Prière pour mon ami, à réciter chaque jour

Égide van Broeckhoven (1933-1967) est un jésuite belge encore trop peu connu en France qui fut prêtre ouvrier et est mort d’un accident d’usine à 34 ans. Après son décès brutal, on découvrit un ensemble de 26 cahiers de « notes intimes » totalisant pas moins de 1640 pages, qui révélèrent un homme d’une extraordinaire profondeur mystique. S’il est inspiré par les grands mystiques brabançons Hadewijch d’Anvers et Jan Van Ruysbroeck, ainsi que par son confrère français Pierre Teilhard de Chardin, il est d’une grande originalité spirituelle. En 1971, une partie (6 cahiers sur les 26) de ses notes spirituelles fut publiée en néerlandais, et traduite en de multiples langues, dont le français [1].

L’un de ses thèmes les plus inédits est l’amitié. Voilà pourquoi je livre ici la superbe « prière pour mon ami », dont le titre lui-même dit combien il parle d’expérience :

 

Seigneur, bénis nos études.

Seigneur, pour pouvoir aimer mon ami, je te demande ton amour ; donne-moi ton cœur ; « mets ton œil en mon cœur » ; fais que je l’aime vers toi : ainsi il n’y aura pas de blessure dirigée vers moi-même, mais vers toi.

Fais que nos désirs se rencontrent et qu’ainsi tu sois présent parmi nous.

Donne à notre amour une pureté qui le rende éternel et le fasse demeurer en ton amour.

Père, dans le cœur l’un de l’autre, attire-nous vers ton Fils ; par notre amour, attire tous les hommes en ta plus profonde intimité.

Seigneur, donne-nous l’un pour l’autre une ouverture totale et pleine de bonté. Augmente en moi le tact et la délicatesse.

Donne à notre amitié la fraîcheur et la jeunesse qui rendent ton amour si attrayant.

Écarte de nous tout égoïsme et toute impureté ; apprends-nous à nous aimer l’un l’autre vers toi et, comme toi, Père, tu as aimé ton Fils, aussi vers les autres.

Apprends-nous à découvrir ton intimité dans la plus profonde intimité l’un de l’autre.

Fais que notre visage soit comme le visage du Christ : la révélation de l’amour de Dieu (2 Co 4,6) ; fais que notre regard soit simple et clair ; que, par sa bienveillance, il soit le reflet de ton intimité.

Donne-nous la force de beaucoup sacrifier ; ainsi, en union à ton intimité qui se fait vulnérable en venant vers nous, nous pourrons porter toutes les souffrances que cause le manque d’amour et que seul un surcroît d’amour peut racheter.

Fais que nos mains soient l’expression toute pure de notre désir de nous aider l’un l’autre, l’anticipation de notre réunion auprès de toi.

Apprends-nous, au besoin en souffrant très profondément, à aimer très profondément ; fais que nous soyons partout chez toi, je veux dire : dans l’intimité la plus profonde du Père, dans l’intimité la plus profonde l’un de l’autre.

Esprit Saint, remplis-nous de ta grâce, c’est-à-dire de l’Amour de Dieu, et conduis vers Dieu notre amour : « Mi Amado, las montanas… » [2].

Dieu, fais en sorte que notre travail apostolique porte des fruits d’amour en abondance.

Dieu, accorde-nous de pouvoir faire de notre amitié quelque chose qui garde dans ton amour une signification jusque dans l’éternité ; fais que nous soyons l’un pour l’autre aimable aurore de ton éternel amour.

Sainte Marie, mère du bel amour, donne-nous la pureté de l’amour de Dieu [3].

Pascal Ide

[1] Égide van Broeckhoven, Journal spirituel d’un jésuite en usine. Du temps des études au temps du travail, trad. Georges Neefs, coll. « Christus. Essais » n° 43, Paris, DDB Bellarmin, 1976

[2] « En mon Aimé j’ai les monts, / Les solitaires et ombreuses vallées, / Les îles prodigieuses, / Les fleuves au bruit puissant, / Le sifflement des vents porteurs de l’amour » (Cantique spirituel, strophe 14. Cité pour la première fois, le 16 mars 1959, Cahier I, p. 52 : Journal spirituel d’un jésuite en usine, p. 46).

[3] Égide van Broeckhoven, 24 mars 1960, Cahier VI, p. 85-87 : Journal spirituel d’un jésuite en usine, p. 63-64.

20.5.2022
 

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