L’âge de glace 1
Film d’animation américain de Chris Wedge et Carlos Saldanha, 2002. Avec Chris Wedge ; John Leguizamo ; Ray Romano et Denis Leary.
Thèmes
Égoïsme, péché, humour
Tout en étant un spectacle de divertissement voire un documentaire fantaisiste sur quelques événements d’avant les temps historiques, le film devenu culte des studios Blue Sky – comme tout film comique réussi – est un conte moral. De fait, les trois héros particulièrement mal assortis sont autant de types éthiques : Sid, le paresseux gouailleur ; Manfred ou Manny, le mammouth bourru au cœur tendre ; Diego, le machérode ténébreux un rien sentencieux.
Concentrons-nous sur la scène d’introduction (elle se déroule entre 0 mn. 30 sec. et 2 mn. 30 sec.). En mettant en scène un quatrième personnage, Scrat, elle invite à une réflexion sur les raisons morales du rire. Les catastrophes que l’écureuil cause pourraient nous mettre en colère ; or, il suscite le rire. En effet, nous rions de ce dont nous ne voulons pas pleurer.
D’abord, l’écureuil n’est que peur. Tout dit la crainte de l’écureuil, ses brusques mouvements de tête, son regard furtif constamment aux aguets qui ne cesse d’explorer son environnement. Or, les personnages de froussards, a fortiori s’ils sont losers, ont toujours fait rire (que l’on songe à Woody Allen ou Jamel Debbouze).
Ensuite, Scrat est un monomane, obnubilé par son gland. De la sphère psychologique (l’ironie), nous nous élevons à la sphère morale (l’humour). Crispé sur lui, l’écureuil n’existe que par et pour lui ; il n’y a pas de place pour autre chose que cet objet idolâtré. Obsédé, il est possédé. Il n’a paradoxalement même pas pour but de jouir de ce gland ; son unique finalité est de le faire disparaître en l’enfouissant. Autrement dit, son attitude contre-productive est totalement stérile, y compris pour lui. Tel le serviteur de la parabole, il enfouit son talent, le perdant et pour le maître et pour lui.
Par ailleurs, ce travers ne paraît faire de tort à personne qu’à Scrat. En réalité, son acte d’égoïsme présente un coût considérable pas seulement pour lui mais pour tous : il déclenche rien moins qu’une catastrophe polaire. L’humour de type se transforme en humour de situation, le rire éthique en rire politique. La loi cosmique élaborée par la théorie du chaos déterministe selon laquelle une petite cause peut engendrer de gros effets devient ici une loi anthropologique selon laquelle, tout étant lié, un acte en apparence isolé cause des conséquences collectives : une âme qui s’abaisse abaisse le monde.
Enfin et au fait, que représente le gland ? Loin de se réduire à un objet ou même à un talent, il symbolise rien moins que le moi. Celui qui prend, ne donne pas et celui qui ne donne pas, ne se donne pas. Et, loin d’être seulement une monade indifférente au cours du monde et aux autres, l’égoïste avaricieux qui se replie sur lui et sa cassette, version moderne, contrarie le dynamisme le plus profondément humanisant : s’ouvrir à l’autre et se donner. Dans sa crispation douloureuse, Scrat finit par perdre ce qu’il n’a pas donné : son être même (cf. Mc 8,35). De psychologique, éthique et cosmique ou politique, le rire devient métaphysique, voire évangélique.
Ainsi cette scène comique est un résumé de l’enseignement sur le péché. Celui-ci a souvent une origine involontaire (ici la peur) ; il n’en est pas moins consenti ; il replie sur soi ; il cause de la souffrance autour de lui ; il s’identifie au fond à une préférence de soi, voire une adoration de soi-même.
Pascal Ide
Il y a 20 000 ans, au début de « l’ère de glace », un trio improbable composé d’un mammouth, Manny, d’un paresseux, Sid, et d’un tigre à dents de sabre, Diego, se retrouve avec un bébé humain. Ils décident de le rendre à ses parents. Mais comment faire, puisque l’enfant est celui du chef d’une tribu préhistorique qui chasse les machérodes (autre nom des tigre à dents de sabre) ?