennes, au syncrétisme et au gnosticisme de l’origine qui, estimant Dieu absolument inconnaissable (« La vérité est cachée », dit le païen Porphyre), s’ouvrent à une foire aux opinions, autrement dit deviennent indifférentes au discours vrai que l’on peut tenir sur lui [153], le christianisme s’est singularisé par son souci permanent de lier la vérité (répondant aux deux questions : la religion, la révélation de Dieu sur lui peut-elle être vraie ? l’homme peut-il connaître la vérité sur Dieu ?) au bonheur de l’homme qu’est la communion avec Dieu [154].

 

 

J’ai commencé en citant Rilke, un poète qui s’est progressivement écarté de sa foi chrétienne. Je finirai en citant un converti tardif au catholicisme, George Keith Chesterton. Les auteurs Nouvel Âge aiment cette parole de l’essayiste et humoriste britannique : « Si les anges volent, c’est parce qu’ils se prennent eux-mêmes à la légère [155] ». Je lui préférerai un autre mot de cet observateur redoutablement lucide des dérives de l’homme moderne, qu’affectionne un grand pourfendeur des illusions ésotériques, Umberto Eco : « Quand l’homme ne croit plus en Dieu, il ne se met pas à ne plus croire en rien, mais au contraire à croire en tout [156]« , autrement dit en n’importe quoi.

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– Terry Lynn Taylor, Les Messagers de Lumière. Le guide des Anges pour grandir spirituellement, trad., Genève, Vivez Soleil, 1995.

– Terry Lynn Taylor et Mary Beth Crain, Sagesse des anges jour après jour. 365 méditations et messages des cieux, trad. Étienne Ménanteau, Orsay, Médicis Entrelacs, 1995.

– Bernard Teyssedre, Anges, astres et cieux. Figures de la destinée et du salut, Paris, Albin Michel, 1986.

– Jean-Marie Tombonne et Marie d’Assignies, Des anges et des hommes. De la nuit des temps au troisième millénaire, Paris, Le Chêne et Hachette Livre, 1996.

– Doreen Virtue, Archanges et maîtres ascensionnés. Comment travailler et guérir avec les divinités et les déités, trad. Lou Lamontagne, Varennes (Québec), AdA Inc., 2004.

– Neale Donald Walsch, Conversations avec Dieu. Un dialogue hors du commun, trad. Michel Saint-Germain, Outremont (Québec), Ariane éd., 3 tomes, 1997-1999.

 

[1] Rainer Maria Rilke, Élégies de Duino, Ière élégie, v. 7, in Œuvres poétiques et théâtrales, trad. Jean-Pierre Lefebvre, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, Gallimard, 1997, p. 525.

[2] Le mot « ange » est présent 195 fois dans les 2.110 poèmes de Rilke qui furent recensés (Rainer Maria Rilke, A Verse Concordance to his Complete Lyrical Poetry, Maney, Leeds, 1980) et 19 fois dans les Élégies de Duino.

[3] Tels sont les deux dangers opposés qui menacent l’exégèse des Élégies de Duino selon Hans Georg Gadamer (« Mythopoietische Umkehr in Rilkes Duineser Elegien », Ulrich Fülleborn et Manfred Engel (éds.), Materialien zu Rainer Maria Rilkes « Duineser Elegien », Francfort, Suhrkamp, 3 vol., 1980-1982, tome 2, p. 244-263).

[4] « Étrange / de voir ainsi tout ce qui se rattachait, librement vole / de-ci de-là, dans l’espace sans lien » (Ière élégie, v. 76-78, p. 529)

[5] Cf. les deux poèmes d’avril 1913 intitulés « Narcisse » (cf. Élégies de Duino [II], p. 559-560 et Poèmes épars et fragments, 1997-1926, p. 866) et Les sonnets à Orphée où ce thème est omniprésent.

[6] Rainer Maria Rilke, Élégies de Duino, IIe élégie, v. 9, 7, 16 et 17, p. 530-531. La trad. de Joseph François Angelloz est peut-être plus lisible : « miroirs, qui épanchent à flots leur propre beauté pour la reprendre ensuite dans leur propre visage » (coll. « Bilingue », Paris, Aubier, 1974, p. 47). Notons d’ailleurs combien le thème de la diffusivité caractéristique du don gratuit (bonum diffusivum sui) se transforme (se déforme) en celui, vain et désespéré, d’une vidange de soi, d’un se-répandre qui se retrouve dans les poèmes susnommés sur le « Narcisse » : « Il s’enivrait de ce qui échappait de lui » (« Narcisse », v. 5, Poèmes épars et fragments, 1997-1926, p. 866) ; « à me perdre ainsi dans mon regard » (« Narcisse », Élégies de Duino [II], v. 27, p. 560).

[7] Tel est par exemple le cas du Dialogue avec l’ange auquel il a déjà été fait allusion. D’un côté, Gitta Mallasz constitue l’une des figures charismatiques du Nouvel Âge, ainsi que l’attestent bon nombre de spécialistes. Un signe en est son syncrétisme : « Sur fond de conceptions marquées par le judaïsme (la conception de Dieu, la référence à la Loi), les Dialogues mêlent allègrement influences orientales, ésotériques, chrétiennes. Cela est proprement New Age, comme l’était aussi, déjà, la démarche des quatre amis avant leurs « entretiens » avec leurs anges : ils s’intéressaient « aux grands courants religieux de l’humanité, à la Bible, à la Baghavad Gita et à Lao-tseu », sans qu’aucun ne « pratique sa religion » ; ils faisaient du yoga. L’influence orientale est marquante puisque l’ange est tout aussi bien un maître qui enseigne. Néanmoins, les références chrétiennes imprègnent l’ensemble des Dialogues, étroitement mêlées à des conceptions ésotériques » (Françoise Champion, « Du côté du New Age », Coll., Le réveil des anges, messagers des peurs et des consolations, coll. « Mutations » n° 162, Paris, Autrement, 1996, p. 55).

De l’autre côté, des divergences interdisent l’assimilation : le Nouvel Âge parle bien-être et optimisme, mais les Dialogues Loi et Tâche ; le climat du premier est suave et sentimental, tandis que le monde décrit par les seconds est rude et exigeant (que l’on songe à Gitta, sur son lit de souffrances) ; dans le Nouvel Âge, les anges sont des guérisseurs prompts à compatir qui sont l’objet de pratiques magiques, tandis que les Dialogues mettent en scène des anges qui, s’ils apparaissent parfois aimants, ne sont ni doux, ni cléments, mais globalement distants, puissants et d’une rigueur terrifiante. D’ailleurs, Gitta parle du Nouvel Âge comme d’une pensée « romantique » où prime l’émotion et la recherche de soi : en, « l’image de marque du New Age est désormais celle d’une pseudo-spiritualité : d’une marchandise comme une autre sur le marché de la forme et du bien-être, d’un patchwork de pratiques irrationnelles (astrologie, numérologie, cristaux ) » (Ibid., p. 53).

Il demeure que la première interprétation est la plus juste. D’abord, les divergences ci-dessus s’expliquent par le contexte d’élaboration : Gitta reçoit les messages de l’Ange en 1943, donc en plein drame de la seconde guerre mondiale, et en Hongrie, dans un pays ravagé par l’antisémitisme ; le Nouvel Âge, lui, émerge lors de l’euphorie des Trente glorieuses et de l’émergence de l’idéologie du bien-être et de la santé parfaite. Mais la vision du réel est fondamentalement similaire. N’est-il pas significatif que, dans les ouvrages que Gitta a ensuite écrits pour expliquer les Dialogues, les anges se sont psychologisés ? Moins obscurs, ils proposent un « code et une éthique de vie, un sens à la vie » et Bernard Montaud les transforme en « une méthodologie de développement personnel » (Ibid., p. 59). Enfin, l’opposition faite entre les Dialogues et le Nouvel Âge n’est pas sans rappeler l’écart que d’aucuns aiment creuser entre deux expressions de la pensée ésotériste : l’une savante (l’hermétisme) et l’autre populaire. Mais, ainsi que le Père Festugière l’avait déjà suggéré, la seconde n’est que la mise en pratique de ce que le discours savant de la première cherche à éclairer.

[8] Wouter J. Hanegraaff, New Age Religion and Western Culture. Esotericism in the Mirror of Secular Thought, Leiden-New York-Köln, Brill, 1996, p. 377.

[9] Conseil pontifical pour la culture et Conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux, « Jésus-Christ le porteur d’eau vive. Une réflexion chrétienne sur le Nouvel Âge », 3 février 2003, n. 2, La documentation catholique, 2288 (16 mars 2003), p. 272-310, ici p. 276. Sur l’identité du New Âge, cf. tout le n. 2, p. 276-290. Pour une brève présentation de cette nébuleuse, je me permets de renvoyer à Pascal Ide, Connaître ses blessures, Paris, L’Emmanuel, 1992 (nouv. éd. refondue, 2013), p. 19-28.

[10] Ce thème du passage à l’ère du Verseau fut surtout popularisé par le livre fameux de Marilyn Ferguson, The Aquarian Conspiracy. Personal and Social Transformation in Our Time, Los Angeles, Tarcher, 1980 ; trad. Guy Beney : Les enfants du Verseau. Pour un nouveau paradigme, Paris, Calman-Lévy, 1981), mais on trouve déjà cette expression de « New age » dès 1900 dans le titre de The New Age Magazine, édité par le Rite maçonnique écossais d’ancienne obédience dans la juridiction Sud des États-Unis.

[11] Conseil pontifical pour la culture, « Jésus-Christ le porteur d’eau vive », n. 2, Ibid., p. 277.

[12] Ibid., 2.2.1, p. 279.

[13] Il faudrait aussi mentionner un fait récent et significatif : l’existence de plusieurs revues grand public et vendues en kiosques.

[14] Cf. la bibliographie en fin d’article.

[15] Le livre de Pierre Jovanovic, Enquête sur l’existence des anges gardiens (Paris, Filipacchi, 1993), fut vendu à 500.000 exemplaires.

[16] Gitta Mallasz, Dialogues avec l’ange. Les 4 Messagers, document recueilli par Gitta Mallasz, présenté par Claude Mettra, trad. Hélène Boyer et Gitta Mallasz, Paris, Aubier, 1976 ; éd. intégrale, 1990.

[17] Petits dialogues d’hier et d’aujourd’hui, version française par Dominique Raoul-Derval, Paris, Aubier, 1991.

[18] Gitta Mallasz, Dialogues avec l’ange, p. 13. Ces ouvrages, parus chez le même éditeur, la version française étant due à Dominique Raoul-Derval, sont : Les Dialogues tels que je les ai vécus, 1984 (en fait, il s’agit d’une éd. brève de Dialogues avec l’ange). Les Dialogues ou l’enfant né sans parents, 1986 ; Les Dialogues ou le saut dans l’inconnu, 1989.

[19] Bernard Montaud, Le testament de l’Ange. Les derniers jours de Gitta Mallasz, coll. « L’expérience intérieure », Paris, Albin Michel, 1993. Quand l’Ange s’en mêle, Paris, Dervy, 1998. Bernard Montaud, Patricia Montaud, Lydia Müller, La vie et la mort de Gitta Mallasz, Paris, Dervy, 2001 : ce livre conjugue Quand l’Ange s’en mêle, des Inédits de Gitta Mallasz et Le testament de l’Ange. Henri Blanquart, La spiritualité fondamentale dans les Dialogues avec l’ange, Paris, Léopard d’Or, 1995. Patrice Van Eersel, La source blanche. L’étonnante histoire des Dialogues avec l’ange, Paris, Grasset, 1996.

[20] Un Agenda des anges (Paris, Vecchi, 2003), splendidement illustré surtout de peintures d’anges, a l’astuce (qui se paye d’une efficacité moindre) de ne pas préciser l’année.

[21] Ainsi, un jeu de 52 cartes en français porte le nom de Le jeu des anges (publié par Le Souffle d’Or, 05300 Barret-le-Bas). Les cartes sont parfois incluses dans les ouvrage : par exemple, celui de Janine Mora (Anges et démons. Le double visage des forces invisibles, Romont [Suisse], Recto-Verseau, 1995) comporte un jeu de cartes des 72 anges.

[22] Par exemple une série de 12 CD intitulés Les 72 anges du quotidien. Angélologie traditionnelle. Chaque disque dure 72 minutes et traite 6 des 72 archanges distingués par la Kabale (cf. infra).

[23] Il aurait aussi été intéressant de se demander dans quelle mesure la représentation cinématographique de l’ange emprunte parfois et partiellement au Nouvel Âge : ainsi, dans le film fantastique américain de Brad Silberling, La Cité des anges (1998), l’ange apparaît surtout comme un gardien référé à l’homme beaucoup plus qu’à la transcendance divine, en continuité avec notre nature incarnée, le tout dans une ambiance plutôt optimiste où la matière et les sentiments sont valorisés.

[24] Cf. l’ouvrage autobiographique où l’auteur exprime bien ses affinités Nouvel Âge : La danse de la réalité (en espagnol, le sous-titre est : Psychomagie et psychochamanisme), trad. Alex et Nelly Lhermillier, coll. « Spiritualités », Paris, Albin Michel, 2002. Cf. la bibliographie de ses différents scénarios.

[25] Thorgal, Bruxelles, Le Lombart, 28 titres parus, le dernier en 2004.

[26] L’ouvrage (par ailleurs très stimulant au plan spirituel) de la cofondatrice de Findhorn, Eileen Caddy, La petite voix. Méditations quotidiennes (trad. Anne de Keating-Heart, Barret-le-Bas (05300), Le Souffle d’or, 1989) est régulièrement réédité et présent en pile à côté de la caisse de chez Gibert-ésotérisme. Or, ces méditations, Eileen Caddy dit les avoir reçues, pour la première fois, en 1953, « d’une petite voix paisible en elle-même, d’une source qu’elle nomme le Dieu intérieur » (Avant-propos de David Earl Platts, sans page), autrement dit ce que l’on va appeler un ange. Cf. l’ouvrage célèbre d’un autre membre de Findhorn, chez le même éditeur : Dorothy Maclean, La voix des anges, Barret-le-Bas (05300), Le Souffle d’or, 1980.

[27] Helmut Hark, Cheminer avec les anges. Le message de nos compagnons spirituels, trad. de l’allemand, Saint-Jean-de-Braye, Dangles, 1996, p. 167.

[28] Doreen Virtue, Archanges et maîtres ascensionnés. Comment travailler et guérir avec les divinités et les déités, adapté de l’anglais par Lou Lamontagne, Varennes (Québec), AdA Inc., 2004, p. 411.

[29] Françoise Naud, Trouvez votre ange gardien, Monaco, Le Rocher, 2003, p. 9.

[30] Ibid., p. 17.

[31] Cf. Pascal Ide, art. « Near Death Experience », Dictionnaire des miracles et de l’extraordinaire chrétiens, sous la dir. de Patrick Sbalchiero, Paris, Fayard, 2002, p. 566-568.

[32] Pascal Perrot, Ces anges qui nous gardent et nous assistent, Paris, Pierre de Soleil, 2001, p. 118-119.

[33] Les Anges Evah. Émanation de Dieu, Enseignements de la vie nouvelle, Saint Bonaventure (Québec), Dugouay, 2004.

[34] Julia Ingram et G. W. Hardin, Les messagers. Une histoire vécue où l’on rencontre les anges et l’on assiste au retour de l’âge des miracles, Genève, Vivez Soleil, 1999.

[35] Cf. Anonyme, Rencontre avec les anges, Québec, Knowlton, Shanti Inc., 1994.

[36] Gérard Le Gwen, Sacramentaire royal. Le livre des anges. Rituels pratiques d’angélologie, Paris, Guy Trédaniel, Bruxelles, Savoir pour être, 1994, 4ème de couverture. À côté d’une brève présentation sur la nature des anges, l’ouvrage développe surtout les différentes méthodes d’invoquer ces « émanations de la divinité », comme les jours et heures de prière, etc.

[37] Mikael Hod, Le grand livre des anges et des archanges, p. 111-114.

[38] Élisabeth Dufour, La guérison par les anges, p. 60.

[39] Le chakra « de base [est] de couleur rouge ; celui de créativité situé sous le nombril, de couleur orange ; celui du plexus solaire de couleur jaune doré tel un soleil du midi ; celui du chakra du cœur, d’un vert émeraude ; celui de la gorge, d’un bleu ciel d’été ; celui du troisième œil, de couleur indigo telle une nuit pure étoilée ; et celui de la couronne, de couleur violet » (Ibid., p. 32).

[40] C’est ce qu’affirme Gitta Malasz le mardi 19 mai 1992 : « L’Ange est créateur. » Et elle ajoute cette parole : « C’est un créateur évolutif. / Il évolue aussi. / Sa force créatrice d’aujourd’hui n’est plus celle des temps anciens. » (Le testament de l’Ange, Bernard Montaud et al., La vie et la mort de Gitta Mallasz, p. 210. En majuscule dans le texte. Cf. p. 210-211)

[41] Neale Donald Walsch, Conversations avec Dieu. Un dialogue hors du commun, trad. Michel Saint-Germain, Outremont (Québec), Ariane éd., 3 tomes, 1997-1999, ici tome 1, p. 76 ; cf. p. 75-76.

[42] Haziel, Nos anges gardiens. De l’autre côté de la vie, Paris, Bussière, 2002, p. 1.

[43] Françoise Naud, Trouvez votre ange gardien, successivement p. 13, p. 37, p. 39.

[44] Mikael Hod, Le grand livre des anges et des archanges. Comment invoquer les anges, obtenir leur aide et leurs conseils, Paris, Trajectoire, 22000, p. 6 et p. 7.

[45] Un exemple entre mille : Janine Mora explique que la « Trinité, qui est exprimée dans les religions chrétiennes par le Père, le Fils et le Saint-Esprit […] est aussi exprimée par : le Père, la Mère et le Fils » (Anges et démons, p. 25).

[46] Bruno Bazin, L’ange et son scribe, 91450 Mennecy, Édiru, 2002, p. 5.

[47] Joël Duez (Mgr. Jacobus Jean de la Croix) se présente comme évêque catholique gallican et grand maître de la Confrérie des Mages Pythagoriciens (Traité d’angélologie et de démonologie à l’usage des exorcistes, Paris, Guy Trédaniel, 1990 ; à noter que ce livre fait aussi appel à l’exorcisme, ce qui atteste à nouveau le caractère disparate du contenu).

[48] Hélène Polesel-Seconde, À l’écoute des anges. Les voix d’un médium, Paris, Lanore, 2004, p. 129. En majuscules dans le texte. Cf. le chap. 8 consacré à la prière.

[49] Marie-Pascale Remy, L’expérience de l’ange, Boucherville (Québec), Montagne, 2004, 4ème de couverture.

[50] Dialogues avec l’Ange, p. 16.

[51] En ce sens, l’ange du Nouvel Âge présente beaucoup plus d’affinités avec les philosophies musulmanes émanatistes (par exemple Avicenne) qu’avec la tradition catholique. Par exemple, s. Thomas d’Aquin démontre que Dieu seul peut créer (Somme de théologie, Ia, q. 45, a. 5) et que non seulement l’âme humaine ne peut venir que de Dieu (Ibid., q. 90, a. 3), mais qu’aucune créature corporelle n’est produite par Dieu grâce à la médiation des anges (Ibid., q. 65, a. 3).

[52] Élisabeth Dufour, La guérison par les anges, coll. « Nouvel Age », Montréal, Éd. Quebecor, 2002, p. 32.

[53] Sylvia Browne, Le livre des anges. Tradition chrétienne, Hallé, Varennes (Québec), AdA Inc., 2003, p. 172.

[54] Ibid., p. 35.

[55] Interview de Gitta ou de Montaud parue dans Sources (sans réf.), citée par Françoise Champion, « Du côté du New Age », p. 60.

[56] Par exemple, Patrick Guérin propose la relaxation, de la médiation, de la visualisation, de la transe (Comment questionner nos guides ? Les voies du channeling, Paris, Trajectoire, 2004).

[57] Voici des ouvrages en traitant exclusivement : Haziel, Notre Ange Gardien existe, Paris, Bussière, 1995 ; Communiquer avec son Ange Gardien, même éd., 1995 ; Nos anges gardiens. De l’autre côté de la vie, même éd., 2002. Penny McLean, Contacts avec votre Ange Gardien, Paris, Guy Tredaniel, 1994 ; Les Anges Gardiens dans la vie quotidienne, même éd., 1991 ; Rencontres avec vos Anges Gardiens, même éd., 1993. Tobias Palmer, Un Ange auprès de moi, Paris, La Table Ronde, 1995 ; Jean-Marc Pelletier, Comment communiquer avec votre Ange Gardien, Montréal, Éd. le Jour, 1995 ; Andrew Ramer, Alma Daniel Timothy Wyllie, Demandez à vos Anges !, Genève, Vivez Soleil, 1992.

[58] L’auteur précise à un autre endroit : « Ce n’est pas l’âme qui réintègre Dieu, c’est l’Esprit » (Ibid., p. 62).

[59] Le terme « Shambhalla », catégorie centrale de l’ouvrage, désigne un « lieu psychique », « auquel on n’accède qu’en s’élevant aux plans supérieurs de l’âme » (Ibid., p. 1). Dans ce lieu, présent en chacun de nous, circule l’énergie divine ; il est, au fond, de nature divine.

[60] Jean-Claude Genel, Shambhalla, terre de louanges, Paris, Éd. des trois monts, 1994, « L’ange gardien », p. 73 à 78.

[61] « Nous pourrions dire aussi que l’ange gardien est un commandement, le plus beau commandement de tous : « Retrouve ta pureté » » (Ibid., p. 76).

[62] Remarquons à ce sujet que le nombre 72 présente la propriété remarquable d’être divisible par de multiples diviseurs (en l’occurrence dix : 2, 3, 4, 6, 8, 9, 12, 18, 24, 36), ce qui lui permet de s’adapter à quantité d’autres typologies : des 12 signes du zodiaque (à raison de 6 par signes, puisque 6 x 12 = 72) aux 9 chœurs des anges (à raison de 8 par chœurs, puisque 8 x 9 = 72), en passant par les 24 heures de la journée (à raison d’un tiers d’heure, soit 20 minutes quotidiennes, par ange, puisque 3 x 24 = 72). Enfin, il est lui-même le diviseur de nombres plus élevés signifiants, notamment les 360 jours de l’année (à raison de 5 jours, un quinial, par ange, chaque année, puisque 5 x 72 = 360).

[63] Nous allons le dire, cette classification des anges vient de la kabbale, c’est-à-dire de la mystique juive. Or, « dans la langue hébraïque, il suffit de rajouter le suffixe el à un nom de chose ou de fonction, pour lui donner une dimension angélique. La force, par exemple, se dit guevoura. Avec un el nous assistons à la naissance de l’ange Gavriel ou Gabriel, le messager de la force. La guérison se dit rephoua ; en lui offrant un el, nous apparaît l’ange Raphaël, etc. / Dès lors toute chose peut devenir ange si elle porte cette particule divine que représentent les deux lettres el, qui signifient ‘Dieu’. On trouve ainsi des Rouhiel, ange du Vent (rouah), des Chalgriel, ange chargé des neiges (chélèg), des Matariel, des Kokhaviel, chargés de la pluie, des étoiles… » (Marc-Alain Ouaknin, « Dans le double silence du nom », Coll., Le réveil des anges, p. 171).

[64] Je le tire de Mikael Hod, Le grand livre des anges et des archanges, p. 152-153.

[65] Françoise Naud, Trouvez votre ange gardien, p. 181-185.

[66] Ibid., p. 182.

[67] Celle-ci se trouve aussi mentionnée pour d’autres raisons. Ainsi, Kabaleb, l’auteur de Les Anges (Paris, Bussière, 1989), a aussi écrit, chez le même éditeur : Le grand livre du tarot cabalistique (1991).

[68] Cf. chap. 7 à 9, trad. Maurice de Gandillac, coll. « Sources chrétiennes » n° 58, Paris, Le Cerf, 1958, p. 105-138.

[69] Doreen Virtue, Archanges et maîtres ascensionnés, p. 225-230.

[70] Ibid., p. 229.

[71] Sur cette distinction, je me permets de renvoyer à Pascal Ide, « Le démon. Doctrine commune de l’Église », Coll., Combattre le démon. Histoire, théologie, pratique, coll. « IUPG », Paris, L’Emmanuel, 2011, p. 33-132. Cf. aussi le bon ouvrage de Serge-Thomas Bonino, Les anges et les démons. Quatorze leçons de théologie, coll. « Bibliothèque de la Revue thomiste », Paris, Parole et Silence, 2007.

[72] Ouvrages en traitant plus spécifiquement : Janine Mora, Anges et démons ; Édouard Brasey, Enquête sur l’existence des Anges rebelles, Paris, Filipacchi, 1995. Haziel, Victoire sur les Puissances du mal, Paris, Bussière, 1994 ; Les Anges de l’Abîme, même éd., 1995.

[73] Nous avons vu plus haut que, pour Jean-Claude Genel, l’homme peut être dit « Lucifer » en tant qu’il porte la lumière dans la matière.

[74] Conseil pontifical pour la culture, « Jésus-Christ le porteur d’eau vive », n. 2.2.2, Ibid., p. 280.

[75] Janine Mora, Anges et démons, p. 94.

[76] Ibid.

[77] Joeliah, Enseignement des anges de Lumière. Messages angéliques. Enseignement. Ascension planétaire, Paris, Bussière, 2004, p. 121.

[78] Mikael Hod, Le grand livre des anges et des archanges, p. 153.

[79] Voici des ouvrages en traitant exclusivement : Haziel, Les anges planétaires et les jours de la semaine. Comment profiter pleinement et quotidiennement de leurs influences, Paris, Bussière, 1988 ; Calendrier des heures magiques et des lunaisons, même éd., 1992 ; Le calendrier perpétuel, même éd., 1994. Les anges lunaires avec 28 exhortations et invocations pour mettre à profit les influences de la lune, même éd., 1994 ; Rudolf Steiner, Les Entités spirituelles dans les corps célestes et dans les règnes de la nature, Genève, Éd. Antroposophiques Romandes, 1912 ; Les Hiérarchies spirituelles et leur reflet physique dans le zodiaque, les planètes, et le cosmos, Paris, Triades, 1923.

[80] Pascal Perrot les présente comme des « jours de rattrapage » (Ces anges qui nous gardent et nous assistent).

[81] Cf. Mikael Hod, Le grand livre des anges et des archanges, p. 277.

[82] Pour Élisabeth Dufour, un ange est attribué à chaque jour de la semaine : lundi, Uriel ; mardi, Sandalphon ; mercredi, Gabriel ; jeudi, Raphaël ; vendredi, Michaël ; samedi, Métatron ; dimanche, Merlchizédech (La guérison par les anges, p. 52 s).

[83] Haziel, Les anges lunaires…, p. 79.

[84] Elles sont aussi en correspondance avec l’intégralité du corps humain que d’ailleurs elles dessinent

[85] Françoise Naud, Trouvez votre ange gardien, p. 58.

[86] Pascal Perrot, Ces anges qui nous gardent et nous assistent, p. 92.

[87] New Age Religion and Western Culture, p. 520.

[88] Conseil pontifical pour la culture, « Jésus-Christ le porteur d’eau vive », n. 2.3.2, Ibid., p. 282.

[89] Saint Irénée de Lyon, Contre les Hérésies. Dénonciation et réfutation de la gnose au nom menteur, L. I, xxix, 1, trad. Adelin Rousseau, Paris, Le Cerf, 21985, p. 121. Trad. modifiée.

[90] Claude Genel, Shambhalla, terre de louanges, p. 3.

[91] « L’âme naît avec la création » (Ibid., p. 73).

[92] « La gnose n’a jamais disparu du champ du christianisme » (Jean-Paul II, Entrez dans l’espérance, Paris, Plon, 1994, p. 147).

[93] Sur ce sujet, Wouter J. Hanegraaff, New Age Religion and Western Culture, contient une bibliographie très complète.

[94] Cf. Bernhard Ple, Wissenschaft und säkulare Mission, Stuttgart, Klett-Cotta, 1998.

[95] Nous avons déjà évoqué les connivences entre le Nouvel Âge et la société de marché et de consommation (la religion devient une denrée consommable comme une autre). Nous avons aussi noté l’importance accordée à la fonction thérapeutique de l’ange. On peut désormais mieux le comprendre : le Nouvel Âge se nourrit du monisme gnostique ; or, réagissant contre la médecine officielle, allopathique, qui sépare l’homme de son milieu, le corps de l’âme, un organe de l’autre, les thérapies alternatives, dites holistiques, tirent leur succès de ce qu’elles considèrent l’individu dans son ensemble et cherchent non seulement la disparition des symptômes mais son bien-être. Enfin, pour justifier sa conception vibratoire, le Nouvel Âge se prévaut volontiers d’un passage heureux de la physique newtonienne à la mécanique quantique. En effet, la première est atomiste et déterministe, alors que la seconde associe à chaque particule une onde, donc une vibration, et privilégie une vision statistique de la nature.

[96] Cf. Pascal Bruckner, L’euphorie perpétuelle. Essai sur le devoir de bonheur, Paris, Grasset, 2000 ; Charles Melman, L’Homme sans gravité. Jouir à tout prix. Entretiens avec J.-P. Lebrun, Paris, Denoël, 2002.

[97] Certains ouvrage, toutefois, parlent d’une chute. Un peu en marge, Andrew Collins dit avoir fait une enquête scientifique sur cette chute des anges. En voici les conclusions. On le sait, des traditions parlent de Géants, Titans, Veilleurs, Anges, Nephilims, qui furent punis d’avoir transmis leur savoir aux hommes et devinrent des « anges déchus ». En réalité, explique l’auteur avec grand sérieux, il s’agit d’hommes qui ont vécu en Egypte voici dix mille ans dont on a perdu la mémoire. Il avaient élaboré une grande civilisation avancée ; mais celle-ci s’est corrompu et a disparu. Autrement dit ces Veilleurs ont chuté. Par conséquent, « les anges déchus, conclut l’auteur, sont une part importante de notre passé ». Au fond de nous-mêmes, notre mémoire le sait : « nous savons ». La leçon est claire : « À vous de choisir » (Andrew Collins, Nos ancêtres les anges. L’héritage perdu d’une race déchue, trad. Michel Cabart, La Huppé, 2002, p. 362).

[98] Claude Genel, Shambhalla, terre de louanges, p. 3.

[99] Ibid., p. 75.

[100] Cf., sur la réfutation de Tertullien, Jan W. Waszing, The Treatise against Hermogenes, Westminster (Maryland), Newman Press, 1956, p. 3-25.

[101] D’autres facteurs rentrent en ligne de compte comme la vision holistique de la médecine.

[102] Neale Donald Walsch, Conversations avec Dieu, p. 32. On objectera que ce livre parle d’une communication divine et non pas angélique. D’abord, le contenu et le mode même de transmission consonent en profondeur avec tous les autres livres Nouvel âge, avec une thématique toutefois plus chrétienne que d’habitude. Surtout, dans l’exergue du premier tome, l’auteur remercie sa mère : elle m’ »a fourni ma première rencontre avec un ange » (Ibid., p. 33 et 34).

[103] The Rebirth of the Sacred, London, Gateway Books, 1984, p. 78s.

[104] Françoise Naud, Trouvez votre ange gardien, p. 38.

[105] D’où le sous-titre de l’intéressant ouvrage de Paul Heelas, The New Age Movement. The Celebration of the Self and the Sacralization of Modernity, Oxford, Blackwell, 1996.

[106] La communication avec l’ange fait volontiers appel à l’Écriture. C’est ainsi que Monica Guillmain propose, pour chacun des 72 anges, un verset biblique accompagnant le motif d’invocation (Apprenez à communiquer avec votre ange gardien, coll. « Safran », Marco-Pietter, s. d. et s. l. (Belgique). À noter que l’ouvrage explique sans sourciller : « Dans la tradition judéo-chrétienne, c’est la kabbale qui nous révèle l’existence des anges » (chap. 1, pas de pagination). Mais ne nous trompons pas : l’emploi de la Bible tient non pas à la reconnaissance de son inspiration surnaturelle, mais à son caractère efficace.

[107] Lydia Müller, « Avant propos », Bernard Montaud, Patricia Montaud, Lydia Müller, La vie et la mort de Gitta Mallasz, Paris, Dervy, 2001, p. 9.

[108] Cf., dans une perspective toutefois strictement philosophique, Tiziana Suarez-Nani, Connaissance et langage des anges selon Thomas d’Aquin et Gilles de Rome, coll. « Études de philosophie médiévale » n° lxxxv, Paris, Vrin, 2002. De fait, le Nouvel Âge s’intéresse aux relations entre les anges et nous, non aux relations existant entre les anges.

[109] Cf. Les Anges Evah, Enseignements de la vie nouvelle.

[110] Joeliah, Enseignement des anges de Lumière. Messages angéliques. Enseignement. Ascension planétaire, Paris, Bussière, 2004, p. 221.

[111] Mikael Hod, Le grand livre des anges et des archanges, p. 10.

[112] Certes, quelques auteurs se défendent d’instrumentaliser l’ange : « Notre Ange Gardien n’est pas un serviteur […], et son but n’est certainement pas de réaliser tous nos caprices […]. L’Ange doit être considéré comme un associé à part entière » (Pascal Perrot, Ces anges qui nous gardent et nous assistent, Paris, Pierre de Soleil, 2001, p. 112). Il n’empêche que la pratique dément cette déclaration d’intention qui demeure toute théorique. D’ailleurs, l’ange lui-même se prête complaisamment à cet égotisme, puisqu’il ne semble vouloir communiquer que pour nous servir.

[113] Marie-Pascale Remy, L’expérience de l’ange, Boucherville (Québec), Montagne, 2004, p. 32.

[114] Charles-Rafaël Payeur, Les quatre visages de l’ange. S’ouvrir à la présence de son ange, Sherbrooke (Québec), éd. de l’Aigle, 2000.

[115] Terry Lynn Taylor et Mary Beth Crain, Sagesse des anges jour après jour. 365 méditations et messages des cieux, trad. Étienne Ménanteau, Orsay, Médicis Entrelacs, 1995. Sans numérotation de page.

[116] Cf. par exemple l’interprétation psychanalytique donnée par Anguéliki Garidis, Les anges du désir. Figures de l’ange au xxe siècle, Paris, Albin Michel, 1996, notamment la conclusion.

[117] Faut-il rappeler que, dans la mythologie sous-jacente au Seigneur des Anneaux élaborée par le très catholique John Ronald Reuen Tolkien (cf. notamment Le Silmarillion, éd. Christopher Tolkien, trad. Pierre Alien, Paris, Pocket, 1978), les Elfes sont l’équivalent des anges ?

[118] Ellen Stubbe, Die Wirklichkeit der Engel in Literatur, Kunst und Religion, coll. « Hamburger Theologische Studien » n° 10, Münster, Lit, 1995, p. 61.

[119] Invitée par l’Institut C.G. Jung, alors qu’elle a jusque là refusé toute conférence, Gitta Mallasz accepte : « Je suis reconnaissante à Jung. Il m’a libérée d’une grande solitude. Je n’étais plus la seule à avoir rencontré mon Ange, lui aussi avait rencontré son maître intérieur, et il en avait témoigné dans son livre » (Quand l’Ange s’en mêle, in Bernard Montaud, Patricia Montaud, Lydia Müller, La vie et la mort de Gitta Mallasz, p. 67. Cite Carl Gustav Jung, Ma vie. Souvenirs, rêves et pensées recueillis et publiés par Aniela Jaffé, trad. Roland Cahen et Yves Le Lay, coll. « Folio », Paris, Gallimard, 1989). Cf. le discernement proposé par Wouter J. Hanegraaff, New Age Religion and Western Culture, p. 501 s.

[120] Gesammelte Werke, vol. XIII, 1978, p. 91.

[121] Ibid., vol. XI, 1963, p. 660.

[122] Le Nouvel Âge ne détient pas le privilège de la psychologisation des anges. On trouve chez un moine de l’abbaye de Münsterscharzach qui est aussi un auteur à succès, Anselm Grün, n’hésite pas à faire des anges « les images de notre désir profond et permanent d’une assistance et d’un pouvoir thérapeutique que nous ne trouvons pas en nous-mêmes » (Anselm Grün, Petit traité de spiritualité au quotidien, trad. Claude Maillard, coll. « Spiritualités », Paris, Albin Michel, 1998, p. 9). C’est ainsi que, à la croisée de la psychologie (notamment jungienne) des profondeurs pour qui l’ange est une facette du psychisme et de la tradition chrétienne affirmant l’existence extramentale des anges, le bénédictin allemand distingue cinquante anges, par exemple : l’ange de l’amour, l’ange du risque, l’ange de la chaleur, l’ange de la gaieté sereine, etc. (Ibid., p. 15-20, p. 66-69, p. 86-89, p. 151-153). Dans un autre ouvrage, le même auteur distingue 23 autres sortes d’anges (Chacun cherche son ange, trad. Claude Maillard, coll. « Spiritualités », Paris, Albin Michel, 2000).

[123] Massimo Introvigne, New Age & Next Age, Casale Monferrato, Piemme, 2000, p. 267.

[124] Sur la fonction cosmologiques des anges-moteurs chez Thomas d’Aquin, cf. les mises au point de Tiziana Suarez-Nani, Les anges et la philosophie. Subjectivité et fonction cosmologique des substances séparées à la fin du xiiie siècle, coll. « Études de philosophie médiévale » n° lxxxv, Paris, Vrin, 2002, p. 92-142.

[125] Voire, la correspondance par la médiation des vibrations qui est un mouvement local n’est pas sans rappeler le principe dionysien repris par Thomas d’Aquin selon lequel l’ange opère dans le monde matériel grâce à la translation (cf. s. Thomas d’Aquin, Somme de théologie, Ia, q. 110, a. 3).

[126] Il a consacré un de ses écrits de la période précritique aux « esprits » et à une discussion des thèses de Swedenborg (« Rêves d’un visionnaire expliqués par des rêves métaphysiques », trad. Bernard Lortholary, Œuvres philosophiques, éd. Ferdinand Alquié, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, Gallimard, 3 tomes, vol. 1. Des premiers écrits à la Critique de la raison pure, 1980, p. 525-592).

[127] La légende des anges, Paris, Flammarion, 1993.

[128] Thierry Le Goaziou, « Ange », Encyclopédie philosophique universelle. II. Les notions philosophiques. Dictionnaire, éd. Sylvain Auroux, Paris, p.u.f., 1990, 2 vol., tome 1, p. 96. Il est par exemple dit : « Dans les religons monothéistes, l’ange a un statut paradoxal. On lui dénie la qualité divine […] et cependant il appartient à la sphère divine. »

[129] Bernhard Lang, « Ange/démon », Peter Eicher et Bernard Lauret (éd.) Nouveau dictionnaire de théologie, Paris, Le Cerf, 21996, p. 21-26. Il est significatif que l’article suivant : « Angoisse », rédigé par Eugen Drewermann, soit nettement plus long (p. 26-34).

[130] Jean-Yves Lacoste (éd.), Dictionnaire critique de théologie, Paris, p.u.f., 1998, p. 42-45.

[131] Bernard Lauret et François Refoulé (éds.), L’Initiation à la pratique de la théologie, Paris, Le Cerf, 1982-1983. Dans la table analytique finale, pas d’entrée « Anges » ; il n’en est notamment rien dit dans les développements consacrés à la création (tome III. Dogmatique 2, 1983). En regard, l’Initiation théologique, à laquelle ladite nouvelle Initiation veut répondre, consacrait aux anges un chapitre d’une trentaine de pages (Dom Paul Benoist d’Azy, « Les anges », II. Dieu et sa création, Paris, Le Cerf, 1957, p. 250-281).

[132] « La croyance aux esprits et aux démons est éliminée par la connaissance des forces et des lois de la nature » (Kerygma und Mythos. Ein theologisches Gespräch, éd. Hans-Werner Bartsch, Hamburg, Volksdorf, 31954, tome 1, p. 17). La position de Karl Barth, toute en nuances, se refuse en tout cas à symétriser angélologie et démonologie ; sur la conception barthienne du démon, faisant de celui-ci un « néant » (Nichtige), cf. Kirchliche Dogmatik, III/3, 1950, § 50 : Gott und das Nichtige ; § 51 : Das Himmelreich. Gottes Botschafter und ihre Widersacher, trad. Fernand Ryser : Dogmatique. Vol. III. Tome III.2, Genève, Labor et Fides, 1963 : « Dieu et le néant », p. 1-81 ; « Le Royaume des Cieux. Les Messagers de Dieu et ses adversaires », p. 82-249. Cf. Wolf Krötke, Sünde und Nichtiges bei Karl Barth, coll. «  Theologische Arbeiten » n° 30, Berlin, Evangelische Verlagsanstalt Verlag, 1970.

[133] Liquidation du diable, Paris, DDB, 1971.

[134] « Satan. Symbole ou réalité ? », Lumière et vie, 78 (1966), p. 77-98.

[135] « Besessenheit und Exorzismus », Stimmen der Zeit, 101 (1976) n° 11, p. 721-722, repris dans Tod und Teufel in Klingenberg. Eine Dokumentation, Pattloch, 1977, p. 44-46. Cette épochè, qui se veut provisoire, s’applique d’abord à la possession, mais s’étend aussi à la personnalité du diable.

[136] « Müssen Christen an den Teufel glauben ? », Stimmen der Zeit, 195 (1977) n° 8, p. 541-554.

[137] Cf. les déclarations citées par Herbert Haag, Liquidation du diable, p. 40.

[138] « Der Sinn der Versuchung Jesu bei den Synoptikern », Schriften zum Neuen Testament, München, Kösel, 1971, p. 127s.

[139] Traité fondamental de la foi. Introduction au concept du christianisme, trad. Gwendoline Jarczyk, Paris, Le Centurion, 1983.

[140] Cf. La Dramatique divine. II. Les personnes du drame. 2. Les personnes dans le Christ (1978), trad. Robert Givord avec la coll. de Camille Dumont, coll. « Le Sycomore », Paris, Lethielleux, Namur, Culture et Vérité, 1988, p. 367-397.

[141] Catéchisme de l’Église catholique, 8 décembre 1992, n. 328-336. Cf. aussi notamment les six catéchèses que le précédent Pontife a consacrées aux anges, du 9 juillet au 20 août 1986 (elles sont rassemblées dans Jean-Paul II, Le créateur du ciel et de la terre. Catéchèse sur le Credo II, Paris, Le Cerf, 1988, p. 139-175).

[142] Par exemple : La foi de l’Église. Catéchisme pour adultes publié par la Conférence épisocpale allemande, trad. Roger Gryson, Paris, Brépols, Le Cerf, Le Centurion, 1987, p. 106-109.

[143] Par exemple, sur la question si désertée et pourtant non dénuée d’intérêt des relations ange-cosmos. Sur ce point, je me permets de renvoyer à Pascal Ide, « Les anges dans la nature », Carmel. Les anges, nos invisibles frères, 99 (mars 2001), p. 33-50.

[144] La foi de l’Église, p. 106. C’est moi qui souligne.

[145] Il aurait aussi été salutaire d’opérer aussi une discretio d’ordre éthique (afin de rétablit une conception non moralisante et non légaliste de la distinction bien-mal dont on a vu qu’elle est niée par le New Age) ou plus sociopolitique et historique (cf., par exemple, les fines analyses opérées par André Jean Festugières, La révélation d’Hermès Trismégiste, Paris, Société d’édition Les Belles Lettres, 1983, réimpression de l’ouvrage publié chez Paris, Gabalda, 21950, 4 vol., notamment tome 1. L’astrologie et les sciences occultes, p. 1-88).

[146] L’auteur développe cette idée dans le paragraphe suivant où il affirme notamment : « L’homme contemporain est en effet accoutumé à ces calculs économiques de probabilité et de rentabilité. Il a développé de manière stupéfiante son intelligence calculatrice et il travaille constamment à maximiser le profit immédiat » (Ibid., p. 11).

[147] Bernard Pottier, « L’agnosticisme, choix évident pour l’homme contemporain », Nouvelle revue théologique, 129 (2007) n° 1, p. 4-16, ici p. 11. Souligné dans le texte.

[148] Henri-Charles Puech, « La Gnose et le temps », Id., En quête de la Gnose. I. La gnose et le temps, coll. « Bibliothèque des sciences humaines », Paris, NRF-Gallimard, 1978, p. 249.

[149] Hans Jonas, La religion gnostique. Le message du Dieu Étranger et les débuts du christianisme, trad. Louis Evrard, Paris, Flammarion, 1978, p. 457.

[150] On pressent ce dédain dans Dialogues avec l’Ange. À plusieurs reprises, en effet, Gitta accomplit un « geste vers le bas ». Or, ce geste ne signe pas seulement un mépris mais une répartition symbolique des hommes en inférieurs car ignorants et endormis et en supérieurs car connaissants, éclairés, éveillés, gnostiques. Par exemple : « Le mot « eux’ est souligné par un geste vers le bas, désignant la multitude des humains encore « endormis » » (Vendredi 24 septembre 1943, Entretien 14 avec Gitta, p. 77 ; cf. aussi, parfois en opposition à un « geste vers le haut » : p. 58, 123, 147, 173).

[151] À la lecture de l’ouvrage cité ci-dessus de Pierre Jovanovic (Enquête sur l’existence des anges gardiens), qui comporte, en exergue, une lettre de Jacques Chirac, écrite en 2002, le félicitant pour son livre, je n’ai pu me défaire de l’impression d’un narcissisme envahissant. Le sous-titre du livre du même auteur, Enoch : Dialogue avec Dieu et les Anges est : « Le seul livre que le Christ citait régulièrement parce qu’il le connaissait par cœur »…

[152] Chap. 2, v. 18. C’est moi qui souligne.

[153] On se souvient de la phrase devenue célèbre du sénateur Symmaque, néoplatonicien, défendant devant l’empereur Valentinien II, en 384, un retour au paganisme, et le rétablissement de la déesse Victoria dans le Sénat romain : « On ne peut parvenir par une unique voie à un mystère aussi grand ».

[154] Cf., à ce sujet, la très remarquable conférence de Joseph Ratzinger, « Vérité du christianisme ? », Colloque 2000 ans après quoi ?, Sorbonne, 25-27 novembre 2000, La documentation catholique, n° 2217 (2 janvier 2000), p. 29-35. Repris dans Cyrille Michon (éd.), Christianisme. Héritages et destins, Paris, Librairie générale française, Le livre de poche. Biblio essais, 2002, p. 303-324.

[155] Par exemple : Aegidius, Il était une fois les anges, Paris, Rozan-Jacques-Marie Laffont, 2004, p. 15.

[156] Cité dans son roman Le pendule de Foucault, trad. Jean-Noël Schifano, Paris, Grasset, 1990.

[157] Je me permets d’ajouter dans cette bibliographie quelques titres de l’abondante littérature consacrée par Rudolf Steiner, le fondateur de l’anthroposophie, car elle constitue l’une des sources clés de l’angélologie New Age.

18.8.2017
 

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