5) Une relecture à la lumière du don
D’abord, au nom de la pluralité des discours, il est possible de distinguer les conclusions scientifiques de l’interprétation qu’en fait Ameisen. Il est possible de critiquer la seconde sans disqualifier les acquis de la biologie la plus récente. Cela dit, la réflexion d’Ameisen, de par son outrance romantique, invite à la réflexion.
En un mot, la vision de notre auteur valorise au mieux l’autonomie du vivant ; en d’autres termes, elle honore la spécificité du don 2 vivant. Pour deux raisons différentes :
a) L’apoptose souligne mieux l’indépendance du vivant
En effet, nous savons que le don 2 se caractérise par l’autonomie. Or, le vivant se définit par la capacité d’auto-motion. Mais les travaux sur la mort cellulaire programmée découvrent ou au moins confirment la plus grande indépendance de l’être animé. Cela à différents niveaux :
1’) La potentialité de la matière vivante est pleinement mise en jeu
L’essence de la matière, entendue au sens philosophique et aristotélicien de matière prime (hulé protè) réside dans la potentialité. Autrement dit, la matérialité est ouverte à de nombreuses formes. Autant la matière est principe ontologique d’indétermination, autant la forme est principe ontologique de détermination. Or, l’évolution embryologique montre un passage progressif d’une forme grossière à une morphologie affinée, distincte, précise, cela grâce à l’intervention du processus de lyse cellulaire. C’est donc que l’évolution de l’embryon, l’ontogenèse honore le dynamisme de la matière.
De même, la nature promeut une auto-organisation fondée sur des règles simples : le buissonnement et la sélection.
On aurait pu imaginer que le principe actuel impose son dynamisme de sorte qu’elle empêche le principe potentiel d’exprimer son dynamisme d’omnitude. La nature est ici plus aristotélicienne que platonicienne.
Dit autrement, ce que l’on observait au plan de toute la phylogenèse se vérifie aussi au plan de l’ontogenèse : en effet, l’on sait que, durant les milliards d’années d’évolution du vivant, bien des vivants, des formes nouvelles furent inventées ; beaucoup se sont éteints, au point que les biologistes affirment volontiers que seules survivent aujourd’hui une infime minorité. Ainsi la loi de récapitulation énoncée par Ernst Haeckel semble aussi se vérifier au plan de la destruction interne constituant le vivant. Mais il faut alors conclure avec cohérence que, au plan phylogénétique, cette destruction, loin d’être totalement aléatoire, permet l’apparition de l’homme : ce que confirme la paléontologie.
2’) La configuration joue un rôle finalisateur
Le seul processus de mort cellulaire ne construit rien.
D’une part, il s’exerce sur des êtres existants, des structures déjà façonnées. Or, ces entités l’ont été par buissonnement. Or, ce dynamisme vient de la cause matérielle finalisée, attirée par l’apparition d’une forme, celle d’un organe, d’un système organique.
D’autre part le processus de mort cellulaire est infini et pourrait se terminer par une corruption du sujet matériel : c’est ce qu’opère l’érosion géologique qui ne modèle des formes que transitoirement et par accident. Or, l’embryon aboutit à une forme déterminée, comme l’adulte se maintient dans cette forme très stabilisée. Plus encore, la destruction est tout entière au service de la construction de la forme. C’est donc que, à côté de la puissance de la matière, opère une autre cause, en l’occurrence formelle et finale.
Par conséquent, le mécanisme de lyse est précédé et prolongé par des dynamismes finalisés.
On aurait pu imaginer que le principe actuel impose son dynamisme de sorte qu’elle empêche le principe potentiel d’exprimer son dynamisme d’omnitude. La nature est ici plus aristotélicienne que platonicienne.
3’) Le vivant commande lui-même la destruction des cellules le composant
L’ADN est composé de gènes codants qui, par le biais des protéines, sont les médiateurs du processus de lyse.
On aurait pu imaginer que la destruction cellulaire opère seulement par accident, du fait d’une cause extrinsèque. La nature est ici plus aristotélicienne que platonicienne.
4’) Conclusion
Comme on peut le constater, ce sont les quatre causes constitutives du vivant qui sont ici valorisées. Or, ces quatre causes englobent le vivant.
Le processus de mort cellulaire complique le schéma darwinien et aristotélicien en introduisant une effectivité de la privation : la nature commande aussi le dynamisme de destruction. Ainsi, triple sera le mécanisme en jeu : buissonnement, finalité, destruction. La privation n’en demeure pas moins un principe par accident du devenir [1].
b) L’apoptose souligne mieux la capacité d’intégration du vivant
En effet, nous savons que le don 2 se caractérise par la capacité d’intégrer les contraires. Or, il est connu que le vivant intègre l’altérité, celle de l’aliment par la nutrition ; ou, en termes plus actuels, qu’il métabolise un triple flux de matière, d’énergie et d’information. Mais, avec les travaux sur la mort cellulaire programmée, nous avons découvert que le vivant peut « gérer », assimiler une altérité encore plus grande : non pas celle de la mort, mais celle d’une possibilité de destruction qualitative des cellules le composant.
En tout cas, pour pouvoir être pleinement autonome, le vivant doit pouvoir intégrer une sorte de corruption accidentelle interne. Déjà ce processus commence avec l’excrétion.
c) L’apoptose révèle quelque chose de la structure du don 2
En effet, nous savons que le don 2 présente une structure feuilletée, lamellaire, dessinant ainsi une distinction intérieur-extérieur au sein même de la substance. Or, la mort cellulaire opère en créant du vide au sein du plein : elle ne cesse de façonner des formes, de creuser des trous, etc. La nature, ici, n’est plus aristotélicienne mais atomiste, épicurienne. Il n’y a pas juxtaposition entre la structure dedans-dehors et la différence plein-vide. Mais, d’une part, la mort cellulaire peut expliquer les migrations cellulaires permettant cette différenciation interne-externe ; ensuite, au plan matériel, cette différence doit être adaptée : l’homme n’a pas la structure d’une cible ou d’un disque, ne serait-ce que pour des raisons d’esthétique et de fonctionnalité ; il n’empêche que certains organes sont plus internes, plus protégés, etc.
Annexe : l’embryogenèse du système immunitaire et son parallèle avec le cerveau
1) Généralités
a) Importance
« Les deux organes les plus complexes et les plus sophistiqués de notre corps » sont le système nerveux, notamment le cerveau, et le système immunitaire [2] dont l’auteur est spécialiste [3].
b) Vulnérabilité
« La puissance de notre système immunitaire – qui nous protège – représente aussi une source de danger permanent pour notre intégrité [4] ». En effet, pour être efficace, il doit répondre vite et fort. Mais auquel cas, il doit reconnaître avec une absolue certitude le corps et ne pas le confondre avec les agresseurs extérieurs.
2) Description
a) Les cellules
1’) Premier type : les cellules « sentinelles »
Ce sont les macrophages et les cellules dendritiques. Ces cellules sont des défenses permanentes, présentes dans tous les tissus. Ce sont aussi la première ligne de défense.
2’) Deuxième type : les lymphocytes
Ces cellules ont pour finalité de combattre l’agresseur de manière spécifique. Cela suppose sa reconnaissance, la multiplication et, enfin, la mémoire.
3’) Les deux familles de lymphocyte
Le lymphocyte T doit pouvoir reconnaître soi et non-soi. Cette reconnaissance est analogue à la connaissance, sauf qu’elle est physique. Or, la connaissance est rendue possible par une puissance, celle de devenir l’objet connu. Mais l’équivalent de la puissance non matérielle est comme un creux qui peut recevoir, accueillir. Aussi les lymphocytes T présentent-ils ce que l’on appelle bien un récepteur de forme creuse, comme un vase, un bol, un sac ou une poche.
Ce récepteur est constitué de deux protéines distinctes ; or, chacune est formée de deux sous-unités différentes ; donc, le récepteur provient de l’assemblage de quatre protéines.
b) Le mécanisme de constitution des lymphocytes
1’) Principe général
Le système immunitaire doit mûrir. Pour des raisons génétiques. Les agresseurs potentiels et réels sont des milliards. Or, les lymphocytes sont dirigés contre eux. Donc, ils doivent être aussi nombreux. Mais nous ne sommes en possession que de cent mille gènes. Or, un gène constitue une protéine et les sites récepteurs sont protéiques. C’est donc que la constitution des lymphocytes fait appel à une combinaison. Mais celle-ci demande une élaboration, donc du temps.
Pour des raisons aussi histologiques : un tel système suppose un minimum de différenciation organique. Or, au point de départ, il n’y a qu’une cellule. Donc, nous ne pouvons pas être conçu avec un système immunitaire tout constitué. Autrement dit, à la conception, le zygote est on ne peut plus vulnérable, non pas seulement en lui-même mais eu égard aux agents extérieurs.
Quand s’effectue cette maturation ? Tout se passe encore dans le sein de la mère. En effet, le corps y est alors protégé de toute agression extérieure par le corps de la mère. Or, dès qu’il sera à l’extérieur, il sera menacé par ces agressions. Mais c’est le système immunitaire qui l’en protège. Celui-ci doit donc mûrir durant la vie intra-utérine.
Mécanisme darwinien. Il est de loin plus économique, plus sobre. En effet, il y a deux possibilités : soit reconnaître l’agresseur comme agresseur, soit reconnaître l’agresseur comme non-soi ; or, les agresseurs potentiels sont multiples, alors que le non-soi est une entité unique, puisqu’il se définit seulement par son opposition à soi (à supposer que celui-ci soit défini de manière relativement simple). La privation est plus simple que la détermination positive. Analogiquement, l’interdit est moins contraignant que le précepte affirmatif. Comme le dit très bien Ameisen : « Le lymphocyte qui répond pour la première fois à un fragment d’une des protéines du virus de la grippe […], n’y répond pas parce qu’il le ‘reconnaît’ ; il y répond, au contraire, pour la seule raison qu’il ne l’a jamais rencontré [5] ».
Mais comment se constitue la diversité des lymphocytes durant la vie intra-utérine ?
2’) Le problème
Ce qui fait la richesse et l’élégance, toute économique, du système lymphocytaire, fait aussi sa fragilité : « Comment se fait-il qu’un lymphocyte T qui a bricolé son récepteur à l’aveuglette, n’attaque pas le corps qui lui a donné naissance [6]? » En effet, le corps humain est composé d’un ensemble unique de gènes (on peut démontrer statistiquement que la combinaison de nos gènes est, de manière extrêmement probable, sans équivalent) ; or, les gènes codent les protéines ; donc, l’ensemble de nos protéines constituent une signature phénotypique, morphologique unique. Or, le lymphocyte T reconnaît, par son site récepteur, une structure protéique et nous avons vu qu’il le constitue au hasard. Comme les agents agresseurs comme les microbes sont aussi composés de protides, un lymphocyte T peut indifféremment s’attaquer au moi ou au non-moi. Avec les effets destructeurs que nous connaissons, à savoir ceux d’une maladie auto-immune.
En fait, cette identité protéique se complique d’un autre facteur : le système HLA. Les présentoirs propres aux lymphocytes sont codés par certains gènes ; or, ces gènes existent sous différentes versions constituant ce que l’on appelle le système HLA (Human Leucocyt Antigen) ; mais la combinaison de ces gènes est, statistiquement, encore unique (mais avec une probabilité moins grande d’unicité).
3’) Réponse
Le principe ne peut qu’être : les récepteurs doivent apprendre à reconnaître le moi (protéique) unique caractéristique de l’identité de sorte que les lymphocytes T ne l’agressent pas. Mais comment cela peut-il se faire ? Laissons Ameisen nous expliquer ce passionnant processus, qui est une des superbes inventions de la nature [7].
On imagine mal ces lymphocytes parcourir tout l’organisme et le reconnaître en son intégralité. Une seule solution : qu’un organe reproduise, de manière fractale, l’ensemble du corps humain. Il existe : c’est le thymus, toute petite glande située près du cœur humain. En effet, le thymus est habité par des cellules sentinelles ; or, ces cellules sentinelles voyagent à travers le corps de l’embryon. Dans chacun des territoires qu’elles parcourent, elles capturent les protéines fabriquées et libérées par les différentes familles de cellules qui y résident. Puis, elles naviguent vers le thymus et vont présenter à sa surface des fragments de notre identité protéique : « c’est une version morcelée et fragmentée du corps qui est transportée et recomposée dans notre thymus ».
Par ailleurs, l’organisme produit les lymphocytes T dont chaque récepteur, fabriqué au hasard, est unique, puisqu’il est adapté à un agresseur extérieur potentiel. Or, ceux-ci migrent dans le thymus, toute petite glande située près du cœur humain et vont y séjourner une durée fixe : trois jours. « Pendant trois jours, chacun des lymphocytes T qui vient de construire, au hasard, son récepteur, parcourt lentement la petite glande où il a pénétré, le thymus, entrant en contact avec chacune des cellules [sentinelles] qui l’entourent ».
Donc, les lymphocytes rentrent en contact avec le soi. Que va-t-il se passer ?
Trois cas sont possibles : a) soit le récepteur du lymphocyte interagit trop bien ; donc, il identifie le soi comme un ennemi ; la conséquence en est qu’il pourrait le détruire. b) soit le récepteur du lymphocyte n’interagit pas durant ces trois jours ; la conséquence probable est que cette absence de fait correspond à une incapacité en amont ; comme le moi présente des analogies au moins lointaines avec le non-moi, la conséquence en est qu’un tel lymphocyte ne reconnaîtra jamais une structure protéique étrangère, donc ne pourra pas protéger le corps humain. Or, la présence de lymphocytes inefficaces retarderait et diluerait l’action des combattants efficaces. c) soit le récepteur du lymphocyte interagit modérément avec le soi ; or, une interaction modérée ne permet pas de transmettre un message de destruction du support, mais elle promet, sans totalement le garantir, une capacité de reconnaissance d’une structure protéique différente du soi.
Or, l’organisme a mis en place, grâce au système de mort cellulaire programmée, un système d’élimination des cellules se fixant trop intensément ou pas du tout ; ces lymphocytes sont donc éliminés. Cela correspond à une proportion d’environ 99 %. On pourrait s’inquiéter voire objecter : le système n’est-il pas trop coûteux et peu efficace ? D’abord un chiffre : comme les lymphocytes sont des dizaines de milliards à visiter le thymus, il en reste quelques centaines de millions qui le quitteront et parcourront l’organisme pour le protéger. Ce nombre est considérable. Ensuite, pour évaluer l’économie, il faut considérer non pas le terme mais le point de départ. Certes, le nombre d’élimination est important, voire considérable ; mais, à l’origine, le principe est d’une extrême sobriété : mutations au hasard commandées par le système HLA et une simple glande minuscule, le thymus.
On le voit, le hasard n’intervient que partiellement, et encore comme un témoignage de la potentialité de la matière façonnée par la génétique ; ensuite intervient le tri lié à la finalité qui est la défense du moi. Plus encore, le développement buissonnant n’est pas une sorte de vitalité anarchique ; il est finalisé par la mise en place du système immunitaire. D’ailleurs, même en cas d’extériorisation chaotique, il faudrait s’interroger sur l’origine de cette motion, sur ce besoin : l’option est en définitive, non celle de la finalité, mais de son objet : soi, c’est-à-dire le conatus essendi ou l’autre que soi, le débordement de soi (ici aussi s’applique analogiquement la grande loi augustinienne des deux amours). Le schéma joint donc bien le buissonnement darwinien, la finalité et le processus positif de destruction.
3) Une relecture à la lumière du don
La présence du système immunitaire est riche de sens pour une philosophie du don notamment 2.
Le don 2 ne se construit pas seulement en se posant mais aussi en s’opposant, voire en se protégeant de l’autre. Il serait naïf de croire que l’autre n’est qu’un ami. Dieu, en constituant le monde, l’a fait tellement divers, riche, que certains êtres peuvent se contrarier.
La réceptivité du don 2, c’est-à-dire son ouverture au don 1 se traduit par une structure concave, une forme creuse : ici se dessine une philosophie des figures qui entre en résonance avec le don. De même, l’expansion, c’est-à-dire la croissance du don 2, voire le don 3 se traduit par une rotondité, une convexité, ainsi que le montre la morphopsychologie. L’individualité implique une délimitation extérieure, voire une rupture.
La mémoire des lymphocytes nous dit aussi autre chose sur le don 2 du vivant : non seulement il se différencie de l’autre mais il conserve son identité dans le temps, et cela avec économie. Sinon, il n’aurait pas besoin de garder une trace.
La constitution de la reconnaissance du soi par les lymphocytes T prend du temps : on a vu que cette durée est décisive et signifiante puisqu’un lymphocyte incapable d’interagir durant cette période sera impitoyablement éliminé ; or, cette reconnaissance est strictement tournée vers le soi, vers cette adéquation entre l’organe immunologique et le soi qui l’héberge ; c’est donc que la mise en place d’un don 2 harmonieux prend du temps. La vie intra-utérine est ainsi un moment privilégié pour construire un juste rapport à soi biologique : le don 2 précède le don 3.
On notera aussi que, au plan biologique, le toucher, le contact est essentiel, même pour le don 2 : le lymphocyte doit entrer en contact avec le moi puis le non-moi. C’est la conjonction de cette durée et de ce toucher qui décide de la conservation du lymphocyte ou de sa destruction.
De plus, la mise en place du don 2 apparaît déjà, même au seul plan ultra-moléculaire comme une réflexion : le soi biologique ne se contente pas de croître ; il se rapporte à soi pour se connaître ; décidément, le don 2 est structurellement réflexif. Comme si la reconnaissance de la structure protéique constituait une forme de consentement pré-intentionnel à soi.
En outre, ce juste rapport à soi demande la protection d’un don 1, ici le corps maternel et la barrière hémo-placentaire qui est d’une extrême efficacité : laissant filtrer tous les nutriments nécessaires pour vivre (liquide et gazeux), recueillant aussi tous les produits toxiques, elle protège l’enfant de tout ce qui pourrait l’agresser.
Remarque : la vie mammifère ne témoigne-t-elle pas indirectement en faveur d’une infusion immédiate ? Si l’homme naissait comme les ovipares, il y aurait des avortements massifs.
Une nouvelle fois, nous avons aussi constater l’importance de la structure fractale du moi.
4) Confirmation : le développement embryonnaire du cerveau [8]
Dans la vie intra-utérine, le cerveau se construit progressivement selon le schéma suivant.
Au point de départ, les cellules se différencient en neurones et se dédoublent. Elles se regroupent en modules compacts de manière morcelée, éparpillée, sans ordre apparent et même profond.
Puis, les neurones, à un moment donné du développement, cessent de proliférer et émettent un long prolongement : l’axone, à la fois centrifuge (dans la conduction électrique) et unique. Le déplacement, la pousse de l’axone est liée aux signaux extérieurs qui repoussent ou attirent. La croissance axonale cesse lorsque le prolongement rencontre un terme, à savoir une cellule : neuronale, musculaire, de la peau, etc. Dès lors, se forme un premier circuit.
Lorsque les axones se sont stabilisés, les neurones envoient un autre type de prolongement, centripète (dans la conduction électrique) et multiple, le dendrite.
On observe que les neurones sont en nombre supérieur aux partenaires. Or, la connexion à ceux-ci constitue leur fonction et leur finalité. Pour s’adapter à leur mission, il va dès lors se produire une mort cellulaire programmée afin que les neurones en surnombre disparaissent et n’établissent pas des connections avec des cellules qui ne sont pas leurs partenaires appropriés. Globalement, le stock neuronal va être divisé par deux, avec des lyses de 80 % dans certaines régions et de 20 % dans d’autres.
Ainsi, la construction des deux systèmes les plus complexes de l’organisme que sont le système nerveux et le système immunitaire est due à la conjonction de causes, de principes très similaires :
– une origine innée, génétique, très économique ;
– un principe de buissonnement qui multiplie les possibles et valorise la matière vivante ;
– une intervention de l’extérieur : au minimum d’une altérité interne au corps ; au maximum d’une information extérieure au corps ;
– un principe de stabilisation dans une structure, une configuration finie, ordonnée, harmonieuse.
Pascal Ide
[1] Sur cette évaluation critique fondamentale et souvent reprise, cf. Jacques de Monléon, « Notes autour du 1er livre des Physiques », Revue thomiste, 73 (1973) n° 4, p. 415-428.
[2] Ibid., p. 37.
[3] Sur le système immunitaire, cf. Jean Claude Ameisen, La sculpture du vivant, p. 39-49.
[4] Ibid., p. 39.
[5] Ibid., p. 49.
[6] Ibid., p. 45.
[7] Ibid., p. 46-48.
[8] Cf. Ibid., p. 50-52.