Pour déterminer la signification du terme moi, deux mises préalables au point sont nécessaires. La première concerne le vocabulaire, donc le signifiant (1), la seconde le contenu, donc le signifié (2). Nous serons alors à même de proposer une détermination de son contenu (3).
1) Je, moi et soi
La sphère lexicale est riche, notamment en français, puisque nous disposons de plusieurs mots avoisinants, voire équivalents, dont il importe de déterminer les ressemblances et les différences, quitte à fixer le sens de l’un d’entre eux, pour des besoins techniques, au-delà de ce qu’autorise le sens courant.
a) Je
En français, « je » est le pronom personnel à la première personne du singulier. Il signifie donc celui qui parle (le locuteur) ou qui écrit (l’écrivain), à moins que ce ne soit le protagoniste d’un récit fictionnel, comme dans le début si fameux de la Recherche du temps perdu : « Longtemps, je me suis couché de bonne heure ».
Par ailleurs, et ce point prendra toute son importance dans le prochain paragraphe, en français, « je » n’a pas le statut d’un substantif. Autrement dit, il n’est pas nominalisé. En revanche, la plasticité de la langue allemande a permis cette nominalisation, comme dans une autre phrase célèbre qui ouvre aussi un livre célèbre (Anthropologie du point de vue pragmatique), phrase : « das Ich haben », littéralement : « avoir le Je » [1]. Dès lors, l’expression allemande présente un sens autonyme sans être surchargée d’autres signification, par exemple réflexive.
Certes, l’on pourrait dire « le Je ». Mais, comme le relève Étienne Balibar, ce « ne peut être qu’une mention de grammairien, ou un germanisme de traduction philosophique ». Et de donner l’exemple : « On n’imagine pas Pascal écrivant : ‘le Je est haïssable’ [2] ».
De même, si l’anglais n’a pas la souplesse de l’allemand, il a pu, avec le terme self (et ses résonances par exemple avec own), élaborer un concept synthétique qui associe responsabilité morale et appropriation mentale [3].
b) Moi
1’) « Moi » en général. Sa différence d’avec « je »
Si le français n’a pas substantivé le « je », en revanche, il a inventé le « moi ». Peut-on dire qu’il est l’équivalent (partiel) du « Ich » nominalisé allemand ? En fait, le « moi » est un pronom réfléchi. Ainsi, sa nominalisation induit « un effet d’objectivation » qui n’existe pas en allemand. « En conséquence, il est pratiquement impossible à une oreille française d’entendre la forme nominale das Ich sans y supposer le réfléchi, ‘le moi’ ». Par exemple, là où Kant parle de conscience de soi (de Je, en fait) et entend les questions ontologiques et épistémologiques posées par l’apparence et la vérité de cette conscience, le Français « se rabat alors sur la doctrine psychologique ou morale des illusions que chacun se fait sur lui-même (et particulièrement de la façon dont il se surestime ou se sous-estime) [4] ».
Une autre conséquence de cet usage linguistique est la suivante. Il est évident pour un habitant de notre pays que le « je » se distingue du « moi ». Pourtant, cette distinction est une particularité de notre langue. C’est ainsi que les autres langues européennes disposent seulement d’un mot : ego (latin) ; « ich » (allemand) ; « I » (anglais) [5]. Plus encore, en latin, la conjugaison du verbe suffit à introduire implicitement le pronom personnel. Aussi l’ajout de « ego » est-il un renforcement de l’affirmation. C’est ainsi que l’énoncé canonique de Descartes « ego cogito, ego sum » doit se traduire : « moi, je pense, moi, je suis » [6].
Ainsi, le dédoublement du « je » et du « moi » se retrouve, non sans déplacement vers une plus grande réflexivité en français, en allemand dans celui de « Ich » et « Selbst », en anglais dans celui de « I » et « self ». Nous imaginons les difficultés de traduction et d’interprétation que ce décalage peuvent entraîner.
2’) Les différentes acceptions de « moi »
L’on pense souvent que, en français, le « moi » ne présente qu’un seul sens, pronominal comme référence à soi-même. Dans le langage ordinaire, le « moi » présente deux ou plutôt, maintenant, trois statuts grammaticaux :
Le moi est d’abord un pronom personnel de la première personne du singulier. Dès lors, il possède une fonction référentielle : il renvoie à la personne qui l’emploie et désigne ainsi qu’elle est, fait, etc. Comme pronom, le moi présente deux usages grammaticaux selon sa place dans la phrase : comme renforcement du sujet, en étant apposé à lui (par exemple : « Moi, je te dis ») ; comme complément à un verbe (par exemple : « Dis-moi »).
Le moi est ensuite un adjectif. Tel est par exemple le cas dans la phrase suivante : « Je n’étais plus moi-même ». Alors, le moi y qualifie la présence à soi-même.
Depuis le Grand Siècle, la philosophie lui a ajouté un troisième statut qui est passé dans le langage courant : le « moi » est devenu substantif. Le signe en est qu’on peut l’utiliser précédé d’un article : « Le moi ». Toutefois, cette substantivation n’est pas complète. En effet, en français, un substantif peut être singulier ou pluriel, alors que moi ne peut être pluralisé (d’ailleurs, « mois » deviendrait un terme équivoque dont la signification courrait le risque d’être confondue avec la durée). L’on notera toutefois que c’est le cas de nombreux autres substantifs, comme les noms de vertu (la charité, la tempérance, le courage, etc.) ou d’état (le bonheur, la pauvreté, les âges de la vie comme la jeunesse, la vieillesse, etc.). Mais cet impossible élargissement au pluriel ne vaut pas que pour l’homme, puisqu’il s’étend par exemple aux noms de métaux (le fer, l’or, etc.) ou aux aromates (le baume, l’encens, etc.). Il semble bien que ce singulier si singulier caractérise les vocables qui s’attribuent seulement à un être. Et tel est bien entendu le cas du « moi ».
En fait, cette troisième signification est problématique. D’un côté, moi parle toujours à la permière personne ; pourtant, tout terme substantivé s’accorde à la troisième personne. Nous disons : « Moi, je chanterai », mais « Le moi chantera » et non pas « Le moi chanterai ». Cette difficulté lexicale renvoie à une difficulté sémantique et, plus encore, philosophique, dont traitera la deuxième partie de l’article.
c) Le soi
Au début de la préface de son grand livre Soi-même comme un autre, Paul Ricœur se demande s’il est possible de substantiver le terme « soi » et d’ainsi justifier son titre. Il s’objecte que les grammaires des langues naturelles font de soi un pronom personnel réfléchi de la troisième personne, avec tout ce que cela peut comporter de concret et notamment de temporel, et non pas un substantif qui est toujours plus abstrait. Il répond en se fondant sur l’un des enseignements du Gustave Guillaume qui s’oppose à une des distinctions posées par Aristote, distinction qui a régi grammaire et linguistique pendant plus de deux millénaires. En effet, le Péri Herménéias distingue le verbe et mot comme le temps à l’intemporel [7]. Tout au contraire, le linguiste français affirme que le verbe exprime la plénitude de sa définition non pas dans les temps verbaux et les personnes grammaticales, mais à l’infinitif (et, jusqu’à un certain point dans le participe) : « se représenter » plutôt qu’« il se représente ». Or, « le ‘se’ désigne alors le réfléchi de tous les pronoms personnels, et même de pronoms impersonnels ». Donc, le soi accède à une « amplitude omnitemporelle » abstraite en globant toutes les personnes grammaticales, comme dans l’expression « le souci de soi » valorisée par Michel Foucault. Guillaume ajoute toutefois une règle d’usage qui abouche le substantif actuel à sa source verbale : « Cette nominalisation, moins tolérée en français qu’en allemand ou en anglais, ne devient abusive que si l’on oublie la filiation grammaticale à partir du cas indirect consigné dans l’expression ‘désignation de soi’, elle-même dérivée par première nominalisation de l’infinitif réfléchi : ‘se désigner soi-même’ [8] ».
Si suggestive soit-elle, l’analyse de Ricœur n’a accompli que la moitié du chemin de dérivation grammaticale. Sa généalogie a délimité deux étapes : de la forme verbale (par exemple : « Il s’est désigné lui-même ») à la forme infinitive correspondante (« se désigner soi-même ») ; de la forme infinitive à la forme pleinement substantive (« la désignation de soi »). Mais il demeure une troisième étape : celle qui universalise le substantif et le découple définitivement de la singularité de l’acte verbal qui a permis de le poser ; autrement dit, celle qui va « de la désignation de soi au soi de la désignation [9] ». Or, pour Vincent Descombes, il est problématique de passer de l’affirmation du soi à l’affirmation d’un soi qui en quelque sorte lui donne une consistance, que celle-ci soit ontologique ou, beaucoup plus probablement, phénoménologique : « Faut-il tenir pour évident que parler de soi, c’est parler d’un soi (le sien) [10] ? » Dans le second cas, le sujet se décrit tel qu’il s’apparaît à lui-même, à sa propre conscience. Mais dans le premier, il s’agit de parler d’un soi qui devient la condition de toute représentation. Le premier Wittgenstein, celui du Tractatus, a bien nommé cette distinction, en optant, de manière kantienne, pour la seconde, qui est solipsiste et au fond idéaliste. Et l’on sait que le second, que nous citerons plus bas, opinera vers la première, qui est réaliste et fait du moi comme d’une partie du monde : « Le moi philosophique n’est pas l’homme, n’est pas le corps humain ou l’âme humaine dont traite la psychologie, mais c’est le sujet métaphysique, la limite du monde – non une partie du monde [11] ».
d) Moi-même
En fait, il faudrait ajouter une dernière ressource : l’ajout de « même », ne serait-ce que parce qu’il joue un rôle en philosophie contemporaine. C’est au nom de ce « même » que Paul Ricœur va introduire un nouveau terme en philosophie : ipséité.
2) La perspective
Ayant fixé le vocabulaire, venons-en aux différents sens ou plutôt perspectives possibles sur le moi, afin de déterminer quelle est celle que nous adoptons. J’en distinguerai quatre. Pour l’introduire, je partirai de la classification proposée par Émile Littré [12]. Dans son dictionnaire, le lexicographe (philosophe et médecin) distingue trois emplois différents du terme « moi » employé comme substantif. Le premier est celui de Pascal (et de Port-Royal) : « Le moi, l’attachement de quelqu’un à ce qui lui est personnel » et de citer le fameux passage des Pensées : « Le moi est haïssable ». Et Littré ajoute l’explication des premiers éditeurs des Pensées face aux lecteurs déconcertés, à avoir que, pour Pascal, ici, moi signifie « l’amour-propre ». Le deuxième sens est l’amplification ou l’emphase du moi : « Le moi, la personne même ». Le troisième est dit « terme de philosophie » : « la personne humaine en tant qu’elle a conscience d’elle-même, et qu’elle est à la fois le sujet et l’objet de la pensée ». Or, cette partition correspond respectivement aux sens moral, psychologique et métaphysique, que nous allons maintenant décliner.
a) Métaphysique
Le je et le moi désignent notre identité, ainsi que nous l’avons vu. Or, pendant de longs siècles, la philosophie a exprimé celle-ci à partir de notions objectives que, non sans imprécision, on qualifie de « métaphysiques » (versus phénoménologiques, descriptives, empiriques, etc.) : « sujet », « individu », « personne », « âme », « esprit », etc. Les pronoms personnels étaient réservés à l’écriture de soi, à la confession, au journal et, même si, à la suite de saint Paul (cf. Rm 7, 14-25), ils pouvaient ponctuellement renvoyer à une identité universelle et anonyme (comme le « on »), ils demeuraient cantonnés à la sphère subjective, c’est-à-dire à la singularité du sujet exposé et s’exposant. C’est seulement à l’orée de la modernité que s’est éveillé le besoin de convoquer ces notions nouvelles que sont le je ou le moi pour dire ce que nous sommes. Ainsi, de pronoms personnels, ils ont acquis le statut de substantif, et donc se sont substantivés. L’on fait parfois de Montaigne le premier philosophe du moi. Il y a là au minimum un excès de langage. Par exemple, Pierre Villey affirme que, dans le chapitre « De l’exercitation » [13], l’auteur des Essais expose « sa conception de la peinture du moi [14] » : « Il paraît être un des premiers [essais] où le moi entre résolument en scène ». Or, notre philosophe parle non pas de peindre son moi ou le moi, mais de « se peindre ». Dans l’avis au lecteur de 1580, Montaigne écrit à propos de l’intention présidant aux Essais : « c’est moi que je peins ».
Postérieure à Montaigne, l’opération s’est faite en quelque sorte en trois temps : Descartes, Pascal et Locke. Sans entrer dans le détail [15], le premier pense ce que le deuxième va formuler et le troisième va systématiser.
Certes, Descartes [16] parle d’abord en termes d’« âme » ou de « pensée ». Voire, dans la quatrième partie du Discours de la méthode, le vocable moi est employé comme substantif : « je connus par là que j’étais une substance dont toute l’essence ou la nature n’est que de penser, et qui pour être n’a besoin d’aucun lieu ni ne dépend d’aucune chose matérielle ; en sorte que ce moi, c’est-à-dire l’âme, par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement distincte du corps ». Toutefois, dans les Méditations métaphysiques, Descartes dissocie le sujet qui pense de la « chose pensante ». En effet, il isole l’acte de pensée (« je pense ») associé à celui d’exister (« je suis »). Or, il leur associe le pronom ego (« ego cogito, ego sum »). Donc, en introduisant le cogito, le temps d’une méditation fameuse, le philosophe français a désubstantialisé le « moi » et l’a affranchi de sa tutelle métaphysique.
Pascal [17] n’a pas inventé le moi. Mais il l’a si bien popularisé qu’il l’a en quelque sorte inventé dans son usage. Quelques exemples parmi beaucoup : « Je sens que je puis n’avoit point été, car le moi consiste dans ma pensée [18] » ; « Qu’est-ce que le moi ? […] Où est donc ce moi, s’il n’est ni dans le corps ni dans l’âme [19] ? »
On doit au philosophe anglais John Locke, dont, au xviiie siècle, l’autorité éclipsera celle de Descartes, d’avoir explicitement révoqué les autres termes, trop métaphysiques, pour ne garder que celui de « moi » (« self ») [20]. Il est d’ailleurs hautement éloquent que, dans un même chapitre de l’Essai sur l’entendement humain [21], « Locke invente » ensemble les « deux grands concepts de la philosophie moderne : la conscience (consciousness) et le soi (the self) [22] ». Là où Descartes parlait encore d’« âme », le philosophe anglais des Lumières substitue le vocable « moi ». Et puisque le moi désigne d’abord l’acte réflexif par lequel le sujet prend conscience de lui-même, l’entrée du « moi » par la grande porte, plus encore, la fermeture des autres portes, signalent l’essentielle réflexivité.
Enfin, avec Kant, l’on parle même du « pur moi », « das reine Ich ». De fait, « le Moi se pose absolument », affirme son successeur immédiat, Fichte [23]. Kant exprime encore le lien existant entre le moi, la caractéristique unique de l’homme qu’est la pensée et la personne : « Posséder le Je [ou le Moi, car les deux peuvent également traduire l’allemand : das Ich] dans sa représentation : ce pouvoir élève l’homme infiniment au-dessus de tous les autres êtres vivants sur la terre. Par là, il est une personne [24] ».
Ainsi, avec la modernité, le je ou le moi acquièrent un statut qui se substitue aux notions traditionnelles que nous avons égrenées : âme, personne, etc. Ce nouveau courant porte classiquement le nom de solipsisme – à condition qu’on ne lui accorde pas de coloration péjorative. L’on peut qualifier ce moi d’instance métaphysique. Mais il s’agit alors de la métaphysique de l’esprit qui parle de « sujet » ou de « conscience », et non de la métaphysique de l’être qui parle d’âme, d’individu, de personne.
De plus, nous assistons à une réduction opérative du moi. Déjà Maine de Biran écrivait : « Le moi n’existe pour lui-même qu’en tant qu’il se connaît, et ne se connaît qu’en tant qu’il agit [25] ».
Ajoutons enfin cette observation critique à la suite de Vincent Descombes. Les cartésiens et, plus encore, les phénoménologues comme Jean-Luc Marion ou Vincent Carraud estiment que Descartes a libéré la pensée du dualisme en la libérant du substantialisme (de l’âme). En réalité, il introduit un nouveau dualisme « entre moi (l’individu physique) et le moi qui me donne une identité au cours du temps [26] ».
b) Éthique
Tout autre est le sens moral du moi. Alors, le terme désigne non pas seulement le sujet, mais le sujet dans sa relation opérative avec lui-même, en l’occurrence, ce que l’on appelait l’attachement à soi-même et ce que l’on appellerait aujourd’hui l’estime de soi. C’est ainsi que, dans l’édition de 1798, où le conservateur Dictionnaire de l’Académie française prend acte de l’usage substantivé du terme « moi », il écrit : « Moi, se prend quelquefois substantivement, pour signifier l’attachement de quelqu’un à ce qui lui est personnel ». Et ce premier sens est distingué d’un second : « Il se prend aussi en philosophie pour l’individualité métaphysique de la même personne ». La relation à soi-même n’étant pas d’individuation ou de réflexivité, mais d’attachement, ce qui est d’ordre moral, le moi est donc pris en un sens éthique et non pas métaphysique.
Évaluée moralement, l’attitude d’attachement portera le nom d’égoïsme lorsqu’elle est jugée excessive. Il est d’ailleurs significatif que, au point de départ, lorsqu’il naît, le terme « égoïsme » présente les deux significations, métaphysique et éthique. Ainsi, dans son édition de 1762, le Dictionnaire de l’Académie française distingue deux sens au terme « égoïsme » : « Amour propre qui consister à parler trop de soi, ou qui rapporte tout à soi. Il se dit encore de l’opinion de certains Philosophes qui prétendent qu’on ne peut être sûr que de sa propre existence [27] ». Cette philosophie qui limite le pensable à la pensée est le solipsisme ou l’idéalisme. Il est aussi éloquent que, dans l’édition de 1798 déjà citée, le « moi » possède aussi ces deux sens, éthique et métaphysique.
Une question pourrait intriguer : le constat d’un trop plein d’amour de soi ne date assurément pas de l’époque moderne, d’autant que le christianisme a toujours condamné l’orgueil. Mais le mot est signe du concept. Comment nommait-on l’égoïsme avant l’égoïsme (le nom « égoïsme ») ? L’amour-propre (et les Orientaux : la philautie).
Ajoutons que l’éthique philosophique et la théologie morale ne possèdent pas de termes propres pour désigner le juste amour de soi, elles ne connaissent que des expressions comme celle que je viens d’utiliser (« le juste amour de soi ») ou d’autres comme « amour excessif de soi » (tel est le cas du Littré que citera le prochain paragraphe). C’est une des raisons pour lesquelles le quatrième sens est apparu.
c) Littéraire
En fait, nous possédons un troisième nom, « égotisme ». L’exposé du Littré est révélateur. Notant qu’il s’agit d’un néologisme, il le distingue bien de l’égoïsme : « Habitude de parler de soi, de mettre sans cesse en avant le pronom moi. On a quelquefois confondu l’égoïsme et l’égotisme : l’égoïsme est un mot français qui signifie amour excessif de soi ; l’égotisme est un mot anglais qui signifie la manie de parler de soi ». Sans entrer dans le détail, la première occurrence connue du terme « égotisme » se trouve dans un article d’un écrivain anglais, Joseph Addison qui, paradoxalement, le présente comme une invention française. Précisément, selon Addison, Antoine Arnauld et Pierre Nicole appellent « égotisme » l’attitude de Montaigne qui met partout la première personne, alors que, tout au contraire, « les Messieurs de Port-Royal, plus éminents que personne d’autre en France par leur savoir et leur humilité, bannissaient entièrement de leurs œuvres l’emploi de la permière personne, qu’ils jugeaient être un effet de la vanité et de la trop haute opinion de soi-même [28] ». Ainsi, pour être d’origine grammaticale ou rhétorique (l’usage de la première personne), égotisme est d’abord un terme éthique qui se présente comme un équivalent d’égoïsme.
Mais le mot a pris une signification littéraire, notamment sous l’influence de Stendhal. C’est ainsi que le « Lalande » le définit : « Terme employé par Stendhal pour désigner, par rooposition à l’égoïsme dans la conduite, l’étude détaillée faite par un écrivain de sa propre individualité physique et mentale [29] ». Rappelons la genèse de son livre, Souvenirs d’égotisme. En juin 1832, alors qu’il a 49 ans et qu’il est en poste à Civitta Vecchia, Stendhal décide de commencer un texte autobiographique. Sans que l’on sache l’origine du terme égotisme, il décide de l’intituler Souvenirs d’égotisme. Il y travaille du 20 juin au 4 juillet. Or, voici quel en est l’objet : non pas tant les événements couvrant la période de neuf ans et demi, comme il semble le dire – « J’ai envie d’écrire un petit mémoire de ce qui m’est arrivé pendant mon dernier voyage à Paris, du 21 juin 1821 au… novembre 1830 [30] » –, que sa personne dans ces événements : « Ai-je tiré tout le parti possible pour mon bonheur des positions où le hasard m’a placé pendant les neuf ans que je viens de passer à Paris ? » Et, plus généralement : « Quel homme suis-je [31] ? » Et la question posée n’est pas anthropologique, mais morale. Toutefois, le moyen, lui, est littéraire. Il passe par l’écriture de soi : « Voyons si en faisant mon exmaen de conscience la plume à la main, j’arriverai à quelque chose de positif et qui reste longtemps vrai pour moi [32] ». Or, l’objet, l’intention et le moyen exigent de dire je ou moi, et très souvent. Ce qui va introduire un problème et même une crise : « Je sens, depuis un mois que j’y pense, une répugnance réelle à écrire uniquement pour parler de moi ». Stendhal ajoute : « Je suis profondément convaincu que le seul antidote qui puisse faire oublier au lecteur les éternels Je que l’auteur va écrire, c’est une parfaite sincérité ». Mais aussitôt survient le doute : « Aurai-je le courage de raconter les choses humiliantes sans les sauver par des préfaces infinies ? Je l’espère [33] ». Il cherche « l’égotisme, mais sincère », cet égotisme qui « est une façon de peindre ce cœur humain dans la connaissance duquel nous avons fait des pas de géant depuis 1721, époque des Lettres persanes [34] ». Au bout de deux semaines, Stendhal abandonne le projet. Deux ans plus tard, l’intention d’écrire sa propre vie naît sous le titre d’un nouveau manuscrit qui, s’il s’appelle Vie de Henry Brulard, porte le nom Confessions dans sa correspondance. Or, derechef, à côté du désir de se raconter, surgit la difficulté à dire je : « Cette idée me sourit. Oui, mais cette effroyable quantité de Je et Moi ! Il y a de quoi donner de l’humeur au lecteur le plus bénévole. Je et Moi, ce serait, au talent près, comme M. de Chateaubriand, ce roi des égotistes [35] ».
L’on note ainsi que la signification littéraire du moi – l’écriture de soi – est donc indissociable de l’évaluation éthique.
L’on obectera qu’il est possible de parler de soi à la troisième personne. L’exemple le plus célèbre étant Jules César dans La guerre des Gaules, de sorte que le philosophe Anthony Kenny propose de qualifier cet emploi de « césarien [36] ». Passons le caractère distancié d’une telle manière de parler. Il semble toutefois que, du simple point de vue de la capacité de nomination, les deux formes de parole, ordinaire et césarienne, possèdent les mêmes capacités descriptives (de soi, des autres, du monde). Voire, parler de soi à la troisième personne ne permettrait-il pas d’éviter de dire « je » et donc de mettre en avant un « moi » qui, à être répété, devient vite haïssable ? Mais d’abord, la parole césarienne n’est pas prémunie contre l’égotisme et cède parfois au style pontifiant. Ensuite, Anthony Kenny relève que cette manière de parler perd une ressource du langage ordinaire : la capacité à exprimer qu’il est conscient de parler de lui-même lorsqu’il parle de César. En effet, cette auto-conscience se traduit de la manière la plus simple par la phrase : « Je suis Jules César ». Or, traduite en césarien, cette formule devient autoréférentielle : « Jules César est Jules César » et vide de sens. C’est ainsi que l’énoncé « Jules César, c’est moi » m’apprend quelque chose, à savoir que Jules César et le sujet locuteur sont une seule et même personne, alors que l’énoncé « Jules César est Jules César » ne m’apprend strictement rien.
d) Psychologique
De même que le xvie siècle a introduit la perspective littéraire ou narratologique, de même le siècle dernier a introduit une nouvelle perspective, psychologique – à laquelle on pourrait joindre la perspective sociale.
Si, pendant longtemps, le terme égoïsme a présenté une signification négative, nous observons aujourd’hui qu’il prend une tournure positive : est égoïste celui qui s’aime lui-même, celui qui possède une estime de soi. L’égoïsme se distingue alors de l’altruisme qui est l’attitude nous tournant vers l’autre. De prime abord, une telle signification semble être éthique, d’autant qu’elle s’accompagne souvent d’une injonction : pense à toi-même, nourris ton estime de toi. En réalité, la signification est devenue psychologique. Mais tout un courant de la psychologie d’aujourd’hui (notamment celle qui s’intéresse à l’estime de soi comme ressource, la psychologie positive) se substitue à la morale d’hier, la place étant devenue vacante.
Par ailleurs, une approche réaliste et génétique du moi montre que l’on ne peut accéder à soi-même qu’en passant par l’autre, pas seulement au sens banal et trop général selon lequel nous sommes des êtres en relation, mais au sens précis où, d’abord, l’enfant se construit par imitation, et où, ensuite, la mimésis demeure une tentation qui peut ruiner l’identité acquise. René Girard l’a longuement montré dans son premier essai, en établissant sa thèse désormais fameuse du désir mimétique. D’un mot, selon cette thèse, je ne désire pas une personne parce qu’elle est désirable, ainsi que je le crois naïvement, mais parce qu’elle est (déjà) désirée. Autrement dit, j’imite, souvent inconsciemment, le désir d’un autre. Or, le désir est une des composantes essentielles de ma personnalité. Par conséquent, je suis dépossédé de mon autonomie. Par exemple, Don Quichotte n’admire pas ce qui est admirable, mais ce qui est admiré par Amadis de Gaule. Girard en tire la conclusion : « Don Quichotte a renoncé, en faveur d’Amadis, à la prérogative fondamentale de l’individu [37] ». Madame Bovary « désire, à travers les héroïnes romantiques dont elle a l’imagination remplie » et Julien Sorel « imite Napoléon ». Détaillons un exemple tiré d’une pièce de jeunesse de William Shakespeare, les Deux Gentilshommes de Vérone. Valentin et Protée, amis d’enfance habitant à Vérone, doivent partir à Milan pour leurs études. Amoureux de Julia, Protée refuse de quitter Vérone, et Valentin y part seul. Mais il souffre trop de l’absence de Valentin. Malgré Julia, Protée décide donc de l’y rejoindre. Les deux amis se retrouvent au palais ducal où Silvia, la fille du duc est là. Valentin lui présente rapidement son ami Protée. La jeune fille s’éclipse. Valentin dit alors à Protée qu’il aime Silvia, avec un ton passionné et hyperbolique. Mais, bien que l’ayant à peine vue et que précédemment amoureux de Julia, Protée déclare à son tour aimer Silvia. Or, remarquablement lucide, Protée s’interroge : « Est-ce mon œil ou les louanges de Valentin, / Sa perfection véritable ou ma perfide trahison / Qui me fait, déraisonnable, raisonner ainsi [38] ? »
L’exemple d’un personnage de Tourgueniev est particulièrement intéressant, parce qu’il avoue lui-même que cette imitation couvre la totalité des activités de sa vie : études, amour, mariage. De plus, il atteste que l’emprise de cette mimésis est tellement puissante qu’il a agi « pour ainsi dire contre ma volonté ».
« Il me semble n’avoir été créé et mis au monde que pour imiter quelqu’un ! Parole d’honneur ! Je vis en copiant les divers auteurs que j’ai lus, je vis à la sueur de mon front. J’ai étudié, j’ai aimé, je me suis marié enfin, pour ainsi dire contre ma volonté, comme si je remplissais un devoir ou répétais une leçon, Dieu sait [39] ! »
La psychanalyse freudienne en général (avec la notion d’étayage) et Jacques Lacan en particulier [40] ont relevé combien l’enfant se construit par personne interposée et, plus fortement, comme il aliène son identité au profit de celle du parent ou du tuteur. C’est ainsi que le psychanalyste français note que l’homme s’assure de son essence en affirmant, non pas : « Je suis ton mari », mais « Tu es ma femme ». Or, le « je » renvoie au sujet, alors que le « tu » renvoie à l’autre. Donc, c’est bien autrui qui alloue son identité au sujet.
Il est significatif que, dans son étude sur l’identité, le philosophe Clément Rosset consacre près de la moitié de son opuscule à « l’identité d’emprunt » [41]. Il l’établit à partir d’exemples, principalement fictionnels. Et il distingue trois types d’identification : par imitation (à partir de la thèse girardienne de la mimésis) [42] ; par étayage (à partir de la psychanalyse freudo-lacanienne) [43] ; par identification à un animal [44]. Or, ces identifications sont, en définitive, des confusions entre l’être et l’avoir [45].
Rappelons à ce sujet que la mimésis n’a rien de statique ni de désirable. L’on pourrait, là encore spontanément et faussement, penser que l’identité de désir rapproche au nom du principe selon lequel plus de similitude, c’est plus d’unité, donc plus de communion, ce que la sagesse populaire traduit dans le dicton : « Qui se ressemble s’assemble ». Or, paradoxalement, plus de similitude engendre plus de violence :
« Le ‘désespoir’ de l’amant et la coquetterie de l’aimée grandissent de concert car les deux sentiments sont copiés l’un sur l’autre. C’est un même désir, toujours plus intense, qui circule entre les deux partenaires. Si les deux mants ne sont jamais d’accord, ce n’est pas parce qu’ils sont ‘différents’ comme l’affirment le sens commun et les romans sentimentaux, c’est parce qu’ils sont trop semblables l’un à l’autre, c’est parce qu’ils sont tous des copies les uns des autres [46] ».
De même, pour les sciences sociales, le moi est une création sociale. Il y a plus d’un siècle, Proust le notait déjà au début de la Recherche : « Nous ne sommes pas un tout matériellement constitué, identique pour tout le monde et dont chacun n’a qu’à aller prendre connaissance comme d’un cahier des charges ou d’un testament ; notre personnalité sociale est une création de la pensée des autres [47] ».
Que conclure de tous ces développements ? Ils contiennent une grande vérité : au commencement, le petit d’homme, son moi, n’existe que par l’autre. Mais il arrive un moment où, jeune adulte, il doit vivre par lui et pour lui. Il ne deviendra un adulte achevé que s’il vit par soi pour l’autre. Et l’achèvement des achèvements sera de pouvoir vivre par l’autre pour l’autre, c’est-à-dire de la communion qu’est l’amour réciproque.
e) Philosophique postmoderne
J’ajouterai une conséquence, qui n’est pas une nouvelle perspective, mais la suite des perspectives précédentes, notamment psychanalytique et littéraire, reprises philosophiquement. Elle est d’autant moins une perspective qu’elle suscite une réaction, voire une réfutation. La postmodernité se caractérise par une nette tendance à l’humiliation, à la dissémination, voire à la dissolution du moi. L’une de ses sources majeures se trouve-t-elle dans une phrase fameuse de Rimbaud : « Je est un autre » ? Il est toutefois bon de revenir au contexte : dans la lettre qu’il écrit à Paul Demeny, le 15 mai 1871, le poète y parle de la puissance de création disproportionnée dont il se sent dépositaire, du « délire antique », de « l’intelligence universelle ». Certains l’interprètent comme « le paradoxe de l’équivalene entre le personnel et l’impersonnel [48] », donc du je et de l’autre. Est-ce sûr ? N’est-ce pas plutôt l’expérience d’une réceptivité à laquelle l’intuition créatrice rend particulièrement sensible ?
Mais peut-être une autre source, plus cachée, se trouve-t-elle, au fond dans l’infinité propre à l’homme, liée à sa destinée universelle et qui, perdue ou niée, se traduit en une indéfinité (le « mauvais infini » de Hegel). Comment une infinité sans voix ni visage ne se dissoudrait-elle pas en une indéfinité impersonnelle ? N’est-ce pas ce qui ressort de ce texte de Foucault qui parle de « l’épanchement indéfini du langage » ?
« Le ‘je’ qui se morcelle, se disperse et s’égaille jusqu’à disparaître en cet espace nu. Si en effet le langage n’a son lieu que dans la souveraineté solitaire du ‘je parle’, rien ne peut le limiter en droit – ni celui auquel il s’adresse, ni la vérité de ce qu’il dit, ni les valeurs ou les systèmes représentatifs qu’il utilise ; bref, il n’est plus discours et communication d’un sens, mais étalement du langage en son être brut, pure extériorité déployée ; et le sujet qui parle n’est plus tellement le responsable du discours (celui qui le tient, qui affirme et juge en lui, s’y représente parfois sous une forme grammaticale disposée à cet effet), que l’inexistence dans le vide de laquelle se poursuit sans trêve (l’épanchement indéfini du langage) [49] ».
Mais l’on assiste aussi à un retour du moi dans la psychanalyse freudienne, sous la forme de l’ego et du Self. On le sait, dans sa deuxième topique, Freud distingue trois instances : Ich, Es et Super-Ego ; or, l’anglais a pris une décision lourde de sens en traduisant Ich par « the ego » (comme Es par « the id »). La raison en est la présence, en anglais, du terme ego dans le vocabulaire psychologique et médical ; de plus, ce mot avait donné lieu à de nombreux composés comme « ego-attitude », « ego-complex », etc., tous attestés par les versions de l’Oxford English Dictionary dès le xixe siècle, et que l’on retrouve dans ego-psychology. Même Lacan, hostile à cette dernière, cède finalement lors de sa communication à la Société anglaise de psychanalyse le 3 mai 1951, qui s’intitule : « Quelques réflexions sur l’Ego [50] ». Ajoutons que le self a diffusé sous l’influence de Donald W. Winnicott. Le psychanalyste anglais distingue d’ailleurs le moi du self, et ensuite le « vrai self » (true self) et le « faux self » (false self) [51].
Pascal Ide
[1] Cette phrase sera citée plus bas.
[2] Étienne Balibar, « Je, moi, soi », Barbara Cassin (éd.), Vocabulaire européen des philosophies. Dictionnaire des intraduisibles, Paris, Seuil et Le Robert, 2004, p. 645-659, ici p. 647.
[3] Pour le détail des problèmes de traduction, cf. Ibid., p. 650-653.
[4] Ibid., p. 647.
[5] Cf. Vincent Descombes, Le parler de soi, coll. « Folio essais », Paris, Gallimard, 2014, p. 79-84.
[6] René Descartes, Discours de la méthode. Texte et commentaire d’Étienne Gilson, Commentaire du discours de la méthode, coll. « Bibliothèque des textes philosophiques », Paris, Vrin, 1962, p. 292.
[7] Cf. Gustave Guillaume, Temps et Verbe. Théorie des aspects, des modes et des temps ; suivi de L’architectonique du temps dans les langues classiques, Paris, Honoré Champion, 1929, Reproduction en fac-similé 2021.
[8] Paul Ricœur, « Préface. La question de l’identité », Soi-même comme un autre, coll. « L’ordre philosophique », Paris, Seuil, 1990, p. 11-12.
[9] Vincent Descombes, Le parler de soi, p. 27. Souligné dans le texte.
[10] Ibid., p. 28. Souligné dans le texte.
[11] Ludwig Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus, § 5.641, trad. Pierre Klossowski, coll. « Idées » n° 264, Paris, Gallimard, 1972, p
[12] Littré, Dictionnaire, entrée « Moi », n. 25-27.
[13] Michel de Montaigne, Les Essais, II, vi.
[14] Ibid., éd. Pierre Villey et Verdun-Louis Saulnier, coll. « Quadrige », Paris, p.u.f., 2004, p. 370. Souligné dans le texte.
[15] Pour le détail, cf. Vincent Carraud, L’invention du moi, collection de métaphysique, Chaire Étienne Gilson, Paris, p.u.f., 2010.
[16] Étienne Balibar, « Ego sum, ego existo. Descartes au point d’hérésie », Bulletin de la société françaie de philosophie, 3 (1992), p. ; Terence Cave, « Fragments d’un moi futur : Pascal, Montaigne, Rabelais », Fanlo Jean-Raymond (éd.), « D’une fantastique bigarrure ». Le texte composite à la Renaissance. Études offertes à André Tournon, Paris, Honoré Champion, 2000, p. 105-118 ; Jean-Claude Pariente, « La première personne et sa fonction dans le Cogito », Kim Sang Ong-Van-Cung (éd.), Descartes et la question du sujet, coll. « Débats philosophiques », Paris, p.u.f., 1999, p. 11-48.
[17] Cf. Henri Birault, « Pascal et le problème du moi introuvable », Jean-Luc Marion (éd.), La passion de la raison. Hommage à Ferdinand Alquié, Paris, p.u.f., 1983, p. 161-201 ; Vincent Carraud, Pascal et la philosophie, coll. « Épiméthée », , Paris, p.u.f., 1992, p. 315 s ; Vincent Descombes, Les embarras de l’identité, coll. « NRF Essais », Paris, Gallimard, 2013, p. 160-164 ; Charles-Olivier Stiker-Métral, Narcisse contrarié. L’amour propre dans le discours moral en France (1650-1715), Paris, Honoré Champion, 2007, « Le moi sans qualités », p. 169 s.
[18] Blaise Pascal, Pensées, Brunschvicg 469 ; Lafuma 135 ; Sellier 167.
[19] Ibid., éd. Brunschvicg 323 ; éd. Lafuma 688 (série XXV) ; éd. Sellier 567.
[20] Cf., centré sur le chapitre si décisif que nous allons dire, John Locke, Identité et difference. L’invention de la conscience, trad. Étienne Balibar, coll. « Points. Essais », Paris, Seuil, 1998.
[21] Cf. John Locke, An Essay Concerning Human Understanding, L. II, chap. xxvii.
[22] Étienne Balibar, « Je, moi, soi », p. 650.
[23] Johann Fichte, Les principes de la doctrine de la science, dans Œuvres choisies de philosophie première, trad. Alexis Philonenko, coll. « Bibliothèque des textes philosophiques », Paris, Vrin, 1972 (31990), p. 129.
[24] « Dass der Mensch in seiner Vorstellung das Ich haben kann, erhebt ihn unendlich über alle andere auf Erden lebende Wesen. Dadurch ist er eine Person ». (Emmanuel Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique, § 1, trad. Michel Foucault, coll. « Bibliothèque des textes philosophiques », Paris, Vrin, 1964, p. ).
[25] Pierre Maine de Biran, De l’aperception immédiate. Mémoire de Berlin 1807, éd. Anne Devarieux, coll. « Classiques de la philosophie », Paris, Librairie générale française – Le livre de poche , 2005, p. 79.
[26] Vincent Descombes, Le parler de soi, p. 25. Souligné dans le texte.
[27] Dictionnaire de l’Académie française, éd. 1762. Souligné dans le texte.
[28] Joseph Addison, The Spectator, 562 (1814). Cité par André Lalande, entrée « Égotisme », Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, p.u.f., 111972, p. 272, note. Lalande ajoute qu’il n’a pas trouvé ce terme dans la Grammaire ou la Logique de Port-Royal.
[29] André Lalande, entrée « Égotisme », Ibid.
[30] Stendhal, Œuvres intimes, éd. Victor del Litto, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, Gallimard, 2 vol., tome 2, 1982, p. 429.
[31] Ibid., p. 429-430.
[32] Ibid., p. 430.
[33] Ibid., p. 430-431.
[34] Ibid., p. 487. Souligné dans le texte.
[35] Vie de Henry Brulard, chap. 1, Œuvres intimes, tome 2, p. 533. Souligné dans le texte.
[36] Anthony Kenny, The Metaphysics of Mind, Oxford, Oxford University Press, 1989, p. 88.
[37] René Girard, Mensonge romantique et Vérité romanesque, Paris, Grasset, 1961, coll. « Pluriel », p. 16.
[38] René Girard, Shakespeare. Les feux de l’envie, trad. Bernard Vincent, Paris, Grasset, 1990, p. 17 s.
[39] Ivan Tourgueniev, Mémoires d’un chasseur, trad. Henri Mongault, coll. « Folio » n° 1264, Paris, Gallimard, 1981, p. 426. Cité par Clément Rosset, Loin de moi, p. 46, analysé p. 46-48.
[40] Voici ce qu’écrit Pierre Bayard, parlant de Maupassant, mais s’inspirant de Lacan : « S’il fallait, de façon presque caricaturale, opposer le système théorique implicite de Maupassant à celui, explicite, de Freud, nous dirions que l’un [Freud] met au premier plan la sexualité et l’autre l’identité » (Pierre Bayard, Maupassant, juste avant Freud, coll. « Paradoxe », Paris, Minuit, 1994, p. 51-52. Souligné dans le texte).
[41] Cf. Clément Rosset, Loin de moi. Étude sur l’identité, Paris, Minuit, 1999, chap. 2 : « L’identité d’emprunt ».
[42] Ibid., p. 41-48.
[43] Ibid., p. 48-65.
[44] Ibid., p. 65-66.
[45] Ibid., p. 66-78.
[46] René Girard, Mensonge romantique et Vérité romanesque, coll. « Pluriel », p. 126.
[47] Marcel Proust, Du côté de chez Swann. Première partie. Combray, I, p.
[48] Étienne Balibar, « Je, moi, soi », Barbara Cassin (éd.), Vocabulaire européen des philosophies. Dictionnaire des intraduisibles, Paris, Seuil et Le Robert, 2004, p. 645-659, ici p. 656.
[49] Michel Foucault, La pensée du dehors, Montpellier, Fata Morgana, 1986, chap. 1.
[50] Jacques Lacan, « Quelques réflexions sur l’Ego », publié en anglais dans le Journal International of Psychoanalysis, 1953, trad. dans Le Coq-Héron, 78 (1980), p. 3-13. Cf. Ogilvie, Lacan, la formation du concept de sujet, Paris, p.u.f., 1987, p. 52.
[51] Sur l’apport de Winnicott, cf. l’évaluation de Jean-Baptiste Pontalis, « Naissance et reconnaissance du ‘soi’ », Entre le rêve et la douleur, coll. « Tel », Paris, Gallimard, 1977, p. 159-189. Il y relève notamment que les psychanalystes anglo-saxons font appel au soi pour « répondre à des problèmes que leur posait l’analyse de leurs partients et non [pour] démontrer l’insuffisance ou la carence de la métapsychologie freudienne ».