Le don du corps. Une lecture de la théologie du corps de Jean-Paul II

3) Plan

a) Quelques remarques préliminaires

Il n’est pas rare que Jean-Paul II annonce ses grandes articulations. « Nous commençons maintenant un nouveau chapitre sur le thème du mariage », dit-il au début du cycle de catéchèse de l’analyse d’Ep 5,22-33 sur le sacrement de mariage (87, 1 ; p. 437). Parfois, on trouve un plan implicite qui ne sera appliqué qu’après (comme à la fin de cette même catéchèse : (id., 6 ; p. 440) ; la distinction annoncée alors sera utilisée 7 catéchèses plus loin).

Mais en général, pour le détail, il est plus difficile de trouver un plan manifesté et le genre littéraire de la catéchèse l’explique tout autant qu’il l’excuse : l’intérêt de ces entretiens réguliers, hebdomadaires du mercredi est de permettre le fréquent retour en arrière, les reprises, les insistances – et Jean-Paul II s’en privera d’autant moins que cela correspond à la circularité de sa forme d’esprit. Il demeure que, parfois, il énonce son plan de manière expresse et nous ne manquerons pas alors de le relever, le moment venu, dans le courant du commentaire. Cela signifie donc aussi que le détail du plan que nous proposons, est de notre cru ; il nous paraît toutefois manifester la profonde cohérence de la pensée du pape.

Quand il est parlé de cycle, il faut entendre l’une des six grandes parties. Nous parlons indifféremment de cycle ou de grande partie.

Enfin, les titres des catéchèses, qui ne sont pas du pape, ne sont le plus souvent pas fiables : ils ne donnent souvent pas le spécifique du contenu et ne font que reprendre une idée ou une expression, sans livrer le cœur et l’originalité de la catéchèse. Il serait aisé de multiplier les exemples.

b) Distinction générale

Il faut attendre la toute dernière catéchèse pour en trouver la justification. Jean-Paul II fait retour sur tout le parcours qui a été le sien depuis plus de cinq ans. Voici ce qu’il dit : « L’ensemble de ces catéchèses que j’ai commencées il y a plus de quatre ans et que je conclus aujourd’hui peut être regroupé sous le titre : ‘L’amour humain dans le plan divin’ ou, pour être plus précis : ‘La rédemption du corps et la sacramentalité du mariage’ ». (133, 1 ; p. 581) Telles sont donc les deux grandes parties de cette longue série d’entretiens :

– d’une part la rédemption du corps ;

– d’autre part le sacrement de mariage.

Et le premier titre unifie en quelque sorte ces deux grandes subdivisions : « l’amour humain dans le plan divin ».

La première partie étudiera le corps dans tous ses états ! Ils sont au nombre de quatre, qui sont aussi quatre moments successifs : l’état d’innocence, l’état de péché, l’état racheté, et l’état ressuscité. Mais la rédemption résume en quelque sorte ces quatre états (et étapes), car elle rétablit la grâce de l’innocence originelle (mais non pas la justice), elle répare le péché et prépare à la gloire. Parler de rédemption du corps est donc une heureuse métonymie. Jean-Paul II aime aussi parler de théologie du corps.

La seconde partie va appliquer tout ce qui vient d’être dit sur la théologie du corps aux deux états de vie concrets dans lesquels tout fidèle chrétien est appelé à vivre – au choix – , le célibat pour le Royaume de Dieu et le mariage. En fait Jean-Paul II détaillera surtout le mariage, pour des raisons de priorité pastorale évidente. Or, concrétisant encore son propos, la théologie du corps trouve une application privilégiée dans la question difficile du contrôle des naissances. D’où deux sous-parties, d’une part relative au sacrement de mariage en général, d’autre part relative à la pastorale du mariage, en particulier la régulation des naissances.

Il y a donc six sous-parties ou cycles : 1. le corps dans l’état d’innocence originelle, 2. de nature pécheresse, 3. rachetée, 4. glorifiée ; 5. le sacrement de mariage du point de vue théorique 6. et du point de vue pastoral.

c) Subdivision

Nous verrons la justification du plan dans le détail du texte. Contentons-nous donc de ce tableau d’ensemble regroupant les catéchèses par petits ensembles de trois à cinq. Cela permet une première vision synoptique de l’étendue de la matière parcourue et des sujets abordés. Entre parenthèses, nous indiquons le numéro des catéchèses numérotées en continu de la première à la dernière (en annexe, vous trouverez un tableau établissant les correspondances entre ce numéro, la date de la catéchèse, sa référence dans l’édition du Cerf et les pages où ce livre les analyse).

I) La théologie du corps

A) Le corps dans l’état d’innocence originelle (premier cycle : 1 à 23)

1) Lecture et situation des textes fondateurs (1 à 4)
2) Analyse des trois expériences de l’état d’innocence originelle
  1. a) La solitude originelle (5 à 7).
  2. b) L’unité originelle (8 à 10).
  3. c) La nudité originelle (11 à 13).
3) Fondement de ces trois expériences la théologie du corps
  1. a) Sens premier du corps : la signification « sponsale » (13 à 19).
  2. b) Sens second du corps : la significative procréative ou génératrice (20 à 22).
4) Conclusion (23)

B) Le corps dans l’état de nature pécheresse (deuxième cycle : 24 à 43)

1) Introduction générale (24 et 25)
2) Développement
a) La vision anthropologique de Gn 3,1-16

1’) Introduction (26 et 27)

2’) Les trois significations de la honte consécutive au péché originel (27 à 33).

b) La vision éthique de Mt 5,27-28

0’) Présentation générale de ce texte (34).

1’) L’adultère du corps (35 à 38).

2’) Le désir, fondement de l’adultère du cœur (39 à 41).

3’) L’adultère du cœur (42 et 43).

C) Le corps dans l’état de nature rachetée la rédemption du corps (troisième cycle : 44 à 63)

0) Introduction (44).
1) La finalité
  1. a) Non pas l’accusation (le Christ n’accuse pas) (45 à 48).
  2. b) Mais l’appel (le Christ appelle au bien) (49).
2) Le chemin
  1. a) La pureté du cœur au sens large (50)
  2. b) La pureté du cœur et la vie selon l’Esprit (51 à 53).
  3. c) La pureté du cœur au sens étroit : la pureté sexuelle (54 à 57).
3) Conséquences et applications la pédagogie du corps
  1. a) La pédagogie du corps en général (59).
  2. b) La pédagogie du corps dans la culture et dans l’art en général (60).
  3. c) La moralité de la nudité (du corps) dans l’art (61 à 63).
4) Conclusion (58)

D) Le corps dans l’état de nature glorifiée (quatrième cycle : 64 à 86)

1) Exposé
a) A partir de l’Évangile (Mt 22,24-30)

1’) Lecture du texte (64)

2’) Existence de la résurrection des corps (65)

3’) Nature (ou état) des corps ressuscités (67 à 69).

b) A partir de S. Paul (1 Co 15) (70 à 72).
2) Application à la continence pour le Royaume des cieux
  1. a) A partir de l’Évangile : Mt 19 (73 à 81).
  2. b) A partir de S. Paul : 1 Co 7 (82 à 85) et Rm 8 (86).

II) La théologie du mariage

A) Etude générale du sacrement de mariage (87 à 113)

0) Introduction (87)
1) Approche exégétique d’Ep 5,22-33
  1. a) Etude du contexte de l’épître (88).
  2. b) Etude analytique du texte : introduction : v. 21 (89) ; première partie : v. 22-25 (90 et 91) ; seconde partie : v. 26 à 30 (92) ; conclusion : v. 31 et 32 (93).
2) Approche doctrinale à partir d’Ep 5,22-33
a) Le sacrement comme grâce de l’Alliance

0’) La double fonction de l’analogie entre mystère de l’amour divin et sacrement de l’amour conjugal (96).

1’) Premier aspect : le Mystère éclairé par le mariage (94 et 95).

2’) Second aspect : le sacrement de mariage éclairé par le mystère de l’Alliance (97 à 99).

3’) Application et confirmation (100 à 102).

4’) Conclusion (103).

b) Le sacrement comme signe le langage des corps

1’) Nécessité de ce langage (104).

2’) Nature de ce langage : ce que dit l’Ancien Testament (105) ; ce que dit le Nouveau Testament (106 à 108).

3) Approfondissement de la vision du mariage à partir d’autres textes
  1. a) Une vision anthropologique : le Cantique des Cantiques (109 à 111).
  2. b) Une vision théologique : le livre de Tobit (112).
  3. c) Comparaison avec la vision christologique et mystique d’Ep 5,22-33 (113).

B) Application à la pastorale conjugale et familiale (114 à 128)

0) Introduction (114)
1) Présentation de l’encyclique Humanæ Vitæ (115 et 116)
2) Pastorale de la signification procréatrice
  1. a) Énoncé du principe : la paternité et la maternité responsables (117).
  2. b) Application de ce principe dans l’encyclique Humanæ Vitæ (118).
  3. c) Interprétation de ce principe dans la perspective de la théologie du corps (119 à 121).
3) Pastorale de la signification sponsale
a) Nature de la pastorale (ou spiritualité) familiale (122 et 123, 1 et 2)
b) Mise en œuvre

1’) Premier moyen : l’amour (123, 3 et 4).

2’) Deuxième moyen : la vertu de chasteté : nécessité (123, 4 et 5), nature (124), possibilité (125 et 126).

3’) Troisième moyen : la crainte comme don de l’Esprit Saint (127 et 128).

III) Conclusion (129)

 

Les catéchèses se rassemblent donc en six groupes (ou cycles) sensiblement homogènes d’une vingtaine d’entretiens en moyenne :

  1. Le corps dans l’état d’innocence originelle (1 à 23).
  2. Le corps dans l’état de nature pécheresse (24 à 43).
  3. Le corps dans l’état de nature rachetée (44 à 63).
  4. Le corps dans l’état de nature glorifiée (64 à 86).
  5. Le mariage du point de vue sacrementel (87 à 113).
  6. Le mariage du point de vue éthique (114 à 129).

 

4) Conseils pratiques

Notre intention a été d’écrire un livre autonome : on peut le lire sans recourir au texte de Jean-Paul II, sauf cas particulier (et mention expresse). Pour cela, nous le citerons généreusement. Mais il était impossible de « réduire » 800 pages aussi riches en environ 300 pages. Même si le pape se répète, il a parfois fallu sélectionner et aller à l’essentiel ; cependant, nous croyons pouvoir affirmer qu’aucune idée de quelque importance n’a été négligée.

Autant que possible nous suivrons l’ordre du texte, ce qui nous invitera parfois à quelques lourdeurs et à quelques redites : de ce point de vue il n’y a pas un seul paragraphe de catéchèse qui ne soit cité, même si l’inégale importance des paragraphes a motivé des développements eux-mêmes inégaux. Toutefois nous ne serons pas l’esclave de l’ordre chronologique, parce que le style même de ces catéchèses appelle et autorise les nombreux retours en arrière et les répétitions de détail, ce qui n’a aucune raison d’être dans un exposé suivi comme le nôtre. Comme dans les ouvrages d’introduction aux encycliques du Saint-Père, le principal du labeur a été de mettre en ordre ce qui était dispersé. Il a fallu cueillir la fine fleur d’une pensée si riche qu’aucune formalisation ne saurait l’épuiser.

Pour faciliter la compréhension et l’assimilation, chaque cycle s’achèvera par un résumé : celui-ci ne saurait dispenser de la lecture de la sous-partie, car il ne reprendra que les conclusions principales, écrêtera intentionnellement les démonstrations, les conséquences souvent décisives, et empruntera les termes même de Jean-Paul II qui, s’ils sont techniques, auront été définis dans le corps du chapitre.

Les encadrés qui parsèment l’ouvrage ont pour but autant de rompre la monotonie du texte que de l’illustrer et d’en prolonger certaines réflexions. Ils sont de notre fait et ne sont donc surtout pas à attribuer à Jean-Paul II.

Au terme de cette étude analytique du contenu des catéchèses, nous reprendrons du recul et tenterons, dans un dernier chapitre, intitulé « les principes de la théologie du corps », de formuler les intuitions de fond traversant tous ces entretiens.

On trouvera en fin d’ouvrage plusieurs index dont l’un, notamment, cherchera à préciser les principaux termes les plus fréquemment employés par Jean-Paul II et le sens technique, précis qu’il leur donne (et qui est parfois différent du sens courant).

Enfin, à la lecture de cet ouvrage, deux problèmes risquent de se poser souvent qui relèvent de la même crainte, justifiée, de l’amalgame et de la confusion. Il nous faut donc en dire un mot pour finir.

L’un, facilement soluble est de faire la part des choses entre les citations de Jean-Paul II et les autres citations que lui-même fait et qui sont principalement des citations de l’Écriture ou de documents conciliaires. Comment départager ? Il aurait été possible de le montrer par un artifice typographique. Par souci de clarté, nous avons préféré ne pas alourdir la présentation du texte. En fait, toute citation d’un auteur autre que Jean-Paul II est expressément signalée et ne dépasse jamais la longueur des guillemets, sauf indication expresse. Autrement dit, les citations sans indication d’auteur sont, jusqu’à plus ample informé, du Saint-Père. Si un doute subsiste ou vous ronge, vous avez toujours la solution de retourner au texte original, puisque tous les paragraphes d’où sont tirées les citations sont précisément indiqués, au risque de lasser le lecteur.

Le second problème est plus délicat à résoudre. Il est en fait consubstantiel au genre du commentaire. Si déjà le traducteur est toujours un traître (tradutore, traditore), combien a fortiori est-ce le cas du commentateur… La question constante, voire l’inquiétude du lecteur sera donc de savoir ce qui relève de Jean-Paul II et ce qui relève de l’auteur de ces lignes : comment départager ? La réponse est simple et va plus loin que la boutade apparente : tout est de moi, n’espérez pas atteindre la pureté de la pensée du pape en me lisant ! Ce n’est pas la bonne foi (ni même, en droit, sinon en fait) qui est en cause ; c’est le principe même du commentaire : comment faire abstraction de ses présupposés ? Tenter d’en faire l’économie pour retourner à la source, serait non seulement illusoire, mais mortifère, car tout l’intérêt du commentaire est de donner des grilles de lecture. Un degré zéro du pré-jugé (au sens propre) serait aussi un degré zéro de la pensée et de l’intérêt !

D’ailleurs, il n’y a pas à regretter que le commentateur ne soit pas l’auteur : le genre littéraire de l’exposé commande que ce soit justement à quelqu’un d’autre que l’auteur d’exposer ce que la plume de l’auteur n’a pas suffisamment clarifié. En fait, cette crainte de trahison n’est vraiment paralysante ou décourageante que si celui qu’elle ronge est relativiste et professe le mot d’ordre du sceptique : « à chacun son opinion ». Mais une telle crainte retombe alors sur celui qui la nourrit car la logique du relativisme est celle du cloisonnement : nul propos, pas même le sien, ne peut trouver grâce à ses yeux.

La difficulté est tout de même légitime pour une part, et nous nous efforcerons le plus souvent possible – mais comment prétendre y être arrivé à tous coups ? – à noter nos ajouts, principalement dans trois circonstances intellectuelles décisives : quand, par souci pédagogique, nous introduisons un concept, une dénomination technique ou une distinction qui ne se trouvent pas, en leur littéralité, dans le texte de Jean-Paul II.

Pascal Ide

18.1.2020
 

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