Neuvaine à l’Esprit de Pentecôte (Billet du dimanche 24 mai 2020)

Désirons-nous recevoir l’Esprit-Saint autant qu’il veut se donner à nous ? « L’Esprit remplit l’univers » (Sg 8,1). « Toi qui es partout présent et qui emplis tout », chante un hymne byzantin. Alors, en voulons-nous une demie mesure ou une « mesure bien serrée, secouée, débordante » (Lc 6,38), « sans mesure » (Jn 3,34) ? Voulons-nous une microportion ou « une double part » (2 R 2,9) de l’Esprit de puissance, de lumière, d’amour ?

Pour vous aider, je vous propose, chaque jour, huit prières à l’Esprit-Saint, plus une, de ce dimanche jusqu’au lundi de Pentecôte. Bien évidemment, si l’une vous touche ou vous convient, gardez-la tout au long de cette neuvaine. Montons dans « la chambre haute » de notre cœur pour, avec Marie et les Apôtres, au Cénacle, attendre la « Force d’en Haut » (Ac 1,8-14) qui a été promise et ainsi, le jour de la Pentecôte, La recevoir autant qu’Elle veut se donner.

« Qui es-tu, Douce lumière ? ». Prière de Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix à l’Esprit-Saint

Cette prière à l’Esprit-Saint composée par Edith Stein (1891-1942), qui était alors la carmélite Thérèse-Bénédicte de la Croix et que Jean-Paul II a canonisée en 1998, est datée de Pentecôte 1942. Toutefois, la version originale semble avoir été rédigée lors de la Pentecôte 1937. La religieuse l’a manuscrite au verso de pages d’un cahier de philosophie (comportant un glossaire du vocabulaire de la question De veritate de saint Thomas, qu’elle a traduite en allemand), puis en a fait plusieurs copies, dont certaines portent le titre « sept rayons d’une neuvaine de Pentecôte », comme les sept strophes (une pour chaque jour de la semaine qui vient) de cette longue, riche et belle prière. Il semble donc que cette oraison, encore plus évocation qu’invocation, encore plus interrogation que supplication, lui était chère et qu’elle correspondait à l’élan intérieur qui l’anima, pendant 5 ans, jusqu’à la veille de sa déportation à Auschwitz.

 

« Qui es-tu, douce lumière qui me combles

Et illumines la ténèbre de son cœur ?

Comme la main d’une mère, tu me conduis

Et, si tu me lâchais,

Je ne saurais faire un pas de plus.

Tu es l’espace environnant mon être

Et l’abritant en toi.

Le rejetterais-tu,

Il coulerait à pic dans l’abîme du néant

D’où tu le tiras pour l’élever vers la lumière.

Toi, qui m’es plus proche que je ne le suis moi-même,

Qui m’est plus intérieur que mon propre cœur,

Et pourtant insaissable, inconcevable,

Au-delà de tout nom,

Saint-Esprit, éternel Amour !

 

N’es-tu pas manne si douce à mon palais,

Qui du cœur du Fils déborde dans le mien,

Nourriture des anges et des bienheureux ?

Lui qui s’est levé de la mort vers la vie,

Il a su m’éveiller du sommeil de la mort

A une vie nouvelle.

Vie nouvelle qu’il me donne chaque jour

Et dont la plénitude doit un jour m’inonder,

Vie de ta propre vie, c’est toi en vérité,

Saint-Esprit, vie éternelle !

 

Es-tu le rayon jaillissant comme l’éclair

Depuis le trône élevé du Juge éternel,

Pénétrant comme un voleur dans la nuit de l’âme

Qui ne se reconnaissait pas elle-même ?

Miséricordieux, en même temps qu’impitoyable,

Tu pénètres jusqu’en ses profondeurs cachées.

L’âme est effrayée de ce qu’elle voit d’elle-même

Et se garde sains dans une crainte sacrée

Devant le commencement de toute sagesse

Qui vient d’en haut

Et nous y ancre d’un ancrage solide

Devant ton action qui nous crée à nouveau,

Saint-Esprit, rayon que rien n’arrête !

 

Es-tu la plénitude d’Esprit et de puissance

Qui permet à l’Agneau de rompre les scellés

Du décret éternel de la divinité ?

Sur ton ordre les messagers du jugement

Chevauchent de par le monde entier et séparent,

Du tranchant de l’épée, le Royaume de lumière

De celui de la nuit.

Les cieux seront nouveaux et la terre nouvelle,

Et tout trouvera alors sa juste place

Par ton souffle léger :

Saint-Esprit, puissance victorieuse !

 

Es-tu le Maître d’œuvre,

Le bâtisseur de la cathédrale éternelle

Qui depuis la terre s’élève jusqu’au Ciel ?

Tu donnes vie à ses colonnes, qui se dressent,

Hautes et droites, solides et immuables.

Marquées du signe du Nom divin et éternel,

Elle s’élancent vers la lumière et portent le dôme

Qui achève et couronne la sainte cathédrale,

Ton œuvre qui embrasse l’univers entier :

Saint-Esprit, Main de Dieu créatrice !

 

Es-tu Celui qui créa le miroir limpide

Tout proche du trône du Très-Haut,

Semblable à une mer de cristal

Où se contemple la divinité en un échange d’amour ?

Tu te penches sur l’œuvre la plus belle de toute ta création

Et ta propre splendeur éblouissante de lumière

Te renvoie son reflet,

Unissant la pure beauté de tous les êtres

En la figure pleine de grâce de la Vierge,

Ton Épouse immaculée :

Saint-Esprit, Créateur de tout ce qui est !

 

Es-tu le doux cantique de l’amour

Et du respect sacré qui retentit sans fin

Autour du trône de la Trinité sainte,

Symphonie où résonne

La note pure donnée par chaque créature ?

Le son harmonieux,

L’accord unanime des membres et de la Tête,

Dans lequel chacun au comble de la joie

Découvre le sens mystérieux de son être

Et le laisse jaillir en cri de jubilation,

Rendu libre en participant à ton propre jaillissement :

Saint-Esprit, jubilation éternelle [1] ! »

Pascal Ide

[1] Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix (Edith Stein), « Qui es-tu, douce lumière ? », Id., Malgré la nuit. Poésies complètes, éd. bilingue, trad. Cécile Rastoin, Genève, Ad Solem, 2002, p. 120-127. Trad. modifiée.

24.5.2020
 

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